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12/01/2022 | FRANCE | N°20-13645

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2022, 20-13645


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-D

Pourvoi n° V 20-13.645

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

La société Aero piste, socié

té à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-13.645 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-D

Pourvoi n° V 20-13.645

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

La société Aero piste, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-13.645 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

M. [Y] [Z] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Aero piste, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), M. [Z] a été engagé par la société Aero piste suivant plusieurs contrats de travail de mission en qualité de chauffeur poids lourds sur la période du 6 mai 2002 au 30 avril 2006, puis suivant un contrat à durée déterminée à compter du 21 novembre 2006, en qualité d'agent de liaison. La relation de travail s'est poursuivie le 18 mai 2007 par un contrat de travail à durée indéterminée.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 15 octobre 2012, afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappels de salaires et de primes.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur et les moyens du pourvoi incident du salarié, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de rappel de primes trimestrielles et de congés payés afférents, alors « que le principe d'égalité de traitement ne s'applique qu'entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire ; qu'au cas présent, la société Aero Piste faisait valoir que le versement d'une prime trimestrielle de remplacement à certains salariés de l'entreprise étaient la contrepartie de la sujétion à laquelle ils étaient soumis, tenant à pouvoir être appelés à tout moment, même lorsqu'ils étaient de repos, afin de garantir la continuité de l'activité, de sorte que M. [Z], qui n'était pas soumis à cette sujétion, n'était pas placé dans la même situation que les salariés auxquels il se comparait ; que néanmoins, pour faire droit à la demande de rappel de primes de remplacement formulée par M. [Z] au titre de l'égalité de traitement, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'exposante ne rapportait pas la preuve des critères selon lesquels certains salariés, issus de toutes les catégories professionnelles, ont été éligibles à la prime de remplacement entre 2013 et 2017 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si pendant la période considérée, M. [Z] avait effectivement assuré la contrepartie attachée à la prime de remplacement, et en conséquence, s'il était placé dans une situation identique ou similaire à celle des salariés auxquels il se comparait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe de l'égalité de traitement entre les salariés. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

5. Selon le principe susvisé, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ou similaire.

6. Pour condamner l'employeur à verser au salarié des sommes à titre de rappel de primes trimestrielles et de congés payés afférents, l'arrêt retient que trois salariés rapportent avoir entendu le directeur des filiales Aero piste/Interpistes énoncer au cours d'une assemblée générale du 9 mai 2017 qu' « une prime était octroyée à certains salariés », qu' « il ne trouvait pas ça normal », qu'il « ignorait l'objectif de cette prime ». Il énonce que M. [T] a expliqué que cela allait être très compliqué pour lui de se faire respecter par les autres salariés qui ne comprenaient pas qu'il touchait une prime trimestrielle de 700 euros pour accepter de venir travailler lorsque les autres se battaient pour garder leurs emplois et que la direction lui avait formellement interdit de parler de la prime avec les représentants du personnel. Il retient que M. [C] a, quant à lui, reconnu avoir perçu une prime de 700 euros tous les trois mois depuis 2013 jusqu'à son départ en retraite en avril 2016, pour travailler en cas de grève, qu'un bulletin de salaire faisant apparaître l'existence de cette prime trimestrielle est annexée à l'attestation, qu'il y est fait mention qu'il était chauffeur PL SEM.

7. Il énonce qu'il ressort, par ailleurs, du procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 26 juin 2017 qu'à la question posée à la direction à savoir « pourquoi avoir octroyé des primes de 700 euros à des chauffeurs, des régulateurs, R.E... » le représentant de la direction et la responsable des ressources humaines ont répondu « qu'ils ne savaient pas », qu'à une nouvelle question sur la raison de leur suppression, il a été répondu par la direction qu'elles « n'avaient pas d'utilité » et qu'il a été confirmé qu'elles avaient été versées depuis mars 2013 ainsi et qu'elles n'avaient plus cours. L'arrêt en déduit que le salarié apporte des éléments de nature à établir l'inégalité de traitement.

8. En se déterminant ainsi, sans procéder à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités effectivement exercées par le salarié et les autres salariés auxquels il se comparaît, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Aero piste à verser à M. [Z] les sommes de 18 200 euros à titre de rappel de primes trimestrielles et 1 820 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Aero piste, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Aero-Piste à verser à M. [Z] les sommes de 18.200 € à titre de rappel de primes trimestrielles et 1.820 € de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la prime de remplacement : Se fondant notamment sur une inégalité de traitement, Monsieur [Z] sollicite le paiement d'une prime dite de remplacement à hauteur de 18 200 euros. Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence. Monsieur [Z] verse aux débats plusieurs éléments révélant le versement d'une prime trimestrielle de 700 euros à quelques salariés de l'entreprise. Monsieur [P] expose que : « Monsieur [A] lui a précisé que, lors d'un échange avec Monsieur [H] [F], directeur des sociétés Aéropiste/Interpistes, à l'époque, ce dernier lui avait demandé s'il voulait bénéficier comme certains salariés de l'entreprise d'une prime trimestrielle de 700 euros. Monsieur [A] lui a alors demandé en quoi consistait cette prime, ce dernier a répondu qu'elle avait été mise en place afin de prévenir les mouvements sociaux au sein de l'entreprise et ainsi avoir des salariés dont il serait sûr qu'il travaillerait lors des grèves. Dès lors que le salarié acceptait cette prime, il devait impérativement se présenter au travail lorsque l'on faisait appel à lui, même s'il était en repos. Monsieur [A] a répondu qu'il lui était impossible d'accepter cette proposition en tant qu'élu du comité d'entreprise et qu'il ne souhaitait plus qu'on lui parle de cela. Je relate cette discussion avec Monsieur [A] car ce dernier en sa qualité d'élu du comité d'entreprise aurait dû et aurait pu mettre un terme à cette pratique interdite par la loi. » Toutefois, ce témoignage est tout à fait indirect et ne présente, par conséquent, aucune valeur probante dans le présent débat et sera écarté. Messieurs [I], [S] et [W] rapportent avoir entendu Monsieur [R] [E] directeur des filiales Aéropiste/Interpistes énoncer au cours d'une assemblée générale du 9 mai 2017 qu'« une prime était octroyée à certains salariés », qu' « il ne trouvait pas ça normal », qu'il « ignorait l'objectif de cette prime ». Monsieur [T] expose que Monsieur [O] [Y] a souhaité s'entretenir en tête à tête avec lui le dimanche 4 juin 2017(...) des salariés avaient été mis à disposition par la société Alysia (...) les salariés étant détachés dans le cadre d'une mesure anti-grève, (...) les salariés présents étaient très en colère et ne voulaient pas entendre les explications de Monsieur [O]. Monsieur [T] poursuit en indiquant avoir expliqué à Monsieur [O] que cela allait être très compliqué pour lui de se faire respecter par les salariés qui ne comprennent pas qu'il touchait une prime trimestrielle de 700 euros pour accepter de venir travailler lorsqu'ils se battent pour garder leurs emplois. Il précise que Monsieur [O] n'a pas contesté ses accusations et s'est contenté de lui dire que la direction lui avait formellement interdit de parler de la prime avec les représentants du personnel (...). Monsieur [C] a, quant à lui, reconnu avoir perçu une prime de 700 euros tous les trois mois depuis 2013 jusqu'à son départ en retraite en avril 2016, pour travailler en cas de grève. Un bulletin de salaire faisant apparaître l'existence de cette prime trimestrielle est annexée à l'attestation. Il y est fait mention qu'il était chauffeur PL SEM. Il ressort par ailleurs du procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 26 juin 2017 qu'à la question posée à la direction à savoir « pourquoi avoir octroyé des primes de 700 euros à des chauffeurs, des régulateurs, R.E... ? » le représentant de la direction et Madame [B] RRH ont répondu « qu'ils ne savaient pas ». A une nouvelle question sur la raison de leur suppression, il a été répondu par la direction qu'elles « n'avaient pas d'utilité » ; il a été confirmé qu'elles avaient été versées depuis mars 2013. Enfin, Madame [V] [K] a confirmé, le 13 juin 2017, qu'il « existait une prime dite de remplacement, celle-ci n'a plus cours aujourd'hui ». Ce faisant, Monsieur [Z] apporte des éléments de nature à établir l'inégalité de traitement. La SARL Aéro-piste répond que : - Monsieur [Z] ne fournit aucun élément établissant quels salariés ont perçu cette prime ni ne démontre qu'il se trouvait dans une situation identique à celle des salariés qui l'ont reçue ; - plusieurs attestations ont été rédigées par des personnels la demandant dans le cadre d'une instance contentieuse, ce qui fait douter de leur objectivité d'autant qu'il n'est présenté aucun élément pour corroborer la similitude des situations des uns et des autres, - la production d'un bulletin de salaire d'un unique salarié ayant reçu la prime litigieuse ne permet pas de vérifier l'existence d'une situation comparable avec celle de Monsieur [Z], - l'allégation de Monsieur [C] selon laquelle ladite prime lui a été attribuée pour qu'il travaille en cas de grève est mensongère, alors qu'il a, in fine, été gréviste lors de la grève du 26 février 2013 et a reçu ladite prime pour la période de janvier à mars 2013, - elle peut, en cas de grève faire appel à la sous-traitance, et le constat de Monsieur [T] n'a aucune valeur probante dans ce débat, - Monsieur [Z] ne peut s'appuyer sur les réponses de la direction lors des réunions des 30 mai et 26 juin 2017, en ce qu'il tente ainsi d'inverser la charge de la preuve. - ladite prime est un élément individuel de salaire de sorte qu'elle n'avait aucune obligation de fournir des éléments d'information à cet égard aux représentants du personnel, - l'absence de mention de cette prime sur la grille des salaires du 21 mai 2017 résulte du fait qu'elle n'était plus versée depuis mars 2017, soit avant l'édition de cette grille. Elle précise avoir proposé par référendum une augmentation de la prime de vacances pour mettre fin aux différentes journées de grève perlées ayant eu lieu en mai 2017 à l'origine d'une paralysie de l'activité et d'une mise en demeure de la SA Air France menaçant de résilier le contrat de prestation. Elle renvoie au procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise en date du 30 mai 2017 au cours de laquelle il a été précisé que la prime avait pour contrepartie la possibilité de remplacement de dernière minute justifié par le fort taux d'absentéisme et la saisonnalité de l'activité. Elle explique, dans ses conclusions, que la prime a été attribuée à certains salariés dans le seul et unique but de répondre aux exigences de continuité de l'activité de la société pour satisfaire au cahier des charges des principaux clients et assurer les prestations malgré les aléas liés aux périodes de congés, d'arrêts maladie multiples, d'insuffisance de ressources humaines en raison des plannings de roulement mis en place... Elle fait état de la mise en place d'un plan de secours consistant à avoir prévu un effectif minimum de ressources humaines pour assurer la continuité des activités. La prime litigieuse a été versée en rétribution de la sujétion à laquelle certains salariés ont accepté d'être soumis. Elle fait enfin observer que certains salariés ayant travaillé des jours de grève ont saisi le conseil de prud'hommes ce qui tend à corroborer le fait que le versement de la prime n'est pas corrélé au travail fourni pendant ces jours de grève. Elle conclut qu'elle a eu recours, à compter de mai 2017, à la suite de plusieurs mouvements de grève à la sous-traitance pour faire face aux exigences de continuité de l'activité. Il ressort des éléments précédemment évoqués de part et d'autre et spécialement de certaines des réponses apportées par la direction aux questions précises posées au cours de la réunion du 30 mai 2017 que la prime litigieuse a été versée à « 16 salariés toutes catégories professionnelles confondues (chauffeurs, régulateurs, ADL, RE, REA, cadres) », que les critères d'attribution selon les salariés ne pouvaient pas être définis, que ladite prime n'avait plus de finalité. La cour observe que la société soutient qu'elle a eu besoin de mettre en place un plan de secours pour assurer la continuité des activités, que cette prime avait pour objet de rétribuer la sujétion des salariés acceptant d'être appelés à tout moment même lorsqu'ils étaient en repos, qu'elle n'explicite, toutefois, ni ne démontre selon quels critères certains salariés, issus de toutes les catégories professionnelles, ont été retenus comme étant éligibles à cette prime en sorte que l'employeur n'apporte pas les éléments suffisants pour établir que la différence de traitement entre les salariés résultant du versement à certains d'entre eux, issus de toutes les catégories professionnelles, d'une prime trimestrielle dite de remplacement au cours de la période de mars 2013 à mars 2017 repose sur des éléments objectifs pertinents. Monsieur [Z] est fondé en sa demande d'allocation d'une somme de 18.200 euros outre les congés payés afférents » ;

1. ALORS QUE le principe d'égalité de traitement ne s'applique qu'entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire ; qu'au cas présent, la société Aero-Piste faisait valoir que le versement d'une prime trimestrielle de remplacement à certains salariés de l'entreprise étaient la contrepartie de la sujétion à laquelle ils étaient soumis, tenant à pouvoir être appelés à tout moment, même lorsqu'ils étaient de repos, afin de garantir la continuité de l'activité, de sorte que M. [Z], qui n'était pas soumis à cette sujétion, n'était pas placé dans la même situation que les salariés auxquels il se comparait (conclusions, pp. 39-44 et p. 51) ; que néanmoins, pour faire droit à la demande de rappel de primes de remplacement formulée par M. [Z] au titre de l'égalité de traitement, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'exposante ne rapportait pas la preuve des critères selon lesquels certains salariés, issus de toutes les catégories professionnelles, ont été éligibles à la prime de remplacement entre 2013 et 2017 (arrêt, p. 12, al. 2) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si pendant la période considérée, M. [Z] avait effectivement assuré la contrepartie attachée à la prime de remplacement, et en conséquence, s'il était placé dans une situation identique ou similaire à celle des salariés auxquels il se comparait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe de l'égalité de traitement entre les salariés ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'au cas présent, M. [Z] se fondait sur le principe de l'égalité de traitement entre salariés pour solliciter la condamnation de la société Aero-Piste à lui verser une somme de 18.200 € de rappel de primes de remplacement, outre 1.820 € de congés payés afférents ; que la société Aero-Piste s'opposait au bien-fondé de cette demande ; qu'en énonçant que « Monsieur [Z] est fondé en sa demande d'allocation d'une somme de 18 200 euros outre les congés payés afférents » (arrêt, p. 12, al. 3), sans préciser les modalités de calcul et les éléments pris en compte pour déterminer ces sommes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la cour d'appel a constaté que la prime de remplacement litigieuse, d'un montant de 700 €, avait été versée trimestriellement, à certains salariés, entre mars 2013 et mars 2017 (arrêt, p. 10, al. 10 ; arrêt, p. 12, al. 2) ; qu'en considérant néanmoins que « Monsieur [Z] est fondé en sa demande d'allocation d'une somme de 18 200 euros outre les congés payés afférents » (arrêt, p. 12, al. 3), cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce rappel de primes de remplacement ne pouvait pas, en tout état de cause, excéder la somme de 11.200 €, outre 1.120 € de congés payés afférents ([700 euros x 4 trimestres] x 4 ans), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 3241-1, L. 3242-1, L. 3221-2 et L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe de l'égalité de traitement entre salariés.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Aero-Piste à verser à M. [Z] une somme de 3.500 € au titre des dommages et intérêts pour la mesure discriminatoire et la violation du droit de grève ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la prime de remplacement : Se fondant notamment sur une inégalité de traitement, Monsieur [Z] sollicite le paiement d'une prime dite de remplacement à hauteur de 18 200 euros. Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence. Monsieur [Z] verse aux débats plusieurs éléments révélant le versement d'une prime trimestrielle de 700 euros à quelques salariés de l'entreprise. Monsieur [P] expose que : « Monsieur [A] lui a précisé que, lors d'un échange avec Monsieur [H] [F], directeur des sociétés Aéropiste/Interpistes, à l'époque, ce dernier lui avait demandé s'il voulait bénéficier comme certains salariés de l'entreprise d'une prime trimestrielle de 700 euros. Monsieur [A] lui a alors demandé en quoi consistait cette prime, ce dernier a répondu qu'elle avait été mise en place afin de prévenir les mouvements sociaux au sein de l'entreprise et ainsi avoir des salariés dont il serait sûr qu'il travaillerait lors des grèves. Dès lors que le salarié acceptait cette prime, il devait impérativement se présenter au travail lorsque l'on faisait appel à lui, même s'il était en repos. Monsieur [A] a répondu qu'il lui était impossible d'accepter cette proposition en tant qu'élu du comité d'entreprise et qu'il ne souhaitait plus qu'on lui parle de cela. Je relate cette discussion avec Monsieur [A] car ce dernier en sa qualité d'élu du comité d'entreprise aurait dû et aurait pu mettre un terme à cette pratique interdite par la loi. » Toutefois, ce témoignage est tout à fait indirect et ne présente, par conséquent, aucune valeur probante dans le présent débat et sera écarté. Messieurs [I], [S] et [W] rapportent avoir entendu Monsieur [R] [E] directeur des filiales Aéropiste/Interpistes énoncer au cours d'une assemblée générale du 9 mai 2017 qu'« une prime était octroyée à certains salariés », qu' « il ne trouvait pas ça normal », qu'il « ignorait l'objectif de cette prime ». Monsieur [T] expose que Monsieur [O] [Y] a souhaité s'entretenir en tête à tête avec lui le dimanche 4 juin 2017(...) des salariés avaient été mis à disposition par la société Alysia (...) les salariés étant détachés dans le cadre d'une mesure anti-grève, (...) les salariés présents étaient très en colère et ne voulaient pas entendre les explications de Monsieur [O]. Monsieur [T] poursuit en indiquant avoir expliqué à Monsieur [O] que cela allait être très compliqué pour lui de se faire respecter par les salariés qui ne comprennent pas qu'il touchait une prime trimestrielle de 700 euros pour accepter de venir travailler lorsqu'ils se battent pour garder leurs emplois. Il précise que Monsieur [O] n'a pas contesté ses accusations et s'est contenté de lui dire que la direction lui avait formellement interdit de parler de la prime avec les représentants du personnel (...). Monsieur [C] a, quant à lui, reconnu avoir perçu une prime de 700 euros tous les trois mois depuis 2013 jusqu'à son départ en retraite en avril 2016, pour travailler en cas de grève. Un bulletin de salaire faisant apparaître l'existence de cette prime trimestrielle est annexée à l'attestation. Il y est fait mention qu'il était chauffeur PL SEM. Il ressort par ailleurs du procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 26 juin 2017 qu'à la question posée à la direction à savoir « pourquoi avoir octroyé des primes de 700 euros à des chauffeurs, des régulateurs, R.E... ? » le représentant de la direction et Madame [B] RRH ont répondu « qu'ils ne savaient pas ». A une nouvelle question sur la raison de leur suppression, il a été répondu par la direction qu'elles « n'avaient pas d'utilité » ; il a été confirmé qu'elles avaient été versées depuis mars 2013. Enfin, Madame [V] [K] a confirmé, le 13 juin 2017, qu'il « existait une prime dite de remplacement, celle-ci n'a plus cours aujourd'hui ». Ce faisant, Monsieur [Z] apporte des éléments de nature à établir l'inégalité de traitement. La SARL Aéro-piste répond que : - Monsieur [Z] ne fournit aucun élément établissant quels salariés ont perçu cette prime ni ne démontre qu'il se trouvait dans une situation identique à celle des salariés qui l'ont reçue ; - plusieurs attestations ont été rédigées par des personnels la demandant dans le cadre d'une instance contentieuse, ce qui fait douter de leur objectivité d'autant qu'il n'est présenté aucun élément pour corroborer la similitude des situations des uns et des autres, - la production d'un bulletin de salaire d'un unique salarié ayant reçu la prime litigieuse ne permet pas de vérifier l'existence d'une situation comparable avec celle de Monsieur [Z], - l'allégation de Monsieur [C] selon laquelle ladite prime lui a été attribuée pour qu'il travaille en cas de grève est mensongère, alors qu'il a, in fine, été gréviste lors de la grève du 26 février 2013 et a reçu ladite prime pour la période de janvier à mars 2013, - elle peut, en cas de grève faire appel à la sous-traitance, et le constat de Monsieur [T] n'a aucune valeur probante dans ce débat, - Monsieur [Z] ne peut s'appuyer sur les réponses de la direction lors des réunions des 30 mai et 26 juin 2017, en ce qu'il tente ainsi d'inverser la charge de la preuve. - ladite prime est un élément individuel de salaire de sorte qu'elle n'avait aucune obligation de fournir des éléments d'information à cet égard aux représentants du personnel, - l'absence de mention de cette prime sur la grille des salaires du 21 mai 2017 résulte du fait qu'elle n'était plus versée depuis mars 2017, soit avant l'édition de cette grille. Elle précise avoir proposé par référendum une augmentation de la prime de vacances pour mettre fin aux différentes journées de grève perlées ayant eu lieu en mai 2017 à l'origine d'une paralysie de l'activité et d'une mise en demeure de la SA Air France menaçant de résilier le contrat de prestation. Elle renvoie au procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise en date du 30 mai 2017 au cours de laquelle il a été précisé que la prime avait pour contrepartie la possibilité de remplacement de dernière minute justifié par le fort taux d'absentéisme et la saisonnalité de l'activité. Elle explique, dans ses conclusions, que la prime a été attribuée à certains salariés dans le seul et unique but de répondre aux exigences de continuité de l'activité de la société pour satisfaire au cahier des charges des principaux clients et assurer les prestations malgré les aléas liés aux périodes de congés, d'arrêts maladie multiples, d'insuffisance de ressources humaines en raison des plannings de roulement mis en place... Elle fait état de la mise en place d'un plan de secours consistant à avoir prévu un effectif minimum de ressources humaines pour assurer la continuité des activités. La prime litigieuse a été versée en rétribution de la sujétion à laquelle certains salariés ont accepté d'être soumis. Elle fait enfin observer que certains salariés ayant travaillé des jours de grève ont saisi le conseil de prud'hommes ce qui tend à corroborer le fait que le versement de la prime n'est pas corrélé au travail fourni pendant ces jours de grève. Elle conclut qu'elle a eu recours, à compter de mai 2017, à la suite de plusieurs mouvements de grève à la sous-traitance pour faire face aux exigences de continuité de l'activité. Il ressort des éléments précédemment évoqués de part et d'autre et spécialement de certaines des réponses apportées par la direction aux questions précises posées au cours de la réunion du 30 mai 2017 que la prime litigieuse a été versée à « 16 salariés toutes catégories professionnelles confondues (chauffeurs, régulateurs, ADL, RE, REA, cadres) », que les critères d'attribution selon les salariés ne pouvaient pas être définis, que ladite prime n'avait plus de finalité. La cour observe que la société soutient qu'elle a eu besoin de mettre en place un plan de secours pour assurer la continuité des activités, que cette prime avait pour objet de rétribuer la sujétion des salariés acceptant d'être appelés à tout moment même lorsqu'ils étaient en repos, qu'elle n'explicite, toutefois, ni ne démontre selon quels critères certains salariés, issus de toutes les catégories professionnelles, ont été retenus comme étant éligibles à cette prime en sorte que l'employeur n'apporte pas les éléments suffisants pour établir que la différence de traitement entre les salariés résultant du versement à certains d'entre eux, issus de toutes les catégories professionnelles, d'une prime trimestrielle dite de remplacement au cours de la période de mars 2013 à mars 2017 repose sur des éléments objectifs pertinents. Monsieur [Z] est fondé en sa demande d'allocation d'une somme de 18 200 euros outre les congés payés afférents. Sur la discrimination et la violation du droit de grève et la demande de dommages et intérêts ; Selon l'article 2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux. Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi nº 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français. Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi nº 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Comme faits présentés et laissant supposer l'existence d'une discrimination et d'une entrave au droit de grève, Monsieur [Z] allègue du versement d'une prime dite de remplacement à certains salariés ne participant pas aux mouvements de grève. Il reprend les éléments produits pour établir l'inégalité de traitement et communique en sus le témoignage de Monsieur [N] qui explique que « le 6 juin 2017, Monsieur [L] [D] lui a confirmé qu'il touchait la prime trimestrielle de 700 euros depuis plusieurs années déjà et qu'il en était fier car d'après ses propres mots, il était contre les grèves, mais qu'en outre, il était quand même soulagé que la direction la lui ait retirée. » Ces éléments en ce compris les témoignages et procès-verbaux évoqués lors de l'analyse de la prétention émise au titre de l'inégalité de traitement, pris dans leur ensemble, laissent supposer une mesure discriminatoire tendant à contourner le droit de grève ainsi que son exercice. La SARL Aéro-piste conteste les éléments ainsi repris par Monsieur [Z], insiste sur le fait que Monsieur [C] qui a reçu la prime litigieuse en mars 2013 a fait grève le 26 février 2013, ainsi que le montre la retenue opérée sur le bulletin de salaire de février 2013 et que de façon générale, il n'a pas travaillé pendant les jours de grève au cours de toute la période de janvier 2010 à mars 2017. La cour observe que la pièce 27 comportant 10 feuillets communiquée par la société au soutien de cette dernière allégation est illisible et par suite n'en justifie pas la réalité. L'employeur expose enfin que Monsieur [Z] ne justifie pas avoir participé aux quelques journées de grève ayant eu lieu pendant la période considérée ce qui est sans objet dans ce débat. Il résulte des éléments et explications fournies précédemment repris et analysés que la société a pris une mesure discriminatoire en décidant, après des grèves survenues en février 2013, de créer une prime trimestrielle versée à quelques salariés issus de toutes les catégories professionnelles contre l'engagement de leur part de travailler y compris pendant leurs jours de repos, pour remplacer des salariés absents, tels que des salariés absents en raison d'une grève. Il sera observé que le versement de la prime à Monsieur [C] en mars 2013 alors qu'il avait participé à la grève du 26 février 2013 corrobore la volonté de mettre en place à cette époque un dispositif pour assurer la continuité du service par la mise en place d'une prime de remplacement proposée à certains salariés en échange de leur engagement à ne plus se mettre en grève. Le préjudice résultant de cette mesure discriminatoire sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3.500 euros » ;

1. ALORS QU'il incombe au salarié qui s'estime victime d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et, au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que pour former sa conviction, le juge est tenu d'examiner l'ensemble des éléments apportés par les parties ; que la société Aéro-Piste faisait valoir, avec offre de preuves, que la mise en place d'une prime de remplacement attribuée à certains salariés à compter de mars 2013 avait pour seul et unique but de répondre aux exigences de continuité de l'activité de la société, exigences lui avaient été imposées par l'appel d'offre et le cahier des charges de son principal client et qui avait conduit l'exposante à définir, en cas de besoin, un plan de secours (conclusions, pp. 51-53) ; que la cour d'appel a néanmoins considéré que la prime de remplacement litigieuse avait été créée par l'exposante « pour remplacer des salariés absents, tels que des salariés absents en raison d'une grève » et versées « en échange de leur engagement à ne plus se mettre en grève » (arrêt, p. 13, al. 2-5), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette mesure, destinée à garantir la présence d'un nombre suffisance de salarié de chaque catégorie professionnelle, était justifiée par les exigences de continuité de l'activité, laquelle était notamment imposée par le cahier des charges qui liait l'exposante à son principal client ; qu'en retenant ainsi l'existence d'une discrimination à l'encontre des salariés grévistes, sans examiner les éléments justificatifs apportés par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions et examiner les pièces communiquées par les parties ; qu'en considérant que la société Aero-Piste avait créé la prime litigieuse aux fins de remplacer des salariés grévistes, sans analyser ni répondre au moyen pourtant déterminant de l'exposante, qui faisait valoir que cette mesure, destinée à garantir la présence d'un nombre suffisant de salarié de chaque catégorie professionnelle, était justifiée par les exigences de continuité de l'activité, qui était notamment imposée par les cahiers des charges liant l'exposante à ses clients, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE la mise en oeuvre de la responsabilité civile suppose l'existence d'un dommage et que c'est au demandeur à l'action en responsabilité civile qu'il incombe de rapporter la preuve de l'existence du préjudice qu'il prétend avoir personnellement subi ; qu'au cas présent, la société Aero-Piste faisait valoir que M. [Z] ne justifiait pas avoir participé à un quelconque mouvement de grève, de sorte qu'il ne démontrait pas avoir subi un préjudice résultant de la mise en place d'une prime de remplacement constitutive, selon lui, d'une discrimination à l'encontre des salariés grévistes (conclusions, p. 50) ; que néanmoins, pour condamner la société Aero-Piste à lui verser une somme de 3.500 € « à titre de dommages-intérêts pour mesure discriminatoire et violation du droit de grève », la cour d'appel a retenu que la mise en place, entre 2013 et 2017, d'une prime de remplacement au bénéfice de certains salariés était discriminatoire et que le fait que M. [Z] n'ait pas participé aux journées de grève ayant eu lieu pendant la période considérée était « sans objet dans ce débat » (arrêt, p. 13, al. 4) ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié n'ayant pas été gréviste, il ne justifiait d'aucun préjudice personnel résultant de la mise en place d'une mesure jugée discriminatoire à l'encontre des salariés grévistes, la cour d'appel a indemnisé un préjudice inexistant et a violé l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil, ensemble les articles L. 2511-1 et L. 1132-2 du code du travail ;

4. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ; qu'en application du principe de l'égalité de traitement, l'octroi par le juge de l'avantage litigieux au salarié qui en a été privé a vocation à rétablir l'égalité de traitement entre les salariés, autrement dit à corriger l'inégalité observée ; qu'il en résulte que ce salarié n'est pas fondé à obtenir à la fois sur le terrain de la responsabilité civile des dommages-intérêts pour nonversement d'un avantage et, sur le terrain de l'égalité de traitement, le versement de cet avantage ; qu'au cas présent, la cour d'appel a alloué à M. [Z] une indemnité de 3.500 €, supposée réparer le préjudice qu'il aurait subi du fait de la mise en place, par l'employeur, de primes de remplacement jugées discriminatoires par la cour ; qu'en statuant ainsi, cependant que la cour d'appel avait déjà condamné la société Aero-Piste, au titre de l'égalité de traitement, à payer à M. [Z] un rappel des primes de remplacement dont celui-ci n'avait pas bénéficié entre 2013 et 2017, la cour d'appel a alloué à M. [Z] des dommages-intérêts qui ne correspondent à aucun préjudice existant et l'a injustement enrichi, en violation de l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime et le principe de l'égalité de traitement entre salariés.
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [Z], demandeur au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [Z] de sa demande de requalification des contrats d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes subséquentes,

AUX MOTIFS QUE « Sur la prescription de la demande de requalification : La SARL Aéro-piste soutient que M. [Z] ne peut plus solliciter la requalification des contrats de travail à durée déterminée antérieurs au 16 octobre 2007, l'ensemble des contrats précaires ayant été signés entre le 21 novembre 2006 et le 20 juin 2007, en sorte que l'action en requalification est prescrite, la saisine du conseil de prud'hommes remontant au 15 octobre 2012. L'examen des documents communiqués montre que M. [Z] a été engagé suivant des contrats intérimaires depuis le 6 mai 2002, qu'une interruption a eu lieu au cours de l'année 2006 puisqu'il n'a pas été engagé dans le cadre de tels contrats entre le 30 avril 2006 et le 21 novembre 2006. Il a été de nouveau engagé suivant un contrat à durée déterminée à temps complet le 21 novembre 2006 afin de faire face à un accroissement temporaire d'activité à la demande du client Air France, et ce, pour une durée de sept mois. Quelques jours avant le terme de ce contrat de travail à durée déterminée et suivant un avenant du 18 mai 2007, les parties sont convenues que le contrat de travail à durée déterminée se poursuivrait à compter du 21 juin 2007 pour une durée indéterminée, la poursuite des liens contractuels se faisant aux mêmes conditions de rémunération et d'emploi que prévu dans le contrat de travail à durée déterminée initial, sans période d'essai. Lorsque le salarié invoque le caractère pérenne et durable de l'emploi pour lequel il a été recruté dans le cadre d'un contrat temporaire, le point de départ du délai est le terme du dernier contrat. En l'espèce, l'avenant du 18 mai 2007 a prévu la poursuite de la relation contractuelle dans le cadre d'une relation à durée indéterminée toujours en cours en sorte que le délai de prescription s'agissant du contrat de travail du 21 novembre 2006 n'a pas commencé à courir. En revanche, compte tenu de la longue interruption entre les deux séries de contrats, le salarié ne peut solliciter la requalification des contrats antérieurs. Sa demande est à cet égard prescrite » ;

1. ALORS QUE la cour d'appel qui décide que l'action dont elle est saisie est prescrite et, dès lors, irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé la demande de requalification des contrats d'intérim prescrite ; qu'en déboutant M. [Z] de cette demande, la cour d'appel, qui a ainsi statué au fond, a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 122 du code de procédure civile ;

2. ALORS en outre QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses motifs, la cour d'appel a jugé la demande de requalification des contrats d'intérim prescrite ; que dans son dispositif, elle a débouté M. [Z] de cette demande ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond sont tenus de préciser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'examen des documents communiqués montrait que M. [Z] avait été engagé suivant des contrats intérimaires depuis le 6 mai 2002 mais qu'une interruption avait eu lieu au cours de l'année 2006 puisqu'il n'avait pas été engagé dans le cadre de tels contrats entre le 30 avril 2006 et le 21 novembre 2006, date de conclusion d'un contrat à durée déterminée ensuite transformé en contrat à durée indéterminée, pour en déduire que cette interruption dans la succession des contrats intérimaires rendait sa demande en requalification de ces contrats prescrite, sans préciser quels documents établissaient l'interruption litigieuse, contestée par le salarié (conclusions d'appel, p. 3), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS en toute hypothèse QUE la prescription de l'action en requalification de contrats précaires en contrat à durée indéterminée fondée sur l'affectation durable du salarié à un emploi permanent de l'entreprise, ne court qu'à compter du terme du dernier contrat, peu important d'éventuelles interruptions entre deux contrats précaires ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que M. [Z] a été engagé suivant des contrats intérimaires pour travailler au sein de la société Aero-piste à compter du 6 mai 2002, puis été embauché directement par cette entreprise par contrat à durée déterminée à compter du 21 novembre 2006 pour une durée de sept mois ; que la cour d'appel a écarté la prescription de l'action en requalification concernant le contrat à durée déterminée du 21 novembre 2006 ; qu'en jugeant que la demande de requalification des contrats antérieurs était prescrite, au prétexte inopérant de l'interruption entre ceux-ci le 30 avril 2006 et le contrat à durée déterminée conclu le 21 novembre 2006, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

5. ALORS enfin et à titre infiniment subsidiaire QU'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, à supposer que les contrats de travail temporaire se soient succédé du 6 mai 2002 au 30 avril 2006 seulement, la prescription de l'action en requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée fondée sur l'affectation durable du salarié à un emploi permanent de l'entreprise, n'avait couru, au plus tôt, qu'à compter du terme du dernier contrat de travail temporaire, soit le 30 avril 2006 ; que la prescription trentenaire initialement applicable à cette action ayant été réduite à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ce nouveau délai avait commencé à courir le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de cette loi, et n'était pas expiré au jour de la saisine du conseil de prud'hommes le 15 octobre 2012 ; qu'en déclarant cependant prescrite l'action en requalification des contrats de travail temporaire, la cour d'appel a violé les articles 2222 et 2224 du code civil, ensemble l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [Z] de ses demandes au titre de l'ancienneté et de la demande de prime de fin d'année afférente,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « (...) L'examen des documents communiqués montre que M. [Z] a été engagé suivant des contrats intérimaires depuis le 6 mai 2002, qu'une interruption a eu lieu au cours de l'année 2006 puisqu'il n'a pas été engagé dans le cadre de tels contrats entre le 30 avril 2006 et le 21 novembre 2006. Il a été de nouveau engagé suivant un contrat à durée déterminée à temps complet le 21 novembre 2006 afin de faire face à un accroissement temporaire d'activité à la demande du client Air France, et ce, pour une durée de sept mois. Quelques jours avant le terme de ce contrat de travail à durée déterminée et suivant un avenant du 18 mai 2007, les parties sont convenues que le contrat de travail à durée déterminée se poursuivrait à compter du 21 juin 2007 pour une durée indéterminée, la poursuite des liens contractuels se faisant aux mêmes conditions de rémunération et d'emploi que prévu dans le contrat de travail à durée déterminée initial, sans période d'essai. (...) Sur la reprise de l'ancienneté : M. [Z] soutient que son ancienneté doit remonter au premier contrat intérimaire souscrit, soit au 6 mai 2002 avec toutes conséquences afférentes notamment pour le calcul de la prime d'ancienneté. Dans le cas d'espèce, il a été relevé que la succession des contrats intérimaires a été interrompue pendant 7 mois. L'absence d'interruption entre les deux séquences contractuelles est une condition impérative à l'application de la reprise d'ancienneté. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que l'ancienneté du salarié remonte au 21 novembre 2006. Le jugement sera confirmé de ce chef. Sur la majoration sur l'ancienneté : En application d'un accord collectif d'entreprise et de ses avenants, il est versé aux salariés depuis le 21 mai 2001 une prime dite d'ancienneté d'un montant variable allant de 2,5 % du salaire brut pour deux ans de présence aux effectifs à 12,5 % après 22 ans. M. [Z] soutient qu'il n'a pas perçu les primes d'ancienneté lui revenant dans la mesure où l'employeur n'a pas tenu compte de son ancienneté réelle remontant 6 mai 2002. Il fait par ailleurs valoir que l'employeur lui a réglé une prime d'ancienneté pour la première fois en novembre 2010 mais a parallèlement procédé à une diminution du taux horaire et ce, sans son accord explicite. Il allègue aussi d'une différence de traitement au motif que d'autres salariés dans une situation similaire ont vu leur ancienneté être reprise. En réponse aux prétentions et affirmations du salarié, l'employeur rappelle les dispositions de l'article L. 1251-38 du code du travail, selon lesquelles l'employeur qui embauche après une mission un salarié mis à disposition par une entreprise de travail temporaire doit prendre en compte la durée des missions accomplies au sein de cette entreprise au cours des trois derniers mois précédant le recrutement, qu'en l'espèce aucune mission n'a été assumée par le salarié dans les trois mois précédant le 21 novembre 2006, date de l'embauche en contrat de travail à durée déterminée avant son recrutement en contrat de travail à durée indéterminée. S'agissant de la demande de rappel de prime d'ancienneté à hauteur de 652,69 euros bruts outre les congés payés afférents, la société soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle formulée en cause d'appel et par suite, irrecevable. La société expose, enfin, avoir fait une stricte et juste application des accords collectifs s'agissant du versement de la prime d'ancienneté. Elle explique avoir jusqu'en octobre 2010 fait apparaître sur les bulletins de salaire, le taux horaire global sans détailler de manière précise la prime d'ancienneté, et avoir, à compter d'octobre 2010 fait mention, de manière distincte, du salaire de base sans ancienneté et la prime d'ancienneté. Elle explicite les divers taux appliqués au cours de la période considérée et en déduit que M. [Z] a été intégralement rempli de ses droits. S'agissant de la reprise d'ancienneté au 6 mai 2002 pour calculer le montant de la prime d'ancienneté, il a été précédemment relevé que l'absence d'interruption entre les deux séquences contractuelles est une condition impérative à l'application de la reprise d'ancienneté au premier jour du premier contrat de travail de la première séquence contractuelle. Par ailleurs, en l'absence de contrat intérimaire liant M. [Z] et la société entre le 21 août et le 21 novembre 2006, soit au cours de trois mois ayant précédé le recrutement du 21 novembre 2006, et conformément aux dispositions de l'article 1251-38 du code du travail, l'employeur revendique à bon droit que la date marquant le départ de l'ancienneté à prendre en compte pour évaluer la prime d'ancienneté est celle du 21 novembre 2006. La cour observe par ailleurs, que M. [Z] communique aux débats plusieurs documents tels que les procèsverbaux des réunions du comité d'entreprise du 28 décembre 2000, du 26 juillet 2001, du 24 avril 2003, 26 juin 2003, du 24 mai 2006, du 26 mai 2011 dans lesquels ont été évoquées les questions relatives à l'évolution de l'emploi ainsi qu'à l'ancienneté de plusieurs salariés. Il y est fait mention de la « rectification », du « rattrapage », de la « titularisation » de tel ou tel salarié. Toutefois, à défaut de toute précision sur les situations exactes des salariés en cause, sur les antécédents contractuels de ceux-ci avec la société, M. [Z] n'apporte pas les éléments de nature à étayer sa demande au titre de l'inégalité de traitement. » ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de l'ancienneté, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [Z] de sa demande au titre de la prime de fin d'année ou de 13e mois,

AUX MOTIFS QUE « invoquant un accord d'entreprise auquel il a été fait référence aux termes de l'ordre du jour et du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du jeudi 28 décembre 2000, mentionnant en point 3 la prime de 13ème mois, M. [Z] sollicite à ce titre la somme de 6 360,84 euros outre les congés payés afférents sur les rappels de salaire qu'il a sollicités. Or, aucun rappel de salaire calculé en fonction des rémunérations perçues n'a été accordé au salarié, en sorte que le jugement querellé ayant rejeté sa réclamation afférente sera confirmé » ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, M. [Z] demandait un rappel de prime de fin d'année ou de 13e mois afférent à chaque rappel de salaire ou de prime et notamment à la prime de compensation ainsi qu'à la prime de remplacement qui était sollicitée pour la première fois en appel (conclusions d'appel, p. 54) ; que la cour d'appel a fait partiellement droit à la demande au titre de la prime de compensation (arrêt, p. 8) et intégralement droit à la demande au titre de la prime de remplacement (arrêt, p. 11 à 13) ; qu'en rejetant pourtant intégralement la demande formée par le salarié au titre de la prime de fin d'année ou de 13e mois, sans préciser pourquoi les primes de compensation et de remplacement ne pouvaient donner lieu à un rappel de prime de fin d'année ou de 13e mois, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-13645
Date de la décision : 12/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2022, pourvoi n°20-13645


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.13645
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