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09/02/2022 | FRANCE | N°19-24119

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 février 2022, 19-24119


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 146 F-D

Pourvoi n° J 19-24.119

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [M] [R], domicilié [Adresse 2], a

formé le pourvoi n° J 19-24.119 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 146 F-D

Pourvoi n° J 19-24.119

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [M] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 19-24.119 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [U], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [C] [U],

3°/ à M. [E] [R], tous deux domiciliés [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [R], de Me Balat, avocat de MM. [V] et [C] [U], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 septembre 2019), MM. [M] et [E] [R] sont propriétaires indivis de parcelles agricoles.

2. Par contrat du 1er novembre 2002, établi au nom des deux frères mais signé par M. [E] [R] seul, ces parcelles ont été données à bail à ferme à M. [V] [U].

3. Celui-ci les a mises à la disposition du groupement agricole d'exploitation en commun de Gondat.

4. Par lettres des 25 avril 2016 et 20 janvier 2017, M. [V] [U], qui souhaitait prendre sa retraite, a demandé à MM. [M] et [E] [R] l'autorisation de céder le bail à son fils, [C].

5. Par lettre du 31 juillet 2017, M. [C] [U] a également sollicité cette autorisation.

6. Par acte du 7 septembre 2017, MM. [V] et [C] [U] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. M. [M] [R] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 17 décembre 2018 en ses dispositions le condamnant à payer à M. [V] [U] une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, et de le condamner, in solidum avec M. [E] [R], à payer à M. [C] [U] une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens de l'appel, alors :

« 1°/ que seule la partie perdante peut être condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ; que la partie à l'égard de laquelle aucune condamnation n'est prononcée et qui ne succombe sur aucune demande reconventionnelle ne saurait être considérée comme la partie perdante et ne peut donc être condamnée aux dépens sans que cette condamnation soit spécialement motivée ; que la cour d'appel qui, après avoir débouté les consorts [U] de toutes leurs demandes dirigées contre M. [M] [R], lequel n'avait par ailleurs formé aucune demande reconventionnelle à l'égard de quiconque, a condamné M. [M] [R], partie gagnante, in solidum avec M. [E] [R], à prendre en charge les dépens de première instance et d'appel sans spécialement motiver sa décision sur ce point a violé l'article 696 du code de procédure civile ;

2°/ que seule la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante peut être condamnée à verser à l'autre partie une indemnité au titre des frais irrépétibles ; que dès lors que M. [M] [R], partie gagnante, avait été irrégulièrement et sans motivation condamné aux dépens, il ne pouvait être condamné au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles ; qu'en condamnant M. [M] [R], partie gagnante et dont la condamnation aux dépens n'était pas motivée, à payer aux consorts [U], in solidum avec M. [E] [R], des indemnités au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, la cour d'appel a violé l'article 700 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

8. Selon le premier de ces textes, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

9. Le second prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Ayant retenu que le bail rural était inopposable à M. [M] [R], l'arrêt confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, infirme cette décision pour le surplus et, statuant à nouveau, rejette la demande de MM. [V] et [C] [U] en autorisation de cession du bail rural du 1er novembre 2002, condamne M. [E] [R] à payer à M. [C] [U] une somme à titre de dommages et intérêts, rejette les autres demandes, et condamne in solidum MM. [M] et [E] [R] à payer à M. [C] [U] une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens de l'appel.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait rejeté toutes les demandes de MM. [V] et [C] [U] dirigées contre M. [M] [R] et que celui-ci n'avait présenté pour sa part aucune demande reconventionnelle, de sorte qu'il n'était pas une partie perdante, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

14. Il y a lieu de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens formées contre M. [M] [R].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 17 décembre 2018 en ses dispositions condamnant M. [M] [R] à payer à M. [V] [U] une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, et le condamne, in solidum avec M. [E] [R], à payer à M. [C] [U] une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens de l'appel, l'arrêt rendu le 9 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu de mettre à la charge de M. [M] [R] les dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de condamner M. [M] [R] à payer une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel ;

Ordonne la restitution à M. [M] [R] des sommes qu'il justifie avoir déjà versées au titre des dépens et des frais irrépétibles en première instance et en appel ;

Maintient les condamnations prononcées à ce titre à l'encontre de M. [E] [R] seul ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [V] et [C] [U] à hauteur de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. [M] [R]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Tulle en date du 17 décembre 2018 en ses dispositions condamnant M. [M] [R], in solidum avec M. [E] [R], à payer à M. [V] [U] la somme de 1.200 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, et d'avoir condamné M. [M] [R], in solidum avec M. [E] [R], à payer à M. [C] [U] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à prendre en charge les dépens de l'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la demande d'autorisation de cession du bail rural : Il résulte des dispositions de l'article L. 411-35 du code rural que toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés et qu'à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire. Par ailleurs, la conclusion d'un bail portant sur un immeuble indivis à usage agricole nécessite l'accord de tous les indivisaires et, dans l'hypothèse où le bail a été conclu par un indivisaire, sa conclusion ne peut résulter que d'un mandat spécial (3e Civ., 12 avril 1995, nº 92-20.732). En l'espèce, les terres données à bail à M. [V] [U] le 1er novembre 2002 appartiennent en indivision à M. [M] [R] et à M. [E] [R] et ce dernier, seul signataire du bail, ne disposait pas d'un mandat spécial de son frère pour consentir à cette location. Sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existait en l'espèce un mandat apparent et quelle que soit la bonne foi du preneur, MM. [V] et [C] [U] ne sauraient se prévaloir de l'existence d'un tel mandat qui ne permet pas de pallier le défaut de pouvoir spécial. Le bail litigieux qui est inopposable à M. [M] [R], ne saurait être cédé au fils du preneur sans porter atteinte aux droits de M. [M] [R] qui n'a pas consenti au bail. Dans ces conditions, il y a lieu de débouter MM. [V] et [C] [U] de leurs demandes. La décision des premiers juges sera donc infirmée. Sur la demande de dommages et intérêts : M. [E] [R] a établi le contrat de bail au nom des deux indivisaires mais sans l'avoir soumis à l'accord de son frère. Il est seul responsable de la mise en location des terres dans de telles conditions et ne saurait reprocher à M. [V] [U] de ne pas avoir sollicité l'accord du copropriétaire. Le bail conclu irrégulièrement s'est ainsi poursuivi pendant 15 ans au cours desquels, M. M. [V] [U] a payé les fermages, seul le paiement du fermage de 2017 étant contesté. Si M. [E] [R] a reconnu avoir encaissé les fermages, les deux indivisaires se sont gardés d'évoquer la question du partage des revenus indivis. La bonne foi étant présumée, M. [M] [R] qui ne démontre pas le contraire est donc présumé avoir perçu la moitié desdits fermages. Dans ces conditions, M. [V] [U] a pu légitiment croire que M. [E] [R] agissait dans le cadre d'un mandat tacite et partageait les fermages avec son frère qui habitait dans une commune environnante, comme mentionné dans hle bail. En agissant de la sorte, M. [E] [R] a commis une faute qui cause un préjudice direct et certain, non pas à M. [V] [U] qui a pu jouir des terres données à bail jusqu'à son départ à la retraite le 1er janvier 2018, mais à M. [C] [U] qui a intégré le GAEC de Gondat à la disposition duquel il devait mettre les terres objet du bail litigieux dont il a pu croire qu'il était régulier. En conséquence, M. [E] [R] sera condamné à lui payer la somme de 10 000 € de dommages et intérêts. Sur les autres demandes : A la suite de la présente procédure, M. [C] [U] a exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de l'en indemniser. M. [M] [R] et M. [E] [R] seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (arrêt attaqué pp. 4-5-6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur les dépens et autres frais : l'article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Puisque succombantes, M. [E] [R] et M. [M] [R] seront condamnés aux dépens. L'équité commande que M. [E] [R] soit en outre condamné à payer à M. [V] [U] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et que M. [M] [R] soit également condamné à payer à M. [V] [U] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile jugement p. 7) ;

ALORS, d'une part, QUE seule la partie perdante peut être condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ; que la partie à l'égard de laquelle aucune condamnation n'est prononcée et qui ne succombe sur aucune demande reconventionnelle ne saurait être considérée comme la partie perdante et ne peut donc être condamnée aux dépens sans que cette condamnation soit spécialement motivée ; que la cour d'appel qui, après avoir débouté les consorts [U] de toutes leurs demandes dirigées contre M. [M] [R], lequel n'avait par ailleurs formé aucune demande reconventionnelle à l'égard de quiconque, a condamné M. [M] [R], partie gagnante, in solidum avec M. [E] [R], à prendre en charge les dépens de première instance et d'appel sans spécialement motiver sa décision sur ce point a violé l'article 696 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE seule la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante peut être condamnée à verser à l'autre partie une indemnité au titre des frais irrépétibles ; que dès lors que M. [M] [R], partie gagnante, avait été irrégulièrement et sans motivation condamné aux dépens, il ne pouvait être condamné au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles ; qu'en condamnant M. [M] [R], partie gagnante et dont la condamnation aux dépens n'était pas motivée, à payer aux consorts [U], in solidum avec M. [E] [R], des indemnités au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, la cour d'appel a violé l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-24119
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 09 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 fév. 2022, pourvoi n°19-24119


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Bertrand, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.24119
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