LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 février 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 183 F-B
Pourvoi n° R 20-13.779
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 FÉVRIER 2022
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), dont le siège est [Adresse 5], subrogé dans les droits des ayants droit de [F] [R], a formé le pourvoi n° R 20-13.779 contre les arrêts rendus les 22 février 2019 et 10 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Safran Aircraft Engines, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée SNECMA,
2°/ à Mme [E] [R], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Safran Aircraft Engines, anciennement dénommée SNECMA, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre, d'une part, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 février 2019, d'autre part, le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2020), après avoir indemnisé les ayants droit de [F] [R], ancien salarié de la société SNECMA, actuellement dénommée Safran Aircraft Engines, en raison d'une affection reconnue au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles à l'origine de son décès, le FIVA, d'une part, a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur et d'obtenir, notamment, la fixation des sommes correspondant à la majoration de la rente et à l'indemnité forfaitaire, d'autre part, est intervenu à l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur qui avait été engagée par Mme [R], veuve de [F] [R]. Ces deux instances ont été jointes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le FIVA fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes tendant au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et à la majoration de rente d'ayant droit, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 53 VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le FIVA est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale, l'indemnisation à la charge du FIVA étant alors révisée en conséquence de sorte que le Fonds, recevable à exercer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, est recevable, par là même, à demander le versement de la majoration de rente d'ayant droit, peu important qu'il n'ait pas préalablement présenté d'offre d'indemnisation complémentaire de ce chef à la victime ou à ses ayants droit ; qu'en énonçant, pour déclarer le FIVA irrecevable à solliciter la majoration de la rente d'ayant droit attribuée par la CPAM de Seine et Marne à Mme [R], que le FIVA, subrogé dans les droits des ayants droit de M. [F] [R], ne présentait aucun mandat de Mme [R] et ne pouvait dès lors formuler de majoration de rente en son nom ou pour son compte, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et les articles L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'aux termes de l'article 53 VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le FIVA est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale, incluant l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale en cas d'incapacité permanente de la victime de 100 %, l'indemnisation à la charge du FIVA étant alors révisée en conséquence de sorte que le Fonds, recevable à exercer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, est recevable, par là même, à demander l'allocation de l'indemnité forfaitaire, peu important qu'il n'ait pas préalablement présenté d'offre d'indemnisation complémentaire de ce chef à la victime ou à ses ayants droit ; qu'en énonçant, pour déclarer le FIVA irrecevable à solliciter le versement de l'indemnité forfaitaire, qu'il n'apparaissait pas de quelconque référence à cette indemnité dans les indemnisations acceptées par les ayants droit, qu'en application de l'article 53 VI de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA était subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits que les personnes qu'il a indemnisées possèdent contre le responsable du dommage, et qu'il s'en déduisait que la subrogation transmettait au FIVA la créance et ses accessoires uniquement pour les chefs de préjudices qu'il avait indemnisés, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et l'article 53 VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 :
4. Il résulte des dispositions combinées des trois premiers de ces textes que, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, d'une part, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues, d'autre part, si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
5. Selon le quatrième de ces textes, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le fonds est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale. L'indemnisation à la charge du fonds est alors révisée en conséquence.
6. Pour dire irrecevables les demandes du FIVA tendant au versement de l'indemnité forfaitaire et à la majoration de rente d'ayant droit perçue par Mme [R], l'arrêt, après avoir constaté qu'il n'apparaît pas dans les indemnisations acceptées par les ayants droit une quelconque référence à cette indemnité, rappelle que le FIVA est subrogé, à concurrence des sommes versées dans les droits que les personnes qu'il a indemnisées possèdent contre le responsable, et en déduit que la subrogation ne joue au profit du FIVA que pour les chefs de préjudices qu'il a indemnisés.
7. Il ajoute, s'agissant de la demande de majoration de la rente versée à Mme [R], que le FIVA ne justifie d'aucun mandat que celle-ci lui aurait confié, de sorte qu'il ne peut formuler une telle demande en son nom et pour son compte.
8. En statuant ainsi, alors que la majoration de rente constitue une prestation de sécurité sociale due par l'organisme social dans tous les cas où la maladie professionnelle consécutive à une faute inexcusable entraîne le versement d'une rente, de même que l'indemnité forfaitaire due lorsque la victime est atteinte d'incapacité permanente de 100 %, de sorte que le FIVA, recevable à exercer l'action en reconnaissance de faute inexcusable, l'est, par là même, à demander la fixation de la majoration de la rente et l'allocation de l'indemnité forfaitaire, peu important qu'il n'ait ni justifié d'un mandat de Mme [R], ni préalablement indemnisé les ayants droit de la victime au titre de l'indemnité forfaitaire ou leur ait présenté une offre complémentaire à ce titre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a fixé à son maximum la majoration de la rente due à [F] [R], dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne versera cette majoration au FIVA à charge pour lui de faire une proposition d'indemnisation complémentaire aux ayants droit de [F] [R], alloué au FIVA l'indemnité forfaitaire de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale à charge pour lui de faire une proposition d'indemnisation complémentaire aux ayants droit de [F] [R] et, statuant à nouveau des chefs infirmés, déclaré irrecevables les demandes du FIVA relatives à l'indemnité forfaitaire et à la majoration de la rente, l'arrêt rendu le 10 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Condamne la société Safran Aircraft Engines aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Safran Aircraft Engines et la condamne à payer au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)
Le moyen reproche à l'arrêt du 10 janvier 2020 attaqué, infirmatif de ce chef :
D'AVOIR dit irrecevables les demandes du FIVA tendant au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et à la majoration de rente d'ayant droit
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité des demandes d'indemnité forfaitaire et de majoration de rente du conjoint survivant présentées par le Fiva, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante qui est subrogé dans les droits des ayants droit de M. [F] [R], ne présente aucun mandat de Mme [R] et ne peut dès lors formuler une demande de majoration de rente en son nom et pour son compte ; que de plus, en ce qui concerne l'indemnité forfaitaire, contrairement à ce que prétend le FIVA, il n'apparaît pas dans le cadre des indemnisations acceptées par les ayants droit de quelconque référence à cette indemnité ; qu'en application de l'article 53 VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FIVA est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits que les personnes qu'il a indemnisées possèdent contre le responsable du dommage" ; qu'il s'en déduit que la subrogation transmet au FIVA la créance et ses accessoires mais uniquement pour les chefs de préjudices qu'il a indemnisés ; qu'aussi, ces deux demandes seront déclarées irrecevables et le jugement infirmé sur ces deux points ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 53 VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le FIVA est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale, l'indemnisation à la charge du FIVA étant alors révisée en conséquence de sorte que le Fonds, recevable à exercer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, est recevable, par là même, à demander le versement de la majoration de rente d'ayant droit, peu important qu'il n'ait pas préalablement présenté d'offre d'indemnisation complémentaire de ce chef à la victime ou à ses ayants droit ; qu'en énonçant, pour déclarer le FIVA irrecevable à solliciter la majoration de la rente d'ayant droit attribuée par la CPAM de Seine et Marne à Mme [R], que le FIVA, subrogé dans les droits des ayants droit de M. [F] [R], ne présentait aucun mandat de Mme [R] et ne pouvait dès lors formuler de majoration de rente en son nom ou pour son compte, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 et les articles L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article 53 VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le FIVA est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale, incluant l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale en cas d'incapacité permanente de la victime de 100%, l'indemnisation à la charge du FIVA étant alors révisée en conséquence de sorte que le Fonds, recevable à exercer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, est recevable, par là même, à demander l'allocation de l'indemnité forfaitaire, peu important qu'il n'ait pas préalablement présenté d'offre d'indemnisation complémentaire de ce chef à la victime ou à ses ayants droit ; qu'en énonçant, pour déclarer le FIVA irrecevable à solliciter le versement de l'indemnité forfaitaire, qu'il n'apparaissait pas de quelconque référence à cette indemnité dans les indemnisations acceptées par les ayants droit, qu'en application de l'article 53 VI de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA était subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits que les personnes qu'il a indemnisées possèdent contre le responsable du dommage, et qu'il s'en déduisait que la subrogation transmettait au FIVA la créance et ses accessoires uniquement pour les chefs de préjudices qu'il avait indemnisés, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 et les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.