LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 janvier 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 42 F-D
Pourvoi n° E 20-15.816
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022
La société Artemis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 20-15.816 contre l'arrêt rendu le 20 février 2020 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à Mme [W] [L], épouse [V], domiciliée [Adresse 6], agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière d'[U] [V], de représentante légale de sa fille mineure [C] [D] [S] [J] [V], née le 26 juillet 2007, héritière de son père [U] [V],
3°/ à M. [F] [V],
4°/ à M. [B] [V],
tous deux domiciliés [Adresse 6], et pris en leur qualité d'héritiers d'[U] [V],
5°/ à la société Areas Dommages, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 7],
6°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic le cabinet Janin, dont le siège est [Adresse 2],
7°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles, venant aux droits de Covea Risks,
8°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 3] et prises en leur qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Axa France IARD a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La société Areas dommages a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La société Areas dommages, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Artemis, de Me Bouthors, avocat des consorts [V], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Areas Dommages, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2020), le 2 janvier 2009, la société BDG [Adresse 1] a donné à bail un local commercial constituant le lot n° 36 d'un immeuble soumis au statut de la copropriété.
2. Le 10 octobre 2009, un dégât des eaux est survenu dans les lieux, et, le 14 octobre suivant, un arrêté préfectoral a interdit l'occupation du local.
3. Par ordonnance du 11 juillet 2011, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail.
4. La société civile immobilière Artemis (la SCI Artemis), qui avait acquis le lot n° 36 le 31 janvier 2011, a, après expertise, assigné en indemnisation de ses préjudices Mme [V], en son nom personnel et en qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs, [F], [B] et [C] [V], en leur qualité d'héritiers d'[U] [V], propriétaire de plusieurs lots dans l'immeuble, et la société Axa France IARD (la société Axa), leur assureur.
5. La société Axa a assigné en intervention forcée et en garantie le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1] (le syndicat) et la société Areas dommages (la société Areas), son assureur.
6. MM. [F] et [B] [V] sont devenus majeurs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La SCI Artemis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses dernières conclusions, alors « que le juge ne peut écarter des débats des conclusions et pièces communiquées par une partie avant la clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché le respect le principe de la contradiction ou caractériser un comportement de leur part contraire à la loyauté des débats ; qu'en l'espèce, pour rejeter les dernières conclusions de la société Artémis, la cour d'appel s'est contentée de relever qu'elles avaient été signifiées moins de 24 heures avant la clôture, « Areas Dommages ne disposant à l'évidence pas d'un délai suffisant pour lui permettre d'y répondre utilement avant la clôture » ; qu'en statuant ainsi, sans ni constater que ces conclusions, signifiées avant le délai, appelaient une réponse argumentée de la société Areas Dommages, ni concrètement caractériser l'existence de circonstances particulières justifiant cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1 de la Convention ESDH. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile :
8. Aux termes du premier de ces textes, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
9. Aux termes du second, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
10. Pour déclarer irrecevables les dernières conclusions de la SCI Artemis, l'arrêt retient qu'elle a attendu le 4 décembre 2019 au soir, veille de la clôture, pour notifier ses conclusions, alors que les dernières écritures de la société Areas dataient du 12 novembre 2019 et celles de la société Axa du 14 novembre 2019, de sorte qu'il est manifeste que ses conclusions, signifiées moins de 24 heures avant la date de la clôture, doivent être déclarées irrecevables comme tardives, la société Areas n'ayant à l'évidence pas disposé d'un délai suffisant pour lui permettre d'y répondre utilement avant la clôture.
11. En se déterminant ainsi, au seul motif de la date de dépôt des conclusions, et sans expliquer, même sommairement, en quoi les conclusions de la SCI Artemis appelaient une réponse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la recevabilité des conclusions de la SCI Artemis entraîne la cassation de l'ensemble des autres chefs du dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1], Mme [V], à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [C] [V] et MM. [F] et [B] [V], en leur qualité d'héritiers d'[U] [V], la société Axa France IARD et la société Areas dommages aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1], Mme [V], à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [C] [V] et MM. [F] et [B] [V], en leur qualité d'héritiers d'[U] [V], la société Axa France IARD et la société Areas dommages et les condamne à payer à la société civile immobilière Artemis la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Artemis (demanderesse au pourvoi principal)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR déclaré irrecevables les dernières conclusions de la société Artemis notifiées le 4 décembre 2019 et les pièces jointes n° 72 à 76 et D'AVOIR partiellement infirmé le jugement entrepris pour réduire les indemnités allouées à la société Artemis et rejeter le surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « Artemis a attendu le 4 décembre 2019 au soir, veille de la clôture, pour notifier ses conclusions alors que les dernières écritures d'Areas Dommages dataient du 12 novembre 2019 et celles d'Axa du 14 novembre 2019.
Il est manifeste dans ces conditions que ses conclusions signifiées moins de 24h avant la date de la clôture doivent être déclarées irrecevables comme tardives, Areas Dommages ne disposant à l'évidence pas d'un délai suffisant pour lui permettre d'y répondre utilement avant la clôture.
Les conclusions tardives d'Artemis étant écartées, aucune cause grave ne justifie la révocation de l'ordonnance de clôture, la cour statuant sur ses dernières conclusions signifiées le 29 octobre 2018 » ;
ALORS QUE le juge ne peut écarter des débats des conclusions et pièces communiquées par une partie avant la clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché le respect le principe de la contradiction ou caractériser un comportement de leur part contraire à la loyauté des débats ; qu'en l'espèce, pour rejeter les dernières conclusions de la société Artémis, la cour d'appel s'est contentée de relever qu'elles avaient été signifiées moins de 24 heures avant la clôture, « Areas Dommages ne disposant à l'évidence pas d'un délai suffisant pour lui permettre d'y répondre utilement avant la clôture » ; qu'en statuant ainsi, sans ni constater que ces conclusions, signifiées avant le délai, appelaient une réponse argumentée de la société Areas Dommages, ni concrètement caractériser l'existence de circonstances particulières justifiant cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1 de la Convention ESDH.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR, infirmant le jugement entrepris, condamné in solidum Mme [V], à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [C] [V], MM. [F] et [B] [V], la société Axa France Iard et la société Areas Dommages à payer à la société Artémis les sommes réduites à 4.820 € au titre des travaux de remise en état du local commercial avec intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement et à 36.067,85 € au titre de la perte de loyers du 31 janvier 2011 au 28 septembre 2011, D'AVOIR condamné in solidum Mme [V], à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [C] [V], MM. [F] et [B] [V], le Syndicat des copropriétaires, la société Axa France Iard et la société Areas Dommages à payer à la société Artémis la somme réduite à 100.126,86 € au titre de la perte des loyers et de charges sur la période du 31 janvier 2011 au 31 juillet 2013 et D'AVOIR rejeté les autres demandes indemnitaires de la société Artemis ;
AUX MOTIFS QU'« il convient dans ce contexte d'apprécier si le syndicat des copropriétaires a tardé dans la réalisation des travaux de réfection de ce plancher et si cet éventuel retard est à l'origine du préjudice allégué par Artémis.
Le syndicat des copropriétaires souligne à raison que les travaux de reprise de la structure du plancher haut de la boulangerie ne pouvaient être exécutés tant que les fondations de l'immeuble n'avaient pas été stabilisées. Il résulte en effet des éléments du dossier que postérieurement au dépôt du rapport de l'expert judiciaire, une problématique est apparue s'agissant des fondations puisqu'un affaissement de sol (dont l'origine reste indéterminée et qui ne saurait donc être imputé ni aux consorts [V], ni au syndicat des copropriétaires) s'est produit en 2013 nécessitant une étude approfondie pour déterminer les travaux nécessaires.
Le 29 août 2013, la préfecture de police de Paris a écrit au syndic de la copropriété (qui était alors le cabinet Pagesti) après la visite réalisée le 18 juillet 2013 par son architecte de sécurité, à la suite d'un nouveau signalement concernant l'affaissement du sol sous les fondations de l'immeuble, ainsi que dans le cadre du suivi des désordres structurels. Elle rappelait notamment que l'immeuble était suivi au titre de la police des édifices menaçant de ruine pour les désordres situés dans les parties suivantes :
- la voûte parallèle et contiguë à la ville de Guelma en sous-sol ;
- les sous-faces de l'escalier A ;
- le plancher haut (plafond) de la boulangerie.
La préfecture de police indiquait qu'à la suite de cette visite l'architecte avait constaté au sous-sol, à l'aplomb de la façade longeant la ville Guelma d'importants affaissements du sol, notamment au droit de l'assise de confortation qui reprend provisoirement le soubassement de la façade, et l'extrême humidité de ce soubassement, sur toute sa longueur, avec décomposition sur certaines zones des joints et des maçonneries.
La préfecture préconisait, outre le maintien du respect de l'arrêté du 14 avril 2009, la nécessité d'assurer la parfaite stabilité et la solidité des éléments de structure qui n'étaient plus à même de remplir leur fonction, à savoir :
- les murs de fondation en sous-sol, notamment côté villa Guelma,
- les voûtes du sous-sol notamment dans les caves de la boulangerie et de la cave longeant la villa Guelma,
- l'escalier A, notamment aux 2ème et 3ème étages,
- le plancher haut du rez-de-chaussée de la boulangerie,
- les façades notamment au droit de l'auvent des locaux commerciaux et le long de la corniche située au niveau du plancher du 4e étage.
Suivaient de nombreuses autres préconisations portant sur des travaux annexes destinés à assurer la stabilité du gros-oeuvre.
Dans un courriel du 26 juillet 2014, la société EBBE a confirmé la nécessité d'une reprise de la structure du plancher haut du local commercial, mais elle a également observé une aggravation des désordres en infrastructure, et notamment au droit de l'effondrement du mur côté voie Guelma, un agrandissement de l'affouillement et la désolidarisation de nouveaux éléments, ainsi qu'une amorce d'affaissement au niveau du trottoir, nécessitant des mesures conservatoires par un complément d'étaiement en sous-sol. Le BET a indiqué qu'il avait constaté une forte présence d'humidité sur cet affouillement et pensait que les eaux de ruissellement sur voiries étaient la cause, car du côté immeuble il n'y avait plus de fuite dans ce secteur.
Il est ainsi acquis qu'à compter de juillet 2013, l'état des fondations de l'immeuble dont il n'est pas démontré qu'il soit imputable aux consorts [V] ou au syndicat des copropriétaires rendait impossible toutes levée de l'arrêté du 14 octobre 2019 et en tout état de cause toute exploitation du local situé au rez-de-chaussée, eu égard à la nécessité de procéder à des reprises en sous-oeuvre impliquant la pose de longines sous les murs porteurs.
Ainsi que l'indique Axa, Artemis a acquis ce lot en parfaite connaissance du mauvais état non seulement du local commercial, mais également de la copropriété acceptant ainsi les risques financiers nécessairement liés à cette situation.
Elle ne peut dans ce contexte imputer au syndicat des copropriétaires pas plus qu'aux consorts [V] le défaut de levée de l'arrêté de non-occupation qui frappait son local. Elle n'a en effet aucun élément technique à faire valoir qui permettrait de considérer que le plancher haut de son local pouvait être remis en état avant que les travaux de reprise en sous-oeuvre des fondations de l'immeuble ne soient réalisés. Force est d'ailleurs de constater que maîtrisant parfaitement le régime de la copropriété, elle n'a d'ailleurs jamais sollicité en justice l'autorisation de procéder elle-même à ses frais avancés aux travaux de réfection du plancher haut, ce qui était pourtant possible eu égard à sa situation financière.
L'assemblée générale a voté ces travaux de reprise le 9 avril 2015. Leur réalisation a été confiée à la société Freyssinet pour un coût estimé à 236.676 € TTC hors coût du bureau de contrôle et de la maîtrise d'oeuvre et hors coût des études préalables.
La copropriété a payé l'acompte de 71.002 $ valant ordre de service permettant aux travaux de commencer le 7 juin 2018.
Le préjudice de perte de loyers invoqué par Artemis pour une somme proche du million d'euros ne saurait être indemnisée au-delà de la fin du mois de juillet 2013, date à laquelle l'affaissement déjà en oeuvre du sol des fondations, a atteint une importance telle qu'aucune reprise du plancher haut de la boulangerie ne pouvait intervenir. À compter de cette date, le maintien de l'arrêt de non-occupation n'était plus imputable aux dégâts des eaux.
Toutefois si les installations privatives défectueuses des consorts [V] n'avaient pas entraîné l'effondrement du plancher haut et l'atteinte à sa structure Artemis aurait pu envisager de louer quelques années avant que les fondations ne s'affaissent.
Par ailleurs si le syndicat des copropriétaires a voté le 15 février 2012 des « travaux de reprise du plancher » sans plus de précision, force est de constater qu'aucune décision concrète n'a manifestement été prise avant l'assemblée générale du 21 février 2013 au cours de laquelle a été adoptée une résolution aux termes de laquelle l'assemblée a décidé de mettre en oeuvre les travaux de réparation de structure du plancher haut.
Il apparaît ainsi que le syndicat des copropriétaires informé de la nécessité de reprendre le plancher haut au plus tard à la fin de l'année 2011 n'a rien fait pour mettre en oeuvre la résolution adoptée le 15 février 2012, alors que les travaux, qui revêtaient une certaine importance, auraient pu être réalisés pour fin juin 2012 » ;
ET AUX MOTIFS QUE « dans le contexte décrit ci-dessus, Artemis qui a acquis en acceptant le risque financier de ne pas percevoir de loyers ne saurait prétendre se les voir allouer en totalité sous forme d'indemnités de jouissance, ce d'autant qu'en toute hypothèse, une telle perte ne peut être indemnisée que sous la forme d'une perte de chance.
S'agissant de la perte de loyer du 31 janvier 2011 au 28 septembre 2011, date à laquelle Artemis à résilié le bail de M. [Y] dont le loyer était de 5.500 € par mois elle ne saurait être indemnisée qu'à hauteur de 70 % eu égard à l'inaction du précédent propriétaire puis de la sienne, seul le baccula étant à reprendre pour une somme modeste.
Elle peut ainsi prétendre être indemnisée de la perte des loyers du 31 janvier 2011 au 28 septembre 2011, ce qui représente une somme de 70 % de 51.525,51 €, soit 36.067,85 €. Le contrat de bail conclu avec M. [Y] l'autorisait à lui imputer les charges qu'elle a incluses dans son préjudice.
Pour la période postérieure, même si Artemis a acquis en toute connaissance de cause de l'état du local commercial et de l'immeuble, elle pouvait espérer percevoir une indemnité de la part des responsables du préjudice lié à l'impossibilité d'exploiter le bien jusqu'en juillet 2013.
Artemis a pris l'initiative de résilier le bail à effet du 28 septembre 2011, mais soutient qu'elle avait conclu un bail commercial le 24 août 2011 avec la société Emmax 3, enseigne Redskins, pour y exploiter un magasin de prêt-à-porter, sous la seule condition suspensive de l'expulsion du précédent locataire, condition réalisée le 28 septembre 2011. Le montant du loyer annuel était fixé à 100.000 € HT à compter du 1er octobre 2011 (soit près de 50 % de plus que le loyer payé par M. [Y]).
Eu égard à l'état dans lequel se trouvait le local, l'incertitude qui pesait alors déjà sur la nature des travaux nécessaires à la remise en état de l'immeuble, et donc sur la levée de l'arrêté du 14 octobre 2009, le préjudice de la société Artemis doit s'analyser comme une perte de chance de percevoir les loyers et non en une perte de loyers. La perte de chance doit être mesurée à l'aune de la chance de percevoir de manière pérenne les loyers attendus et ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Axa ne démontre pas que le bail conclu avec Emmax 3 soit un contrat de complaisance et donc un faux.
Force est cependant de constater qu'Artemis soutient qu'elle pouvait prétendre bénéficier d'un loyer augmenté de 50% par rapport à celui pratiqué jusqu'alors sans qu'aucun travail d'amélioration de l'état général de l'état général de l'immeuble ne soit intervenu, sans la moindre preuve de ce que le quartier aurait été, comme elle le prétend, en pleine expansion à cette époque (il convient de rappeler que les parties communes d l'immeuble étaient des lieux de prostitution et de trafics) et sans qu'elle produise le moindre élément justifiant de ce qu'un loyer de 10.000 € pouvait raisonnablement être pratiqué. Il apparaît ainsi que ce loyer extrêmement optimiste est surévalué.
En conséquence la perte de chance subie par Artemis doit être évaluée à 50% » ;
1°) ALORS QU'il est constant, aux termes de l'arrêt, que la société Artemis a acquis le lot litigieux le 31 janvier 2011 et que les désordres affectant les sols n'ont été découverts que fin juillet 2013 ; qu'en affirmant pourtant que la société Artemis ne pouvait se plaindre des conséquences financières du défaut de levée de l'arrêté de non-occupation qui frappait le local commercial dont elle est propriétaire, en ce qu'elle l'aurait acquis en toute connaissance du mauvais état de la copropriété et accepté les risques financiers liés à cette situation, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations en violation du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
2°) ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences sans que la victime ne soit tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en l'espèce, pour réduire l'indemnisation de la société Artemis, la cour d'appel a retenu qu'elle n'avait pas effectué elle-même les travaux de reprise du baccula pour une somme modeste ; qu'en limitant ainsi l'indemnisation de la société Artemis, à raison de ce qu'elle n'avait pas agi pour limiter le préjudice que lui avaient causé les consorts [V] et le Syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
3°) ALORS QUE la privation d'un gain certain ne peut pas être réparée comme une simple perte de chance d'obtenir un gain aléatoire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, sans les fautes des consorts [V] et du Syndicat des copropriétaires, la société Artemis aurait pu louer son local jusqu'en juillet 2013 et qu'elle avait conclu un bail avec la société Emmax 3, dont il n'était pas démontré qu'il serait de complaisance, à la seule condition suspensive de l'expulsion de M. [Y], condition réalisée le 28 septembre 2011, de sorte qu'elle était certaine percevoir le loyer contractuellement convenu à compter de cette date et jusqu'en juillet 2013 ; qu'en jugeant qu'elle ne pouvait être indemnisée de ce chef qu'au titre d'une perte de chance, bien que seules les fautes des consorts [V] et du Syndicat l'ont empêché de percevoir le loyer contractuellement prévu, ce qui constituait un préjudice certain, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences contractuelles de ses constatations et a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
4°) ALORS QUE le juge est tenu par les termes des contrats qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le bail liant les sociétés Artemis et Emmax 3 n'était ni faux, ni de complaisance, mais a apprécié la pertinence du loyer convenu entre les parties ; qu'en remettant ainsi en cause le contrat qui s'imposait pourtant à elles autant qu'aux parties contractantes, par une appréciation du montant du loyer différente de celle fixée par le contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du Code civil ;
5°) ALORS QUE la cour d'appel a successivement constaté que l'affaissement du sol de l'immeuble avait été signalé le 18 juillet 2013, que l'assemblée générale du Syndicat des copropriétaires avait voté les travaux de reprise le 9 avril 2015 et que le versement de la provision et le début des travaux n'avaient eu lieu que le 7 juin 2018, soit près de cinq ans après l'apparition de désordres dont la reprise conditionnait la possibilité pour la société Artemis d'obtenir la levée de l'interdiction d'usage de son local commercial ; que la société Artemis rappelait dans ses écritures toutes les démarches qu'elle avait mises en oeuvre pour tenter d'obtenir du Syndicat qu'il agisse plus rapidement ; qu'en affirmant pourtant que le Syndicat des copropriétaires ne pouvait plus se voir imputer la responsabilité de la perte des loyers et de l'impossibilité d'user du local commercial après le 31 juillet 2013, dès lors que l'arrêté de péril était alors justifié par l'affaissement du sol qui ne lui était pas imputable, sans rechercher si le Syndicat n'avait pas commis une faute en tardant sans motif à effectuer les travaux de reprise requis par l'affaissement des sols, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard au regard du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et de l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR, infirmant le jugement entrepris, rejeté les demandes de la société Artemis à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks ;
AUX MOTIFS QUE « Artemis n'a pas repris sa demande de condamnation de Covea Risks à l'indemniser du chef des travaux de remise en état de son local et n'a pas sollicité la confirmation du jugement de ce chef » ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions claires des parties ; qu'en l'espèce, comme l'expliquait la société Artemis dans ses conclusions du 30 octobre 2018, elle sollicitait la confirmation du jugement concernant la condamnation de la société Covea Risks à son bénéfice, ce que confirmait leur dispositif ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du Code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD (demanderesse au pourvoi incident)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR retenu la garantie de la société AXA FRANCE IARD et de l'avoir en conséquence condamnée in solidum avec Madame [V], à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Madame [C] [V], et Messieurs [F] et [B] [V] en leur qualité d'héritiers de feu Monsieur [U] [V], à payer à la SCI ARTEMIS la somme de 4.820 € au titre des travaux de remise en état du local commercial avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, celle de 36.067,85 € au titre de la perte de loyers du 31 janvier 2011 au 28 septembre 2011, et celle de 100.126,86 € au titre de la perte de loyers et de charges sur la période du 31 janvier 2011 et au 31 juillet 2013, ainsi que de l'avoir condamnée, in solidum avec Madame [V], à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Madame [C] [V], et Messieurs [F] et [B] [V] en leur qualité d'héritiers de feu Monsieur [U] [V], à garantir le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES et la société AERAS DOMMAGES des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 60 % ;
ALORS QUE la faute dolosive, qui consiste en un manquement délibéré de l'assuré à ses obligations dont il ne peut ignorer qu'il en résultera un dommage, justifie l'exclusion de la garantie en ce qu'elle fausse l'élément aléatoire attaché à la couverture du risque, et ce quand bien même l'assuré n'aurait pas recherché le dommage tel qu'il est advenu ; qu'en l'espèce, la société AXA FRANCE IARD invoquait la faute dolosive de son assuré lequel, de manière répétée, s'était délibérément abstenu de procéder aux travaux de réfection pour remédier aux nombreuses fuites en provenance de ses appartements et ce, en dépit de plusieurs audits l'alertant sur l'état d'insalubrité de ses biens et de la nécessité de faire réaliser lesdits travaux (cf. conclusions d'appel de l'exposante, p. 12 et s.) ; que pour retenir la garantie de la société AXA FRANCE IARD, la Cour d'appel a retenu que l'assureur ne démontrait pas que son assuré aurait été « animé de la volonté de créer le dommage ici en cause » (arrêt, p. 32) ; qu'en statuant ainsi, quand la faute dolosive invoquée par l'assureur n'impliquait pas une telle volonté de l'assuré, la Cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du Code des assurances. Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Areas Dommages (demanderesse au pourvoi incident)
LA SOCIETE AREAS DOMMAGES FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la société Areas Dommages doit sa garantie responsabilité au syndicat des copropriétaires ainsi qu'aux consorts [V] en qualité d'héritiers de M. [V], d'avoir condamné la société Areas Dommages à payer à la société Artémis la somme de 4 820 euros au titre des travaux de remise en état du local commercial avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, d'avoir condamné la société Areas Dommages à verser à la société Artémis la somme de 36 067,85 euros au titre de la perte de loyers du 31 janvier 2011 au 28 septembre 2011, d'avoir condamné la société Areas Dommages à verser à la société Artemis la somme de 100 126,86 euros au titre de la perte de loyers et de charges sur la période du 29 septembre 2011 au 31 juillet 2013, d'avoir condamné la société Areas Dommages à garantir Mme [V], à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [C] [V] et MM. [F] et [B] [V] en leur qualité d'héritier de [U] [V] et ses assureurs, la société Axa France Lard et la société Areas Dommages, des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 40 %, d'avoir la société Areas Dommages, à garantir le syndicat des copropriétaires [Adresse 1] et la société Areas Dommages des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 60 % ;
1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que le seul fait que le syndicat n'ait pas payé de primes d'assurances pendant plusieurs années ne suffit pas à démontrer la réalité de la résiliation alléguée par l'assurance, sans répondre aux conclusions de la société Areas Dommages qui démontrait que la police d'assurances la liant au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] avait été résiliée le 31 janvier 2010 et indiquait pour cela qu'elle avait déjà soutenu que la police était résiliée lors de l'expertise judiciaire, sans qu'à ce moment le syndicat des copropriétaires n'émette la moindre contestation (conclusions d'appel de la société Areas Dommages, p. 28) et qui étayait cette démonstration en produisant en pièce n°13 la note aux parties de l'expert judiciaire (production, n°4), la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Areas Dommages démontrait que la police d'assurances la liant au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] avait été résiliée le 31 janvier 2010, qu'elle avait produit pour cela un courriel du courtier du syndicat des copropriétaires indiquant que la police litigieuse avait été résiliée au 01/02/2010, une capture d'écran mentionnant la résiliation de la police, qu'elle indiquait encore qu'après avoir osé déclarer être à jour de ses cotisations, le syndicat des copropriétaires avait refusé de produire les pièces que le conseiller de la mise en état lui avait enjoint de communiquer, à savoir les appels de cotisations et les justificatifs de paiement, puis avait avoué non seulement ne plus payer les primes depuis de nombreuses années, mais aussi ne plus recevoir d'appels de cotisations (conclusions d'appel de la société Areas Dommages, p. 31-32), qu'elle étayait cette démonstration en s'appuyant sur les conclusions d'appel du syndicat des copropriétaires (production n°5 du mémoire ampliatif) ; que dès lors, en affirmant que le seul fait que le syndicat n'ait pas payé de primes d'assurances pendant plusieurs années ne suffit pas à démontrer la réalité de la résiliation alléguée par l'assurance, sans répondre au moyen de la société Areas Dommages tenant à l'aveu fait par le syndicat des copropriétaires qu'il n'y avait plus d'appel de cotisations depuis des années, et qui corroborait la résiliation effective de la police, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.