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09/02/2022 | FRANCE | N°20-18720

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-18720


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 190 F-D

Pourvoi n° M 20-18.720

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société Laboratoires Alter, société p

ar actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-18.720 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2020 par la co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 190 F-D

Pourvoi n° M 20-18.720

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société Laboratoires Alter, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-18.720 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à Mme [F] [C], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Laboratoires Alter, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 24 octobre 2018, pourvoi n° 17-20.477), Mme [C] a été engagée, le 9 janvier 2006, par la société Laboratoires Alter en qualité de business unit manager.

2. La salariée a été licenciée le 29 novembre 2013.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester la validité de son licenciement et obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents et de dommages-intérêts au titre du repos compensateur, de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 10 février 2014, que les intérêts échus produiront intérêts dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière à compter de la demande de capitalisation, de le condamner aux dépens d'appel et à verser à la salariée une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que, selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a relevé, d'une part, que les différents documents contractuels régularisés durant la carrière de la salariée tant au sein de la société Laboratoires Alter que de la société Nutriben mentionnaient pour le contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2005 une durée du travail hebdomadaire de 35 heures, pour celui du 2 octobre 2006 une durée du travail de 37 heures hebdomadaires avec indication que l'accomplissement d'heures supplémentaires était subordonné à la demande expresse de l'employeur et que la contrepartie des deux heures supplémentaires effectuées par semaine ouvrait droit à 12 jours de réduction du temps de travail par an, enfin pour l'avenant du 21 mars 2008 une modification de la durée du travail à 35 heures par semaine ; qu'elle a, d'autre part, relevé que les bulletins de paie produits au débat faisaient apparaître une durée du travail de 151,67 heures ; qu'elle a, en outre, relevé que la description des responsabilités de la salariée en matière de marketing, figurant sur sa fiche de poste de ''business unit manager Nutriben'', l'obligeait à obtenir un accord préalable à la mise en oeuvre du plan marketing développé par la salariée ; qu'elle a, enfin, relevé que la classification de l'emploi de la salariée au groupe VIII niveau B de la classification conventionnelle prévue par l'avenant n° 1 de l'accord du 11 mars 1997 annexé à la convention collective de l'industrie pharmaceutique la place dans une catégorie des salariés cadres participant à l'élaboration d'une politique puis à sa mise en oeuvre au niveau de l'entité qu'ils dirigent alors que seuls les salariés cadres à partir des groupes X et XI définissent la politique générale et organisent leur mise en oeuvre par les responsables concernés ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des stipulations de la convention collective applicable et des contrats de travail conclus, des bulletins de paie et de la fiche de poste de la salariée, sans vérifier les conditions réelles d'emploi de celle-ci, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

2°/ que selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a estimé que le fait pour Mme [C] d'exprimer son désaccord ou d'opposer un refus de prendre en charge certaines tâches n'était pas de nature à lui conférer la large autonomie dans l'accomplissement de ses fonctions exigée par l'article L. 3111-2 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, en excluant un indice permettant de caractériser une autonomie décisionnelle de la salariée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

3°/ que selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a constaté que, si Mme [C] procédait à l'évaluation des membres de son équipe, elle n'avait pas la latitude de fixer leurs objectifs et le montant du bonus alloué, mais devait les finaliser avec le directeur général ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort de l'indice retenu pour exclure l'autonomie décisionnelle qu'au contraire, la salariée disposait d'un pouvoir de codécision qui n'impliquait pas l'imposition d'une autorisation préalable et partant la soumission à une autorité privative d'autonomie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

4°/ que selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, si les trois critères fixés par cette disposition impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a relevé que la salariée n'avait participé à aucun comité de direction ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant tiré de l'absence de participation à un comité de direction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

5°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société Laboratoires Alter faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'il n'existait aucun comité de direction au sein de la société ; qu'en constatant que Mme [C] n'avait participé à aucun comité de direction sans répondre aux conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société Laboratoires Alter faisait valoir dans ses écritures d'appel que Mme [C] était titulaire d'une large délégation de pouvoirs qu'elle produisait devant la cour d'appel et qui l'avait d'ailleurs amenée à soutenir, devant le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qu'elle assumait la représentation de la société dans tous les conseil d'administration et auprès de tiers comme les institutions et établissements publics ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société Laboratoires Alter faisait valoir dans ses écritures d'appel que la salariée disposait du second niveau de responsabilité le plus élevé dans l'entreprise, qui l'a amenée à être placée directement sous la responsabilité du directeur général, d'être titulaire d'une délégation de pouvoirs, notamment de représentation de la société auprès des tiers, et d'assurer la gestion des ressources humaines ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif aux heures supplémentaires entraînera la cassation du chef de dispositif relatif aux congés payés sur heures supplémentaires et au repos compensateur.

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

6. Après avoir constaté que les différents documents contractuels régularisés durant la carrière de la salariée mentionnaient, pour le contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2005, une durée du travail hebdomadaire de trente-cinq heures, pour celui du 2 octobre 2006, une durée du travail de trente-sept heures hebdomadaires avec indication que l'accomplissement d'heures supplémentaires était subordonné à la demande expresse de l'employeur et que la contrepartie des deux heures supplémentaires effectuées par semaine ouvrait droit à douze jours de réduction du temps de travail par an, et enfin, pour l'avenant du 21 mars 2008, une modification de la durée du travail à trente-cinq heures par semaine, que les bulletins de paie produits aux débats faisaient apparaître une durée du travail de 151,67 heures par mois, la cour d'appel, appréciant souverainement les fonctions réellement exercées par la salariée, a, ensuite, relevé que la salariée avait dû modifier ou annuler des congés à la demande de ses supérieurs hiérarchiques pour assister à des réunions, travailler un jour férié pour adapter son emploi du temps à celui d'un dirigeant espagnol, et avait reçu l'ordre d'un supérieur hiérarchique d'annuler si nécessaire tous ses engagements, dans un délai très court, pour faire un point urgent le lendemain. Elle a ainsi fait ressortir que la salariée ne disposait pas d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

7. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la salariée n'avait pas la qualité de cadre dirigeant.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

9. Le rejet des sept premières branches du moyen prive de portée la huitième branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laboratoires Alter aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laboratoires Alter et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoires Alter

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société LABORATOIRES ALTER à verser à Mme [C] des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de congés payés sur ce rappel et de dommages-intérêts au titre du repos compensateur, d'AVOIR dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 10 février 2014, d'AVOIR dit que les intérêts échus produiront intérêts dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière à compter de la demande de capitalisation et d'AVOIR condamné la société LABORATOIRES ALTER aux dépens d'appel et à verser à Mme [C] une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Il résulte de l'article L. 3111-1 du code du travail que les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la durée du travail.
L'article L. 3111-2 du code du travail définit le cadre dirigeant comme le salarié auquel est confié les responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou établissement et exclut pour celui-ci l'application des dispositions des titres II et III de la troisième partie du code précité, soit celles relatives à la durée du travail, à sa répartition et à l'aménagement des horaires, aux repos et jours fériés. Ces trois critères, qui impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise, sont cumulatifs et le juge doit vérifier les conditions réelles d'emploi.
En l'espèce, si la salariée percevait une des rémunérations les plus importantes de la société depuis au moins mars 2012, ce qu'elle ne conteste au demeurant pas, d'autres salariés, comme M. [G], directeur grands comptes, touchait une rémunération similaire. De plus, les différents documents contractuels régularisés durant la carrière de la salariée tant au sein Laboratoires Alter que de la société Nutriben mentionnent pour le contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2005 une durée du travail hebdomadaire de 35 heures, pour celui du 2 octobre 2006 un durée du travail de 37 heures hebdomadaires avec indication que l'accomplissement d'heures supplémentaires est subordonné à la demande expresse de l'employeur et que la contrepartie des deux heures supplémentaires effectuées par semaine ouvre droit à 12 jours de réduction du temps de travail par an, enfin pour l'avenant du 21 mars 2008 une modification de la durée du travail à 35 heures par semaine. Les bulletins de paie produits au débat font apparaître aussi une durée du travail de 151,67 heures. Ensuite, la fiche de poste de "business unit manager Nutriben" la soumet à des relations hiérarchiques duales puisqu'elle dépend d'une part au niveau opérationnel du directeur général des Laboratoires Alter et d'autre part au niveau fonctionnel de direction de l'activité Nutriben. La description de ses responsabilités en matière de marketing l'oblige à obtenir un accord préalable à la mise ne oeuvre du plan marketing développé par elle. En outre, la classification de son emploi au groupe VIII niveau B de la classification conventionnelle prévue par l'avenant N° 1 de l'accord du 11 mars 1997 annexé à la convention collective de l'industrie pharmaceutique la place dans une catégorie des salariés cadres participant à l'élaboration d'une politique puis à sa mise en oeuvre au niveau de l'entité qu'ils dirigent alors que seuls les salariés cadres à partir des groupes X et XI définissent la politique générale et organisent leur mise en oeuvre par les responsables concernés. Aussi, Mme [C] justifie avoir été contrainte en mars 2010 de modifier la période ses congés payés pour assister à une réunion fixée par M. [Y] ("international business unit et export director"), d'annuler une demi-journée de congé le 27 décembre 2012 pour assister à une vidéo conférence fixée par la président de la société, devoir travailler un jour férié (8 mai 2012) pour adapter son emploi du temps à celui d'un dirigeant espagnol, M. [M], ou se voir intimer l'ordre par [X] [L] d'annuler si nécessaire tous ses engagements avec un délai très court, en l'espèce le 7 novembre 2012 à 17h07, pour faire un point urgent dès le lendemain. Si elle procédait à l'évaluation des membres de son équipe, elle n'avait pas la latitude de fixer leurs objectifs et le montant du bonus alloué, mais devait les finaliser avec le directeur général. Elle n'a participé à aucun comité de direction. Il convient aussi d'observer que le fait pour elle d'exprimer son désaccord ou d'opposer un refus de prendre en charge certaines tâches ou aussi de pouvoir se connecter informatiquement à distance de l'entreprise ne sont pas de nature à lui conférer la large autonomie dans l'accomplissement de ses fonctions exigée par l'article L. 3111-2 précité.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et peut donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Par ailleurs, de l'application des articles L. 3121-10 et L. 3121-20 du code du travail, il ressort que les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de 35 heures réalisées et décomptées par semaine civile, sauf dérogation conventionnelle ou réglementaire.
En l'espèce, l'examen des pièces versées au débat, plus particulièrement les calendriers mentionnant les activités, les différents plannings de séminaires l'obligeant à effectuer des présentations ou au moins à assister à des réunions mais aussi à participer à des déjeuners et dîners professionnels, les courriels envoyés à des heures matinales ou tardives, les justificatifs de ses déplacements fréquents en Espagne, siège de la société mère, mais aussi en France, les notes de frais, les justificatifs de voyages par avion, le travail accompli durant des jours fériés, mais aussi enfin les nombreuses attestations de salariés, concordantes et non utilement contestées, émanant de Mme [E], responsable contrôle marketing, Mme [Z], chef de produits, Mme [A], cadre ressources humaines, M. [O], directeur régional, M. [G], directeur grandes comptes, et de M. [J], business unit manager jusqu'en juillet 2011, témoignant de la très grande charge de travail confiée à Mme [C], de ses horaires au bureau le matin avec une arrivée entre 8h45 et 9h30 et un départ plus tardif que 19h, étayent la demande formée au titre des heures supplémentaires.
La circonstance que trois des salariés précités, MM. [O], [J] et [G], ont également saisi la juridiction prud'homale du litige les opposant à la société employeur n'est pas de nature mettre en cause la fiabilité de leurs attestations très circonstanciées et au surplus confortées par celles d'autres salariés. Les quelques incohérences relevées par l'employeur sur la seule base de sa critique des pièces versées au débat par Mme [C] ou les quelques erreurs limitées commises, sans qu'il fournisse quant à lui le moindre élément justifiant des horaires effectivement réalisés par l'intéressée, alors que l'ensemble des bulletins de paie versés ne mentionne le paiement d'aucune heure supplémentaire et que l'étendue des missions confiées à la salariée et ses nombreux déplacements ne pouvaient raisonnablement pas s'inscrire dans un temps de travail limité à 35 heures par semaine, permettent à la cour de retenir que la salariée a accompli des heures supplémentaires dans une moindre mesure toutefois que ce qu'elle allègue, et lui alloue à ce titre la somme de 170 000 euros pour la période du 1er janvier 2010 au 16 octobre 2013, outre 17 000 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation du jugement.
Mme [C], dont la demande en paiement d'heures supplémentaires a été accueillie, n'a pas été en mesure du fait de la carence de l'employeur qui ne l'a pas informée de ses droits en matière de contrepartie obligatoire en repos pour les heures réalisées au-delà du contingent annuel de 220 heures, de les faire valoir. Elle a ainsi subi un préjudice qui sera valablement réparé par une indemnité comprenant le montant du repos éludé et celui de l'indemnité de congés payés afférents. La cour dispose des éléments pour évaluer cette indemnisation à 40 000 euros, par infirmation du jugement déféré.
Aucun élément ne permet d'imputer cependant à l'employeur une volonté manifeste de dissimuler le travail accompli par l'intéressée, celle-ci ayant par ailleurs été embauchée sous contrat à durée indéterminée écrit et sans qu'il soit argué d'une quelconque défaillance dans l'accomplissement des diverses formalités relatives à l'embauche, si bien que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formulée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
Les intérêts échus produiront intérêts à compter du jour de la demande expressément présentée en première instance, dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article L. 1343-2 du code civil.
La société Laboratoires Alter, qui succombent au moins partiellement, sera condamnée aux dépens d'appel, supportera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée à payer à Mme [F] [C] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. » ;

ALORS, en premier lieu, QUE, selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a relevé, d'une part, que les différents documents contractuels régularisés durant la carrière de la salariée tant au sein de la société LABORATOIRES ALTER que de la société NUTRIBEN mentionnaient pour le contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2005 une durée du travail hebdomadaire de 35 heures, pour celui du 2 octobre 2006 une durée du travail de 37 heures hebdomadaires avec indication que l'accomplissement d'heures supplémentaires était subordonné à la demande expresse de l'employeur et que la contrepartie des deux heures supplémentaires effectuées par semaine ouvrait droit à 12 jours de réduction du temps de travail par an, enfin pour l'avenant du 21 mars 2008 une modification de la durée du travail à 35 heures par semaine ; qu'elle a, d'autre part, relevé que les bulletins de paie produits au débat faisaient apparaître une durée du travail de 151,67 heures ; qu'elle a, en outre, relevé que la description des responsabilités de la salariée en matière de marketing, figurant sur sa fiche de poste de « business unit manager Nutriben », l'obligeait à obtenir un accord préalable à la mise en oeuvre du plan marketing développé par la salariée ; qu'elle a, enfin, relevé que la classification de l'emploi de la salariée au groupe VIII niveau B de la classification conventionnelle prévue par l'avenant n° 1 de l'accord du 11 mars 1997 annexé à la convention collective de l'industrie pharmaceutique la place dans une catégorie des salariés cadres participant à l'élaboration d'une politique puis à sa mise en oeuvre au niveau de l'entité qu'ils dirigent alors que seuls les salariés cadres à partir des groupes X et XI définissent la politique générale et organisent leur mise en oeuvre par les responsables concernés ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des stipulations de la convention collective applicable et des contrats de travail conclus, des bulletins de paie et de la fiche de poste de la salariée, sans vérifier les conditions réelles d'emploi de celle-ci, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

ALORS, en deuxième lieu, QUE, selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a estimé que le fait pour Mme [C] d'exprimer son désaccord ou d'opposer un refus de prendre en charge certaines tâches n'était pas de nature à lui conférer la large autonomie dans l'accomplissement de ses fonctions exigée par l'article L. 3111-2 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, en excluant un indice permettant de caractériser une autonomie décisionnelle de la salariée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

ALORS, en troisième lieu, QUE, selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a constaté que, si Mme [C] procédait à l'évaluation des membres de son équipe, elle n'avait pas la latitude de fixer leurs objectifs et le montant du bonus alloué, mais devait les finaliser avec le directeur général ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort de l'indice retenu pour exclure l'autonomie décisionnelle qu'au contraire, la salariée disposait d'un pouvoir de codécision qui n'impliquait pas l'imposition d'une autorisation préalable et partant la soumission à une autorité privative d'autonomie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

ALORS, en quatrième lieu, QUE, selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que, si les trois critères fixés par cette disposition impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; que, pour considérer, en l'espèce, que Mme [C] n'avait pas le statut de cadre dirigeant et pouvait donc revendiquer l'application de la législation relative à la durée du travail, la cour d'appel a relevé que la salariée n'avait participé à aucun comité de direction ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant tiré de l'absence de participation à un comité de direction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

ALORS, en cinquième lieu, QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société LABORATOIRES ALTER faisait valoir dans ses écritures d'appel (conclusions, p. 26) qu'il n'existait aucun comité de direction au sein de la société ; qu'en constatant que Mme [C] n'avait participé à aucun comité de direction sans répondre aux conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, en sixième lieu, QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société LABORATOIRES ALTER faisait valoir dans ses écritures d'appel (conclusions, pp. 16, 17, 24 et 25) que Mme [C] était titulaire d'une large délégation de pouvoirs qu'elle produisait devant la cour d'appel et qui l'avait d'ailleurs amenée à soutenir, devant le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qu'elle assumait la représentation de la société dans tous les conseil d'administration et auprès de tiers comme les institutions et établissements publics ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, en septième lieu, QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société LABORATOIRES ALTER faisait valoir dans ses écritures d'appel (conclusions, pp. 15 à 17, 20 et 24 à 26) que la salariée disposait du second niveau de responsabilité le plus élevé dans l'entreprise, qui l'a amenée à être placée directement sous la responsabilité du directeur général, d'être titulaire d'une délégation de pouvoirs, notamment de représentation de la société auprès des tiers, et d'assurer la gestion des ressources humaines ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, en huitième lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif aux heures supplémentaires entraînera la cassation du chef de dispositif relatif aux congés payés sur heures supplémentaires et au repos compensateur.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18720
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-18720


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18720
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