LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 192 F-D
Pourvoi n° M 20-20.238
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
Mme [C] [U], domiciliée [Adresse 8], a formé le pourvoi n° M 20-20.238 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige l'opposant à M. [D] [B] [G], domicilié [Adresse 9], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SCP Célice Texidor, Périer, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 5 février 2019), Mme [U], qui a repris l'exploitation agricole de M. [L] lorsqu'il a fait valoir ses droits à la retraite, a sollicité de M. [B] [G] qu'il lui consente un bail rural sur les parcelles qu'il avait précédemment mises à la disposition de celui-ci.
2. Par requête du 25 juillet 2016, soutenant qu'elle avait accepté une proposition de bail à long terme qu'un notaire lui avait adressée en août 2015, Mme [U] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d'un bail de dix-huit ans, en réitération, sous astreinte, en forme authentique et en indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que l'acceptation pure et simple d'une offre de bail comportant les caractéristiques essentielles du contrat proposé vaut bail ; qu'en retenant, pour juger que la preuve de l'acceptation par Madame [U] de l'offre de bail de Monsieur [B] [G] n'est pas rapportée, que la page d'échanges de mails entre Madame [U] et le notaire Monsieur [B] [G] comportait « des lignes qui correspondent à un découpage et un recollage avant photocopie », que l'un des deux mails et Madame [U] ne faisait pas apparaître « l'expéditeur, la date, le destinataire et l'objet » et que les mails « n'apparaissaient pas en ordre chronologique », motifs impropres à écarter l'authenticité du mail adressé par Madame [U] au notaire le 9 septembre 2015 à 23 heures 03 qui valait à lui seul acceptation de l'offre de bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code rural, 1118, 1316-1 et 1709 du code civil ;
2°/ que les dispositions de l'article 1316-1 du code civil selon lesquelles l'écrit sous forme électronique ne vaut preuve qu'à condition que son auteur puisse non seulement être dûment identifié, mais également qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tous moyens de preuve ; qu'en se fondant, pour affirmer que Madame [U] n'établissait pas avoir accepté l'offre de bail émise par le notaire de Monsieur [B] [G], que les courriers électroniques produits aux débats par Madame [U] pour rapporter la preuve de son acceptation ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 1316-1 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 1709 et 1118 du Code civil ;
3°/ qu'en retenant également, pour rejeter la demande de Mme [U] tendant à voir constater l'existence d'un bail rural portant sur les parcelles appartenant à M. [B] [G], que « le courriel de Me [E] produit par Mme [U] ne constitue pas un accusé de réception de cette acceptation » quand, le notaire ne contestant pas que l'adresse électronique figurant sur le document était bien la sienne, la preuve de la réception instantanée de l'acceptation par le notaire résidait dans la confirmation de la validité de l'adresse à laquelle le courriel de Mme [U] avait été envoyé, de sorte qu'il était indifférent que le contenu du courriel du notaire ne constituât pas un accusé de réception, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1 du code rural, 1709 du code civil, ensemble l'article 1316-1 du même code ;
4°/ que, si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter ou de présenter une déclaration préalable, le bail est conclu sous réserve de l'octroi de ladite autorisation ; que le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée dans le délai imparti par l'autorité administrative emporte la nullité du bail que le préfet, le bailleur ou la safer, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux ; que seul le refus du preneur, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure d'autorisation peut entraîner son interdiction d'exploiter et la nullité d'une promesse de bail ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de Mme [U], que M. [B] [G] était bien fondé à subordonner la conclusion de contrat de bail à la production, par Mme [U], de l'autorisation d'exploiter qu'elle avait sollicitée, sans avoir constaté son refus, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure d'autorisation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L.331-6 du code rural ;
5°/ subsidiairement, que l'acceptation d'une offre de bail vaut bail dès lors que cette dernière comporte l'ensemble des éléments essentiels à la convention intervenue ; qu'en présence de l'acceptation d'une offre ferme et précise portant sur la chose devant être louée, la durée du bail et le montant du loyer, dont elle avait constaté qu'elle constituait une offre de bail valable, la cour d'appel aurait dû constater la conclusion du bail ; qu'en la subordonnant à la production, par Mme [U], de l'autorisation d'exploiter qu'elle avait sollicitée, que la loi ne prévoyait pas, la cour d'appel a violé les articles 1709 du code civil, ensemble l'article 1719 du même code et l'article L. 411-1 du code rural. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, ayant exactement retenu que l'offre est la proposition ferme de conclure un contrat à des conditions déterminées, de sorte que son acceptation suffise à sa formation, et relevé qu'un notaire, mandataire de M. [B] [G], avait adressé à Mme [U] une offre de bail à long terme précise quant à son prix, aux conditions de la location de dix -huit ans, et à son objet, la cour d'appel a constaté, sans méconnaître le principe de liberté de la preuve de faits, que Mme [U] n'établissait, comme cela lui incombait, ni de l'avoir acceptée purement et simplement ni d'avoir reçu du notaire un courriel le lui confirmant, avant même la rupture des pourparlers par le propriétaire des parcelles.
5. D'autre part, ayant relevé que Mme [U] avait elle-même antérieurement invité le propriétaire des parcelles à viser une demande d'autorisation d'exploiter qu'elle devait joindre à un dossier présenté à l'administration du contrôle des structures et retenu que la candidate s'était abstenue de justifier de sa situation sur ce point, alors que cela lui était imposé par l'offre qu'elle avait reçue, la cour d'appel a pu en déduire que la réalisation de la proposition d'un bail à long terme n'était pas intervenue.
6. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme [U]
Mme [U] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à voir confirmer le jugement en ce qu'il a constaté qu'a été conclu entre elle et M, [B] [G] un bail rural de 18 ans, à compter du 1er octobre 2015, pour un fermage annuel de 140 euros l'hectare, et portant sur les terres situées sur la commune de [Localité 7] (53), cadastrées AOI [Cadastre 3], A[Cadastre 1], AOI [Cadastre 4], AOI [Cadastre 5], AOI [Cadastre 6] et A[Cadastre 2], pour une surface totale de 11 ha 39 a 75 ca, avec prise en charge par le preneur de 99 % de la taxe foncière et moitié des frais de chambre d'agriculture, et prise en charge par le preneur des frais de bail à long terme, ordonner à M. [B] [G] et à défaut le condamner, dans le délai d'un mois après la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai et en l'absence de conclusion dudit bail devant notaire dans la même période de temps, en disant que ladite astreinte journalière s'appliquera pendant une durés de trois mois, passé lequel délai, elle pourra être renouvelée, la dire et juger recevable et bien-fondée en son appel incident, et y faire droit, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 2.000 euros, et, statuant à nouveau, condamner M. [B] [G] à lui payer en indemnisation de son préjudice, la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
1°) ALORS QUE l'acceptation pure et simple d'une offre de bail comportant les caractéristiques essentielles du contrat proposé vaut bail ; qu'en retenant, pour juger que la preuve de l'acceptation par Madame [U] de l'offre de bail de Monsieur [B] [G] n'est pas rapportée, que la page d'échanges de mails entre Madame [U] et le notaire Monsieur [B] [G] comportait « des lignes qui correspondent à un découpage et un recollage avant photocopie », que l'un des deux mails et Madame [U] ne faisait pas apparaître « l'expéditeur, la date, le destinataire et l'objet » et que les mails « n'apparaissaient pas en ordre chronologique », motifs impropres à écarter l'authenticité du mail adressé par Madame [U] au notaire le 9 septembre 2015 à 23 heures 03 qui valait à lui seul acceptation de l'offre de bail, la Cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code rural, 118, 1316-1 et 1709 du code civil ;
2°) ALORS QUE les dispositions de l'article 1316-1 du code civil selon lesquelles l'écrit sous forme électronique ne vaut preuve qu'à condition que son auteur puisse non seulement être dûment identifié, mais également qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tous moyens de preuve ; qu'en se fondant, pour affirmer que Madame [U] n'établissait pas avoir accepté l'offre de bail émise par le notaire de Monsieur [B] [G], que les courriers électroniques produits aux débats par Madame [U] pour rapporter la preuve de son acceptation ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 1316-1 du Code civil, la Cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 1709 et 1118 du Code civil ;
3°) ET ALORS QU'en retenant également, pour rejeter la demande de Mme [U] tendant à voir constater l'existence d'un bail rural portant sur les parcelles appartenant à M. [B] [G], que « le courriel de Me [E] produit par Mme [U] ne constitue pas un accusé de réception de cette acceptation » quand, le notaire ne contestant pas que l'adresse électronique figurant sur le document était bien la sienne, la preuve de la réception instantanée de l'acceptation par le notaire résidait dans la confirmation de la validité de l'adresse à laquelle le courriel de Mme [U] avait été envoyé, de sorte qu'il était indifférent que le contenu du courriel du notaire ne constituât pas un accusé de réception, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1 du code rural, 1709 du code civil, ensemble l'article 1316-1 du même code ;
4°) ALORS, ENCORE, QUE si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter ou de présenter une déclaration préalable, le bail est conclu sous réserve de l'octroi de ladite autorisation ; que le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée dans le délai imparti par l'autorité administrative emporte la nullité du bail que le préfet, le bailleur ou la safer, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux ; que seul le refus du preneur, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure d'autorisation peut entraîner son interdiction d'exploiter et la nullité d'une promesse de bail ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de Mme [U], que M. [B] [G] était bien fondé à subordonner la conclusion de contrat de bail à la production, par Mme [U], de l'autorisation d'exploiter qu'elle avait sollicitée, sans avoir constaté son refus, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure d'autorisation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L.331-6 du code rural ;
5°) ALORS ENFIN, subsidiairement, QUE l'acceptation d'une offre de bail vaut bail dès lors que cette dernière comporte l'ensemble des éléments essentiels à la convention intervenue ; qu'en présence de l'acceptation d'une offre ferme et précise portant sur la chose devant être louée, la durée du bail et le montant du loyer, dont elle avait constaté qu'elle constituait une offre de bail valable, la cour d'appel aurait dû constater la conclusion du bail ; qu'en la subordonnant à la production, par Mme [U], de l'autorisation d'exploiter qu'elle avait sollicitée, que la loi ne prévoyait pas, la cour d'appel a violé les articles 1709 du code civil, ensemble l'article 1719 du même code et l'article L. 411-1 du code rural.