LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 janvier 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 92 F-D
Pourvoi n° E 20-18.806
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022
La société SNCF réseau, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-18.806 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ au comité social et économique d'établissement (CSE) [Adresse 8] Normandie de SNCF réseau, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits du comité d'établissement Maintenance et travaux, CHSCT de [Localité 5] de l'Infrapole Lorraine, CHSCT de [Localité 6] de l'Infrapole Lorraine,
2°/ au comité social et économique d'établissement (CSE) [Adresse 7] de SNCF réseau, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du comité d'établissement Maintenance et travaux,
3°/ au comité social et économique d'établissement (CSE) [Adresse 9] de SNCF réseau, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits du comité d'établissement Maintenance et travaux,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société SNCF réseau, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique d'établissement [Adresse 8] Normandie de SNCF réseau,
du comité social et économique d'établissement [Adresse 7] de SNCF réseau et du comité social et économique d'établissement [Adresse 9] de SNCF réseau, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2020), le comité d'établissement Maintenance et travaux de la société SNCF réseau, venant aux droits de l'EPIC SNCF réseau, a demandé en juin 2018 à être consulté sur le contrat pluriannuel 2017-2026 de performance entre l'Etat et la société SNCF réseau, en ce qu'il vise à pérenniser et généraliser le recours à une externalisation dans le domaine des procédures de maintenance.
2.Face au refus de la société de procéder à cette consultation, le comité d'établissement Maintenance et travaux et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de [Localité 5] de l'infrapole Lorraine et Woippy de l'infrapole Lorraine, aux droits desquels viennent aujourd'hui les comités sociaux et économiques d'établissement [Adresse 8] Normandie de SNCF réseau, [Adresse 7] de SNCF réseau et [Adresse 9] de SNCF réseau (les CSE) ont saisi le 1er août 2019 le président du tribunal de grande instance pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant selon eux de l'absence de consultation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
3. La société SNCF réseau fait grief à l'arrêt de dire que toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux -et leurs conséquences- sur le périmètre de l'établissement Maintenance et travaux devaient être soumises à consultation préalable des CHSCT relevant de ce périmètre, puis au comité d'établissement Maintenance et travaux, de dire que l'absence de toute consultation sur ces mesures outre son refus par le président du comité d'établissement sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite, de dire que les trois CSE doivent en conséquence être consultés sur toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux et sur leurs conséquences, d'ordonner à SNCF réseau de suspendre toutes les décisions et mesures d'adaptation adoptées ou mises en oeuvre ainsi que leurs effets relatifs à la pérennisation et à l'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux, tant que les CSE n'auront pas été en mesure de rendre chacun leur avis éclairé sur la base d'informations complètes, loyales et écrites et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant quatre mois et d'interdire à SNCF réseau l'application de toutes décisions et mesures d'application de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux sans consultation préalable des CSE sous peine de condamnation à la somme de 2 000 euros auprès de chaque CSE concerné par infraction constatée, alors :
« 1°/ que l'obligation de consulter ponctuellement une instance représentative du personnel est subordonnée à l'existence d'une décision ou d'un projet précis de l'employeur qui, en raison de ses incidences sur l'organisation de l'entreprise, le volume ou la structure des effectifs, les conditions de travail ou les conditions de santé et de sécurité, entre dans le champ des attributions consultatives de cette instance ; qu'en conséquence, pour ordonner à l'employeur de consulter une instance représentative du personnel, le juge doit identifier une décision ou un projet de l'employeur ou du chef d'établissement qui relève des attributions consultatives de cette instance ; que l'adoption d'une décision de principe par l'employeur n'implique pas nécessairement l'adoption, par les chefs d'établissement, de mesures de mise en oeuvre et d'adaptation de cette décision ; qu'en se bornant en l'espèce à déduire de l'objectif non chiffré de recours à l'externalisation fixé dans le contrat de performance pluriannuel conclu avec l'Etat et du constat par le Cabinet Degest d'un « recours massif ces dernières années, à la sous-traitance des activités de maintenance et travaux », que la direction de l'établissement Maintenance et travaux, puis les directeurs des établissements de zone de production doivent mettre en oeuvre, dans leur périmètre de compétence, cette stratégie industrielle arrêtée au niveau central par SNCF réseau et l'Etat et qu'il n'est « pas sérieusement contestable » que cette stratégie doit faire l'objet de mesures spécifiques à l'établissement Maintenance et travaux, sans identifier aucune mesure précise et concrète effectivement prise ou projetée par le directeur de cet établissement puis par les directeurs des zones de production dans cette perspective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, de l'article L. 4612-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance précitée ;
2°/ que la consultation des instances représentatives du personnel est subordonnée à l'existence d'une décision ou d'un projet de l'employeur ou d'un chef d'établissement ; qu'en affirmant, pour dire que les trois CSE des zones de production venant aux droits du comité d'établissement Maintenance et travaux et des CHSCT relevant du périmètre de cet établissement, doivent être consultés sur « toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux et sur leurs conséquences », qu'il revient à la direction de l'établissement Maintenance et travaux, puis aux directeurs des établissements de zones de production, de mettre en oeuvre la stratégie industrielle arrêtée dans le contrat pluriannuel, ce qui implique notamment « de planifier les chantiers en moyens humains et matériels, de cibler les activités à moindre valeur ajoutée destinées à être externalisées et, parallèlement, les compétences-clés à forte valeur ajoutée qui seront conservées en interne, de sélectionner les partenaires industriels et de définir le cadre et les procédures de partenariats industriels, de déterminer les contrôles à exercer en particulier par le personnel d'encadrement opérationnel, de former ce personnel à ces fonctions de contrôle et de pilotage des prestations externalisées et plus largement de l'accompagner dans le passage d'une culture du faire à une culture du faire-faire », sans relever aucune mesure de cette nature prise par le directeur de l'établissement Maintenance et travaux ou par les directeurs des zones de production à la suite de la conclusion du contrat de performance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'articles L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 4612-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance précitée. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2327-15 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
4. Il résulte de ce texte que le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement et que le comité d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des projets décidés au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.
5. Pour reconnaître l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du défaut de consultation des comités d'établissement et CHSCT de la société SNCF réseau sur le contrat pluriannuel de performance signé entre la SNCF et l'Etat et suspendre la mise en oeuvre des mesures en découlant jusqu'à consultation des comités sociaux et économiques d'établissement, le jugement retient qu'il revient à la direction de l'établissement Maintenance et travaux, puis aux directeurs des établissements de zones de production de mettre en oeuvre, dans leur périmètre de compétence, la stratégie industrielle arrêtée, au niveau central par la société SNCF réseau aux termes du contrat pluriannuel 2017-2026 conclu avec l'Etat, cette mise en oeuvre impliquant, notamment, dans l'objectif recherché « d'évolution profonde des modes de production ou de management », de planifier les chantiers en moyens humains et matériels, de cibler les activités à moindre valeur ajoutée destinées à être externalisées et, parallèlement, les compétences clés à forte valeur ajoutée qui seront conservées en interne, de sélectionner les partenaires industriels et de définir le cadre et les procédures de partenariats industriels, de déterminer les contrôles à exercer en particulier par le personnel d'encadrement opérationnel, de former ce personnel à ces fonctions de contrôle et de pilotage des prestations externalisées et, plus largement, de l'accompagner dans le passage de la culture « du faire » à une « culture du faire-faire », et qu'ainsi il n'est pas sérieusement contestable que la stratégie centrale décidée dans le cadre du contrat pluriannuel 2017-2026 entre l'Etat et la SNCF réseau en matière d'externalisation des activités de maintenance et travaux doit faire l'objet de mesures d'adaptation spécifiques à l'établissement Maintenance et travaux relevant de la compétence du chef de cet établissement.
6. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat pluriannuel de performance contenait uniquement des objectifs à atteindre au cours des dix années suivantes et évoquait les moyens généraux qui devaient être mis en oeuvre pour y parvenir, et sans caractériser l'existence, dans ce contrat pluriannuel 2017-2026 sur lequel la demande d'information-consultation portait exclusivement, de mesures concrètes d'adaptation spécifiques à l'établissement Maintenance et travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance de référé déclarant recevables en leur intervention les comités sociaux et économiques l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société SNCF réseau aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SNCF réseau et la condamne à payer au comité social et économique d'établissement [Adresse 8] Normandie de SNCF réseau, au comité social et économique d'établissement [Adresse 7] de SNCF réseau et au comité social et économique d'établissement [Adresse 9] de SNCF réseau la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Rinuy, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société SNCF réseau
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société SNCF Réseau fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux –et leurs conséquences– sur le périmètre de l'établissement Maintenance et Travaux devaient être soumises à consultation préalable des CHSCT relevant de ce périmètre, puis au comité d'établissement Maintenance et Travaux, d'AVOIR dit que l'absence de toute consultation sur ces mesures outre son refus par le Président du Comité d'établissement sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite, d'AVOIR dit que les trois CSE doivent en conséquence être consultés sur toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux et sur leurs conséquences, d'AVOIR ordonné à SNCF Réseau de suspendre toutes les décisions et mesures d'adaptation adoptées et/ou mises en oeuvre ainsi que leurs effets relatifs à la pérennisation et à l'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux, tant que les CSE n'auront pas été en mesure de rendre chacun leur avis éclairé sur la base d'informations complètes, loyales et écrites et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant quatre mois, d'AVOIR interdit à SNCF Réseau l'application de toutes décisions et mesures d'application de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux sans consultation préalable des CSE sous peine de condamnation à la somme de 2.000 euros auprès de chaque CSE concerné par infraction constatée et d'AVOIR condamné SNCF Réseau à verser à chacun des trois CSE la somme de 1.500 euros en réparation de leur préjudice ;
1. ALORS QUE l'obligation de consulter ponctuellement une instance représentative du personnel est subordonnée à l'existence d'une décision ou d'un projet précis de l'employeur qui, en raison de ses incidences sur l'organisation de l'entreprise, le volume ou la structure des effectifs, les conditions de travail ou les conditions de santé et de sécurité, entre dans le champ des attributions consultatives de cette instance ; qu'en conséquence, pour ordonner à l'employeur de consulter une instance représentative du personnel, le juge doit identifier une décision ou un projet de l'employeur ou du chef d'établissement qui relève des attributions consultatives de cette instance ; que l'adoption d'une décision de principe par l'employeur n'implique pas nécessairement l'adoption, par les chefs d'établissement, de mesures de mise en oeuvre et d'adaptation de cette décision ; qu'en se bornant en l'espèce à déduire de l'objectif non-chiffré de recours à l'externalisation fixé dans le contrat de performance pluriannuel conclu avec l'Etat et du constat par le Cabinet Degest d'un « recours massif ces dernières années, à la sous-traitance des activités de maintenance et travaux », que la direction de l'établissement Maintenance et Travaux, puis les directeurs des établissements de Zone de Production doivent mettre en oeuvre, dans leur périmètre de compétence, cette stratégie industrielle arrêtée au niveau central par SNCF Réseau et l'Etat et qu'il n'est « pas sérieusement contestable » que cette stratégie doit faire l'objet de mesures spécifiques à l'établissement Maintenance et Travaux, sans identifier aucune mesure précise et concrète effectivement prise ou projetée par le directeur de cet établissement puis par les directeurs des zones de production dans cette perspective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, de l'article L. 4612-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance précitée ;
2. ALORS QUE la consultation des instances représentatives du personnel est subordonnée à l'existence d'une décision ou d'un projet de l'employeur ou d'un chef d'établissement ; qu'en affirmant, pour dire que les trois CSE des zones de production venant aux droits du comité d'établissement Maintenance et Travaux et des CHSCT relevant du périmètre de cet établissement, doivent être consultés sur « toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux et sur leurs conséquences », qu'il revient à la direction de l'établissement Maintenance et Travaux, puis aux directeurs des établissements de zones de production, de mettre en oeuvre la stratégie industrielle arrêtée dans le contrat pluriannuel, ce qui implique notamment « de planifier les chantiers en moyens humains et matériels, de cibler les activités à moindre valeur ajoutée destinées à être externalisées et, parallèlement, les compétences-clés à forte valeur ajoutée qui seront conservées en interne, de sélectionner les partenaires industriels et de définir le cadre et les procédures de partenariats industriels, de déterminer les contrôles à exercer en particulier par le personnel d'encadrement opérationnel, de former ce personnel à ces fonctions de contrôle et de pilotage des prestations externalisées et plus largement de l'accompagner dans le passage d'une culture du faire à une culture du faire-faire », sans relever aucune mesure de cette nature prise par le directeur de l'établissement Maintenance et Travaux ou par les directeurs des zones de production à la suite de la conclusion du contrat de performance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'articles L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 4612-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance précitée ;
3. ALORS QUE le comité d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'une décision de la direction centrale de l'entreprise ne nécessite des mesures de mise en oeuvre dans les établissements et, le cas échéant, des mesures spécifiques d'adaptation qu'à la condition d'apporter une modification à l'organisation existante ou, à tout le moins, de fixer un objectif concret d'évolution ; qu'en l'espèce, la société SNCF Réseau démontrait qu'elle avait recours à la sous-traitance depuis de nombreuses années, de sorte que le contrat de performance pluriannuel conclu le 20 avril 2017 avec l'Etat n'avait pas mis en place une politique nouvelle en prévoyant le recours à la sous-traitance, notamment pour la maintenance de lignes du réseau capillaire, mais simplement acté l'engagement de SNCF Réseau de pérenniser des pratiques anciennes ; qu'en outre, la cour d'appel a elle-même relevé que le cabinet Degest avait relevé, dans son rapport de mai 2018, que la sous-traitance s'était développée au cours des années précédentes ; qu'en se bornant cependant à viser l'objectif abstrait et non-chiffré d'accroissement du recours aux entreprises extérieures figurant dans le contrat de performance pluriannuel 2017-2026, pour prétendre identifier une décision centrale impliquant de la part des chefs d'établissement l'adoption de mesures de mise en oeuvre et d'adaptation, sans faire ressortir que cet objectif modifiait réellement la situation existante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
4. ALORS QUE le comité d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des projets décidés au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; que, de la même manière, le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des projets décidés au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en conséquence, le juge ne peut ordonner à l'employeur de consulter un comité d'établissement ou un comité social et économique d'établissement, sans s'assurer que les décisions ou mesures sur lesquelles portent cette consultation sont des adaptations spécifiques à l'établissement et entrent dans les pouvoirs effectifs des chefs d'établissement ; qu'en s'abstenant en l'espèce de vérifier si le directeur de l'établissement Maintenance et Travaux, puis les directeurs des Zones de production ont effectivement les pouvoirs de définir les mesures de mise en oeuvre de la stratégie industrielle et, notamment, de « planifier les chantiers », de cibler les « chantiers à externaliser », de « sélectionner les partenaires industriels », de « définir le cadre et les procédures de partenariats industriels » ou même de conclure les contrats de soustraitance, quelle qu'en soit l'importance, toutes décisions qui justifiaient selon elle la consultation du Comité d'établissement Maintenance et Travaux puis des trois CSE de Zone de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
5. ALORS QUE le juge ne peut ordonner à l'employeur de consulter une instance représentative du personnel sur une mesure ou une décision, sans s'être préalablement assuré que cette mesure relève du champ des attributions consultatives de cette instance ; que seuls les projets qui emportent une modification importante de l'organisation de l'établissement, du volume ou de la structure des effectifs ou des conditions d'emploi, doivent être soumis à la consultation du comité d'établissement ; que de la même façon, seuls les projets importants de modification des conditions de travail ou des conditions de santé et de sécurité des salariés, doivent être soumis à la consultation du CHSCT ; qu'en l'espèce, en visant, de manière générale et abstraite, les « mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation », la cour d'appel s'est dispensée de rechercher si chacune de ces mesures justifie la consultation du comité d'établissement et celle des CHSCT au regard de ses incidences, d'une part, sur l'organisation générale de l'établissement, le volume ou la structure des effectifs et, d'autre part, sur les conditions de travail ou les conditions de santé et de sécurité des salariés des établissements concernés ; qu'en raisonnant ainsi, elle a donc encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2327-15 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 4612-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et l'article L. 2316-20 du code du travail dans sa version postérieure à l'ordonnance précitée ;
6. ALORS QUE le comité d'entreprise est consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, lorsque ces questions ne font pas l'objet des consultations prévues à l'article L. 2323-6 du code du travail ; que, selon les articles L. 2323-6, L. 2323-10, L. 2323-12 et L. 2323-15 du code du travail, le comité d'entreprise est consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l'entreprise et leurs conséquences prévisibles sur le recours à la sous-traitance, sur la situation économique de l'entreprise et notamment la situation de la sous-traitance, ainsi que sur la politique sociale de l'entreprise, en ce compris l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation ; que les trois consultations annuelles du comité d'entreprise, au niveau pertinent, interdisent en conséquence à un comité d'entreprise ou d'établissement d'exiger une consultation ponctuelle sur la sous-traitance, sans identifier un projet précis de l'employeur justifiant une consultation distincte des trois consultations annuelles au cours desquelles le comité est consulté sur la sous-traitance et ses conséquences sur les conditions de travail et d'emploi ; qu'en l'espèce, la société SNCF Réseau justifiait qu'elle avait consulté le Comité Central du Groupe Public Ferroviaire, en janvier 2017, sur les orientations stratégiques de l'entreprise et en juin 2017, sur la politique industrielle de l'entreprise, ce qui incluait la question de la sous-traitance ; qu'elle établissait également que chaque année, à l'occasion de la consultation annuelle du comité d'établissement Maintenance et Travaux, ce dernier était destinataire d'informations sur la politique de partenariats pluriannuels, ce qui recouvrait notamment la soustraitance ; qu'en occultant ces consultations ponctuelles, la cour d'appel a en toute hypothèse violé les articles L. 2323-1, L. 2323-6, L. 2323-10, L. 2323-12 et L. 2323-15 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRELa société SNCF Réseau fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les trois CSE doivent en conséquence être consultés sur toutes les mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux et sur leurs conséquences, d'AVOIR ordonné à SNCF Réseau de suspendre toutes les décisions et mesures d'adaptation adoptées et/ou mises en oeuvre ainsi que leurs effets relatifs à la pérennisation et à l'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux, tant que les CSE n'auront pas été en mesure de rendre chacun leur avis éclairé sur la base d'informations complètes, loyales et écrites et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant quatre mois, d'AVOIR interdit à SNCF Réseau l'application de toutes décisions et mesures d'application de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux sans consultation préalable des CSE sous peine de condamnation à la somme de 2.000 euros auprès de chaque CSE concerné par infraction constatée ;
1. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les conclusions des parties ; que la société SNCF Réseau soutenait, dans ses conclusions d'appel, que la mesure de suspension de « toutes les décisions et mesures d'adaptation adoptées et/ou mises en oeuvre ainsi que leurs effets relatifs à la pérennisation et à l'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux » tant que les CSE n'auront pas été en mesure de rendre chacun leur avis éclairé sur la base d'informations complètes, loyales et écrites et l'interdiction qui lui était faite d'appliquer toutes décisions et mesures sans consultation préalable des CSE faisait obstacle à l'exercice de ses missions de service public, compte tenu de conséquences manifestement excessives de ces mesures sur le fonctionnement du réseau ferré national (p. 22 à 24) ; qu'elle produisait, pour le justifier, une note technique expliquant les répercussions de l'arrêt des chantiers sous-traités sur le programme de rénovation des lignes et la circulation des trains et chiffrant le coût de la suspension de tous les chantiers faisant appel à des prestataires extérieurs à 5,5 milliards d'euros ; qu'en affirmant néanmoins que le caractère disproportionné de la mesure de suspension des effets des décisions d'ores et déjà mises en oeuvre au mépris des droits à consultation préalable des instances concernées, n'est « pas formellement invoqué par la société SNCF Réseau », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le juge des référés ne peut ordonner des mesures de suspension ou d'interdiction générale pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en ordonnant la suspension de « toutes les décisions et mesures d'adaptation adoptées et/ou mises en oeuvre ainsi que leurs effets relatifs à la pérennisation et à l'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux » et en interdisant l'application de toutes ces décisions et mesures d'application de la décision centrale, sans spécifier quelles mesures et décisions devaient être suspendues, la cour d'appel a excédé les pouvoirs du juge des référés et violé l'article 809 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE le droit de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail et le principe de continuité du service public ont la même valeur de principe à caractère constitutionnel ; qu'en conséquence, le juge des référés doit s'assurer, lorsqu'il prononce des mesures de remise en état pour faire cesser l'atteinte au droit de consultation d'une instance représentative du personnel, qu'il n'apporte pas une atteinte disproportionnée au principe de continuité du service public ; qu'en l'espèce, la société SNCF Réseau soutenait que la suspension de toutes décisions et mesures d'adaptation de la décision centrale de pérennisation et d'extension de l'externalisation des activités de maintenance et travaux, ainsi que de leurs effets, jusqu'à la consultation complète des trois CSE sur toutes ces mesures et l'interdiction d'appliquer ces décisions et mesures sans consultation préalable des trois CSE, auraient pour effet de compromettre ses missions de service public, en paralysant la circulation des trains sur de nombreuses lignes pendant une durée de plusieurs mois ; qu'elle produisait à cet égard une note technique expliquant que la suspension de tous les chantiers en cours faisant appel à des prestataires extérieurs aurait notamment pour conséquence la paralysie de nombreuses lignes et l'effondrement du plan national de transport ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les mesures de suspension générales ordonnées par le tribunal de grande instance ne portaient pas une atteinte excessive à la continuité du service public, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble le principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public.