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16/02/2022 | FRANCE | N°20-18266

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 février 2022, 20-18266


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 174 F-D

Pourvoi n° T 20-18.266

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Cosy Home, société par actions simpl

ifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-18.266 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, ch...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 174 F-D

Pourvoi n° T 20-18.266

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Cosy Home, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-18.266 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BG Horizons BGH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [M] [E], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le défendeur invoque, à l'appui de son pourvoi incident éventuel, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de la société Cosy Home, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [E], de Me Balat, avocat de la société BG Horizons BGH, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2020), le 10 juin 2016, M. [E], associé unique de la société Idy Gestion, constituant une agence immobilière, dont il souhaitait vendre l'intégralité des parts, a conclu avec la société BG Horizons BGH (l'agent immobilier) un mandat de vente. Le 7 juillet 2016, la société Cosy Home a chargé l'agent immobilier de lui présenter des cabinets d'administration à acquérir.

2. Le 23 novembre 2016, la société Cosy Home a adressé une offre d'achat des parts de la société Idy Gestion, puis, le 15 décembre 2016, a conclu un protocole valant convention de cession des titres de cette société sous condition suspensive de réalisation d'une information des salariés, la signature définitive de la vente devant intervenir au plus tard le 28 février 2017.

3. Le protocole prévoyait que la transaction était conclue par l'entremise de l'agent immobilier, que l'intégralité de ses honoraires de négociation fixés à la somme de 51 600 euros toutes taxes comprises seraient supportés par le cessionnaire, qu'à défaut de réitération de l'acte par l'une des parties, une fois la condition suspensive réalisée, l'autre pourrait l'y contraindre par tout moyen de droit après une mise en demeure et que la partie défaillante devrait verser à chacune des parties à l'intermédiaire une indemnité d'un montant égal à celui de ses honoraires prévus.

4. La signature de l'acte de vente définitif a été reportée à plusieurs reprises avant que la société Idy Gestion notifie le 3 avril 2017 à la société Cosy Home qu'elle n'était plus liée par le protocole.

5. Le 29 mai 2017, l'agent immobilier a assigné en paiement la société Cosy Home et sollicité sa condamnation au paiement de ses honoraires.

6. En appel, l'agent immobilier a assigné M. [E] en intervention forcée, lequel a soulevé son irrecevabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Cosy Home fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'agent immobilier, la somme de 51 300 euros, outre des intérêts, alors « que le refus du mandant de réaliser l'opération aux conditions convenues par le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acte de cession des titres de la société Idy Gestion à la société Cosy Home prévue par le protocole d'accord du 15 décembre 2016 n'avait pas été signé, et que la société Idy Gestion avait notifié le 3 avril 2017 à la société Cosy Home qu'elle n'était plus liée par le protocole ; qu'en condamnant la société Cosy Home à payer à la société BG Horizons, agent immobilier ayant servi d'intermédiaire, le montant de la clause pénale prévue par ce protocole au motif inopérant qu'elle était la partie défaillante et ne démontrait pas sa bonne foi, quand le refus de la société Cosy Home de signer l'acte de cession, à le supposer établi, ne pouvait justifier sa condamnation au paiement de la clause pénale, dès lors que la cession n'avait pas été réalisée, la cour d'appel a violé l'article 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, I, de la loi du 2 janvier 1970 :

8. Il résulte de ce texte qu'aucune somme d'argent n'est dûe à l'agent immobilier ou ne peut être exigée ou acceptée par lui avant qu'une des opérations visées ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties et que le refus de l'acquéreur de réaliser l'opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

9. Pour condamner la société Cosy Home au paiement à l'agent immobilier de la somme de 51 300 euros, l'arrêt retient que la condition suspensive prévue au protocole a été levée et la mise en demeure réalisée, de sorte que cette société échoue à démontrer que les honoraires prévus au titre de la clause pénale ne sont pas dus.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. M. [E] fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'irrecevabilité de son intervention forcée, alors « que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555 du code de procédure civile, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que la connaissance que pouvait avoir le demandeur à l'intervention forcée de l'élément de preuve dont il prétend que la production en appel constitue un fait nouveau est exclusive de toute évolution du litige ; qu'en retenant que la production du procès-verbal de constat dressé par Maître [R], huissier de justice, relatif à la réunion du 3 avril 2017, est un élément nouveau justifiant le rejet du moyen pris de l'irrecevabilité de l'intervention forcée soulevé par M. [E], cependant qu'il résultait des constatations des premiers juges que cet élément était connu de la société BG Horizons en première instance, qui s'était dite dans l'incapacité de le produire, de sorte que cette dernière tentait ainsi de remédier à sa propre carence probatoire en première instance, qui ne la dispensait alors pas à ce stade de mettre en cause M. [E] et qui, en conséquence, était insusceptible de caractériser une évolution du litige, la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code de procédure civile :

12. Il ressort de ce texte que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

13. Pour déclarer recevable l'intervention forcée de M. [E], l'arrêt retient que celle-ci découle de la production d'un procès-verbal dressé par un huissier de justice, relatif à une réunion du 3 avril 2017 et qu'il n'est pas contesté que ce document, reçu par l'agent immobilier, le 12 octobre 2018, n'a pas été versé aux débats devant les premiers juges qui l'ont formellement mentionné.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que cet élément était connu de l'agent immobilier en première instance, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une évolution du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Comme suggéré par le demandeur au pourvoi incident, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la recevabilité de l'intervention forcée de M. [E].

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'intervention forcée de M. [E] et en ce qu'il condamne la société Cosy Home à payer la somme de 51 300 euros à la société BG Horizons GBH, l'arrêt rendu le 9 mars 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi sur le premier point ;

Déclare irrecevable l'intervention forcée de M. [E] ;

Remet, sur le second point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour la société Cosy Home

La société Cosy Home fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à la société BG Horizons, agent immobilier, la somme de 51 300 euros en principal,

1°) ALORS QUE le refus du mandant de réaliser l'opération aux conditions convenues par le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acte de cession des titres de la société IDY Gestion à la société Cosy Home prévue par le protocole d'accord du 15 décembre 2016 n'avait pas été signé, et que la société IDY Gestion avait notifié le 3 avril 2017 à la société Cosy Home qu'elle n'était plus liée par le protocole ; qu'en condamnant la société Cosy Home à payer à la société BG Horizons, agent immobilier ayant servi d'intermédiaire, le montant de la clause pénale prévue par ce protocole au motif inopérant qu'elle était la partie défaillante et ne démontrait pas sa bonne foi, quand le refus de la société Cosy Home de signer l'acte de cession, à le supposer établi, ne pouvait justifier sa condamnation au paiement de la clause pénale, dès lors que la cession n'avait pas été réalisée, la cour d'appel a violé l'article 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la clause pénale figurant dans le protocole d'accord du 15 décembre 2015 stipulait que « dans le cas où, une fois la condition suspensive réalisée, l'une des parties se refuserait à réitérer les présentes, [?] et après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé réception lui impartissant un délai de quinze jours pour s'exécuter, elle pourra y être contrainte par tout moyen de droit, et supportera tous les frais y afférents, notamment les frais de justice. En outre, la partie défaillante devra [?] verser immédiatement à l'intermédiaire, la SAS BG Horizons – BGH, une indemnité d'un montant égal à celui de ses honoraires prévus à la clause HONORAIRES DE L'INTERMEDIAIRE ci-dessous stipulée » ; qu'en condamnant la société Cosy Home à payer à la société BG Horizons le montant de ses honoraires en application de la clause pénale, quand cette clause prévoyait clairement que cette indemnité ne serait due qu'en cas de vente forcée, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1103 du code civil. Moyen produit, au pourvoi incident éventuel, par la SCP Alain Bénabent, avocats aux conseils, de M. [E].

Monsieur [E] fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception d'irrecevabilité de son intervention forcée.

ALORS QUE l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555 du code de procédure civile, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que la connaissance que pouvait avoir le demandeur à l'intervention forcée de l'élément de preuve dont il prétend que la production en appel constitue un fait nouveau est exclusive de toute évolution du litige ;
qu'en retenant que la production du procès-verbal de constat dressé par Maître [R], huissier de justice, relatif à la réunion du 3 avril 2017, est un élément nouveau justifiant le rejet du moyen pris de l'irrecevabilité de l'intervention forcée soulevé par Monsieur [M] [E], cependant qu'il résultait des constatations des premiers juges que cet élément était connu de la société BG Horizons en première instance, qui s'était dite dans l'incapacité de le produire, de sorte que cette dernière tentait ainsi de remédier à sa propre carence probatoire en première instance, qui ne la dispensait alors pas à ce stade de mettre en cause Monsieur [E] et qui, en conséquence, était in-susceptible de caractériser une évolution du litige, la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-18266
Date de la décision : 16/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 fév. 2022, pourvoi n°20-18266


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Isabelle Galy, SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18266
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