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02/02/2022 | FRANCE | N°20-14023

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2022, 20-14023


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 132 F-D

Pourvoi n° F 20-14.023

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

M. [Z] [B], domicilié [Adres

se 2], a formé le pourvoi n° F 20-14.023 contre le jugement rendu le 21 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Toulon (section commerce), dans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 132 F-D

Pourvoi n° F 20-14.023

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

M. [Z] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-14.023 contre le jugement rendu le 21 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Toulon (section commerce), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [W] [O], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Minerva résidences,

2°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de Marseille, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Toulon, 21 juin 2019), M. [B] a été engagé le 18 novembre 2008 par la société Rhode tourisme en qualité d'agent d'entretien d'une résidence. Son contrat de travail a fait l'objet de plusieurs transferts, notamment, à compter du 1er septembre 2015, à la société Minerva résidences, puis le 1er février 2017 à la société Goelia gestion.

2. Par jugement du 7 février 2017, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Minerva résidences, la société BTSG², prise en la personne de M. [O], étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Minerva résidences, d'une créance au titre d'un rappel de droit à congés payés acquis au 1er septembre 2015 mais ne figurant plus sur les bulletins de paie à compter de cette date.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors « que
le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, et que, s'agissant de l'indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris ; qu'en affirmant que "toutes créances
salariales antérieures au 30 août 2015 sont prescrites", le salarié ayant saisi la juridiction le 30 août 2018, cependant qu'il aurait dû, s'agissant de demandes en paiement relatives à l'indemnité de congés payés, fixer le point de départ du délai de la prescription à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3141-22 et L. 3245-1 du code du travail :

5. Il résulte de ces textes que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. S'agissant de l'indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.

6. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés, le jugement retient que toutes les créances salariales antérieures au 30 août 2015 sont prescrites.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher la date à laquelle la créance d'indemnité de congés payés était exigible, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait le même grief au jugement, alors « que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que le nouvel employeur est alors en principe tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ; que toutefois, lorsque la substitution d'employeurs intervient sans qu'il y ait de convention conclue entre ceux-ci, le nouvel employeur n'est pas tenu à l'égard des salariés des obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; que devant la juridiction prud'homale, M. [B] présentait ses demandes en paiement portant sur les congés payés dus au titre du mois de septembre 2015 et du mois de janvier 2017, soit au cours de périodes durant lesquelles il se trouvait au service de la société Minerva résidences ; qu'en rejetant les demandes en paiement de M. [B], au motif que c'était au dernier employeur, en l'occurrence la société Goelia gestion, d'assumer toutes les créances salariales des employeurs précédents, à charge pour elle d'introduire une action récursoire, sans constater l'existence d'aucune convention conclue entre la société Minerva résidences et la société Goelia gestion, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-2 du code du travail :

9. Si, selon ce texte, le nouvel employeur est tenu à l'égard du salarié dont le contrat de travail subsiste, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification dans sa situation juridique, il ne fait pas obstacle à ce que le salarié exerce son action en paiement directement à l'encontre de son ancien employeur.

10. Pour rejeter la demande du salarié, le jugement retient que le contrat de travail de l'intéressé en qualité d'agent d'entretien n'a subi aucune rupture depuis le 18 novembre 2008 et que dès lors c'est au dernier employeur d'assumer toutes les créances salariales des employeurs précédents, à sa charge d'introduire une action récursoire s'il le désire.

11. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé par fausse application le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS,

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que M. [B] se désiste de l'instance à l'encontre de la société Goelia gestion, le jugement rendu le 21 juin 2019, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Toulon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Draguignan ;

Condamne la société BTSG², en sa qualité de liquidateur de la société Minerva résidences, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BTSG², en sa qualité de liquidateur de la société Minerva résidences, à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [B]

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir débouté M. [Z] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que l'article L. 1224-2 du même code dispose que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; 2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci ; que le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ; qu'en l'espèce, il est constaté qu'il existe un droit restant de congés payés de trente-etun jours mentionné au bulletin de salaire du mois d'août 2015 de la société MMV, s'y ajoutant six jours de congés payés acquis ; que le bulletin de salaire du mois de septembre 2015 de la société Minerva Résidences mentionne un droit à congés payés à zéro restant et deux jours acquis ; que Monsieur [B] conclut un protocole d'accord transactionnel avec la société Goelia Gestion : « ? Au cours du transfert d'activité, Monsieur [B] s'est rendu compte que son solde de congés payés acquis au 31 janvier 2017 et s'élevant à 31 jours avait été supprimé de sa fiche de paie de février 2017, lors de la reprise de son contrat de travail par la société Goelia Gestion?/
Article 3 : Sans que cela soit vaille reconnaissance du bien-fondé de l'argumentation de Monsieur [Z] [B], la société Goelia Gestion accepte, à titre de concession, de lui allouer la somme de 2458,80 € bruts correspondant à 31 jours de congés payés acquis et restant dus au litre de la période du 1er septembre 2015 au 31 janvier 2017, sur son bulletin de paie de janvier 2019, la somme de 500 € nets à titre de dommages et intérêts » ; que Monsieur [B] a été engagé le 18 novembre 2008, par la société Rhode Tourisme, en qualité d'agent d'entretien pour la résidence [Adresse 2] ; que le 1er mars 2013, la société MMV reprend la gestion de la résidence [Adresse 2], le contrat de travail de M. [B] est transféré automatiquement à la société MMV, l'ancienneté est reprise au 18 novembre 2008 ; que le 1er septembre 2015, la société Minerva Résidences reprend la gestion de la résidence [Adresse 2], le contrat de travail de M. [B] est transféré automatiquement à la société Minerva Résidences, l'ancienneté est reprise au 18 novembre 2008 ; que le 1er février 2017, la société Geolia Gestion reprend la gestion de la résidence [Adresse 2], le contrat de travail de M. [B] est repris par la société Goelia Gestion, l'ancienneté est reprise au 18 novembre 2008, sans période d'essai ; qu'il est constaté que le contrat de travail de M. [B], en qualité d'agent d'entretien pour la résidence [Adresse 2] n'a subi aucune rupture depuis le 18 novembre 2008, avec son ancienneté ; que dès lors, c'est au dernier employeur d'assumer toutes les créances salariales des employeurs précédents, à sa charge d'introduire une action récursoire s'il le désire ; qu'à la lecture du protocole d'accord transactionnel avec la société Goelia Gestion, il est mentionné la reprise du contrat de travail de M. [B] par la société Goelia Gestion, et l'allocation de la somme de 2.458,80 € bruts correspondant à trente-et-un jours de congés payés acquis et restant dus au titre de la période du 1er septembre 2015 au 31 janvier 2017 ; que dès lors, tout contentieux avec le société Goelia Gestion est purgé ; que toutes créances salariales antérieures au 30 août 2015 sont prescrites ; que le contrat de travail de M. [B] et la société Goelia Gestion est toujours en cours ; qu'il en résulte que la demande au titre du rappel de l'indemnité des congés payés est rejetée ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, et que, s'agissant de l'indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris ; qu'en affirmant que « toutes créances salariales antérieures au 30 août 2015 sont prescrites » (jugement attaqué, p. 4, alinéa 7), M. [B] ayant saisi la juridiction le 30 août 2018 (jugement attaqué, p. 2, alinéa 1er), cependant qu'il aurait dû, s'agissant de demandes en paiement relatives à l'indemnité de congés payés, fixer le point de départ du délai de la prescription à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que le nouvel employeur est alors en principe tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ; que toutefois, lorsque la substitution d'employeurs intervient sans qu'il y ait de convention conclue entre ceux-ci, le nouvel employeur n'est pas tenu à l'égard des salariés des obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; que devant la juridiction prud'homale, M. [B] présentait ses demandes en paiement portant sur les congés payés dus au titre du mois de septembre 2015 et du mois de janvier 2017, soit au cours de périodes durant lesquelles il se trouvait au service de la société Minerva Résidences ; qu'en rejetant les demandes en paiement de M. [B], au motif que c'était au dernier employeur, en l'occurrence la société Goelia Gestion, d'assumer toutes les créances salariales des employeurs précédents, à charge pour elle d'introduire une action récursoire (jugement attaqué, p. 4, alinéa 4), sans constater l'existence d'aucune convention conclue entre la société Minerva Résidences et la société Goelia Gestion, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14023
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulon, 21 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2022, pourvoi n°20-14023


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14023
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