LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 21-86.531 F-D
N° 00257
SL2
1ER FÉVRIER 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2022
M. [O] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 octobre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de vol aggravé, l'a placé en détention provisoire, après infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention l'ayant placé sous contrôle judiciaire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [O] [K], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 7 octobre 2021, M. [O] [K] a été mis en examen du chef de vol aggravé par la circonstance de violences ayant entraîné la mort de la victime.
3. Le ministère public a pris des réquisitions de placement en détention provisoire et le juge d'instruction a saisi à cette même fin le juge des libertés et de la détention.
4. Par ordonnance en date du même jour, ce magistrat a dit n'y avoir lieu à placement en détention provisoire et a placé M. [K] sous contrôle judiciaire.
5. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi, ordonné le placement en détention provisoire de M. [K] et décerné mandat de dépôt à son encontre, alors « que devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; que cette règle ne se limite pas aux débats au fond mais s'applique également à tout incident dès lors qu'il n'est pas joint au fond ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été statué, au cours des débats, sur la demande de renvoi de M. [K], pour la rejeter, sans que la Cour de cassation soit en mesure de s'assurer que l'avocat du mis en examen, ou le mis en examen lui-même, ont eu la parole les derniers sur cet incident ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a violé les articles 199 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
8. Il se déduit de ces textes que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction en matière de contentieux de la détention provisoire, ou son avocat, doivent avoir la parole les derniers ; cette règle s'applique à tout incident, dès lors qu'il n'est pas joint au fond.
9. La Cour de cassation juge (Crim., 10 novembre 2021, pourvois n° 21-84.948 et n° 21-85.182, publiés au Bulletin) que, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, la méconnaissance d'un tel principe, s'agissant du débat sur une demande de renvoi, n'emporte nullité qu'au cas où la personne mise en examen établit qu'il en est résulté pour elle un grief.
10. Une telle solution, justifiée par les spécificités procédurales qui régissent le débat contradictoire sur la détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention, n'est pas transposable devant la chambre de l'instruction, la méconnaissance du principe énoncé au paragraphe 8 lors de l'audience de cette juridiction faisant nécessairement grief à la personne qu'elle concerne.
11. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été statué, avant les débats au fond, sur une demande de renvoi présentée par la défense avant l'audience, pour la rejeter, sans que la personne mise en examen ou son avocat n'aient eu la parole en dernier.
12. En l'état de ces énonciations, alors que l'incident n'avait pas été joint au fond, de sorte qu'il ne suffit pas que la parole ait été donnée en dernier à la personne mise en examen à l'issue des débats sur la détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
13. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier février deux mille vingt-deux.