LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 février 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 216 F-D
Pourvoi n° G 20-19.545
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Flandres, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-19.545 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à M. [M] [W], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Flandres, de Me Haas, avocat de M. [W], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 mai 2020), M. [W] (la victime), a déclaré une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, le 3 août 2015, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse).
2. La caisse ayant refusé, après avis défavorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, la victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'affection déclarée par la victime le 3 août 2015 est une maladie professionnelle, et de la renvoyer devant elle pour la liquidation de ses droits, alors « qu'en application de l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur, une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé ; qu'en retenant, au contraire des avis des deux comités régionaux saisis, que la maladie de la victime devait être reconnue d'origine professionnelle au seul motif tiré de l'existence d'une exposition à l'amiante, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si cette maladie était désignée dans un tableau ou si elle avait été directement et essentiellement causée par le travail habituel de cette victime, a privé sa décision de base légale au regard du premier des textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, applicable au litige :
4. Aux termes de ce texte, peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
5. Pour accueillir le recours de la victime, l'arrêt constate que son exposition à l'amiante est établie, sans démonstration d'un facteur extra professionnel, de sorte que c'est à juste raison que les premiers juges ont fait droit à sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si cette pathologie avait été directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres
La Cpam des Flandres fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'affection déclarée par M. [M] [W] le 3 août 2015 est une maladie professionnelle, et renvoyé M. [M] [W] devant la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres pour la liquidation de ses droits,
1° ALORS QU'en vertu des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'avait invoqué ou formé devant la cour d'appel une demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie de M. [W] selon la procédure complémentaire prévue par l'article L 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale pour les maladies désignées dans un tableau dont elles ne remplissent pas toutes les conditions, impliquant qu'il soit établi qu'elles sont directement causées par le travail habituel de la victime, mais seulement une demande de reconnaissance au titre des maladies non désignées dans un tableau, régie par l'article L 461-1 alinéa 4 du même code imposant la constatation de ce que ces maladies ont été essentiellement et directement causées par le travail habituel de la victime ; qu'en disant que le comité régional des maladies professionnelles avait été saisi en application de l'article L 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, ce qui l'a conduite à retenir le caractère professionnel de la maladie de M. [W] au seul motif qu'il était établi une exposition à l'amiante, ce qui n'avait été ni soutenu ni demandé par l'une ou l'autre des partie, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés,
2° ALORS QUE les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles du Nord Pas-de-Calais, comme celui de de [Localité 2] Nord-Est, régulièrement versés aux débats, mentionnaient clairement que ces derniers avaient été saisis en application de l'article L 461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale pour une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles ; qu'en disant que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de l'affection déclarée par M. [W] avait été soumise pour avis au comité régional du Nord Pas-de-Calais en application de l'article L 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, la condition tenant à la liste limitative des travaux n'étant pas remplie, ce qui l'a conduite à examiner cette demande sous le seul angle de l'exposition au risque de cette maladie, la cour d'appel violé le principe susvisé,
3° ALORS QU'en application de l'article L 461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur, une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé ; qu'en retenant, au contraire des avis des deux comités régionaux saisis, que la maladie de M. [W] devait être reconnue d'origine professionnelle au seul motif tiré de l'existence d'une exposition à l'amiante, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si cette maladie était désignée dans un tableau ou si elle avait été directement et essentiellement causée par le travail habituel de cette victime, a privé sa décision de base légale au regard du premier des textes susvisés,
4° ALORS QU'en tout état de cause, selon l'article R. 142-24 du code de la sécurité sociale, lorsqu'un différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à l'état de la victime, notamment au regard des conditions de désignation d'une maladie par un tableau de maladies professionnelles, la juridiction de sécurité sociale ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique prévue par le premier ; qu'en disant, après avoir écarté les avis des deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles saisis en l'espèce, que le caractère professionnel de la maladie de M. [W] devait être reconnu, tandis que la solution du litige dont elle était saisie dépendait de l'appréciation de l'état de ce dernier au regard des conditions de désignation d'une maladie par un tableau de maladies professionnelles, la cour d'appel, qui n'a pas ordonné la mise en oeuvre d'une expertise médicale technique pour trancher cette difficulté d'ordre médical a violé par fausse application le texte susvisé, ensemble l'article L 141-1 du même code.