LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 février 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 205 F-D
Pourvoi n° V 20-18.935
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-18.935 contre le jugement rendu le 17 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Créteil (pôle social), dans le litige l'opposant à M. [T] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort (tribunal judiciaire de Créteil, 17 juin 2020), la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] (la caisse) ayant refusé, le 27 avril 2017, de lui verser les indemnités journalières afférentes à la prolongation d'arrêt de travail pour la période du 6 juin au 8 juillet 2016, au motif de l'envoi tardif de l'avis d'arrêt de travail, M. [B] (l'assuré) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief au jugement de faire droit à la demande de l'assuré et de la condamner au paiement d'indemnités journalières, alors :
« 1°/ qu'il appartient à l'assuré de démontrer avoir adressé à la caisse l'arrêt de travail de prolongation dans les deux jours de sa prescription ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 24 avril 2017 le duplicata de la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 6 juin au 6 juillet 2016 de sorte que son contrôle avait été rendu impossible pendant toute la période d'interruption de travail visée par cette prolongation ; que la cour d'appel a constaté que pour justifier de l'accomplissement de la formalité d'envoi l'assuré se bornait à affirmer avoir transmis l'avis de prolongation d'arrêt de travail à la caisse dans le délai de 48 heures prescrit par le code de la sécurité sociale ; qu'en retenant, pour considérer qu'un faisceau d'indices permettait de confirmer les affirmations de l'assuré, que son employeur avait bien réceptionné le document dans ce délai, que les arrêts précédents avaient été envoyés dans les temps à la caisse comme à l'employeur, que l'assuré avait bénéficié d'un maintien de salaire et qu'il n'avait pu suspecter l'existence d'une anomalie dans le traitement de son dossier à la caisse et enfin qu'aucun contrôle médical n'avait jamais été diligenté par le service de contrôle de la caisse au cours des différentes périodes d'arrêt de travail, le tribunal a statué par des motifs insusceptibles de caractériser l'envoi, par l'assuré, de l'avis de prolongation d'arrêt de travail à une date permettant à la caisse d'exercer son contrôle et violé les articles R. 321-2 et R. 323-12 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été impossible ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 24 avril 2017 le duplicata de la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 6 juin au 6 juillet 2016, de sorte que son contrôle avait été rendu impossible pendant toute la période d'interruption de travail visée par cette prolongation ; qu'en condamnant la caisse au paiement des indemnités correspondant à cette période au prétexte inopérant que l'assuré était de bonne foi et que l'ensemble des éléments permettaient d'exclure toute volonté de fraude de sa part, le tribunal a statué par des motifs inopérants et violé les articles R. 321-2 et R. 323-12 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 321-2, alinéa 2, et R. 323-12 du code de la sécurité sociale :
3. Il résulte du premier de ces textes qu'en cas de prolongation de l'arrêt de travail initial, l'assuré doit envoyer à la caisse primaire d'assurance maladie, dans les deux jours suivant la prescription de prolongation, une lettre d'avis d'interruption de travail indiquant, d'après les prescriptions du médecin, la durée probable de l'incapacité de travail. Selon le second, la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible.
4. Pour condamner la caisse à servir les indemnités journalières litigieuses, le jugement énonce que la bonne foi de l'assuré est présumée et que s'il lui appartient d'établir qu'il a envoyé dans le délai de 48 heures l'avis d'interruption de travail, ses seules affirmations étant insuffisantes pour constituer une preuve, il n'en va pas de même lorsqu'un faisceau d'indices permet de confirmer la réalité des propos de l'assuré. Il retient que les différents arrêts de travail subis par l'assuré depuis le 1er janvier 2016 ont toujours été adressés en même temps et sans incident de transmission à l'employeur et à la caisse, que l'employeur a été destinataire dans le délai prescrit de l'avis de prolongation d'arrêt de travail litigieux, que l'assuré n'a été informé qu'en avril 2017 du refus de la caisse de lui verser les indemnités, qu'il n'a jamais fait l'objet d'un contrôle médical au cours des périodes d'arrêt de travail précédentes et que l'ensemble de ces éléments permet d'exclure une volonté de fraude de sa part.
5. En statuant ainsi, par des motifs insusceptibles de caractériser l'envoi par l'assuré de l'avis de prolongation de l'arrêt de travail à une date permettant à la caisse d'exercer son contrôle, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Créteil ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Créteil autrement composé ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du [Localité 3]
La CPAM [Localité 3] FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR fait droit à la demande présentée par M. [B], d'AVOIR condamné la CPAM du [Localité 3] à lui payer des indemnités journalières pour la période du 7 juin au 8 juillet 2016 et d'AVOIR ordonné l'exécution provisoire de la décision.
1. ALORS QU'il appartient à l'assuré de démontrer avoir adressé à la caisse l'arrêt de travail de prolongation dans les deux jours de sa prescription ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 24 avril 2017 le duplicata de la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 6 juin au 6 juillet 2016 de sorte que son contrôle avait été rendu impossible pendant toute la période d'interruption de travail visée par cette prolongation ; que la cour d'appel a constaté que pour justifier de l'accomplissement de la formalité d'envoi l'assuré se bornait à affirmer avoir transmis l'avis de prolongation d'arrêt de travail à la CPAM dans le délai de 48 heures prescrit par le code de la sécurité sociale (arrêt p.2§6) ; qu'en retenant, pour considérer qu'un faisceau d'indices permettait de confirmer les affirmations de l'assuré, que son employeur avait bien réceptionné le document dans ce délai, que les arrêts précédents avaient été envoyés dans les temps à la caisse comme à l'employeur, que l'assuré avait bénéficié d'un maintien de salaire et qu'il n'avait pu suspecter l'existence d'une anomalie dans le traitement de son dossier à la CPAM et enfin qu'aucun contrôle médical n'avait jamais été diligenté par le service de contrôle de la CPAM au cours des différentes périodes d'arrêt de travail, le tribunal a statué par des motifs insusceptibles de caractériser l'envoi, par l'assuré, de l'avis de prolongation d'arrêt de travail à une date permettant à la caisse d'exercer son contrôle et violé les articles R.321-2 et R.323-12 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS en tout état de cause QUE la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été impossible ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 24 avril 2017 le duplicata de la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 6 juin au 6 juillet 2016 de sorte que son contrôle avait été rendu impossible pendant toute la période d'interruption de travail visée par cette prolongation ; qu'en condamnant la CPAM du [Localité 3] au paiement des indemnités correspondant à cette période au prétexte inopérant que l'assuré était de bonne foi et que l'ensemble des éléments permettaient d'exclure toute volonté de fraude de sa part, le tribunal a statué par des motifs inopérants et violé les articles R.321-2 et R.323-12 du code de la sécurité sociale ;