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27/01/2022 | FRANCE | N°20-17386

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 janvier 2022, 20-17386


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2022

Cassation
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 113 F-D

Pourvoi n° M 20-17.386

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2022

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d

es [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-17.386 contre l'arrêt n° 18/00831 rendu le 14 mai 2020 par la cour d'a...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2022

Cassation
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 113 F-D

Pourvoi n° M 20-17.386

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2022

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-17.386 contre l'arrêt n° 18/00831 rendu le 14 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des [Localité 4], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société [3], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mai 2020), la société [3] (la clinique), clinique privée à but lucratif exerçant des activités de soins de suite et de réadaptation (SSR), a conclu, le 1er avril 2007 puis le 28 décembre 2013, avec l'agence régionale de santé d'[Localité 5], un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens pour une durée de cinq ans.

2. A la suite d'un contrôle, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] (la caisse) lui a notifié, le 23 octobre 2014, un indu portant sur 653 transports au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2013, au motif que les frais afférents à ces transports n'étaient pas justifiés par la nécessité de séances de chimiothérapie, de radiothérapie ou de dialyse.

3. La clinique a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 162-22-1, 1°, L. 162-22-5, I, R. 162-29-1, 1°, R. 162-31, 1°, et R. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date des transports litigieux, l'article 1er de l'arrêté du 31 janvier 2005 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation, des médicaments et des produits et prestations pour les activités de soins de suite ou de réadaptation et les activités de psychiatrie exercées par les établissements mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et pris pour l'application de l'article L. 162-22-1 du même code, et l'article 8, dernier alinéa, de l'arrêté du 19 février 2009 modifié par l'arrêté du 10 février 2010, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale :

5. Selon le troisième de ces textes, les frais liés aux activités de soins de suite et de réadaptation mentionnées au 5° de l'article R. 6122-25 du code de la santé publique ainsi qu'à toutes les activités qu'elles recouvrent sont pris en charge en tout ou partie par les régimes obligatoires de sécurité sociale sur la base de tarifs journaliers fixés pour chaque établissement par le directeur général de l'agence régionale de santé, conformément aux dispositions de l'article L. 162-22-1, ou, pour les établissements ayant conclu avec celle-ci un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens en application de l'article L. 6114-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, par l'avenant tarifaire prévu par L. 162-22-5, I, du code de la sécurité sociale.

6. Il résulte du quatrième et du sixième de ces textes que la prise en charge des frais occasionnés par le séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient, est assurée par des forfaits, selon les modalités qu'ils déterminent. Dans le cas d'une hospitalisation avec hébergement, cette prise en charge est principalement effectuée sur la base d'un prix de journée.

7. Sont exclus des forfaits et font l'objet d'une rémunération distincte les honoraires et frais limitativement énumérés par le cinquième de ces textes, parmi lesquels ne figurent pas les prestations de transport entre établissements de santé.

8. Selon le dernier de ces textes, lorsque le patient est hospitalisé et qu'il est pris en charge dans un autre établissement pour la réalisation d'une prestation de séjours ou de soins correspondant à un GHM de la catégorie majeure 28 définie à l'annexe I de l'arrêté du 28 février 2008 modifié, à l'exception des GHM 28Z14Z, 28Z15Z et 28Z16Z, chaque établissement facture sa prestation.

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, qui déterminent seules les modalités de la fixation annuelle du tarif de chaque établissement par le directeur général de l'ARS ou par l'avenant tarifaire au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, que le prix de journée applicable aux établissements de santé privés mentionnés au d de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, qui exercent une activité de soins de suite et de réadaptation, couvre l'ensemble des prestations exécutées dans le cadre d'une hospitalisation avec hébergement, à l'exception de celles faisant l'objet, soit d'autres forfaits, soit d'une prise en charge distincte par l'assurance maladie en application de dispositions spécifiques.

10. Il s'ensuit que sont inclus dans le prix de journée que ces établissements facturent les frais occasionnés par le transport des patients qui y sont hospitalisés en vue de leur transfert provisoire, d'une durée inférieure à 48 heures, vers un autre établissement de santé pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état, à l'exception des transports prescrits pour des séances de dialyse, de chimiothérapie ou de radiothérapie.

11. Pour dire que la caisse n'est pas fondée à réclamer à la clinique l'indu correspondant aux transports remboursés en sus du prix de journée, l'arrêt relève que la question posée est de savoir si les coûts du transport de patients hospitalisés en SSR « polyvalents hospitalisation complète » vers d'autres établissements, pour des durées limitées, le plus souvent pour une consultation, doivent être supportés par la clinique, en dehors des transports pour chimiothérapie, radiothérapie ou dialyse, dont il est acquis qu'ils ne sont pas à sa charge. Il retient, après avoir rappelé le contenu de la circulaire n° 2013-262 du 27 juin 2013 relative à la diffusion du guide de prise en charge des frais de transports de patients, que si la fixation des tarifs de prestations obéit exclusivement aux règles de prise en charge, objectifs quantifiés et modulations tarifaires déterminés par les autorités de l'Etat, aucun document, aucun contrat d'objectif, aucun décret, aucun arrêté, aucune circulaire n'est soumise par la caisse à la cour ni ne peut être identifié par celle-ci qui permette de déterminer que le « prix de journée tout compris » inclut, pour les patients concernés en soins polyvalents hospitalisés à la clinique, les transports secondaires et qu'au contraire, le seul texte pertinent, à savoir la circulaire, indique, sans faire aucune distinction entre les établissements SSR de la région [Localité 5] et les établissements d'autres régions, que les transports secondaires sont à la charge de l'assurance maladie.

12. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, tirés essentiellement de la méconnaissance prétendue d'une circulaire dépourvue de toute portée normative, et alors que le litige dont elle était saisie portait sur le transfert provisoire de patients hospitalisés dans la clinique vers un autre établissement de santé, hors séances de dialyse, de chimiothérapie ou de radiothérapie, de sorte que les frais de transport afférents à ces transferts étaient inclus dans le montant du prix de journée facturé par la clinique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Il résulte des développements du § 12 que la clinique doit être déboutée de son recours.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 18/00831 rendu le 14 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE la société [3] de ses demandes ;

Condamne la société [3] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Versailles ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel de Versailles que devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine en date du 13 novembre 2017 en toutes ses dispositions, d'AVOIR annulé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] prise en sa séance du 8 avril 2015 et d'AVOIR décidé que la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] n'est pas fondée à réclamer à la société [3] SARL un indu d'un montant de 51.903,31 euros au titre des transports remboursés, selon la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4], en sus du prix de journée.

1/ ALORS QUE l'erreur de droit ou la tolérance administrative ne sont pas créatrices de droits ; qu'en jugeant en l'espèce que la Caisse ne contredisait pas que, depuis 2004, elle n'avait jamais réclamé à la Clinique un indu quelconque au titre de ses transports extérieurs pour en tirer qu'elle ne pouvait se prévaloir de la lecture du premier CPOM conclu le 1er avril 2007 pour solliciter un indu au titre des transports extérieurs (arrêt p.10§3), la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien et 1103 nouveau du code civil, L. 162-22-6, d, L. 322-5 et R. 322-10 du code de la sécurité sociale,

2/ ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'une circulaire constitue un document interne à l'organisme concerné, dépourvu de toute valeur normative ; qu'en se fondant en l'espèce sur les termes de la circulaire n°2013-262 relative à la diffusion du guide de prise en charge des frais de transports de patients pour en tirer que les transports secondaires provisoires sont à la charge de l'assurance maladie lorsque l'établissement relève du « d » de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 6114-1, L. 6114-2, L. 6114-3 et L. 6114-4 du code de la santé publique et L. 162-22-2, L. 162-22-3, L. 162-22-4 et L. 162-22-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de la prescription des transports litigieux,

3/ ALORS QU'interdiction est faite aux juges du fond de dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, l'ARS indiquait dans son courrier du 9 mars 2015 que les cliniques SSR bénéficiaient en Ile de France d'une tarification dérogatoire à la réglementation sous forme d'un prix de journée tout compris couvrant l'ensemble des frais pris en charge par l'assurance maladie, à l'unique exception des séances de dialyse, chimiothérapie, radiothérapie et frais de transport afférents à ces activités ; qu'elle ajoutait que cette tarification était intégrée à l'article 2 de l'avenant tarifaire notifié à l'établissement au moment de la mise en place de la tarification de 2007 laquelle était toujours en vigueur, l'ARS n'ayant pas connaissance de remise en cause de cet engagement contractuel fixant les tarifs SSR ; qu'en jugeant néanmoins que l'ARS elle-même ignorait si la tarification de 2007, à supposer qu'elle ait inclus les transports secondaires, était toujours applicable dans le cadre du CPOM 2013, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation du principe susvisé,

4/ ALORS QUE la fixation, dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), d'un prix de journée forfaitaire tout compris constitue un mode de facturation et de remboursement dérogatoire qui interdit à l'établissement de soins de réclamer, en sus du prix de journée convenu, le remboursement de frais de transports secondaires ne correspondant pas aux hypothèses de sortie de forfait expressément envisagées par le contrat et ses avenants tarifaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la clinique avait conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens stipulant un prix de journée tout compris (arrêt p.11§1) et que l'avenant tarifaire annexé n'envisageait expressément une sortie de forfait que pour les seuls frais de transport liés aux soins de chimiothérapie, radiothérapie et dialyse (arrêt p.11 dernier paragraphe) ; qu'en considérant cependant que la clinique était en droit d'obtenir, en sus du prix de journée, le remboursement de frais de transport n'étant pas afférents à ces soins spécifiques, la cour d'appel a méconnu la convention des parties, en violation des articles 1134 ancien et 1103 nouveau du code civil, L. 162-22-6, d, L. 322- 5 et R. 322-10 du code de la sécurité sociale,

5/ ALORS QUE les copies d'actes ne sont dénuées de valeur probante que si l'existence des originaux ou la conformité des copies aux originaux sont déniées ; qu'en affirmant par principe que l'avenant tarifaire annexé au CPOM, qui faisait état de ce que seuls les frais de transport afférents aux chimiothérapies ambulatoires, radiothérapies ou dialyses n'étaient pas inclus dans la tarification au prix de journée, n'avait aucune valeur probante, sans constater que l'existence de l'original ou la conformité de la copie produite à l'original étaient déniés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1334 du code civil en sa rédaction antérieure à l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1379 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-17386
Date de la décision : 27/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 27 jan. 2022, pourvoi n°20-17386


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17386
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