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02/02/2022 | FRANCE | N°20-17000

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2022, 20-17000


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 165 F-D

Pourvoi n° S 20-17.000

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formÃ

© le pourvoi n° S 20-17.000 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 165 F-D

Pourvoi n° S 20-17.000

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-17.000 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Air France, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 janvier 2020), M. [Z] a été engagé par la société Air France (la société) le 25 juin 1982 en qualité de manutentionnaire de commissariat provisoire et a intégré le personnel statutaire le 1er novembre 1982.

2. Il a exercé des mandats syndicaux à compter de 1999, à temps plein en qualité de délégué syndical à compter de 2001.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 2 avril 2013, en invoquant l'existence d'une discrimination syndicale.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 1134-5 du code du travail et l'article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

5. Avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable. Selon l'article 26, II, de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Pour dire prescrite l'action relative à une discrimination syndicale engagée par le salarié le 2 avril 2013, l'arrêt retient que sauf à priver l'article L. 1134-5 du code du travail d'effet et à rendre l'action en discrimination imprescriptible, le seul fait que la discrimination se soit poursuivie dans le temps et qu'ainsi le préjudice qu'elle causait au salarié ait régulièrement crû ne permet pas de repousser le point de départ au nécessaire débat judiciaire portant sur le panel de comparaison, dès lors du moins que l'organisation des carrières dans l'entreprise, ou tout autre élément, permettait au salarié d'évaluer de manière précise l'étendue de son préjudice et ainsi d'engager en toute connaissance de cause une action en discrimination et qu'en l'espèce, le salarié fait état d'un blocage précis de sa carrière à compter de l'année 2001 (premier échec à l'examen permettant l'accès au niveau B02) et de l'année 2003 (deuxième échec au même examen) dont les effets se sont poursuivis par la suite, mais il ne fait nullement état d'une information ou de tout autre élément de fait postérieur à l'année 2003 qui lui aurait permis de mieux saisir l'ampleur de son préjudice et qui l'aurait ainsi incité à engager la présente action en discrimination alors même qu'une telle révélation excédant les deux échecs à l'examen critiqué ne ressort d'aucune pièce du dossier.

7. En statuant ainsi, alors que l'action en réparation du préjudice résultant de faits de discrimination allégués au cours des années 2001 et 2003 était soumise à la prescription trentenaire, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle prescription n'était pas acquise au 2 avril 2013, de sorte que l'action engagée à cette date, dans les cinq ans du nouveau délai de prescription courant à compter de l'entrée en vigueur de la loi, n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Z]

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le salarié se trouve irrecevable en ses demandes en raison de la prescription.

AUX MOTIFS QUE la cour retient que pour l'application du premier alinéa de l'article L. 1134-5 du code du travail, la révélation de la discrimination nécessite non seulement la simple connaissance de faits discriminatoires mais aussi la capacité pour le salarié d'estimer précisément le préjudice qu'il subit ; mais que, sauf à priver le texte précité d'effet et à rendre l'action en discrimination imprescriptible, le seul fait que la discrimination se soit poursuivie dans le temps et qu'ainsi le préjudice qu'elle causait au salarié ait régulièrement crû ne permet pas de repousser le point de départ au nécessaire débat judiciaire portant sur le panel de comparaison, dès lors du moins que l'organisation des carrières dans l'entreprise, ou tout autre élément, permettait bien u salarié d'évaluer de manière précise l'étendue de son préjudice et ainsi d'engager en toute connaissance de cause une action en discrimination ; qu'en l'espèce, le salarié fait bien état d'un blocage précis de sa carrière à compter de l'année 2001 (premier échec à l'examen permettant l'accès au niveau B02) et de l'année 2003 (deuxième échec au même examen) dont les effets se sont poursuivis par la suite, mais il ne fait nullement état d'une information ou de tout autre élément de fait postérieur à l'année 2003 qui lui aurait permis de mieux saisir l'ampleur de son préjudice et qui l'aurait ainsi incité à engager la présente action en discrimination alors même qu'une telle révélation excédant les deux échecs à l'examen critiqué ne ressort d'aucune pièce du dossier ; que dès lors, l'action en discrimination se trouvait prescrite à la date de saisine du conseil de prud'hommes, le 2 avril 2013, postérieure de plus de 5 ans à la révélation du préjudice causé par la discrimination en 2003 en l'absence de passage au niveau B02.

1° ALORS QUE l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit à compter de la révélation de la discrimination ; que la révélation n'est pas la simple connaissance des faits mais correspond au moment où le salarié dispose de tous les éléments de comparaison lui permettant d'apprécier la réalité et l'étendue de la discrimination ; que pour fixer le point de départ de la prescription en 2003 et, partant, déclarer l'action prescrite, l'arrêt relève que « le salarié fait bien état d'un blocage précis de sa carrière à compter de l'année 2001 (premier échec à l'examen permettant l'accès au niveau B02) et de l'année 2003 (deuxième échec au même examen) dont les effets se sont poursuivis par la suite, mais (?) ne fait nullement état d'une information ou de tout autre élément de fait postérieur à l'année 2003 qui lui aurait permis de mieux saisir l'ampleur de son préjudice et qui l'aurait ainsi incité à engager la présente action en discrimination » ; qu'en statuant par ces seuls motifs, impropres à établir que la discrimination fut révélée au salarié dès l'année 2003, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail.

2° ALORS, en tout cas, QUE tant que la discrimination se poursuit et/ou déploie ses effets, elle ne peut être considérée comme révélée et, partant, le délai de prescription ne peut courir ; qu'en affirmant que « le seul fait que la discrimination se soit poursuivie dans le temps et qu'ainsi le préjudice qu'elle causait au salarié ait régulièrement crû ne permet pas de repousser le point de départ », la cour d'appel a violé l'article L. 1134-5 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17000
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2022, pourvoi n°20-17000


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17000
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