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19/01/2022 | FRANCE | N°20-15315

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-15315


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 89 F-D

Pourvoi n° K 20-15.315

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022

Mme [K] [T], domiciliÃ

©e [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-15.315 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 89 F-D

Pourvoi n° K 20-15.315

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022

Mme [K] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-15.315 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Atallah [C] Jolslov [I] et autres dite " SCP [S]", société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à M. [G] [B], domicilié [Adresse 2],

3°/ à la société NMW avocats, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [T], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Atallah [C] Jolslov [I] et autres dite "SCP [S]", après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 2020), Mme [T] a été engagée le 1er avril 2009 par la société Atallah, Colin, Joslove, Marque, [I] et autres (dite la société [S], ci-après la société) en qualité de juriste, statut cadre. Un désaccord étant né entre les associés de la société et plus particulièrement entre M. [B], compagnon de la salariée, et les autres membres, M. [B] a sollicité le 17 février 2010 l'organisation d'une assemblée générale extraordinaire avec pour ordre du jour la décision de poursuivre ou non le contrat de travail de la salariée et les conséquences de cette décision quant à sa situation d'associé. Après la régularisation le 7 avril 2010 entre les associés de la société et M. [B] d'un accord dit de portée limitée prévoyant le départ de celui-ci au plus tard le 31 juillet suivant et la renonciation par la société à poursuivre la procédure de licenciement de la salariée sauf faute grave avec engagement de M. [B] de la reprendre dans « sa future structure d'exercice à compter de sa date de départ effectif », la société a, par lettre du 15 juillet 2010, informé la salariée de la poursuite par un des associés, M. [B], de son activité au sein d'une entité extérieure et du transfert de son contrat de travail par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail à compter du 1er août 2010. La salariée, contestant la légalité de ce transfert, a, par lettre du 23 août 2010, mis en demeure la société de lui confirmer qu'elle peut reprendre son poste, puis a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société par lettre du 5 septembre 2010.

2. Le 29 septembre 2010, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser la somme de 6 884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010, outre la somme de 688 euros au titre des congés payés afférents, alors « que, en déboutant la salariée de sa demande à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010, après avoir prononcé la rupture de son contrat de travail à la date du 5 septembre 2010, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134, devenu l'article 1103, du code civil :

5. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser les sommes de 6 884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010 et de 688 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt retient que la salariée doit être déboutée de ses prétentions au paiement des sommes en rapport avec l'exécution du contrat de travail entre le 1er août et le 5 septembre 2010, la salariée ayant de son propre fait cessé de fournir du travail au profit de la société durant cette période.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée le 5 septembre 2010 produisait les effets d'une démission de sorte que le contrat de travail n'a été rompu qu'à cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [T] de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser les sommes de 6 884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010 et de 688 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 8 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Atallah, [C], Joslove, Marque, [I] et autres à payer à Mme [T] les sommes de 6 884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010 et de 688 euros au titre des congés payés afférents ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [T]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR débouté Mme [T] de sa demande relative au harcèlement moral tendant à ce que la SCP ATALLAH soit condamnée à lui verser la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice en résultant;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Il y a lieu de constater que la demande de la SCP à la salariée de prendre ses dispositions pour permettre le déménagement de ses effets personnels au plus tard le 31 juillet 2010 est en lien avec l'application de l'accord de portée limitée et à l'engagement pris par M. [B] de reprendre le contrat de travail et que la procédure de licenciement a été abandonnée en raison de cet accord, ce que Mme [T] ne peut prétendre avoir ignoré, comme le fait que sa relation extra-professionnelle avec M. [B] a été une cause déterminante du différend né entre les associés de la SCP. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la demande formée au titre du harcèlement moral ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE: « Conformément aux dispositions de l'article L 1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles ; En l'espèce, force est de constater que Madame [K] [T] n'apporte aucun élément qui démontrerait l'existence d'agissements, graves et/ou répétés, de son employeur qui laisserait supposer une situation de harcèlement moral ; Elle sera en conséquence déboutée de cette demande ».

1) ALORS D'UNE PART QUE, à l'appui de sa demande relative à l'existence d'un harcèlement moral, Mme [T], qui avait fait valoir que son employeur avait engagé une procédure de licenciement sans effet puis avait unilatéralement procédé au transfert de son contrat de travail, cependant que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies, s'était avant tout et essentiellement prévalue, pièces à l'appui, de l'acharnement de M. [C] à son égard ce qui ressortait du courrier du 23 mars 2010 par lequel ce dernier lui avait fait divers reproches infondés et irrespectueux mais encore des échanges de mail du 24 et du 26 mars 2010 dont il ressortait que M. [C] avait décidé d'imposer à Mme [T] de justifier de l'ensemble de ses activités depuis février 2020 et de la convoquer ensuite à son bureau, autant d'éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en se bornant à se prononcer sur la procédure de licenciement avortée et le transfert privé d'effet, sans examiner et se prononcer sur l'ensemble des éléments avancés par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1554-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

2) ALORS D'AUTRE PART QUE, en application des articles L. 1152-1 et L. 1554-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [T] de sa demande au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a affirmé que la demande de la SCP à la salariée de prendre ses dispositions pour permettre le déménagement de ses effets personnels est en lien avec l'application de l'accord de portée limitée et que la procédure de licenciement a été abandonnée en raison de cet accord, ce que Mme [T] ne peut prétendre avoir ignoré comme le fait que sa relation extra-professionnelle avec M. [B] a été une cause déterminante du différend né entre les associés de la SCP ; qu'en se déterminant ainsi, en justifiant objectivement de certains faits avancés pris isolément et sans préciser avant tout, quels étaient les éléments avancés par le salarié puis, si pris dans leur ensemble, ces faits matériellement n'étaient pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3) ALORS AU SURPLUS QUE en retenant, pour écarter tout harcèlement moral, que la demande de la SCP à la salariée de prendre ses dispositions pour permettre le déménagement de ses effets personnels est en lien avec l'application de l'accord de portée limitée et que la procédure de licenciement a été abandonnée en raison de cet accord, cependant qu'il ne résultait ni des écritures de la SCP ATTALAH, ni des énonciations de l'arrêt que celle-ci avait justifié objectivement ses agissements, et notamment que la procédure de licenciement avortée ou le transfert du contrat de travail était lié à l'accord de portée limité ou aux relations personnelles de Mme [T], la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que la demande de la SCP à la salariée de prendre ses dispositions pour permettre le déménagement de ses effets personnels est en lien avec l'application de l'accord de portée limitée et que la procédure de licenciement a été abandonnée en raison de cet accord, cependant qu'il ne résultait ni des écritures de la SCP ATTALAH, ni des énonciations de l'arrêt qu'elle avait justifié objectivement ses agissements, et notamment que la procédure de licenciement avortée ou le transfert du contrat de travail était lié à l'accord de portée limité ou aux relations personnelles de Mme [T], la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que la demande de la SCP à la salariée de prendre ses dispositions pour permettre le déménagement de ses effets personnels est en lien avec l'application de l'accord de portée limitée et que la procédure de licenciement a été abandonnée en raison de cet accord, après avoir constaté que le transfert ne relevait pas des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et n'avait en aucun cas fait l'objet d'une application volontaire, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé articles L. 1152-1 et L. 1554-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

6) ALORS ENFIN QUE, en se bornant à affirmer, par motifs supposés adoptés, que Mme [T] n'apporte aucun élément qui démontrerait l'existence d'agissements graves et/ou répétés de son employeur qui laisserait supposer une situation de harcèlement moral, sans à aucun moment motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [T] le 5 septembre 2010 produisait les effets d'une démission, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à ce que la SCP ATALLAH soit condamnée à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, à titre de 13ème mois sur préavis, à titre d'indemnité de licenciement, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la prise d'acte. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié de démontrer que les manquements imputés à son employeur sont établis, d'une gravité suffisante et empêchaient la poursuite du contrat de travail. En l'espèce, s'il a été démontré ci-dessus que le contrat de travail de Mme [T] n'a pas été transféré par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il ressort des pièces versées au débat que dès le 29 juillet 2010 Mme [T] a adressé aux associés un courriel leur demandant de transférer tous les mails reçus sur sa boîte professionnelle du cabinet [S] sur sa nouvelle adresse slugan arobase nmwavocats.com et d'informer chaque expéditeur d'un message à son adresse électronique du cabinet de son départ du cabinet à compter du 31 juillet 2010. Ces demandes ont d'ailleurs été accompagnées d'une interdiction pour le cabinet de consulter ses courriels et d'une proposition d'un accès sous son contrôle en cas de besoin pour les dossiers au cas par cas ou d'un rendez-vous global courant août pour permettre au cabinet cet accès. Il convient d'observer aussi que M. [B] a le même jour adressé un courriel strictement identique à la SCP et que tant l'adresse électronique donnée par Mme [T] que par M. [B] sont similaires et comportent le même nom de domaine, soit NMW, acronyme accolé au cabinet créé par M. [B], ce qui démontre une démarche et une volonté communes de Mme [T] et de M. [B] d'exercer leurs activités au sein de cette nouvelle structure en formation. Il y a lieu aussi de constater notamment que Mme [T] est présentée par un communiqué de presse du 24 novembre 2010 de NMW avocats comme créatrice avec M. [B] du cabinet NMW, ce qui est en contradiction avec une embauche de l'intéressée mentionnée sur la livre des entrées et sorties du personnel au 1er novembre 2012. Il est aussi produit au débat des courriers reçus par la SCP dès le mois de juillet 2010 de plusieurs clients demandant le transfert de leurs dossiers à M. [B] dès son départ à la fin du mois de juillet, un procès-verbal de constat d'huissier du 24 août 2010 à la requête d'une société NMW avocats, en cours de formation, représentée par M. [B], aussi l'attestation de M. [N], professeur titulaire du CNAM, relatant qu'il est devenu consultant pour le cabinet NMW à la demande de M. [B] dès la fin de l'année 2010 et enfin la situation de M. [B] au répertoire SIRENE mentionnant l'existence d'un établissement actif ayant pour activité principale les activités juridiques, révélant ainsi que ce dernier a commencé son activité sous une forme personnelle dès le 1er août 2010, puis à compter du 1er janvier 2011 sous la forme d'une SELARL comme le démontre le kbis de la SELARL NMW. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'aucun manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail ne peut être imputée à faute à la SCP [S]. Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point. La prise d'acte doit être en conséquence considérée comme produisant les effets d'une démission au 5 septembre 2010 et la salariée déboutée de l'intégralité de ses prétentions en rapport avec la rupture, soit l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur ce préavis, le 13ème mois sur ce préavis, l'indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour rupture abusive, mais aussi les sommes en rapport avec l'exécution du contrat de travail entre le 1er août et le 5 septembre 2010, Mme [T] ayant de son propre fait cessé de fournir du travail au profit de la SCP durant cette période (?). Sur le non-respect de la procédure de licenciement. La demande formée subsidiairement par Mme [T] de réparation du préjudice subi par le non-respect de la procédure de licenciement sera jugée recevable en l'état des dispositions alors en vigueur ne prohibant pas les demandes nouvelles en appel mais sera rejetée, Mme [T] ayant pris seule l'initiative de rompre le contrat de travail par sa prise d'acte et la procédure de licenciement engagée par l'employeur en mars 2010 n'ayant pas été menée à son terme ».

1) ALORS QUE, constitue un licenciement de fait, le fait pour un employeur de cesser de donner du travail à son salarié motif pris que son contrat de travail est transféré alors qu'il apparaît que l'employeur a fait une application erronée des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et que le salarié n'a pas donné son accord exprès audit transfert ; qu'en jugeant que la rupture du contrat de travail de Mme [T] devait s'analyser comme une démission, après avoir constaté d'une part, que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas réunies et que Mme [T] n'avait aucunement consenti au transfert de son contrat de travail et d'autre part, qu'à compter du 1er août 2010, la SCP ATALLAH avait cessé de lui fournir du travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que Mme [W] avait été licenciée de fait dès le 1er août 2010, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2) ALORS AU SURPLUS QUE, constitue un licenciement de fait , le fait pour un employeur, en dehors de toute procédure de licenciement, de demander à son salarié de venir déménager l'ensemble de ses effets personnels de l'entreprise et de prendre ses dispositions pour quitter l'entreprise ; qu'en jugeant que la rupture du contrat de travail de Mme [T] devait s'analyser comme une démission, après avoir constaté, d'une part, que dès le 21 juillet 2010, la SCP ATALLAH avait demandé à Mme [T] de prendre ses dispositions pour quitter l'entreprise dès le 1er août 2010 et d'autre part, que le transfert qui devait avoir lieu au 1er août 2010 était sans effet, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que Mme [T] avait été licenciée de fait dès le 21 juillet 2010, a derechef violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-1 du code du travail ;

3) ALORS EN OUTRE QUE, dans ses écritures, (Conclusions, spe., p. 24) Mme [T] avait soutenu que le fait pour un employeur de ne plus fournir de travail à son salarié motif pris de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail alors qu'il apparaît que les conditions de cet article n'étaient pas remplies constitue un licenciement de fait nécessairement privé de cause réelle et sérieuse ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des écritures de Mme [T], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en retenant que Mme [T] avait cessé de son propre fait de fournir du travail au profit de la SCP à compter du 1er août 2010, après avoir constaté que Mme [T] n'avait jamais consenti au transfert de son contrat de travail qui ne relevait pas des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

5) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non-équivoque de volonté de mettre fin à la relation de travail, ce qui n'est pas le cas lorsque les agissements du salarié résultent de la demande réalisée par l'employeur de quitter l'entreprise ou procèdent de la modification imposée de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, en affirmant que Mme [T] avait cessé de son propre fait de fournir du travail au profit de la SCP à compter du 1er août 2010 après avoir constaté que son employeur lui avait indiqué, à tort, que son contrat de travail était transféré auprès de Me [B] à compter du 1er août 2010 et qu'elle devait prendre ses dispositions pour quitter l'entreprise avant cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;

6) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en affirmant qu'aucun manquement grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail n'était caractérisé dès lors que Mme [T] avait déjà pris ses dispositions à l'égard de son nouvel emploi, après avoir constaté que c'est la SCP ATALLAH qui avait organisé à tort le transfert du contrat de travail de Mme [T] lequel ne relevait ni des conditions du transfert légal, ni d'une application volontaire, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;

7) ALORS ENFIN QUE, en affirmant qu'aucun manquement grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail n'était caractérisé dès lors que Mme [T] avait déjà pris ses dispositions à l'égard de son nouvel emploi, après avoir pourtant constaté qu'il était impossible à Mme [T] de rejoindre de quelque façon la structure d'exercice de M. [B] au 1er août 2010 et qu'il était impossible à M. [B] d'exercer son activité à titre individuel avant le 15 octobre 2010, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté Mme [T] de sa demande tendant à ce que la SCP ATALLAH soit condamnée à lui verser la somme de 6884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010, outre la somme de 688 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE : « « Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié de démontrer que les manquements imputés à son employeur sont établis, d'une gravité suffisante et empêchaient la poursuite du contrat de travail. En l'espèce, s'il a été démontré ci-dessus que le contrat de travail de Mme [T] n'a pas été transféré par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il ressort des pièces versées au débat que dès le 29 juillet 2010 Mme [T] a adressé aux associés un courriel leur demandant de transférer tous les mails reçus sur sa boîte professionnelle du cabinet [S] sur sa nouvelle adresse slugan arobase nmwavocats.com et d'informer chaque expéditeur d'un message à son adresse électronique du cabinet de son départ du cabinet à compter du 31 juillet 2010. Ces demandes ont d'ailleurs été accompagnées d'une interdiction pour le cabinet de consulter ses courriels et d'une proposition d'un accès sous son contrôle en cas de besoin pour les dossiers au cas par cas ou d'un rendez-vous global courant août pour permettre au cabinet cet accès. Il convient d'observer aussi que M. [B] a le même jour adressé un courriel strictement identique à la SCP et que tant l'adresse électronique donnée par Mme [T] que par M. [B] sont similaires et comportent le même nom de domaine, soit NMW, acronyme accolé au cabinet créé par M. [B], ce qui démontre une démarche et une volonté communes de Mme [T] et de M. [B] d'exercer leurs activités au sein de cette nouvelle structure en formation. Il y a lieu aussi de constater notamment que Mme [T] est présentée par un communiqué de presse du 24 novembre 2010 de NMW avocats comme créatrice avec M. [B] du cabinet NMW, ce qui est en contradiction avec une embauche de l'intéressée mentionnée sur la livre des entrées et sorties du personnel au 1er novembre 2012. Il est aussi produit au débat des courriers reçus par la SCP dès le mois de juillet 2010 de plusieurs clients demandant le transfert de leurs dossiers à M. [B] dès son départ à la fin du mois de juillet, un procès-verbal de constat d'huissier du 24 août 2010 à la requête d'une société NMW avocats, en cours de formation, représentée par M. [B], aussi l'attestation de M. [N], professeur titulaire du CNAM, relatant qu'il est devenu consultant pour le cabinet NMW à la demande de M. [B] dès la fin de l'année 2010 et enfin la situation de M. [B] au répertoire SIRENE mentionnant l'existence d'un établissement actif ayant pour activité principale les activités juridiques, révélant ainsi que ce dernier a commencé son activité sous une forme personnelle dès le 1er août 2010, puis à compter du 1er janvier 2011 sous la forme d'une SELARL comme le démontre le kbis de la SELARL NMW. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'aucun manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail ne peut être imputée à faute à la SCP [S]. Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point. La prise d'acte doit être en conséquence considérée comme produisant les effets d'une démission au 5 septembre 2010 et la salariée déboutée de l'intégralité de ses prétentions en rapport avec la rupture, soit l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur ce préavis, le 13ème mois sur ce préavis, l'indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour rupture abusive, mais aussi les sommes en rapport avec l'exécution du contrat de travail entre le 1er août et le 5 septembre 2010, Mme [T] ayant de son propre fait cessé de fournir du travail au profit de la SCP durant cette période ».

1) ALORS QUE, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande tendant à ce que la SCP ATALLAH soit condamnée à lui verser la somme de 6884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010, outre la somme de 688 euros au titre des congés payés afférents ;

2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en affirmant, pour débouter Mme [T] de sa demande tendant à ce que la SCP ATALLAH soit condamnée à lui verser la somme de 6884,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010, outre la somme de 688 euros au titre des congés payés afférents, que Mme [T] avait cessé de son propre fait de fournir du travail au profit de la SCP à compter du 1er août 2010, après avoir constaté que Mme [T] n'avait jamais consenti au transfert de son contrat de travail qui ne relevait pas des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non-équivoque de volonté de mettre fin à la relation de travail, ce qui n'est pas le cas lorsque les agissements du salarié résultent de la demande réalisée par l'employeur de quitter l'entreprise ou de la modification imposée du contrat de travail du salarié ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour débouter Mme [T] de sa demande à titre de rappel de salaires pour la période du du 1er août au 5 septembre 2010, que celle-ci avait cessé de son propre fait de fournir du travail au profit de la SCP à compter du 1er août 2010, après avoir constaté que son employeur lui avait indiqué, à tort, que son contrat de travail était transféré auprès de Me [B] à compter du 1er août 2010, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;

4) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en déboutant Mme [T] de sa demande à titre de rappel de salaires pour la période du 1er août au 5 septembre 2010, après avoir prononcé la rupture de son contrat de travail à la date du 5 septembre 2010, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15315
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jan. 2022, pourvoi n°20-15315


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15315
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