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19/01/2022 | FRANCE | N°20-14717

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 janvier 2022, 20-14717


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 60 F-D

Pourvoi n° K 20-14.717

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société Campus privé d'Alsace, société à responsabilité li

mitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-14.717 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e cha...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 60 F-D

Pourvoi n° K 20-14.717

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société Campus privé d'Alsace, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-14.717 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile , section A), dans le litige l'opposant à M. [X] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [J] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Campus privé d'Alsace, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 janvier 2020), selon contrat du 3 mai 2015, M. [J] s'est inscrit, auprès de la société Campus privé d'Alsace (la société), à une formation d'ostéopathe, d'une durée de cinq ans, en s'acquittant immédiatement d'une partie du prix forfaitaire de la scolarité. Par lettre du 22 mai 2016, il a notifié à la société sa volonté de cesser définitivement sa scolarité.

2. Se prévalant des clauses prévues aux articles 2 et 4 des conditions générales du contrat d'inscription, stipulant que le contrat a une durée déterminée égale à l'entier cycle de formation sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues, sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves soumises à l'appréciation de la direction de l'établissement, la société a assigné M. [J] en paiement du solde du prix. M. [J] lui a opposé le caractère abusif de ces clauses.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer abusives et réputées non écrites les clauses figurant à l'article 2, alinéa 2, et à l'article 4, alinéa 3, des conditions générales du contrat d'inscription et de rejeter ses demandes, alors « que présente un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause d'un contrat d'inscription dans un établissement d'enseignement qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école, dès la signature du contrat, lorsqu'elle ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure ; qu'en déclarant abusives les clauses du contrat d'enseignement imposant à l'étudiant de s'acquitter de la totalité des frais de scolarité, bien que l'article 4 du contrat lui ouvre la faculté d'y mettre un terme avant l'échéance du terme "en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves", la cour d'appel a violé la disposition précitée. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a relevé, d'une part, que les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3, des conditions générales du contrat ne permettaient à l'élève de résilier le contrat qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, alors que la société, pouvait y procéder en cas d'incident suscité par l'étudiant, tel que l'absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure, d'autre part, que l'appréciation du motif de résiliation invoqué par l'étudiant était laissé à la discrétion de l'école.

5. La cour d'appel en a exactement déduit que les clauses litigieuses, qui soumettaient la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l'élève que pour la société créaient un déséquilibre significatif au détriment de l'étudiant et qu'elles devaient en conséquence être déclarées abusives et réputées non écrites.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

7. M. [J] fait grief à l'arrêt de n'avoir déclaré abusives et réputées non écrites que l'article 2 alinéa 2 et l'article 4 alinéa 3 des conditions générales du contrat d'inscription et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la clause qui enferme le contrat dans une durée déterminée est abusive lorsqu'elle consacre par ailleurs un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, notamment en ne lui permettant pas de résilier la convention pour motif légitime ; qu'en l'espèce, l'article 2 des conditions générales du contrat d'enseignement du 3 mai 2015, lu en combinaison avec leur article 4, a pour objet et pour effet de maintenir l'élève dans les liens contractuels pendant la durée de l'entier cycle de formation, dont il est acquis aux débats qu'elle est de cinq ans, avec l'obligation pour l'élève de régler la totalité des frais de scolarité de ce cycle sous réserve d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à la libre appréciation du directeur de l'école, qui statue par décision insusceptible de recours ; que l'école peut en revanche résilier le contrat en cas "d'incident suscité par l'étudiant inscrit, tel que l'absentéisme, comportement contraire à la Charte générale et pédagogique de l'école" et, avant le début des cours annuels, "en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure" ; qu'il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur qui rend abusive la clause qui prévoit une durée déterminée d'engagement de l'élève de cinq ans ; qu'en affirmant au contraire qu'il est loisible aux parties de prévoir que le contrat sera à durée déterminée pour toute la durée du cycle d'études, pour se borner à réputer ces clauses abusives seulement en ce qu'elles ne réservent pas le cas d'une résiliation par l'étudiant pour un motif légitime et impérieux, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel ayant retenu le caractère abusif des articles 2, alinéa 2, et 4, alinéa 3, des conditions générales du contrat, en raison des modalités de résiliation, M. [J] est sans intérêt à critiquer l'arrêt en ce qu'il n'a pas retenu leur caractère abusif au regard de la durée de l'engagement.

9. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que l'existence d'un motif légitime et sérieux, dont dépend la résiliation anticipée du contrat d'enseignement conclu pour une durée déterminée, suppose que la décision de l'élève de mettre fin à sa formation soit justifiée par les circonstances, soit qu'elle relève d'une certaine forme de contrainte, soit qu'elle ressorte d'un état de nécessité, comme c'est le cas d'un déménagement ou d'un motif de santé survenant après la conclusion du contrat d'enseignement ; qu'elle ne saurait résulter d'une simple convenance personnelle, ni de la seule volonté de l'étudiant de se réorienter dès qu'il estime utile d'arrêter sa formation ; qu'en décidant que la seule volonté de l'étudiant de se réorienter constitue un motif impérieux et légitime, après avoir constaté qu'il était mineur lors de la conclusion du contrat et que ses mauvais résultats pouvaient s'expliquer par la conviction que ses études ne correspondaient pas à ses résultats, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ que le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en décidant que les mauvais résultats obtenus par M. [J] en première année d'études d'ostéopathie « pouvaient » s'expliquer par le fait qu'il avait pris conscience, après avoir débuté dans ces études, qu'elles ne correspondaient pas à ses capacités ou à ses attentes, la cour d'appel a déduit un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au vu desquels elle a estimé que M. [J] justifiait d'un motif impérieux et légitime de résilier le contrat à l'issue de sa première année de scolarité.

12. Il ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Campus privé d'Alsace

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré abusive et réputées non écrites les clauses figurant à l'article 2, alinéa 2, des conditions générales du contrat d'inscription de la société Campus privé d'Alsace (« en conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci ») et à l'article 4, alinéa 3, desdites conditions générales (« il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[C], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30 jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes »), et D'AVOIR rejeté les demandes en paiement que la société CAMPUS PRIVE D'ALSACE avait formées, afin que M. [J] soit condamné à s'acquitter des frais de scolarité ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose : dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163, 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ; qu'en l'espèce, les conditions générales du contrat d'inscription contiennent les stipulations suivantes : / article 2, alinéas 1 et 2 : "Le contrat devenu définitif dans les conditions prévues à l'article 1 a nécessairement une durée ferme et déterminée égale à l'entier cycle de formation choisi. / En conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci" ; / article 4, alinéas 1, 2 et 3 : "Toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle sous réserve de ce qui est énoncé ci-après : / Un escompte de 2 % est accordé sur le montant total des frais de scolarité versé en 1 seule fois sans délai de paiement. / Il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[C], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30 jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes" ; qu'il résulte de ces clauses que l'étudiant ne peut résilier le contrat qu'en cas "de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves", alors que l'école, quant à elle, peut le faire en cas "d'incident suscité par l'étudiant inscrit, tel que l'absentéisme, comportement contraire à la Charte Générale et Pédagogique de l'École"
et, mais seulement avant le début des cours annuels, "en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure" ; que par ailleurs, l'appréciation du motif de résiliation invoqué par l'étudiant est laissée à la discrétion de la direction de l'école, qui statue "par décision insusceptible de recours" ; que s'il est loisible aux parties de prévoir que le contrat sera à durée déterminée pour toute la durée du cycle d'études, les clauses précitées, en ce qu'elles font du paiement du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'établissement d'enseignement dès la signature du contrat, sans réserver le cas d'une résiliation par l'étudiant pour un motif légitime et impérieux, créent un déséquilibre significatif entre les parties ; que ce déséquilibre doit être apprécié en tenant compte du fait que le contrat s'adresse à des jeunes de 18 ou 19 ans sortant du lycée qui, d'une part, peuvent, après avoir débuté dans l'enseignement supérieur, se rendre compte que la scolarité qu'ils ont choisie ne correspond pas à leurs aptitudes ou à leurs aspirations, et qui, d'autre part, ont des moyens financiers limités ; qu'il convient donc de réputer non écrites l'article 2, alinéa 2 ("en conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci ") et l'article 4, alinéa 3, des conditions générales du contrat ("il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[C], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes") ;

ALORS QUE présente un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause d'un contrat d'inscription dans un établissement d'enseignement qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école, dès la signature du contrat, lorsqu'elle ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure ; qu'en déclarant abusives les clauses du contrat d'enseignement imposant à l'étudiant de s'acquitter de la totalité des frais de scolarité, bien que l'article 4 du contrat lui ouvre la faculté d'y mettre un terme avant l'échéance du terme « en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves », la cour d'appel a violé la disposition précitée.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté les demandes en paiement que la société CAMPUS PRIVE D'ALSACE avait formées contre M. [J], afin qu'il soit condamné à s'acquitter des frais de scolarité ;

AUX MOTIFS QUE les conditions de résiliation du contrat par l'étudiant telles que fixées par les conditions générales étant inapplicables pour les raisons ci-dessus, la faculté de résiliation du contrat par M. [J] doit, en l'espèce, être appréciée au regard de la jurisprudence constante, qui exige un "motif légitime et impérieux" ; que M. [J] justifie qu'il avait obtenu au premier semestre de son année de formation en ostéopathie une moyenne générale de 7,68 alors que la moyenne de la promotion était de 10,84, et, au second semestre, une moyenne de 4,88 alors que la moyenne de la promotion était de 10,51 ; que dès le début de la formation ses résultats étaient donc médiocres et ils se sont effondrés en cours d'année ; que la société Campus privé d'Alsace soutient que la cause en était un absentéisme et un défaut d' investissement de la part de M. [J] ; qu'elle n'en rapporte toutefois aucune preuve, ne justifiant pas avoir alerté l'étudiant sur l'insuffisance de ses résultats, ni l'avoir invité à se ressaisir et encore moins lui avoir proposé un quelconque soutien à cet effet ; qu'elle ne justifie pas non plus lui avoir proposé un redoublement, alors que, dans ce cas, le contrat prévoit que l'étudiant peut renoncer à l'exécution du contrat pour l'année supérieure ; qu'étant observé que M. [J] était mineur lors de la signature du contrat, pour n'avoir atteint l'âge de 18 ans que le 5 juin 2015, et que ses mauvais résultats obtenus en première année d'études d'ostéopathie pouvaient s'expliquer par le fait qu'il avait pris conscience après avoir débuté dans ces études, qu'elles ne correspondaient pas à ses capacités ou ses attentes, son désir de se réorienter vers d'autres études constituait un motif impérieux et légitime de résiliation du contrat ; qu'au demeurant, M. [J] s'est effectivement dirigé dans une autre voie, ainsi qu'il résulte de son inscription en 2017-2018 en licence première armée de psychologie et en 2018-2019 en licence seconde année de psychologie ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la société Campus privé d'Alsace en paiement des quatre années de scolarité restant dues ;

1. ALORS QUE l'existence d'un motif légitime et impérieux, dont dépend la résiliation anticipée du contrat d'enseignement conclu pour une durée déterminée, suppose que la décision de l'élève de mettre fin à sa formation soit justifiée par les circonstances, soit qu'elle relève d'une certaine forme de contrainte, soit qu'elle ressorte d'un état de nécessité, comme c'est le cas d'un déménagement ou d'un motif de santé survenant après la conclusion du contrat d'enseignement ; qu'elle ne saurait résulter d'une simple convenance personnelle, ni de la seule volonté de l'étudiant de se réorienter dès qu'il estime utile d'arrêter sa formation ; qu'en décidant que la seule volonté de l'étudiant de se réorienter constitue un motif impérieux et légitime, après avoir constaté qu'il était mineur lors de la conclusion du contrat et que ses mauvais résultats pouvaient s'expliquer par la conviction que ses études ne correspondaient pas à ses résultats, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

2. ALORS QUE le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en décidant que les mauvais résultats obtenus par M. [J] en première année d'études d'ostéopathie « pouvaient » s'expliquer par le fait qu'il avait pris conscience, après avoir débuté dans ces études, qu'elles ne correspondaient pas à ses capacités ou à ses attentes, la cour d'appel a déduit un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [J]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de n'AVOIR déclaré abusives et réputées non écrites que l'article 2, alinéa 2, des conditions générales du contrat d'inscription de la société Campus privé d'Alsace (« en conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci ») et l'article 4, alinéa 3, desdites conditions générales (« il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[C], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30 jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes » et d'AVOIR débouté M. [J] du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE selon contrat en date du 3 mai 2015, M. [J] s'est inscrit à la formation d'ostéopathe, d'une durée de cinq ans, dispensée par la SARL Campus privé d'Alsace, exerçant une activité d'enseignement sous la dénomination « [C] » ; qu'à l'issue de la première année d'enseignement, par courrier en date du 22 mai 2016, M. [J] a informé la direction d' « [C] » de sa volonté de quitter la formation et de récupérer son dossier, en raison de sa décision de se réorienter vers d'autres études ; qu'en date du 22 juin 2016, la SARL Campus privé d'Alsace lui a répondu en rappelant que le contrat était conclu pour une durée déterminée de cinq ans et que sa signature avait entraîné l'obligation de payer la totalité des frais de scolarité, pour toute la durée du cycle ; que l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose : Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163, 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ;

Qu'en l'espèce, les conditions générales du contrat d'inscription contiennent les stipulations suivantes : article 2, alinéas 1 et 2 : « Le contrat devenu définitif dans les conditions prévues à l'article 1 a nécessairement une durée ferme et déterminée égale à l'entier cycle de formation choisi. En conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci » ; article 4, alinéas 1, 2 et 3 : « Toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle sous réserve de ce qui est énoncé ci-après : Un escompte de 2 % est accordé sur le montant total des frais de scolarité versé en 1 seule fois sans délai de paiement. Il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[C], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30 jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes » ; Qu'il résulte de ces clauses que l'étudiant ne peut résilier le contrat qu'en cas « de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves », alors que l'école, quant à elle, peut le faire en cas « d'incident suscité par l'étudiant inscrit, tel que l'absentéisme, comportement contraire à la Charte Générale et Pédagogique de l'École » et, mais seulement avant le début des cours annuels, « en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure » ; que par ailleurs, l'appréciation du motif de résiliation invoqué par l'étudiant est laissée à la discrétion de la direction de l'école, qui statue « par décision insusceptible de recours » ; que s'il est loisible aux parties de prévoir que le contrat sera à durée déterminée pour toute la durée du cycle d'études, les clauses précitées, en ce qu'elle font du paiement du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'établissement d'enseignement dès la signature du contrat, sans réserver le cas d'une résiliation par l'étudiant pour un motif légitime et impérieux, créent un déséquilibre significatif entre les parties ; que ce déséquilibre doit être apprécié en tenant compte du fait que le contrat s'adresse à des jeunes de 18 ou 19 ans sortant du lycée qui, d'une part, peuvent, après avoir débuté dans l'enseignement supérieur, se rendre compte que la scolarité qu'ils ont choisie ne correspond pas à leurs aptitudes ou à leurs aspirations, et qui, d'autre part, ont des moyens financiers limités ; qu'il convient donc de réputer non écrites l'article 2, alinéa 2 (« en conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci ») et l'article 4, alinéa 3, des conditions générales du contrat (« il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[C], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30 jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes ») ;

ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la clause qui enferme le contrat dans une durée déterminée est abusive lorsqu'elle consacre par ailleurs un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, notamment en ne lui permettant pas de résilier la convention pour motif légitime ; qu'en l'espèce, l'article 2 des conditions générales du contrat d'enseignement du 3 mai 2015, lu en combinaison avec leur article 4, a pour objet et pour effet de maintenir l'élève dans les liens contractuels pendant la durée de l'entier cycle de formation, dont il est acquis aux débats qu'elle est de cinq ans, avec l'obligation pour l'élève de régler la totalité des frais de scolarité de ce cycle sous réserve d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à la libre appréciation du directeur de l'école, qui statue par décision insusceptible de recours ; que l'école peut en revanche résilier le contrat en cas « d'incident suscité par l'étudiant inscrit, tel que l'absentéisme, comportement contraire à la Charte Générale et Pédagogique de l'Ecole » et, avant le début des cours annuels, « en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure » ; qu'il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur qui rend abusive la clause qui prévoit une durée déterminée d'engagement de l'élève de cinq ans ; qu'en affirmant au contraire qu'il est loisible aux parties de prévoir que le contrat sera à durée déterminée pour toute la durée du cycle d'études, pour se borner à réputer ces clauses abusives seulement en ce qu'elles ne réservent pas le cas d'une résiliation par l'étudiant pour un motif légitime et impérieux, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-14717
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 23 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jan. 2022, pourvoi n°20-14717


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14717
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