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09/02/2022 | FRANCE | N°20-21907

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-21907


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 171 F-D

Pourvoi n° A 20-21.907

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [F] [M], domicilié [Adresse

1], a formé le pourvoi n° A 20-21.907 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 171 F-D

Pourvoi n° A 20-21.907

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [F] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-21.907 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Eiffage énergie systèmes indus Nord, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [M], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Eiffage énergie systèmes indus Nord, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2020), M. [M] a été engagé le 2 janvier 2002 en qualité d'agent de bobinier par la société Entreprise générale d'électricité des Flandres (EGEF), spécialisée dans la construction et la réparation navale aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Eiffage énergie systèmes indus Nord.

2. L'établissement "[Adresse 3]" au sein duquel le salarié a travaillé a été inscrit sur la liste établie par l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 au titre de l'activité de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, et ce, depuis 1985, cet arrêté visant également le métier qu'il exerçait.

3. Le 3 juin 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la réparation de son préjudice découlant de l'exposition à l'amiante.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir condamner la société Eiffage énergie systèmes indus Nord à lui verser des dommages-intérêts au titre de son préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui a travaillé dans les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 pendant une période où étaient fabriqués ou traités, dans l'établissement mentionné par cet arrêté, l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et se trouve ainsi, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, subit un préjudice d'anxiété ouvrant droit à indemnisation ; qu'il n'a pas à justifier qu'il remplit les conditions de versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante tenant à l'âge, à la cessation d'activité ou encore à l'absence de tout autre revenu pour pouvoir prétendre à cette indemnisation ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [M] de sa demande en réparation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé, d'une part, que pour prétendre à une telle indemnisation, un salarié doit remplir toutes les conditions d'attribution de l'ACAATA posé par l'article 41-1 de la loi du 23 décembre 1998 et donc justifier avoir cessé toute activité, avoir atteint l'âge requis, ne pas percevoir d'autres revenus et s'agissant d'un salarié de la construction navale avoir exercé un métier figurant sur la liste fixé par arrêté ministériel et, d'autre part, que s'il est constant que l'établissement dans lequel M. [M] a travaillé figure sur la liste établie par l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 et ce, depuis 1985 et si l'emploi occupé par lui est mentionné sur la liste fixée par arrêté ministériel, il ne justifie pas remplir les autres conditions d'attribution de l'ACAATA de sorte qu'il ne peut prétendre à un droit à indemnisation automatique de son préjudice d'anxiété; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le salarié avait travaillé dans les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 de sorte que son préjudice d'anxiété était caractérisé et devait être indemnisé, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :

5. Il résulte de ces textes que les salariés, qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, ont droit, qu'ils aient ou non adhéré au dispositif légal, à la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété formée par le salarié, l'arrêt énonce que le versement d'une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété suppose que le salarié démontre qu'il remplit les conditions cumulatives prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et qu'il justifie notamment avoir cessé toute activité professionnelle, avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée de son activité au sein des établissements visés dans la liste établie par arrêté ministériel, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans, ne pas avoir perçu d'autres revenus, pension ou retraite et pour un salarié de la construction et de la réparation navale, avoir bien exercé un métier figurant sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail de la sécurité sociale et du budget ; il ajoute que si l'établissement, situé route de la forme 6 à [Localité 2] dans lequel a travaillé le salarié figurait expressément sur la liste établie par l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 au titre de l'activité de construction et réparation navales et ce, depuis 1985, et que l'emploi qu'il a occupé était bien mentionné sur la liste fixée par arrêté ministériel, le salarié ne justifiait toutefois aucunement remplir les autres conditions de versement de l'Acaata de sorte qu'il ne pouvait invoquer un droit à indemnisation automatique du préjudice d'anxiété.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié, d'une part, avait travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par l'arrêté du 7 juillet 2000 et, d'autre part, que pendant la période visée par cet arrêté, il avait occupé un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, de sorte qu'il était fondé à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Eiffage énergie systèmes indus Nord aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eiffage énergie systèmes indus Nord et la condamne à payer à M. [M] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [F] [M] reproche à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir condamner la société Eiffage Energie Systèmes Indus Nord à lui verser des dommages et intérêts au titre de son préjudice d'anxiété ;

ALORS QUE le salarié qui a travaillé dans les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 pendant une période où étaient fabriqués ou traités, dans l'établissement mentionné par cet arrêté, l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et se trouve ainsi, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, subit un préjudice d'anxiété ouvrant droit à indemnisation ; qu'il n'a pas à justifier qu'il remplit les conditions de versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante tenant à l'âge, à la cessation d'activité ou encore à l'absence de tout autre revenu pour pouvoir prétendre à cette indemnisation ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [M] de sa demande en réparation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé, d'une part, que pour prétendre à une telle indemnisation, un salarié doit remplir toutes les conditions d'attribution de l'ACAATA posé par l'article 41-1 de la loi du 23 décembre 1998 et donc justifier avoir cessé toute activité, avoir atteint l'âge requis, ne pas percevoir d'autres revenus et s'agissant d'un salarié de la construction navale avoir exercé un métier figurant sur la liste fixé par arrêté ministériel et, d'autre part, que s'il est constant que l'établissement dans lequel M. [M] a travaillé figure sur la liste établie par l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 et ce, depuis 1985 et si l'emploi occupé par lui est mentionné sur la liste fixée par arrêté ministériel, il ne justifie pas remplir les autres conditions d'attribution de l'ACAATA de sorte qu'il ne peut prétendre à un droit à indemnisation automatique de son préjudice d'anxiété; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le salarié avait travaillé dans les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000 de sorte que son préjudice d'anxiété était caractérisé et devait être indemnisé, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

M. [F] [M] reproche à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir condamner la société Eiffage Energie Systèmes Indus Nord à lui verser des dommages et intérêts au titre de son préjudice d'anxiété ;

1) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'ainsi en énonçant, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation de son préjudice d'anxiété, que celui-ci se serait contenté de produire quelques attestations imprécises pour justifier de son exposition aux poussières d'amiante sans mesures de mesures de protection, quand le salarié avait également invoqué (concl. d'appel pages 31 et 32) et régulièrement produit le compte-rendu d'une visite de contrôle effectuée le 4 février 2014 par un contrôleur du travail au sein de l'entreprise (pièce n° 89 de son bordereau de pièces générales) ainsi qu'un courrier de ce même contrôleur du 18 juin 2014 (pièce n° 90 de son bordereau de pièces générales) qui tous deux faisaient état de carences dans la mise en oeuvre des mesures préventives contre les risques liées à l'amiante, la cour d'appel a dénaturé par omission ces documents et violé le principe précité ;

2) ALORS QUE, de toute façon, les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que, pour justifier avoir travaillé dans un environnement nocif sans protections, le salarié se contentait de produire quelques attestations imprécises et que l'employeur justifiait de mesures préventives ; qu'en statuant ainsi, sans examiner le compte-rendu d'une visite de contrôle effectuée le 4 février 2014 par un contrôleur du travail au sein de l'entreprise (pièce n°89) ainsi qu'un courrier de ce même contrôleur du 18 juin 2014 (pièce n°90), documents dument cités et invoqués dans les écritures d'appel du salarié (concl. d'appel pages 31 et 32) et faisant notamment état de l'absence de confinement, de moyen d'aspiration à filtration absolue et de protections individuelles et ce, en dépit des procédures « mises en place de manière formelle depuis 2006 », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QU'en toute hypothèse, seul l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention satisfait à l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur n'avait pas méconnu ses obligations en matière de sécurité et de protection de son personnel et débouter le salarié de sa demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel s'est bornée à relever l'existence de prétendues mesures de prévention contre le risque de l'amiante à compter de l'année 2006 ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres énonciations que le salarié avait été engagé le 2 janvier 2002 en sorte que les soi-disant mesures relevées étaient impropres à justifier du respect par l'employeur de son obligation de sécurité durant toute la relation de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21907
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-21907


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21907
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