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22/02/2022 | FRANCE | N°21-81536

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 2022, 21-81536


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 21-81.536 F-D

N° 00235

RB5
22 FÉVRIER 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2022

Mme [C] [Y] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-11, en date du 8 décembre 2020, qui, dans la pro

cédure suivie contre elles du chef de détournement d'objets saisis, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont join...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 21-81.536 F-D

N° 00235

RB5
22 FÉVRIER 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2022

Mme [C] [Y] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-11, en date du 8 décembre 2020, qui, dans la procédure suivie contre elles du chef de détournement d'objets saisis, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C] [Y] et de la société [2], les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société [3], qui commercialise en France des véhicules automobiles, a conclu un contrat de concession avec la société [2], ayant en dernier lieu pour gérante et associée unique Mme [C] [Y].

3. Par lettre du 13 novembre 2015, elle a notifié à la société [2] la résiliation du contrat et, sur autorisation d'un juge de l'exécution, a fait procéder à la saisie conservatoire d'un certain nombre de véhicules.

4. Assignée en rupture brutale de relation commerciale établie, la société [3] a ultérieurement fait citer directement la société [2] et Mme [Y] devant le tribunal correctionnel pour avoir détourné dix-huit véhicules saisis entre ses mains en garantie des droits d'un créancier et confiés à sa garde.

5. Les juges du premier degré les ont relaxées et ont débouté de ses demandes la partie civile qui a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'en détournant seize véhicules saisis, la société [2] et Mme [Y] ont commis une faute civile engageant leur responsabilité à l'égard de la société [3] a condamné Mme [Y] à des dommages et intérêts et a fixé la créance de la société [3] au passif de la société [2], alors « que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire soulevé par les exposantes et tenant à ce que l'instance en cours, interrompue par l'ouverture d'une procédure collective, n'avait pu valablement reprendre faute pour la société [3] d'avoir mis dans la cause le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

9. Prononçant sur un appel relatif à une société intimée faisant l'objet d'une procédure collective, l'arrêt mentionne que cette société a été placée sous procédure de sauvegarde, que la société [1] prise en la personne de Maître [H] [L] a été désignée mandataire judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 janvier 2018, que la citation directe a été dénoncée le 12 février 2018 à ce dernier, lequel a été maintenu à ses fonctions par jugement arrêtant le plan de sauvegarde du 26 juillet 2019, et que la créance a été régulièrement déclarée pour un certain montant incluant les frais de saisies conservatoires.

10. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société intimée qui soutenait que la procédure d'appel n'avait pas été dénoncée à Maître [T], désigné commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde par le jugement du 26 juillet 2019, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que Mme [Y] et la société [2] sont tenues solidairement au paiement de la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier de la société [3], alors :

« 1°/ que si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en évaluant le préjudice financier résultant du détournement de garantie constitué par les véhicules saisis à la somme de 80 000 euros, sans préciser les modalités de cette évaluation et alors que la différence entre le prix de revente par le concessionnaire aux clients finaux retenu (465 079 euros) et le prix d'achat des véhicules par le concessionnaire au constructeur (411 827 euros), sur laquelle la cour d'appel semble s'être appuyée, fait ressortir que la perte de garantie ne pouvait être évaluée à plus 53 252 euros, ce dont il résulte un profit de près de 30 000 euros pour la société [3], en violation du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que la cour d'appel ne pouvait pas sans contradiction retenir que la société [2] ne pouvait pas être condamné « eu égard à la procédure collective en cours » et dans le dispositif dire qu'elle était tenue solidairement au paiement de l'indemnité. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

Vu les articles 593 du code de procédure pénale et 1241 du code civil :

13. Si les juges du fond apprécient souverainement le montant du préjudice subi par la victime d'une faute civile, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés.

14. Pour allouer la somme de 80 000 euros à la partie civile, l'arrêt énonce que le préjudice résultant du détournement d'un objet saisi est constitué de la perte de garantie et qu'il ne saurait donc être confondu avec la créance préexistante que garantissait la saisie.

15. Les juges ajoutent qu'en l'espèce, l'assiette de la garantie dont le créancier a été privé du fait du détournement portant sur un stock de seize véhicules neufs destinés à être vendus dans le cadre d'une conversion en saisie-vente, auquel cas la vente est alors amiable et, à défaut, se réalise aux enchères publiques, que le prix escompté se situe entre le prix d'achat des véhicules par le concessionnaire au constructeur (411 827 euros) et le prix de revente par le concessionnaire aux clients finaux (465 079 euros).

16. La cour d'appel en conclut que, compte tenu du plan de sauvegarde en cours, elle dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer le préjudice financier à la somme de 80 000 euros.

17. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur le calcul qu'elle a effectué, alors que la différence entre les deux sommes qu'elle cite s'élève à seulement 53 252 euros, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

18. La cassation est de nouveau encourue de ce chef.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

19. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. La contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs.

20. Dans ses motifs, l'arrêt énonce que les deux prévenues seront tenues in solidum au préjudice financier de 80 000 euros, que Mme [Y] sera condamnée au paiement de cette somme et que la créance sera seulement fixée à l'encontre de la société [2], eu égard à la procédure collective en cours qui la dessaisit de son patrimoine.

21. Dans le dispositif, la cour d'appel, après avoir fixé à la somme de 80 000 euros la créance de la partie civile au passif de la société [2] et condamné Mme [Y] au paiement de cette somme, énonce qu'elles sont toutes deux « tenues solidairement au paiement » de cette indemnité.

22. En l'état de ces mentions contradictoires, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

23. La cassation est de nouveau encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 8 décembre 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-81536
Date de la décision : 22/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 2022, pourvoi n°21-81536


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.81536
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