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02/02/2022 | FRANCE | N°20-17348

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2022, 20-17348


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 166 F-D

Pourvoi n° V 20-17.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

1°/ la société Capgemini Techn

ology Services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],venant également aux droits de Sogeti France, Capgemini Outsourcing S...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 166 F-D

Pourvoi n° V 20-17.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

1°/ la société Capgemini Technology Services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],venant également aux droits de Sogeti France, Capgemini Outsourcing Services et Sogeti Corporate Service.

2°/ la société Capgemini France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 11],

3°/ la société Odigo, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ la société Itelios, dont le siège est [Adresse 7],

5°/ la société Capgemini Dems France, dont le siège est [Adresse 8], anciennement dénommée Sogeti High Tech,

6°/ la société Prosodie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],

7°/ la société Idean Capgemini Creative Studios France,dont le siège est [Adresse 12], anciennement dénommée Backelite,

8°/ la société Open Cascade, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],

9°/ la société Cloud ERP Solutions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5],

10°/ la société Capgemini Consulting, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 9],

11°/ la société Capgemini Service, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

12°/ la société Capgemini Gouvieux, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 20-17.348 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [E] [K], domicilié [Adresse 13],

2°/ au syndicat CGT-Capgemini, dont le siège est [Adresse 10],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des sociétés Capgemini Technology Services, Capgemini France, Odigo, Itelios, Capgemini Dems France, Prosodie, Idean Capgemini Creative Studios France, Open Cascade, Cloud ERP Solutions, Capgemini Consulting, Capgemini Service et Capgemini Gouvieux, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K] et du syndicat CGT-Capgemini, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 févrie 2020) et les productions, M. [K] est délégué du personnel de l'établissement Sud-Est de la société Capgemini Dems France, anciennement dénommée Sogeti High tech, qui est une des sociétés composant l'UES Capgemini.

2. Par lettre du 14 novembre 2016, il a saisi le directeur d'établissement d'une demande d'enquête par application de l'article L. 2313-2 , alinéa 3, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, suite à la mise en place d'une nouvelle solution de déclaration de frais professionnels, dénommée « my expenses », liée à l'utilisation d'une carte bancaire American Express Corporate en voie de déploiement au sein des entités composant l'UES Capgemini, aux motifs que cette solution pénaliserait les salariés par la perception de frais financiers dans le cas d'un débit enregistré sur cette carte de paiement et que la collecte d'informations personnelles à chaque utilisateur de ce moyen de paiement par l'entreprise American Express échapperait aux exigences posées par la loi du 6 janvier 1978.

3. Suite au refus du directeur de donner suite à cette demande, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation des sociétés composant l'UES à mettre en oeuvre l'enquête sollicitée.

4. Le syndicat CGT Capgemini est intervenu volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Capgemini Technology Services, venant aux droits de Sogeti France, Capgemini Outsourcing Services et Sogeti Corporate Service, la société Capgemini France, la société Odigo, la société Itelios, la société Capgemini Dems France (anciennement dénommée Sogeti High Tech), la société Prosodie, la société Idean Capgemini Creative Studios France (anciennement dénommée Backelite), la société Open Cascade, la société Cloud ERP Solutions, la société Capgemini Consulting, la société Capgemini Service et la société Capgemini Gouvieux font grief à l'arrêt d'ordonner à la direction des affaires sociales de l'UES de diligenter sans délai une enquête faisant suite au droit d'alerte du délégué du personnel, de dire que cette enquête aura pour objet « d'éclaircir cette situation créée par Ia mise en place du système My Expenses et de prendre (éventuellement) Ies dispositions nécessaires pour éviter notamment tout impact financier Iié à I'utilisation de My Expenses ainsi que pour, protéger Ies données personnelles des salariés », alors « qu'aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le délégué du personnel peut saisir l'employeur s'il constate l'existence d'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise; qu'en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, le juge peut ordonner toutes mesures propres à la faire cesser si elle est avérée ; qu'en retenant, pour faire droit a la demande d'enquête du salarié, que le juge social n'a pas à se substituer à l'appréciation qu'un représentant du personnel se fait de la nécessité de déclencher son droit d'alerte, quand il lui incombe de vérifier si les conditions légales de déclenchement de ce droit sont réunies et donc s'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, la cour d'appel a d'ores et déjà violé par refus d'application l'article L. 2313-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2313-2, alinéa 3, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

6. Il résulte de ce texte que si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

7. Pour faire droit à la demande du salarié, l'arrêt, après avoir relevé que le salarié avait considéré à juste titre que la réponse de son employeur à la demande d'enquête caractérisait une divergence sur la réalité de l'atteinte aux droits des personnes, retient que, sur l'opportunité de l'organisation de l'enquête, le juge social n'a pas à se substituer à l'appréciation qu'un représentant du personnel se fait de la nécessité de déclencher son droit d'alerte, pas plus que son employeur ne peut lui opposer utilement l'inutilité de l'enquête, alors que, selon la loi, cet employeur est tenu de procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation et qu'adopter une solution contraire reviendrait à entraver la liberté d'exercice par un représentant du personnel de son mandat de représentation.

8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le salarié justifiait qu'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, était établie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit M. [K], ès qualités de délégué du personnel de la société Sud-Est Sogeti High Tech, en son appel, et le syndicat La CGT Capgemini en son intervention volontaire, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [K], ès qualités, et le syndicat CGT Capgemini aux dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour les demanderesses

Les sociétés Capgemini Technology Services SAS, venant aux droits de Sogeti France, Capgemini Outsourcing Services et Sogeti Corporate Service, Capgemini France SASU, Odigo, Itelios, Capgemini Dems France (anciennement dénommée Sogeti High Tech), Prosodie SASU, Idean Capgemini Creative Studios France (anciennement dénommée Backelite), Open Cascade SASU, Cloud ERP Solutions SASU, Capgemini Consulting SASU, Capgemini Service SASU et Capgemini Gouvieux SASU reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à la direction des affaires sociales de l'UES de diligenter sans délai une enquête faisant suite au droit d'alerte du délégué du personnel, d'avoir dit que cette enquête aurait pour objet " d'éclaircir cette situation créée par la mise en place du système My Expenses et de prendre (éventuellement) les dispositions nécessaires pour éviter notamment tout impact financier lié à l'utilisation de My Expenses ainsi que pour protéger les données personnelles des salariés " et de les avoir condamnées à verser à M. [K] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au syndicat La CGT Capgemini la somme de 1 200 € au même titre.

1/ ALORS QU'aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le délégué du personnel peut saisir l'employeur s'il constate l'existence d'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ; qu'en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, le juge peut ordonner toutes mesures propres à la faire cesser si elle est avérée ; qu'en retenant, pour faire droit à la demande d'enquête de M. [K], que le juge social n'a pas à se substituer à l'appréciation qu'un représentant du personnel se fait de la nécessité de déclencher son droit d'alerte, quand il lui incombe de vérifier si les conditions légales de déclenchement de ce droit sont réunies et donc s'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, la cour d'appel a d'ores et déjà violé par refus d'application l'article L. 2313-2 du code du travail ;

2/ ALORS QU'en retenant, pour faire droit à la demande de M. [K], qu'un employeur ne peut opposer utilement au représentant du personnel l'inutilité de l'enquête alors que, selon la loi il est tenu de procéder " sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation (art. L. 2313-2 ancien, alinéa deux) ", quand l'article L. 2313-2 du code du travail admet en son alinéa 3 qu'il puisse y avoir " divergence sur la réalité de cette atteinte " et autorise donc l'employeur à ne pas mettre en oeuvre une telle enquête s'il considère que l'atteinte invoquée n'est pas avérée, la cour d'appel a encore violé ce texte ;

3/ ALORS QUE le juge, saisi d'une contestation quant à la réalité d'une atteinte aux droits des personnes, ne peut ordonner à l'employeur de procéder à une enquête que si l'existence d'une telle atteinte est démontrée par le représentant du personnel ; qu'en ordonnant à l'UES de diligenter sans délai une enquête faisant suite au droit d'alerte de M. [K], sans caractériser, en l'absence de démonstration de ce dernier, la réalité de l'atteinte qui la justifierait, la cour d'appel a violé une nouvelle fois l'article L. 2313-2 du code du travail ;

4/ ALORS QUE les sociétés composant l'UES avaient rappelé (conclusions p. 20 et s) que le dispositif contesté par le délégué du personnel avait été mis en place dans l'entreprise pour répondre aux préoccupations des salariés qui souhaitaient ne plus avoir à faire l'avance de leurs dépenses professionnelles, que la solution proposée, soit l'utilisation d'une carte Corporate Amex, était facultative, que les salariés pouvaient librement choisir de ne pas y recourir et de continuer à demander des remboursements de frais via l'application " My Expenses " ou à bénéficier, lorsque les frais représentaient un montant important, d'une avance de l'entreprise, que les salariés qui choisissaient cette carte connaissaient parfaitement les données transmises à American Express (p. 24 et s) puisqu'ils remplissaient eux-mêmes le formulaire fourni par cette société, que les informations fournies par l'employeur lui-même à cette société étaient réduites au nom, prénom et adresse mail professionnelle du salarié concerné, que les salariés concernés avaient la possibilité de s'opposer à l'utilisation à des fins commerciales des données transmises à American express et qu'enfin ce dispositif facultatif avait fait l'objet d'une déclaration auprès de Mme [R], correspondante informatique et libertés pour l'ensemble des sociétés composant l'UES, qui n'avait émis aucun commentaire ou réserve sur le transfert restreint de données de Capgemini à American Express ; qu'en se bornant à faire droit à la demande d'enquête du délégué du personnel, sans répondre au moyen des écritures des sociétés tiré de l'absence d'atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles des salariés résultant de l'adhésion facultative à un système de remboursement des frais professionnels par une carte American Express, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17348
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2022, pourvoi n°20-17348


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17348
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