LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2022
Cassation sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 94 F-B
Pourvoi n° C 20-17.286
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022
La société CGI France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 46], a formé le pourvoi n° C 20-17.286 contre le jugement rendu le 1er juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat FIECI CFE-CGC,
2°/ au syndicat SNEPSSI CFE CGC,
ayant tous deux leur siège est [Adresse 24],
3°/ au syndicat SICSTI CFTC, dont le siège est [Adresse 23],
4°/ au syndicat F3C CFDT, dont le siège est [Adresse 30],
5°/ au syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 29],
6°/ au syndicat SPECIS-UNSA, dont le siège est [Adresse 20],
7°/ à M. [RF] [TO], domicilié [Adresse 14],
8°/ à M. [WD] [V], domicilié [Adresse 19],
9°/ à M. [PI] [PD], domicilié [Adresse 16],
10°/ à Mme [AH] [D] [R], domiciliée [Adresse 47],
11°/ à M. [C] [EK], domicilié [Adresse 35],
12°/ à Mme [MZ] [A], domiciliée [Adresse 6],
13°/ à M. [KF] [XF], domicilié [Adresse 10],
14°/ à M. [B] [I], domicilié [Adresse 41],
15°/ à M. [KF] [SS], domicilié [Adresse 38],
16°/ à M. [CE] [N], domicilié [Adresse 31],
17°/ à M. [E] [LS], domicilié [Adresse 28],
18°/ à M. [PI] [MU], domicilié [Adresse 34],
19°/ à M. [W] [CB], domicilié [Adresse 21],
20°/ à Mme [NW] [G], domiciliée [Adresse 43],
21°/ à Mme [FM] [TU], domiciliée [Adresse 36],
22°/ à M. [X] [JI], domicilié [Adresse 11],
23°/ à Mme [J] [DI], domiciliée [Adresse 5],
24°/ à Mme [O] [EW], domiciliée [Adresse 22],
25°/ à M. [Z] [EK], domicilié [Adresse 2],
26°/ à Mme [AZ] [JD], domiciliée [Adresse 42],
27°/ à M. [B] [IG], domicilié [Adresse 15],
28°/ à M. [KK] [AJ], domicilié [Adresse 26],
29°/ à M. [XK] [L], domicilié [Adresse 3],
30°/ à M. [EP] [YM], domicilié [Adresse 33],
31°/ à Mme [F] [U], domiciliée [Adresse 39],
32°/ à M. [S] [KP], domicilié [Adresse 13],
33°/ à Mme [HW] [RP], domiciliée [Adresse 18],
34°/ à Mme [P] [GU], domiciliée [Adresse 25],
35°/ à Mme [MO] [GZ], domiciliée [Adresse 44],
36°/ à M. [RF] [T], domicilié [Adresse 27],
37°/ à Mme [IB] [ZZ], domiciliée [Adresse 8],
38°/ à M. [W] [M], domicilié [Adresse 7],
39°/ à M. [VB] [FS], domicilié [Adresse 32],
40°/ à M. [OY] [Y], domicilié [Adresse 40],
41°/ à M. [RK] [DD], domicilié [Adresse 37],
42°/ à M. [ZU] [CG], domicilié [Adresse 17],
43°/ à M. [KP] [LM], domicilié [Adresse 12],
44°/ à M. [FX] [K], domicilié [Adresse 1],
45°/ à M. [SM] [OB], domicilié [Adresse 9],
46°/ à M. [ZO] [UW], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CGI France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des syndicats FIECI CFE-CGC et SNEPSSI CFE CGC, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat SICSTI CFTC, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nantes, 1er juillet 2020), dans la perspective de l'organisation des élections professionnelles pour la mise en place du comité social et économique (CSE), la société CGI France (la société), après échec des négociations avec les organisations syndicales sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, a unilatéralement fixé ce nombre à trois le 11 décembre 2018.
2. Le 2 août 2019, le tribunal d'instance, saisi d'un recours contre la décision du 5 mars 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (le direccte) ayant rejeté la contestation contre la décision unilatérale, a fixé à douze le nombre d'établissements distincts au sein de la société, dont l'établissement Grand Ouest, constitué par l'unité d'affaires « Business Unit Grand Ouest » à [Localité 45]. Ce jugement a fait l'objet d'un pourvoi.
3. Un protocole d'accord préélectoral a été signé le 25 septembre 2019, prévoyant un premier tour du 13 au 20 novembre et un second tour du 4 au 11 décembre 2019.
4. Le quorum n'a pas été atteint lors du premier tour.
5. Par requête du 23 décembre 2019, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation des élections ayant eu lieu au sein de l'établissement Grand Ouest en contestant l'existence de cet établissement et de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation sur le pourvoi précité.
6. Par arrêt du 3 mars 2021 (Soc., 3 mars 2021, pourvoi n° 19-21.086), la Cour de cassation a cassé sans renvoi le jugement du 2 août 2019 précité, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société CGI France et le syndicat CGT-CGI de la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), déclare recevable la contestation formée par les syndicats FIECI CFE-CGC, SNEPPSI CFE-CGC, SICSTI CFTC et M. [H] et annule la décision en date du 5 mars 2019 rendue par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief au jugement de la dire irrecevable en son action du fait de la forclusion et de la condamner à payer aux syndicats FIECI CFE-CGC, SNEPSSI CFE-CGC et F3C CFDT une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la contestation des résultats du second tour des élections est recevable si elle est faite dans les quinze jours qui suivent la proclamation nominative des élus, peu important que le motif de cette annulation existe dès le premier tour ; qu'en l'espèce, il est constant que le quorum n'a pas été atteint au premier tour et qu'en conséquence aucun candidat n'a été élu au premier tour ; qu'en jugeant cependant que la requête en annulation des élections introduite dans un délai de quinze jours après le second tour n'était pas recevable, dès lors que le motif d'annulation des élections, à savoir la remise en cause du cadre dans lequel les élections ont été organisées, existait dès le premier tour, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2314-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 2314-24 du code du travail :
8. Il résulte de ce texte que la contestation portant sur les résultats des élections, lorsqu'elle est la conséquence d'une contestation du périmètre dans lequel les élections ont eu lieu, lequel n'est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant la proclamation des résultats des élections.
9. Pour déclarer irrecevable la requête, le jugement retient que la requête de la société en contestation de la régularité de l'élection qui a eu lieu dans le cadre d'un établissement distinct n'a pas été remise ou adressée dans les quinze jours suivant le premier tour de cette élection.
10.En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la requête avait été formée dans le délai de 15 jours suivant le second tour de l'élection, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de dire recevable la demande d'annulation des élections formée par la société.
14. Par l'arrêt précité du 3 mars 2021, la Cour de cassation a cassé, sauf en ce qu'il annule la décision du 5 mars 2019 rendue par le direccte, le jugement du 2 août 2019 du tribunal d'instance de Courbevoie.
15. Il en résulte que les élections devaient être organisées sur le périmètre de trois établissements distincts conformément à la décision unilatérale de l'employeur du 11 décembre 2018.
16. Les élections ayant eu lieu sur un périmètre différent, il convient de les annuler.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er juillet 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nantes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT recevable la demande d'annulation des élections formée par la société CGI France;
ANNULE les élections de la délégation du personnel au comité social et économique de l'établissement Grand Ouest de la société CGI France qui se sont déroulées en novembre et décembre 2019 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société CGI France
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit la société CGI France irrecevable en son action du fait de la forclusion et d'AVOIR condamné la société CGI France à payer aux syndicats FIECI CFE-CGC, SNEPSSI CFE-CGC et F3C CFDT une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Selon l'article R. 2314-24 alinéa 4 du code du travail, ‘‘lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection (...), la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation''.
En l'espèce, la société CGI France conteste l'organisation des élections professionnelles en vue de la mise en place du CSE qui ont eu lieu au sein de l'établissement Grand Ouest, au motif que ces élections ont été organisées dans le cadre d'un établissement distinct dont elle conteste l'éxistence, celui-ci ayant été reconnu par un jugement du tribunal d'instance de Courbevoie du 2 août 2019 contre lequel elle a formé un pourvoi devant la Cour dé cassation.
Il s'évince du motif ainsi développé que la contestation présentée par la société CGI FRANCE porte sur la regularité de l'élection en ce qu'elle a été organisée dans le cadre du protocole d'accord préélectoral signé par la direction et une ou plusieurs organisations syndicales le 25 septembre 2019, c'est-a-dire au sein de l'etablissement Grand Ouest défini dans son périmètre par le jugement du 2 août 2019.
Ce motif d'annulation existant dès le premier tour, la société CGI France devait à peine de forclusion déposer sa requête introductive d'instance ou l'adresser au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours suivant la proclamation des résultats du premier tour c'est-a-dire dans les 15 jours suivant le 21 novembre 2019 soit au plus tard le 6 décembre 2019.
La société CGI FRANCE ayant déposé sa requête le 23 décembre 2019 est donc irrecevable » ;
ALORS QUE la contestation des résultats du second tour des élections est recevable si elle est faite dans les quinze jours qui suivent la proclamation nominative des élus, peu important que le motif de cette annulation existe dès le premier tour ; qu'en l'espèce, il est constant que le quorum n'a pas été atteint au premier tour et qu'en conséquence aucun candidat n'a été élu au premier tour ; qu'en jugeant cependant que la requête en annulation des élections introduite dans un délai de quinze jours après le second tour n'etait pas recevable, dès lors que le motif d'annulation des élections, à savoir la remise en cause du cadre dans lequel les élections ontété organisées, existait dès le premier tour, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2314-24 du code du travail.