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09/02/2022 | FRANCE | N°20-14880

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-14880


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 183 F-D

Pourvoi n° N 20-14.880

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société EPR protection, so

ciété à responsabilité limitée, dont le siège est chez [Adresse 2], anciennement dénommée Etude et prévention des risques, a formé le pourvoi n° N ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 183 F-D

Pourvoi n° N 20-14.880

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société EPR protection, société à responsabilité limitée, dont le siège est chez [Adresse 2], anciennement dénommée Etude et prévention des risques, a formé le pourvoi n° N 20-14.880 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [R] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société EPR protection, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), M. [D] a été engagé en qualité d'agent de protection par la société Etude et prévention des risques (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 19 juin 2006, le dernier contrat portant sur la période allant du 8 au 14 février 2016.

2. Le 30 mai 2016, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et discrimination.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, et le deuxième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat à durée déterminée du salarié du 20 mai 2013 en un contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, de rappel de salaire, outre congés payés afférents, d'indemnité de requalification, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de procédure, alors « que l'accroissement temporaire d'activité peut résulter de variations de la production, et n'a pas à présenter un caractère exceptionnel, ni même inhabituel ; qu'en l'espèce, pour procéder à la requalification des contrats à durée déterminée du salarié et condamner l'employeur au paiement de sommes à titre d'indemnité de requalification, indemnité de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ainsi qu'à titre de rappels de salaire, la cour d'appel a retenu qu'à compter du 20 mai 2013, le salarié avait signé quarante-et-un contrats à durée déterminée libellés pour "surcroît temporaire d'activité" ayant pour objet une "mission ponctuelle visant à assurer la protection d'une personnalité", entrecoupés de ruptures de quelques jours, l'intéressé établissant qu'il aurait durant cette période assuré la protection rapprochée de "M. N", en sorte qu'il avait exercé une mission "faisant partie du coeur de métier de l'entreprise" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de ce que la fonction exercée par le salarié relevait de l'activité habituelle de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-2, L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a, d'abord, retenu que si l'employeur soutenait que l'activité de protection rapprochée était une activité très particulière en ce qu'elle venait répondre à des besoins ponctuels exprimés par une clientèle constituée de personnalités importantes et que l'agent ne savait jamais à l'avance quelle serait la durée de la mission, ce fait était dénué de portée dès lors que le fait de répondre aux besoins ponctuels de clients en matière de protection rapprochée constituait l'activité normale et permanente de l'entreprise.

6. Elle a, ensuite, constaté que le salarié soutenait avoir été exclusivement affecté à la protection d'un chef d'entreprise d'un grand groupe, M. N., à compter du mois de mai 2013 et qu'il résultait des pièces produites par l'employeur qu'à compter du 20 mai 2013, il avait signé quarante-et-un contrats de travail à durée déterminée libellés "surcroît temporaire d'activité" ayant tous pour objet une "mission ponctuelle visant à assurer la protection rapprochée d'une personnalité".

7. Elle a, encore, relevé que le salarié établissait la constance de sa mission durant cette période exclusivement consacrée à la protection rapprochée de M.N. entre le 20 mai 2013 et le 14 février 2016, ainsi qu'en attestaient deux salariés de l'entreprise affectés à la protection du même client ainsi qu'un troisième salarié, qui confirmait cette mission exclusive de mai 2013 à février 2016.

8. Elle a pu en déduire que dans un contexte où il était établi que le salarié avait exercé une mission faisant partie du coeur de métier de l'entreprise, où l'employeur ne versait aucune pièce aux débats pour caractériser le moindre surcroît d'activité et où le salarié démontrait que l'employeur avait fait durablement appel à lui pour pourvoir un même poste, la relation de travail devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 mai 2013.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, alors « qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de renouvellement de contrat, en raison de son état de santé ; qu'aucune discrimination ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur pour ne pas avoir proposé de nouveau contrat à durée déterminée à un salarié, dès lors qu'aucun renouvellement du contrat n'a été prévu ; qu'en retenant, pour condamner l'exposante au paiement de dommages et intérêts à titre de discrimination, "qu'en l'absence de justification par des raisons objectives de sa décision, hormis une liberté contractuelle qui ne peut suffire à justifier la rupture brutale d'une habitude de contracter ensemble prise depuis plus de dix ans", sans constater qu'un renouvellement du contrat à durée déterminée avait été prévu, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le salarié versait aux débats des arrêts de travail à partir du 15 février 2016 jusqu'au 26 septembre 2016, un certificat médical du 1er mars 2016, un document établissant son admission en clinique le 11 mars 2016, un échange de sms les 14 et 21 mars 2016 et un courrier de son avocat adressé le 16 avril 2016 à l'employeur lui faisant grief d'avoir mis fin à la relation de travail le 23 mars 2016 quelques jours avant sa reprise prévue le 18 avril 2016. Elle a souverainement retenu que, pris dans leur ensemble, ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé.

12. Elle a, ensuite, relevé que l'employeur invoquait sa liberté contractuelle de ne pas reconclure un contrat de travail à durée déterminée et que s'il ne contestait ainsi que le motif de sa décision et non sa décision elle-même, il ne donnait aucune explication à son choix, alors même qu'il avait jusqu'à présent très régulièrement fait appel au salarié, et ce depuis très longtemps, la relation ayant commencé en 2006.

13. Elle a, encore, retenu que le fait que l'employeur avait fourni du travail au salarié à l'issue de son accident de trajet de mars 2015, après qu'il eut été déclaré apte sans réserve par le médecin du travail le 2 octobre 2015, n'était pas de nature à écarter un changement de point de vue de sa part, dès lors que le salarié subissait une rechute des suites de son accident de travail, après un premier long arrêt de travail.

14. Elle en a exactement déduit qu'en l'absence de justification par l'employeur des raisons objectives de sa décision, la liberté contractuelle ne pouvant suffire à justifier la rupture brutale d'une habitude de contracter ensemble prise depuis plus de dix ans, la preuve de la discrimination à raison de l'état de santé du salarié était rapportée.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

16. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire, alors « qu'il incombe au salarié, qui sollicite des rappels de salaires au titre des périodes non travaillées entre des contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en contrat à durée indéterminée, d'établir qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur au cours desdites périodes ; qu'en l'espèce, pour allouer au salarié des rappels de salaire au titre des périodes interstitielles, la cour d'appel a retenu que "si l'employeur soutient que le salarié ne se tenait pas à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles, il apparaît que celles-ci ont toujours été brèves durant la période requalifiée", que le salarié assurait la protection physique d'un homme d'affaires 24 h sur 24, dans le cadre d'un roulement de quatre agents, ce qui était exclusif d'un cumul d'emplois, que la société ne pouvait utilement invoquer des courriels aux termes desquels le salarié indiquait ses disponibilités, pas plus que les revenus qu'il avait perçus en 2015, la société n'établissant pas qu'ils proviendraient d'une autre activité rémunérée et que, de même, la société ne pouvait se prévaloir du curriculum vitae du salarié mentionnant d'autres employeurs, faute de justifier de la date de ce document ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la durée des périodes interstitielles et d'une situation qu'elle a estimé exclusive d'un cumul d'emploi, tout en requérant de l'employeur qu'il apporte la preuve de l'existence d'une autre activité rémunérée et de ce que c'était le salarié qui indiquait lui-même ses disponibilités, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ensemble l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1315, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1245-1 du code du travail, l'articl L. 3123-14 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

17. Il résulte de l'effet combiné de ces différents textes que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant les contrats que s'il prouve s'être tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

18. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles non rémunérées, l'arrêt retient que si l'employeur soutient que le salarié ne se tenait pas à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles, il apparaît que celles-ci ont toujours été brèves durant la période requalifiée, qu'elles ont permis à l'employeur, à une exception près, de respecter les dispositions de l'article L. 1244-3 du code du travail et ont aussi permis au salarié de bénéficier de temps de repos entre deux missions, que le salarié assurait la protection physique d'un homme d'affaires, que cette mission s'opère 24/24 heures, que cette fonction est exclusive d'un cumul d'emplois, que si l'employeur argue d'un sms du 14 mars 2016, pour soutenir que le salarié y indiquait ses disponibilités, force est de constater que celui-ci venait de subir trois jours plus tôt une opération chirurgicale liée à une rechute de son accident de travail et que le message annonçait en fait un arrêt de travail jusqu'au 18 avril, que le second, en date du 21 mars, annonçait sa "disponibilité", pour que son interlocuteur le rappelle, que la preuve d'une autre activité rémunérée, que l'intéressé conteste formellement durant la période concernée, n'est nullement rapportée.

19. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il appartenait au salarié d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur pendant les périodes interstitielles séparant les contrats, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation prononcée sur le troisième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Etudes et prévention des risques à payer à M. [D] les sommes de 84 249,51 euros à titre de rappel de salaire et de 8 424,95 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société EPR protection

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié le contrat à durée déterminée de Monsieur [D] du 20 mai 2013 en un contrat de travail à durée indéterminée, d'AVOIR dit que la rupture du contrat du 14 février 2016 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Monsieur [D] les sommes de 8.092,22 € à titre d'indemnité de préavis, 809,22 € au titre des congés payés afférents, 2.157,92 € à titre d'indemnité de licenciement, 84.249,51 € à titre de rappel de salaire, 8.424,95 € au titre des congés payés afférents, ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter du 1er juin 2016, ainsi que 7.000 € à titre d'indemnité de requalification et 28.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter de la décision, et d'AVOIR condamné l'exposante payer à Monsieur [D] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de requalification à raison de l'objet du contrat ; En ce dernier cas, la date de rupture de la relation contractuelle court à compter du terme du dernier contrat dont il n'est pas débattu en l'espèce qu'il a pris fin le 14 février 2016. Sur ce fondement, l'action engagée devant le conseil de prud'hommes le 30 mai 2016, n'est donc pas prescrite. Aux termes de l'article L 1242-1 du code du travail "Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Aux termes de l'article L 1242-2 du code du travail Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :I' Remplacement d'un salarié en cas : 2* Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise 3e Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu. il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; Si la société Etudes et Prévention des Risques soutient que l'activité de protection rapprochée est une activité très particulière en ce qu'elle vient répondre à des besoins ponctuels exprimés par une clientèle constituée de personnalités importantes et que l'agent ne sait jamais à l'avance quelle sera la durée de la mission, ce fait est dénué de portée dès lors que le fait de répondre aux besoins ponctuels de clients en matière de protection rapprochée constitue l'activité normale et permanente de l'entreprise. Au demeurant, l'activité de protection rapprochée des personnes exercée par la société EP R ne fait pas partie de celles listées par l'article D 1242-1. pour lesquelles il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. La société Etudes et Prévention des Risques justifie le recours au recrutement de M. [D] par des contrats de travail à durée déterminée par des périodes d'accroissement temporaire d'activité. Il résulte des pièces produites par le salarié, bulletins de paye notamment, que la relation de travail a commencé le 19 juin 2006, avec des collaborations ponctuelles séparées par des périodes de plusieurs semaines, voire plusieurs mois (6 heures en septembre 2009, 30 heures en janvier 2010, 6 heures en juin 2010, 8 heures en septembre 2010, 80 heures en octobre 2010, 12 heures en avril 2011, 24 heures et 36 heures en août 2011, 40heures en septembre 2011. M. [D] convient dans ses écritures n'avoir assuré que des "missions ponctuelles de protection" durant ces premières années. Il soutient en revanche avoir été exclusivement affecté à la protection d'un chef d'entreprise d'un grand groupe , M. N. à compter du mois de mai 2013. Il résulte des pièces produites par l'employeur qu'à compter du 20 mai 2013, il a signé 41 contrats de travail à durée déterminée libellés "surcroît temporaire d'activité » ayant tous pour objet une "mission ponctuelle visant à assurer la protection rapprochée d'une personnalité". M. [D] verse par ailleurs aux débats des bulletins de paye et des attestations de collaboration qui caractérisent l'existence de neuf autres contrats de travail au cours de la même période. Etant observé que l'absence de tout contrat et de toute trace de rémunération, entre le 12 mars et le 5 octobre 2015, coïncide avec la période comprise entre son accident de trajet et sa visite de reprise, M. [D] caractérise ainsi à partir du 20 mai 2013 et jusqu'au 14 février 2016 une relation de travail intense avec la société Etudes et Prévention des Risques entrecoupée de ruptures de quelques jours. Si ces ruptures caractérisent le respect par la société Etudes et Prévention des Risques du délai de carence prévu par l'article L 1244-3 du code du travail, il apparaît cependant que le contrat des 7 et 8 janvier 2015 a été suivi d'un autre contrat de travail dès le 9 et ce jusqu'au 18 janvier, dont l'écrit n'est pas produit mais l'existence caractérisée par une attestation de collaboration sur la période concernée. M. [D] établit par ailleurs de la constance de sa mission durant cette période exclusivement consacrée à la protection rapprochée de M.N. entre le 20 mai 2013 et le 14 février 2016. ainsi qu'en attestent M. [F] et M. [T]. salariés de l'entreprise affectés à la protection du même client et M. [K], également salarié de l'entreprise, qui confirme cette mission exclusive de mai 2013 à février 2016. Il résulte aussi du témoignage de M. [Z], agent de protection rapprochée, que celui-ci, qui était affecté à la protection rapprochée de M. N., a été licencié en mars 2013 et que c'est M. [D] qui l'a remplacé dans cette mission. C'est vainement que la société Etudes et Prévention des Risques argue de la différence de leurs missions en affirmant que M. [Z] accompagnait M.N. à l'étranger, à la différence de M. [D], dès lors que le caractère de tels déplacements était anecdotique. Même si l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu à la suite du licenciement de M. [Z] est frappé d'un pourvoi, il n'en a pas moins constaté le remplacement de ce salarié par une personne en contrat de travail à durée déterminée, ce qui l'a conduit à juger son licenciement pour cause économique dépourvu de cause réelle et sérieuse. Dans un contexte où il est établi que M. [D] a exercé une mission faisant partie du coeur de métier de l'entreprise, où la société Etudes et Prévention des Risques ne verse aucune pièce aux débats pour caractériser le moindre surcroît d'activité, établissant tout au contraire qu'elle venait de perdre un marché important quelques mois plus tôt et où M. [D] démontre que l'employeur a fait durablement appel à lui pour pourvoir un poste qu'avait cessé d'occuper une personne licenciée pour cause économique (ce qu'interdit au demeurant l'article L 1245-2 du code du travail), la relation de travail doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 mai 2013(?) ; Sur l'indemnité de requalification En application des dispositions de l'article L 122-3-13 du code du travail alors applicable, M. [D] est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité d'un montant qui ne peut-être inférieur à un mois de salaire sur la base du dernier salaire mensuel perçu. S'il est constant que M. [D] a été exposé par le choix du contrat à durée déterminé à une précarité certaine durant près de trois ans, il ne saurait fonder sa demande indemnitaire de ce chef sur le non renouvellement du contrat de travail après le 14 février 2016, par ailleurs réparé par les indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail. La société Etudes et Prévention des Risques sera condamnée à lui verser une somme de 7.000 € à titre d'indemnité de requalification. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail ; La requalification du contrat de travail liant les parties conduit à analyser la rupture de la relation de travail entre M. [D] et la société Etudes et Prévention des Risques en un licenciement, qui, faute de respecter les conditions légales de fond et de forme relatives au licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse. Sur l'indemnité compensatrice de préavis L'article 8 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité applicable fixe à deux mois la durée du préavis en cas de licenciement d'un salarié de la catégorie de M. [D] comptant plus de 2 années de service continu dans l'entreprise. La société Etudes et Prévention des Risques sera subséquemment condamnée à lui verser une somme de 8.092,22 € à ce titre outre 809.22 € au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris qui avait retenu une durée d'un mois, sera infirmé de ce chef. Sur l'indemnité de licenciement La relation de travail s'étant exercée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 20 mai 2013 au 14 février 2016, M. [D] compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur et a droit à une indemnité de licenciement. En application des dispositions des articles L 1234-9 et R 1234-1 à R I234-4 du code du travail, en leur version alors applicable. l'indemnité légale sera fixée à la somme de 2.157,92 euros. Le jugement entrepris qui n'en a pas fixé sera infirmé de ce chef. Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Il est constant que la société Etudes et Prévention des Risques a brutalement cessé de faire appel à M. [D] sans justifier du moindre motif. Compte-tenu de la durée de la relation de travail dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et des circonstances de la rupture, cette attitude a causé au salarié un préjudice qui justifie de condamner la société Etudes et Prévention des Risques à lui verser une somme de 28.000 € à titre d'indemnité. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Sur les demandes de rappel de salaire M. [D] ayant été à la disposition permanente de son employeur du 20 mai 2013 au 14 février 2016, comme il l'a été précédemment retenu, il lui est dû un rappel de salaire pour les périodes interstitielles non rémunérées : - année 2013 : M. [D] n'est pas fondé à demander le paiement de 3 semaines antérieures à la requalification du contrat de travail à durée déterminée (S17,18 et 19). Il n'est pas fondé à intégrer son indemnité de fin de contrat dans le calcul de son rappel de salaire qui était un forfait hebdomadaire et incluait une prime d'astreinte. Il lui est dû au titre de l'année 2013, sur la base de 1615,89 E par semaine, une somme de 22.622,46 €, outre 2.262.24 € au titre des congés payés afférents. - année 2014 : M. [D] n'est pas fondé à intégrer son indemnité de précarité dans le calcul de son rappel de salaire. Il lui est dû au titre de l'année 2014, sur la base de 1.621.26 € par semaine, une somme de 38.910.24 E. outre 3.891,02 € au titre des congés payés afférents. - année 2015 : M. [D], qui tient compte de sa période d'arrêt de travail en 2015, n'est pas fondé à intégrer son indemnité de précarité dans le calcul de son rappel de salaire. Il lui est dû au titre de l'année 2015, sur la base de 1.622.28 £ par semaine, une somme de 17.845.08 €. outre 1.784.50 € au titre des congés payés afférents. - année 2016: M. [D] justifie d'un reliquat de trois semaines non rémunérées avant la fin de la relation de travail le 14 février 2016. M. [D] n'est pas fondé à intégrer son indemnité de précarité dans le calcul de son rappel de salaire. Il lui est dû au titre de l'année 2016, sur la base de 1.623.9 E par semaine, une somme de 4.87133 E. outre 487,17 € au titre des congés payés afférents. La société Etudes et Prévention des Risques sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 84.249.51 € à titre de rappel de salaire, outre 8.424.95 € au titre des congés payés afférents. Le jugement qui a débouté M. [D] de cette demande dès lors qu'il a rejeté sa demande de requalification de ses contrats de travail autre que le dernier, sera infirmé de ce chef. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef » ;

1. ALORS QUE l'accroissement temporaire d'activité peut résulter de variations de la production, et n'a pas à présenter un caractère exceptionnel, ni même inhabituel ; qu'en l'espèce, pour procéder à la requalification des contrats à durée déterminée de Monsieur [D] et condamner l'exposante au paiement de sommes à titre d'indemnité de requalification, indemnité de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ainsi qu'à titre de rappels de salaire, la cour d'appel a retenu qu'à compter du 20 mai 2013, Monsieur [D] avait signé 41 contrats à durée déterminée libellés « surcroît temporaire d'activité » ayant pour objet une « mission ponctuelle visant à assurer la protection d'une personnalité », entrecoupés de ruptures de quelques jours, Monsieur [D] établissant qu'il aurait durant cette période assuré la protection rapprochée de « M. N », en sorte qu'il avait exercé une mission « faisant partie du coeur de métier de l'entreprise » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de ce que la fonction exercée par le salarié relevait de l'activité habituelle de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-2, L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

2. ET ALORS QUE les juges sont tenus de respecter les limites du litige ; que la cour d'appel a également retenu, pour procéder à la requalification des contrats à durée déterminée de Monsieur [D], que « si [l]es ruptures [de quelques jours entre les contrats] caractérisent le respect par la société Etudes et Prévention des Risques du délai de carence prévu par l'article L. 1244-3 du code du travail, il apparaît cependant que le contrat des 7 et 8 janvier 2015 a été suivi d'un autre contrat de travail dès le 9 et ce jusqu'au 18 janvier, dont l'écrit n'est pas produit mais l'existence caractérisée par une attestation de collaboration sur la période concernée » ; qu'en statuant ainsi, quand Monsieur [D] ne s'était nullement prévalu d'une méconnaissance du délai de carence, et moins encore au titre de la période visée par la cour d'appel, au sujet de laquelle il n'invoquait pas plus l'absence de contrat écrit, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3. ET ALORS en outre QUE la méconnaissance du délai de carence sur laquelle s'est fondée la cour d'appel (8-9 janvier 2015) était impropre à fonder la requalification prononcée, que la cour d'appel a fait débuter le 20 mai 2013 ; qu'elle a statué par des motifs inopérants en méconnaissance des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

4. ET ALORS QUE pour motiver sa décision, le juge ne peut se borner à se référer à une décision antérieure intervenue dans une autre cause ; que, pour procéder à la requalification des contrats de Monsieur [D] en contrat à durée indéterminée et condamner l'exposante au paiement de diverses sommes, la cour d'appel a également retenu qu'il résultait d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS, dans une affaire opposant l'exposante à un autre de ses salariés (Monsieur [Z]), que ladite cour avait « constaté le remplacement de ce salarié par une personne en contrat de travail à durée déterminée, ce qui l'a conduit[e] à juger son licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 6, § 6), ce dont elle a déduit que l'exposante aurait « fait appel [à Monsieur [D]] pour pourvoir un emploi qu'avait cessé d'occuper une personne licenciée pour cause économique, ce qu'interdit au demeurant l'article L. 1245-2 du code du travail » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QU'en retenant que Monsieur [D] aurait remplacé dans ses fonctions Monsieur [Z], qui occupait un contrat à durée indéterminée, sans analyser, fût-ce succinctement, l'attestation de Monsieur [M] qui précisait avoir « été embauché en CDI par le groupe depuis le mois d'avril 2013 en qualité de responsable sûreté pour assurer la sécurité personnelle de son dirigeant », remplaçant de la sorte Monsieur [Z] dans ses fonctions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6. ET ALORS QU'en affirmant qu'il résulterait d'une « attestation de collaboration » que Monsieur [D] aurait travaillé du 9 au 18 janvier 2015, et que ce dernier « verse par ailleurs aux débats des bulletins de paye et des attestations de collaboration qui caractérisent l'existence de 9 autres contrats de travail au cours de la période » du 20 mai 2013 au 14 février 2016, sans identifier ni les « attestations de collaboration », ni les « 9 autres contrats » ainsi visés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Monsieur [D] des sommes de 8.092,22 € à titre d'indemnité de préavis, 809,22 € au titre des congés payés afférents, 2.157,92 € à titre d'indemnité de licenciement, ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter du 1er juin 2016, ainsi que 7.000 € à titre d'indemnité de requalification et 28.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter de la décision ;

AUX MOTIFS QUE « sur le salaire de référence ; Le conseil de prud'hommes a retenu un salaire de référence de 3514,98 €. que l'intimé conteste en retenant pour sa part un salaire moyen de 1640,25 euros correspondant à la moyenne des salaires perçus sur les doute derniers mois au cours desquels se sont exécutés les CDD déduction faite de l'indemnité de précarité. Pour sa part, le salarié conteste également le montant du salaire de référence retenu par le conseil de prud'hommes, en se référant à son revenu moyen de l'année 2014, soit 4.046.11 € dernière année travaillée intégralement avant son accident du travail. Si l'employeur soutient que M. [D] ne se tenait pas à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles, il apparaît que celles-ci ont toujours été brèves durant la période requalifiée.Outre qu'elles ont permis à l'employeur, à une exception près, de respecter les dispositions de l'article L 1244-3 du code du travail, elles ont aussi permis à M. [D] de bénéficier de temps de repos entre deux missions, ainsi qu'il le relève. En effet aux termes des ordres de mission qui lui ont été délivrés par son employeur, il assurait la "protection physique d° un homme d'affaires, cette mission s'opère 24/24h. dans la sphère professionnelle, de façon mobile ou statique, sur voie publique et lieux privés. Il verse aux débats quelques plannings établissant un service à deux agents par jour, assuré par roulement par quatre agents au total : M. [T], M. [U], M. [F] et lui-même. Une telle activité est effectivement exclusive d'un cumul d'emploi. à la différence de ses collaborations antérieures ; Si la société Etudes et Prévention des Risques argue d'un sms du 14 mars 2016, pour soutenir que M. [D] y indiquait ses disponibilités "comme il est d'usage dans ce domaine d'activité où l'on cumule plusieurs emplois-. force est de constater que M. [D] venait de subir trois jours plus tôt une opération chirurgicale liée à une rechute de son accident de travail et qu'à la lumière de cet événement le message annonce en fait un arrêt de travail jusqu'au 18 avril. Quand au second, en date du 21 mars, époque où il était toujours en arrêt de travail, il s'agit certes d'un message annonçant sa "disponibilité-. mais pour que son interlocuteur le rappelle, celui-ci lui ayant écrit qu'il ne pouvait lui répondre, étant en réunion. Si la société Etudes et Prévention des Risques soutient que l'examen des revenus de M. [D] sur 2015 et 2016 caractérise une activité en dehors de celle qu'il a exercée à son service, c'est en réalité la perception d'allocations journalières liées à son accident de travail qui a donné à M. [D] des revenus complémentaires en 2015 et 2016 et la preuve d'une autre activité rémunérée. qu'il conteste formellement durant la période concernée n'est nullement rapportée. Enfin, si l'employeur argue de ce que le curriculum vitae évoque concurremment 3 employeurs à partir de 2005, il ne justifie nullement de la date du document qu'il produit, dont M. [D] affirme qu'il est contemporain de son recrutement. En 2006. Si le salaire mensuel de référence doit donc être calculé sur la base d'un temps plein, dès lors que le salarié justifie s'être tenu à la disposition permanente de son employeur durant cette période, c'est à juste titre que l'employeur observe qu'il convient d'exclure les indemnités de précarité du salaire moyen. Il doit cependant être tenu compte des primes d'astreinte dans la rémunération, ce qu'a omis de faire le conseil de prud'hommes. Sur la base du dernier salaire de M. [D], tel qu'il résulte de son bulletin de paie du 14 février 2016, il justifie ainsi d'un montant brut de 1.623.91 € pour un forfait de 46 heures. Son salaire de référence sera dès lors fixé à 4.046,11 €, dans les limites de sa demande. Sur l'indemnité de requalification. En application des dispositions de l'article L 122-3-13 du code du travail alors applicable, M. [D] est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité d'un montant qui ne peut-être inférieur à un mois de salaire sur la base du dernier salaire mensuel perçu. S'il est constant que M. [D] a été exposé par le choix du contrat à durée déterminé à une précarité certaine durant près de trois ans, il ne saurait fonder sa demande indemnitaire de ce chef sur le non renouvellement du contrat de travail après le 14 février 2016, par ailleurs réparé par les indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail. La société Etudes et Prévention des Risques sera condamnée à lui verser une somme de 7.000 € à titre d'indemnité de requalification. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail ; La requalification du contrat de travail liant les parties conduit à analyser la rupture de la relation de travail entre M. [D] et la société Etudes et Prévention des Risques en un licenciement, qui, faute de respecter les conditions légales de fond et de forme relatives au licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse. Sur l'indemnité compensatrice de préavis L'article 8 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité applicable fixe à deux mois la durée du préavis en cas de licenciement d'un salarié de la catégorie de M. [D] comptant plus de 2 années de service continu dans l'entreprise. La société Etudes et Prévention des Risques sera subséquemment condamnée à lui verser une somme de 8.092,22 € à ce titre. outre 809.22 € au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris. qui avait retenu une durée d'un mois, sera infirmé de ce chef. Sur l'indemnité de licenciement La relation de travail s'étant exercée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 20 mai 2013 au 14 février 2016, M. [D] compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur et a droit à une indemnité de licenciement. En application des dispositions des articles L 1234-9 et R 1234-1 à R I234-4 du code du travail, en leur version alors applicable. l'indemnité légale sera fixée à la somme de 2.157,92 euros. Le jugement entrepris qui n'en a pas fixé sera infirmé de ce chef. Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Il est constant que la société Etudes et Prévention des Risques a brutalement cessé de faire appel à M. [D] sans justifier du moindre motif. Compte-tenu de la durée de la relation de travail dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et des circonstances de la rupture, cette attitude a causé au salarié un préjudice qui justifie de condamner la société Etudes et Prévention des Risques à lui verser une somme de 28.000 E à titre d'indemnité. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef » ;

1. ALORS QUE les juges sont tenus de respecter les limites du litige telles qu'elles résultent des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour fixer à 4.046,11 € le salaire de référence de Monsieur [D] sur lequel elle s'est fondée pour déterminer le montant de l'indemnité de préavis et congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ainsi que de l'indemnité de requalification, la cour d'appel a retenu que le salarié s'était tenu à la disposition de l'employeur durant les périodes interstitielles ; qu'en statuant ainsi, quand, pour fixer à 4.046,11 € son salaire de référence, Monsieur [D] faisait exclusivement valoir qu'en raison de son arrêt de travail, ledit salaire devait être celui des 12 derniers mois précédant cet arrêt, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2. ET ALORS en tout état de cause QUE la cassation à intervenir sur le fondement du troisième moyen de cassation entraînera celle du chef de dispositif attaqué, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Monsieur [D] la somme de 84.249,51 € à titre de rappel de salaire et de 8.424,95 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2016 ; AUX MOTIFS QUE « sur le salaire de référence ; Le conseil de prud'hommes a retenu un salaire de référence de 3514,98 €. que l'intimé conteste en retenant pour sa part un salaire moyen de1640,25 euros correspondant à la moyenne des salaires perçus sur les doute derniers mois au cours desquels se sont exécutés les CDD. déduction faite de l'indemnité de précarité. Pour sa part, le salarié conteste également le montant du salaire de référence retenu par le conseil de prud'hommes, en se référant à son revenu moyen de l'année 2014, soit 4.046.11 €. dernière année travaillée intégralement avant son accident du travail. Si l'employeur soutient que M. [D] ne se tenait pas à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles, il apparaît que celles-ci ont toujours été brèves durant la période requalifiée.Outre qu'elles ont permis à l'employeur, à une exception près, de respecter les dispositions de l'article L 1244-3 du code du travail, elles ont aussi permis à M. [D] de bénéficier de temps de repos entre deux missions, ainsi qu'il le relève. En effet aux termes des ordres de mission qui lui ont été délivrés par son employeur, il assurait la "protection physique d° un homme d'affaires, cette mission s'opère 24/24h. dans la sphère professionnelle, de façon mobile ou statique, sur voie publique et lieux privés. Il verse aux débats quelques plannings établissant un service à deux agents par jour, assuré par roulement par quatre agents au total : M. [T], M. [U], M. [F] et lui-même. Une telle activité est effectivement exclusive d'un cumul d'emploi. à la différence de ses collaborations antérieures ; Si la société Etudes et Prévention des Risques argue d'un sms du 14 mars 2016, pour soutenir que M. [D] y indiquait ses disponibilités "comme il est d'usage dans ce domaine d'activité où l'on cumule plusieurs emplois-. force est de constater que M. [D] venait de subir trois jours plus tôt une opération chirurgicale liée à une rechute de son accident de travail et qu'à la lumière de cet événement le message annonce en fait un arrêt de travail jusqu'au 18 avril. Quand au second, en date du 21 mars, époque où il était toujours en arrêt de travail, il s'agit certes d'un message annonçant sa "disponibilité-. mais pour que son interlocuteur le rappelle, celui-ci lui ayant écrit qu'il ne pouvait lui répondre, étant en réunion. Si la société Etudes et Prévention des Risques soutient que l'examen des revenus de M. [D] sur 2015 et 2016 caractérise une activité en dehors de celle qu' il a exercée à son service, c'est en réalité la perception d'allocations journalières liées à son accident de travail qui a donné à M. [D] des revenus complémentaires en 2015 et 2016 et la preuve d'une autre activité rémunérée. qu'il conteste formellement durant la période concernée. n'est nullement rapportée. Enfin, si l'employeur argue de ce que le curriculum vitae évoque concurremment 3 employeurs à partir de 2005, il ne justifie nullement de la date du document qu'il produit, dont M. [D] affirme qu'il est contemporain de son recrutement. En 2006. Si le salaire mensuel de référence doit donc être calculé sur la base d'un temps plein, dès lors que le salarié justifie s'être tenu à la disposition permanente de son employeur durant cette période, c'est à juste titre que l'employeur observe qu'il convient d'exclure les indemnités de précarité du salaire moyen. Il doit cependant être tenu compte des primes d'astreinte dans la rémunération, ce qu'a omis de faire le conseil de prud'hommes. Sur la base du dernier salaire de M. [D], tel qu'il résulte de son bulletin de paie du 14 février 2016, il justifie ainsi d'un montant brut de 1.623.91 € pour un forfait de 46 heures. Son salaire de référence sera dès lors fixé à 4.046,11 €, dans les limites de sa demande (?) ; Sur les demandes de rappel de salaire M. [D] ayant été à la disposition permanente de son employeur du 20 mai 2013 au 14 février 2016, comme il l'a été précédemment retenu, il lui est dû un rappel de salaire pour les périodes interstitielles non rémunérées : - année 2013 : M. [D] n'est pas fondé à demander le paiement de 3 semaines antérieures à la requalification du contrat de travail à durée déterminée (S17,18 et 19). Il n'est pas fondé à intégrer son indemnité de fin de contrat dans le calcul de son rappel de salaire qui était un forfait hebdomadaire et incluait une prime d'astreinte. Il lui est dû au titre de l'année 2013, sur la base de 1615,89 € par semaine, une somme de 22.622,46 €, outre 2.262.24 € au titre des congés payés afférents. - année 2014 : M. [D] n'est pas fondé à intégrer son indemnité de précarité dans le calcul de son rappel de salaire. Il lui est dû au titre de l'année 2014, sur la base de 1.621.26 € par semaine, une somme de 38.910.24 E. outre 3.891.02 € au titre des congés payés afférents. - année 2015 : M. [D], qui tient compte de sa période d'arrêt de travail en 2015, n'est pas fondé à intégrer son indemnité de précarité dans le calcul de son rappel de salaire. Il lui est dû au titre de l'année 2015, sur la base de 1.622.28 € par semaine, une somme de 17.845.08 € outre 1.784.50 € au titre des congés payés afférents. - année 2016 : M. [D] justifie d'un reliquat de trois semaines non rémunérées avant la fin de la relation de travail le 14 février 2016. M. [D] n'est pas fondé à intégrer son indemnité de précarité dans le calcul de son rappel de salaire. Il lui est dû au titre de l'année 2016, sur la base de 1.623.9 € par semaine, une somme de 4.87133 €. outre 487,17 € au titre des congés payés afférents. La société Etudes et Prévention des Risques sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 84.249.51 € à titre de rappel de salaire, outre 8.424.95 € au titre des congés payés afférents. Le jugement qui a débouté M. [D] de cette demande dès lors qu'il a rejeté sa demande de requalification de ses contrats de travail autre que le dernier, sera infirmé de ce chef » ;

ALORS QU'il incombe au salarié, qui sollicite des rappels de salaires au titre des périodes non travaillées entre des contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en contrat à durée indéterminée, d'établir qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur au cours desdites périodes ; qu'en l'espèce, pour allouer à Monsieur [D] des rappels de salaire au titre des périodes interstitielles, la cour d'appel a retenu que « si l'employeur soutient que Monsieur [D] ne se tenait pas à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles, il apparaît que celles-ci ont toujours été brèves durant la période requalifiée », que Monsieur [D] assurait la protection physique d'un homme d'affaires 24h sur 24, dans le cadre d'un roulement de quatre agents, ce qui était exclusif d'un cumul d'emplois, que la société EPR ne pouvait utilement invoquer des courriels aux termes desquels le salarié indiquait ses disponibilités, pas plus que les revenus qu'il avait perçus en 2015, la société n'établissant pas qu'ils proviendraient d'une autre activité rémunérée et que, de même, la société EPR ne pouvait se prévaloir du curriculum vitae de Monsieur [D] mentionnant d'autres employeurs, faute de justifier de la date de ce document ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la durée des périodes interstitielles et d'une situation qu'elle a estimé exclusive d'un cumul d'emploi, tout en requérant de l'employeur qu'il apporte la preuve de l'existence d'une autre activité rémunérée et de ce que c'était le salarié qui indiquait lui-même ses disponibilités, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ensemble l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1315, devenu 1353 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Monsieur [D] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail alors applicable, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article ler de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation. de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son étal de santé ou de son handicap.' ; Aux termes de l'article L 1134-1 du même code, "Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article ler de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments. il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Pour caractériser la discrimination dont il s'estime victime, M. [D] verse aux débats : - des arrêts de travail à partir du 15 février 2016 jusqu'au 26 septembre 2016. - un certificat médical du 1er mars 2016 établissant que son accident de trajet survenu le 13 mars 2015 a eu pour conséquence une impotence fonctionnelle douloureuse des deux genoux, - un document établissant son admission en clinique le 11 mars 2016 pour une ménisectomie du genou droit, - un échange de sms dont il résulte que le lundi 14 mars 2016, M. [D] a écrit à M. [V] "coucou mon [S], retour sur mission le lundi 18 avril avec fifi..." et s'est vu répondre - "Slt stéphane, bien pris en compte ton message on se tient au courant la semaine prochaine" et que le lundi 21 mars 2016. M. [V] lui a indiqué dans un premier message "être en réunion avec les boss", puis dans un second que "[J]" souhaiterait le rencontrer ce mercredi à 10 h à son bureau, date correspondant au 23 mars 2016, un courrier de son avocat adressé le 16 avril 2016 à la société Etudes et Prévention des Risques lui faisant grief d'avoir mis fin à la relation de travail le 23 mars 2016 quelques jours avant sa reprise prévue le 18 avril 2016. Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé. Dans ses écritures, la société Etudes et Prévention des Risques conteste avoir jamais refusé le renouvellement de son dernier contrat à durée déterminée le 23 mars 2016 » en raison de l'état de santé du salarié et invoque sa liberté contractuelle de ne pas reconclure un contrat de travail à durée déterminée. Si la société Etudes et Prévention des Risques ne conteste ainsi que le motif de sa décision et non sa décision elle-même, elle ne donne pour autant aucune explication à son choix, alors même qu'elle avait jusqu'à présent très régulièrement fait appel à M. [D], et ce depuis très longtemps, la relation ayant commencé en 2006 au vu de l'ancienneté mentionnée sur les plus anciens contrats de travail produits. Si l'employeur argue, pour contester toute discrimination, avoir fourni du travail avec M. [D] à l'issue de son accident de trajet de mars 2015, après qu'il ait été déclaré apte sans réserve par le médecin du travail le 2 octobre 2015, ce fait n'est pas de nature à écarter un changement de point de vue de la part de l'employeur, dès lors que M. [D] subissait une rechute des suites de son accident de travail, après un premier long arrêt de travail. En l'absence de justification par des raisons objectives de sa décision, hormis une liberté contractuelle qui ne peut suffire à justifier la rupture brutale d'une habitude de contracter ensemble prise depuis plus de dix ans, la preuve de la discrimination de M. [D] à raison de son état de santé est rapportée. M. [D] ne développant pas un argumentaire particulier pour justifier du montant de sa demande de dommages et intérêts, la société Etudes et Prévention des Risques sera condamnée à verser à M. [D] une somme de 5.000 € en réparation du préjudice moral subi. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef » ;

ALORS QU'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de renouvellement de contrat, en raison de son état de santé ; qu'aucune discrimination ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur pour ne pas avoir proposé de nouveau contrat à durée déterminée à un salarié, dès lors qu'aucun renouvellement du contrat n'a été prévu ; qu'en retenant, pour condamner l'exposante au paiement de dommages et intérêts à titre de discrimination, « qu'en l'absence de justification par des raisons objectives de sa décision, hormis une liberté contractuelle qui ne peut suffire à justifier la rupture brutale d'une habitude de contracter ensemble prise depuis plus de dix ans », sans constater qu'un renouvellement du contrat à durée déterminée avait été prévu, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14880
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-14880


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14880
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