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12/01/2022 | FRANCE | N°20-14024

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2022, 20-14024


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 50 F-D

Pourvoi n° H 20-14.024

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

La société Publimag Déco, société à res

ponsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-14.024 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d'appel de P...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 50 F-D

Pourvoi n° H 20-14.024

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

La société Publimag Déco, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-14.024 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [S] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Publimag Déco, de Me Ridoux, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 2020), M. [L] a été engagé le 13 avril 1982, en qualité de peintre en lettres, par la société Publimag deco.

2. Il a été licencié le 24 février 2016.

3. Le 21 mars 2016, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à contester son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement et de le condamner en conséquence au paiement de diverses indemnités, alors « que la nullité d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a prétendument fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en se bornant à retenir qu'en application des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, le licenciement du salarié, qu'elle a estimé avoir été victime de harcèlement moral, devait être déclaré nul, sans cependant constater l'existence d'un lien entre les prétendus faits de harcèlement retenus à l'encontre de l'employeur et le licenciement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, qui a constaté que lors de l'entretien préalable au licenciement, l'employeur avait reconnu son comportement violent à l'égard du salarié en déclarant « oui, je regrette ce geste, mais j'assume ce geste », et que cet acte entrait parmi ceux laissant présumer une situation de harcèlement, a caractérisé le lien entre la mesure de licenciement et le harcèlement dont elle avait retenu la réalité et a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Publimag Déco aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Publimag Déco ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Publimag Déco

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Publimag Déco à payer à M. [L] la somme de 367,33 € au titre de la majoration des heures supplémentaires outre 36,73 € pour congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, le salarié doit donc étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'à l'appui de ses prétentions, M. [L] produit une note de service relative aux horaires collectifs de l'entreprise en usage à compter du 02 mars 2015 qui fixe la durée du travail à 35 heures hebdomadaires, un relevé manuscrit mentionnant les heures de travail réalisées de janvier à avril, juin, et juillet, de septembre à décembre 2014, février et octobre, novembre, décembre 2015, janvier 2016, outre des bulletins de paie sur lesquels est mentionné un horaire de base mensuel de 151h67 ; que le contrat de travail signé en avril 1982 n'est pas produit ; qu'il réclame le paiement d'heures supplémentaires pour : - novembre 2014 = ses notes manuscrites font état de 10 h à 125%, le bulletin de paie ne porte pas trace d'heures supplémentaires - janvier 2016 = 7 heures puis 3 heures supplémentaires sont mentionnées, mais pas sur le bulletin de paie, étant précisé que les autres bulletins de salaire comportent régulièrement des heures supplémentaires ; que de son côté, la SARL Publimag Déco ne donne aucun élément en réponse si ce n'est que le salarié n'en n'avait pas avisé son employeur ;

ALORS QUE le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; que la cour d'appel a constaté qu'en l'espèce, la société Publimag Déco faisait valoir que M. [L] ne l'avait pas avisée de la réalisation des heures supplémentaires qu'il alléguait (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 2) ; qu'en ne se prononçant pas sur la pertinence de ce moyen et en s'abstenant de rechercher si les heures supplémentaires alléguées avaient été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur, ou s'il était établi que la réalisation de ces heures avait été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [L] était nul et d'avoir condamné la société Publimag Déco à lui payer les sommes de 60.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, 5.231,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 523,16 € à titre de congés payés afférents, 32.959 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 1.792,84 € au titre de la mise à pied conservatoire outre 179,28 € au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ; que le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c'est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement ; que si la preuve est libre en matière prud'homale, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral est tenu d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés ; que M. [L] fait valoir que, s'il a été recruté en qualité de peintre en lettres en 1982, ses fonctions ont considérablement évolué depuis en raison de l'évolution des techniques employées, sans qu'il bénéficie de formations pouvant lui permettre en 34 ans de s'adapter aux nouvelles exigences de son métier ; qu'il relève les propos agressifs et vexatoires émanant de M. [X], repreneur de l'entreprise, et produit des attestations en ce sens : - M. [D], salarié de l'entreprise et délégué du personnel, qui a quitté l'entreprise en 2016, déclare que M. [S] [L] était dépassé par les nouvelles techniques et les logiciels en 3D en 2015 et que M. [X] l'injuriait : il lui disait régulièrement « tu es aussi con que [P] » ; - M. [Y] confirme avoir été témoin à plusieurs reprises de propos agressifs et dévalorisants de M. [X] à l'encontre de M. [L] devant le personnel ; - M. [N] [U], son collègue, qui constate qu'il a subi de nombreuses vexations et humiliations devant les autres ; - les deux enfants de M. [L] ont également été embauchés temporairement dans l'entreprise et attestent des humiliations qu'il y a subi ; qu'enfin, M. [L] a versé aux débats le courriel de son employeur en date du 22 janvier 2016 qui lui était destiné relatif à des travaux Spirit selon lequel : « [S], c'est quoi cette merde !!!! », de même que le courrier du 27 janvier 2016, dans lequel il conteste l'avertissement de son employeur en lui rappelant les conditions de son embauche et les exigences de son poste actuel, en l'absence de toute formation ; qu'en dernier lieu lors de l'entretien préalable, M. [X] a reconnu le comportement violent qu'il avait eu à l'égard du salarié le 22 janvier 2016 en disant : « oui je regrette ce geste mais j'assume ce geste », dont M. [L] s'est plaint par un courrier du même jour mais également en déposant une main courante, et qui a été suivi d'un arrêt de travail prolongé à la demande du médecin du travail qui l'a examiné dans le cadre d'une préreprise le 28 janvier 2016 ; que ces éléments précis et concordants sont matériellement établis et peuvent laisser présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en réponse, la société Publimag Déco estime que les conditions pour établir le harcèlement moral ne sont pas réunies ; qu'elle affirme que le salarié n'a pas été agressé physiquement alors que M. [X] a reconnu son geste lors de l'entretien préalable ; qu'elle conteste les témoignages de membres de sa famille ayant travaillé pour l'entreprise alors que ces témoignages sont confortés par des salariés et le courriel de M. [X] et qu'ils établissent des humiliations répétées ; que dans ces conditions les éléments constitutifs d'un harcèlement moral sont démontrés ; que sur le bien-fondé et les conséquences du licenciement, toute rupture intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et 2 est nulle ; que par suite, en présence d'un harcèlement moral établi, il convient de dire que le licenciement de M. [L] est nul et que le jugement en cause sera infirmé ;

ALORS QUE la nullité d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a prétendument fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en se bornant à retenir qu'en application des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, le licenciement de M. [S] [L], qu'elle a estimé avoir été victime de harcèlement moral, devait être déclaré nul (arrêt attaqué, p. 7 al. 8 et 9), sans cependant constater l'existence d'un lien entre les prétendus faits de harcèlement retenus à l'encontre de l'employeur et le licenciement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14024
Date de la décision : 12/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2022, pourvoi n°20-14024


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Ridoux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14024
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