LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 février 2022
Cassation
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 86 F-D
Pourvoi n° R 20-19.023
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 FÉVRIER 2022
M. [U] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-19.023 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre de l'exécution-JEX), dans le litige l'opposant à la société MCS et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [M], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 4 novembre 2019) et les productions, par un acte du 7 octobre 1996, M. [M], dirigeant de la société CIM C2A, s'est rendu caution solidaire des engagements contractés par cette société à l'égard du Crédit lyonnais.
2. La société CIM C2A ayant été mise en redressement judiciaire le 13 janvier 1997, le Crédit lyonnais a déclaré sa créance le 24 janvier 1997. La procédure collective ayant été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 21 juillet 1997, le Crédit lyonnais a de nouveau déclaré sa créance le 28 juillet 1997.
3. Par un jugement du 28 décembre 1999, signifié le 20 janvier 2000, M. [M], a été condamné en sa qualité de caution, à payer au Crédit lyonnais la somme de 206 065,23 francs (31 414,44 euros).
4. Par un acte notarié du 4 mars 2009, le Crédit lyonnais a cédé des créances à la société MCS et associés.
5. Par un acte d'huissier de justice du 14 juin 2018, la société MCS et associés a signifié la cession de créance et un commandement de payer aux fins de saisie-vente à M. [M], qui les a contestés devant le juge de l'exécution.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
6. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'acte d'huissier de justice du 14 juin 2018, alors :
« 1°/ que les accessoires de la créance principale ne sont pas transférés au cessionnaire lorsque la cession de celle-ci est nulle faute d'objet ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que la société MCS et associés était fondée à faire délivrer à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente, que, sous le régime des procédures collectives alors applicable, la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif n'avait pas pour effet d'éteindre la dette et que le créancier conservait son droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur, de sorte que l'issue de la procédure collective de la société CIM C2A n'avait aucune incidence sur le sort de la créance de la banque à l'encontre de M. [M] qui avait été condamné, en sa qualité de caution, par le jugement du tribunal de commerce de Chaumont en date du 28 décembre 1999, à payer à la banque la somme de 31 414,44 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le Crédit lyonnais avait cédé à la société MCS et associés, non pas la créance qu'il détenait directement à l'encontre de M. [M], mais la seule créance qu'il détenait à l'encontre de la société CIM C2A et si celle-ci n'était pas nulle faute d'objet dès lors que la créance était définitivement éteinte au jour de la cession de sorte que les accessoires de cette créance n'avaient pu être transférés au bénéfice de la société MCS et associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et de l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, ensemble les articles 1126 et 1692 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
3°/ qu'en se bornant à énoncer que le tribunal de commerce avait jugé que la déclaration de créance effectuée par le Crédit lyonnais le 28 juillet 1997 était valide, sans rechercher précisément, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas effectué une première déclaration de créance le 24 janvier 1997, laquelle avait été jugée irrégulière, ce qui avait eu pour effet d'éteindre définitivement la créance qu'elle détenait à l'encontre de la société CIM C2A et de rendre sans objet toute cession de celle-ci à un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et de l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, ensemble l'article 1693 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 et les articles 1108, 1126, 1692 et 1693 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Selon les deux premiers textes, le défaut de déclaration régulière d'une créance antérieure au jugement d'ouverture entraîne l'extinction de cette créance. Et il résulte des quatre autres qu'une créance éteinte ne peut être cédée, pas plus que ses accessoires, tel le cautionnement en garantissant le paiement, ce dont la caution peut se prévaloir.
8. Pour rejeter la demande d'annulation de la signification de la cession de créance et du commandement aux fins de saisie-vente formée par M. [M], la cour d'appel qui relève que M. [M] soutient que la créance du Crédit lyonnais était éteinte et qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une cession dès lors qu'elle serait intervenue hors procédure de relevé de forclusion pour avoir été déclarée après le prononcé de la liquidation judiciaire, retient que la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif n'a pas pour effet d'éteindre la dette et que le créancier conserve son droit de poursuite à l'égard de la caution, de sorte que l'issue de la procédure collective de la société CIM C2A n'a aucune incidence sur le sort de la créance de la banque à l'encontre de M. [M], condamné en sa qualité de caution.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la créance du Crédit lyonnais n'était pas définitivement éteinte pour avoir fait l'objet, le 24 janvier 1997, d'une déclaration irrégulière, ni répondre au moyen selon lequel la cession de créance du 4 mars 2009 aurait ainsi été privée d'objet, en sorte que les accessoires de la créance éteinte ne pouvaient être transférés à la société MCS et associés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société MCS et associés aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MCS et associés à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [M].
M. [M] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à ce que l'acte d'huissier du 14 juin 2018 soit déclaré nul ;
1°) ALORS QUE les accessoires de la créance principale ne sont pas transférées au cessionnaire lorsque la cession de celle-ci est nulle faute d'objet ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que la société MCS et Associés était fondée à faire délivrer à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie vente, que, sous le régime des procédures collectives alors applicable, la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif n'avait pas pour effet d'éteindre la dette et que le créancier conservait son droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur, de sorte que l'issue de la procédure collective de la société CIM C2A n'avait aucune incidence sur le sort de la créance de la banque à l'encontre de M. [M] qui avait été condamné, en sa qualité de caution, par le jugement du tribunal de commerce de Chaumont en date du 28 décembre 1999, à payer à la banque la somme de 31.414,44 €, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le Crédit Lyonnais avait cédé à la société MCS et Associés, non pas la créance qu'il détenait directement à l'encontre de M. [M], mais la seule créance qu'il détenait à l'encontre de la société CIM C2A et si celle-ci n'était pas nulle faute d'objet dès lors que la créance était définitivement éteinte au jour de la cession de sorte que les accessoires de cette créance n'avaient pu être transférés au bénéfice de la société MCS et Associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et de l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, ensemble les articles 1126 et 1692 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse sous le régime antérieur à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, la créance déclarée irrégulièrement à la procédure de redressement judiciaire est définitivement éteinte de sorte qu'elle ne peut être cédée à un tiers, et ce, quelle que soit l'issue de la procédure collective ; qu'en énonçant que sous le régime des procédures collectives alors applicable, la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif n'avait pas pour effet d'éteindre la dette et que le créancier conservait son droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur de sorte que l'issue de la procédure collective de la société CIM C2A n'avait aucune incidence sur le sort de la créance de la banque à l'encontre de M. [M] condamné en sa qualité de caution par le jugement du tribunal de commerce de Chaumont en date du 28 décembre 1999, la cour d'appel, qui s'est fondée sur la circonstance inopérante que la liquidation judiciaire du débiteur principal avait été clôturée pour insuffisance d'actif pour en déduire que la dette de ce dernier n'était pas éteinte et que le créancier pouvait agir en paiement contre la caution, a violé l'article 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et de l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, ensemble l'article 1126 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
3°) ALORS QU'en se bornant à énoncer que le tribunal de commerce avait jugé que la déclaration de créance effectuée par le Crédit Lyonnais le 28 juillet 1997 était valide, sans rechercher précisément, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas effectué une première déclaration de créance le 24 janvier 1997, laquelle avait été jugée irrégulière, ce qui avait eu pour effet d'éteindre définitivement la créance qu'elle détenait à l'encontre de la Sa CIM C2A et de rendre sans objet toute cession de celle-ci à un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et de l'article 66 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, ensemble l'article 1693 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
4°) ALORS QU'au surplus l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant que le tribunal de commerce, qui n'avait pas tranché dans le dispositif de son jugement du 28 décembre 1999 la question de la validité de la déclaration de créance effectuée par le Crédit Lyonnais au passif de la procédure collective de la société CIM C2A, avait jugé que la déclaration de créance effectuée par le Crédit Lyonnais le 28 juillet 1997 était valide, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur les seuls motifs du jugement du 28 décembre 1999, lesquels étaient dépourvus d'autorité de chose jugée, a violé l'article 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile.