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09/02/2022 | FRANCE | N°20-18529

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-18529


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 198 F-D

Pourvoi n° D 20-18.529

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [L] [E], domicilié [Adress

e 1], a formé le pourvoi n° D 20-18.529 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'op...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 198 F-D

Pourvoi n° D 20-18.529

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [L] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-18.529 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Sam outillage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [E], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sam outillage, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2020), suivant contrat de travail du 29 juillet 2011, M. [E] a été engagé par la société P.T.S. outillage en qualité de directeur des ventes. A compter du 1er juillet 2012, son contrat de travail a été transféré à la société Sam outillage au sein de laquelle il exerçait les fonctions de directeur des ventes grands comptes.

2. Le 28 juillet 2015, le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

3. Le 16 décembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, la cour d'appel a retenu qu'il ne produit ni tableau ni suffisamment d'éléments pour déterminer jour par jour l'heure de début et de fin du travail, que les agendas versés aux débats permettent d'établir les dates des jours de travail mais non un horaire quotidien de début et de fin de service, et que les mails produits aux débats ne permettent pas d'établir que le salarié avait travaillé avant ou après leur envoi, de sorte qu'il ne produisait pas d'éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié fournissait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, d'autre part, que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'indemnisation des repos compensateurs subséquents, l'arrêt relève tout d'abord qu'il ne produit ni tableau ni suffisamment d'éléments pour déterminer, jour par jour, même approximativement, l'heure à laquelle il a débuté et celle à laquelle il a terminé le travail et qu'aucune attestation ne vient y suppléer. Il énonce ensuite que les agendas versés aux débats permettent d'établir les dates des jours de travail, mais non les horaires quotidiens de début et de fin de service puisqu'ils ne font que mentionner les obligations et rendez-vous du salarié en cours de journée. Il ajoute que les mails produits ne concernent qu'une petite partie des journées en litige et qu'il est impossible d'en déduire que le salarié a travaillé avant ou après leur envoi.

9. Il retient qu'en définitive, l'appelant ne produit pas d'éléments assez précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et, sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes à ce titre, alors « que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que pour dire le licenciement justifié, la cour d'appel a énoncé qu'il n'est établi ni une surcharge de travail permanente ni une amplitude excessive des journées de travail du salarié, dès lors que l'accomplissement par celui-ci d'heures supplémentaires n'a pas été retenu ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera la cassation par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile du chef de dispositif relatif au licenciement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes formées à ce titre, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires outre les congés payés afférents et de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute M. [E] de ses demandes à ce titre, en ce qu'il le déboute de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Sam outillage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sam outillage et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [E]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [E] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.

1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que pour débouter M. [E] de sa demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, la cour d'appel a retenu que le salarié ne produit ni tableau ni suffisamment d'éléments pour déterminer jour par jour l'heure de début et de fin du travail, que les agendas versés aux débats permettent d'établir les dates des jours de travail mais non un horaire quotidien de début et de fin de service, et que les mails produits aux débats ne permettent pas d'établir que le salarié avait travaillé avant ou après leur envoi, de sorte qu'il ne produisait pas d'éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses constatations d'une part que le salarié fournissait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, d'autre part que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, à l'appui de sa demande, M. [E] produisait pour chacune des années 2011, 2012 et 2013 des plannings informatiques accessibles à sa hiérarchie démontrant l'amplitude minimale de travail sur l'année, des agendas professionnels sous forme papier établissant l'amplitude minimale des journées de travail, des décomptes hebdomadaires précis des heures travaillées, corroborés par une attestation d'un salarié, des mails et des tournées en DOM TOM sans repos hebdomadaire ; que ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments justifiant des horaires réalisés ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que le salarié ne produisait pas d'éléments permettant d'établir ses horaires quotidiens de début et de fin de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [E] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes à ce titre.

1°) ALORS QUE le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que pour dire le licenciement justifié la cour d'appel a énoncé qu'il n'est établi ni une surcharge de travail permanente ni une amplitude excessive des journées de travail de M. [E], dès lors que l'accomplissement par celui-ci d'heures supplémentaires n'a pas été retenu ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entrainera la cassation par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile du chef de dispositif relatif au licenciement.

2°) ALORS QU'en décidant qu'il n'était établi aucun lien entre l'inaptitude et un manquement de l'employeur après avoir pourtant relevé que les avis d'inaptitude des 8 et 24 juin 2015 avaient été rendus par le médecin du travail après une suspension du contrat de travail qui, du 7 novembre 2013 au 31 mai 2015 résultait, selon les avis d'arrêt de travail, d'un « burn-out », d'un « état anxio-dépressif », « d'une dépression », la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail.

3°) ALORS QU'en décidant qu'il n'était établi aucun lien entre l'inaptitude et un manquement de l'employeur, après avoir retenu, pour déclarer inopposable à M. [E] la convention de forfait en jours à compter du 1er juillet 2012, que la société Sam Outillage n'avait pas effectué de suivi régulier de la charge de travail du salarié, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail.

4°) ALORS QUE la recherche de reclassement doit être effectuée non seulement dans l'entreprise au sein de laquelle travaillait le salarié inapte mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise et au sein desquelles l'activité, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que dans ses conclusions d'appel M. [E] faisait valoir que la société Sam Outillage n'avait pas déféré à la sommation de produire un organigramme précis au 1er juillet 2015, permettant de connaitre l'ensemble des sociétés appartenant au groupe Sam et comprenant toutes ses filiales et succursales (cf. conclusions pp. 60 et 61) ; qu'en se bornant à énoncer que la société Sam Outillage avait satisfait à son obligation de reclassement puisqu'elle justifiait d'une recherche de postes en interne ainsi qu'auprès de deux filiales et de la succursale à l'étranger sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18529
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-18529


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18529
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