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12/01/2022 | FRANCE | N°20-13370

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 janvier 2022, 20-13370


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 32 F-D

Pourvoi n° W 20-13.370

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

M. [C] [P], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° W

20-13.370 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile statuant en matière de baux ruraux), dans ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 32 F-D

Pourvoi n° W 20-13.370

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

M. [C] [P], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° W 20-13.370 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile statuant en matière de baux ruraux), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [E],

2°/ à Mme [N] [S], épouse [E],

3°/ à M. [O] [E],

tous trois domiciliés [Adresse 7],

4°/ à M. [U] [E], domicilié [Adresse 1],

5°/ à M. [K] [V], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de mandataire judiciaire de M. [C] [P],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [P], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de MM. [W], [O], [U] [E] et de Mme [N] [S], après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 décembre 2019), par acte du 26 février 1998, M. [W] [E] a donné à bail à ferme à M. [C] [P] des parcelles et des bâtiments d'exploitation.

2. La même année, M. [W] [E], qui était associé du groupement agricole d'exploitation en commun des Magnanes (le GAEC des Magnanes) avec son fils [O], a fait valoir ses droits à la retraite et a cédé ses parts à M. [C] [P].

3. Par acte du 3 octobre 2008, M. [O] [E] s'est retiré du GAEC des Magnanes.

4. M. [C] [P] et son fils [X] ont poursuivi l'activité au sein du groupement agricole d'exploitation en commun de Lorraine (le GAEC de Lorraine).

5. Par acte du 23 mai 2009, M. [W] [E] et son épouse, Mme [N] [S], ont consenti à M. [C] [P] un bail à ferme sur plusieurs parcelles.

6. Un jugement du 11 février 2016 a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du GAEC de Lorraine et l'a étendue à MM. [C] et [X] [P]. Mme [I] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

7. Par acte du 17 novembre 2016, M. [W] [E] et son épouse, usufruitiers, et leurs fils [O] et [U], nus-propriétaires, ont délivré à M. [C] [P] un congé pour reprise d'exploitation au profit de M. [O] [E] à effet au 22 mai 2018, échéance du bail du 23 mai 2009.

8. M. [C] [P] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. M. [C] [P] fait grief à l'arrêt de dire que le congé délivré le 17 novembre 2016 et visant le bail rural du 23 mai 2009 est régulier, alors « que, selon l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, le congé pour reprise doit indiquer, à peine de nullité, l'habitation que devra occuper après la reprise le bénéficiaire du bien repris ; qu'en retenant, pour déclarer le congé valable, que le congé précisait le domicile du repreneur et qu'à défaut d'autre mention il devait être compris comme étant aussi son lieu d'habitation après la reprise du bien, quand l'indication du domicile du bénéficiaire à la date du congé ne satisfait pas à l'exigence prescrite par le texte précité, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L. 411-59 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime :

10. Il résulte de ces textes que le bénéficiaire de la reprise, qui a l'obligation de s'installer à proximité du fonds pour en assurer lui-même l'exploitation, doit indiquer dans le congé l'habitation qu'il occupera dès cette reprise.

11. Pour rejeter la demande d'annulation du congé, l'arrêt retient que le domicile du repreneur, lors de la délivrance de cet acte, y est précisé et qu'à défaut d'autre mention, il doit être compris comme étant aussi son lieu d'habitation, y compris après la reprise du bien, d'autant que le congé mentionne sa proximité avec les terres louées.

12. En statuant ainsi, alors que les mentions du congé doivent informer complètement son destinataire sur la capacité du repreneur de satisfaire à ses obligations, et que le défaut de précision sur l'habitation future de celui-ci ne peut être suppléée par l'hypothèse que le bénéficiaire de la reprise entend implicitement ne pas changer de domicile au moment de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. M. [C] [P] fait grief à l'arrêt de dire que le bail rural du 23 mai 2009 se substitue à celui du 26 février 1998 le liant à M. et Mme [E] et de dire que le congé délivré le 17 novembre 2016 visant le bail rural du 23 mai 2009 est régulier, alors « que la volonté de nover ne se présume pas et doit résulter clairement de l'acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le second bail du 23 mai 2009 ne faisait aucune référence ni renvoi au bail du 26 février 1998 ; qu'en retenant, pour considérer que l'intention tacite des parties était que le second bail se substitue au premier, que les deux baux portaient sur certaines parcelles communes, que le second bail stipulait un nouveau fermage sans mentionner la subsistance d'un fermage au titre des parcelles non reprises, et que si les parties n'avaient pas entendu que le second bail se substitue au premier les bailleurs auraient pris soin de nommer le bail de 1998 pour marquer sa survivance et éviter toute confusion, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément manifestant la volonté claire et non équivoque des parties de nover, a violé les articles 1271 et 1273 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1273 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

14. Selon ce texte, la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

15. Pour retenir que le second bail du 23 mai 2009 s'est substitué à celui du 26 février 1998, l'arrêt retient que les parties ont eu l'intention tacite de procéder à cette novation concomitante au retrait de M. [E] du GAEC des Magnanes, les deux baux concernant certaines parcelles identiques, et le second ne mentionnant pas la subsistance d'un fermage au titre des parcelles qu'il ne reprenait pas, et qu'aucune réclamation n'est intervenue au titre du premier bail à partir de la conclusion du plus récent.

16. En statuant ainsi, tout en relevant l'absence de manifestation claire de volonté des parties en vue de mettre fin au bail de 1998, le contrat de 2009 ne faisant aucune référence ou renvoi explicite à celui-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne MM. [W], [O] et [U] [E] et Mme [N] [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [W], [O] et [U] [E] et Mme [N] [S] et les condamne à payer à M. [C] [P] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille ving-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le congé délivré le 17 novembre 2016 visant le bail rural du 23 mai 2009 est régulier,

AUX MOTIFS QUE « sur la validité du congé :

# quant à la mention du lieu d'habitation du repreneur

Aux termes de l'article L. 411-47 du Code rural et de la pêche maritime, le congé donné par le bailleur doit, à peine de nullité :

* mentionner expressément les motifs allégués,

* indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire, ainsi que l'habitation qu'il devra occuper après la reprise du bien.

Le même texte édicte encore, en son dernier alinéa, que la nullité n'est pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatées ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.

En l'espèce, le congé mentionne qu'il est donné au motif d'une reprise par M. [E] [O] dont la date de naissance est précisée ainsi que la profession d'agriculteur en exercice, précisions suivies de la mention suivante : "domicilié à proximité des terres pour lesquelles il vous est donné congé, [Adresse 7]. "

Il en résulte que le domicile du repreneur est précisé, et qu'à défaut d'autre mention il doit être compris comme étant aussi son lieu d'habitation y compris après la reprise du bien d'autant que la mention du congé souligne sa proximité avec les terres louées.

Dès lors, cette mention respecte les dispositions de l'article L. 411-47, M. [C] [P] n'établissant pas en quoi l'imprécision qu'il invoque l'aurait induit en erreur, étant souligné que les terres louées, qu'il exploite, sont situées dans la même commune rurale que celle du domicile indiqué » (arrêt p. 5),

ALORS QUE selon l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, le congé pour reprise doit indiquer, à peine de nullité, l'habitation que devra occuper après la reprise le bénéficiaire du bien repris ; qu'en retenant, pour déclarer le congé valable, que le congé précisait le domicile du repreneur et qu'à défaut d'autre mention il devait être compris comme étant aussi son lieu d'habitation après la reprise du bien, quand l'indication du domicile du bénéficiaire à la date du congé ne satisfait pas à l'exigence prescrite par le texte précité, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L. 411-59 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le bail rural du 23 mai 2009 se substitue et remplace celui du 26 février 1998 liant M. [C] [P] et M. et Mme [W] [E], et d'AVOIR dit que le congé délivré le 17 novembre 2016 visant le bail rural du 23 mai 2009 est régulier,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la substitution des baux et la poursuite du bail de 1998 :

Bien que le bail du 25 mai 2009 ne fasse aucune référence à celui du 26 février 1998, il ressort néanmoins de la comparaison des deux baux que les parties ont entendu que le second bail se substitue au premier en ce que :

- les deux baux portent sur certaines parcelles communes à savoir celles cadastrées [Cadastre 15] et [Cadastre 16], [Cadastre 19] et [Cadastre 2], et [Cadastre 21], [Cadastre 20] et [Cadastre 10],
- le second bail stipule un nouveau fermage pour l'ensemble des terres sur lesquelles il porte sans que soit mentionnée la subsistance d'un fermage, même au prorata, au titre des parcelles qu'il ne reprend pas,
- aucun paiement ni aucune réclamation ne sont jamais intervenus, après la conclusion du bail de 2009, au titre des parcelles objet du bail de 1998 non reprises dans celui de 2009.

L'intention tacite des parties au bail de 2009 de substituer celui-ci au bail de 1998 est encore confirmée par la circonstance que la conclusion du bail de 2009 est intervenue quelques mois seulement après la sortie de [O] [E] du GAEC des Magnanes dans lequel il était associé à [C] [P], ayant donné lieu à un protocole d' accord du 3 octobre 2008 comportant nouvelle répartition des terres exploitables en partie par échanges de parcelles, cette situation nouvelle impliquant la nécessité de revoir et d'adapter les baux en cours.

La circonstance, enfin, que Mme [N] [E], propriétaire de certaines des parcelles nouvellement données à bail, soit partie au bail de 2009 et non pas à celui de 1998 est sans effet sur l'expression tacite de volonté des cocontractants au bail de 1998, tous deux parties au bail de 2009, de considérer que la conclusion de ce nouveau bail, se substituant au premier, y mettait fin.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que le bail du 23 mai 2009 substituait et remplaçait celui du 26 février 1998 et, par conséquent, débouté M, [C] [P] de toutes ses demandes.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions, et les demandes complémentaires de M. [P] relatives à la poursuite du bail de 1998 rejetées » (arrêt p. 6-7),

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Vu les articles 1103, 1104 et 1188 du Code Civil ;

Aux termes de ces articles, les contrats constituent la loi des parties et doivent être exécutés de bonne foi. En cas de difficulté d'application littérale, le juge les interprète en tenant compte de la commune intention des parties. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

En l'espèce, il résulte de la lecture des pièces que le bail rural du 26 février 1998 a été conclu entre Monsieur [W] [E] et [C] [P] sur les parcelles sises sur la Commune de [Localité 12] suivantes :

- Section [Cadastre 4],
- Section [Cadastre 5], [Cadastre 11], [Cadastre 8],
- Section [Cadastre 13],
- Section [Cadastre 15], [Cadastre 16],
- Section [Cadastre 18] – 1ère partie, [Cadastre 17], [Cadastre 9], [Cadastre 2],
- Section [Cadastre 21], [Cadastre 20], [Cadastre 10].

Le 23 mai 2009, Monsieur [W] [E] et Madame [N] [E] ont loué à Monsieur [C] [P] les parcelles situées sur la même commune cadastrées :

- Section [Cadastre 21], [Cadastre 20], [Cadastre 10],
- Section [Cadastre 19], [Cadastre 2],
- Section [Cadastre 16], [Cadastre 14], [Cadastre 10],
- Section [Cadastre 13].

Les parcelles listées dans le second bail étaient toutes visées dans le bail de 1998 à l'exception de la parcelle [Cadastre 14].

Cette unique différence de parcelle n'explique pas que Mme [E] ait été partie au second bail et non au premier, dans la mesure où seules les parcelles [Cadastre 16], [Cadastre 20] et [Cadastre 5] dépendaient de la communauté [E]-[S] et que Mme [E] n'était pourtant pas partie au premier contrat. Il convient de rappeler que chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs. La différence de parcelles et de parties ne s'explique donc pas par le régime matrimonial des époux [E].

Il convient de noter que le second bail ne vise pas certaines des parcelles comprises dans le premier bail, à savoir : A 372, B 151- 971 et 1204, et ZD 14. Ainsi 5 parcelles sur les 13 du bail de 1998 ne sont pas reprises dans le bail de 2009, soit un peu moins de la moitié des terres en litige. Aucun élément chiffré ne permet d'évaluer la superficie représentant les parcelles non reprises par le bail de 2009 et d'en évaluer en conséquence la proportion qu'elles représentent par rapport à la globalité du contrat de bail.

Il ne peut être déduit de l'absence de justification de la survivance d'un fermage individualisé pour les parcelles non reprises dans le contrat de 2009, la commune volonté des parties de substituer le second bail rural au premier. Le défaut d'exécution d'un contrat ne signifie pas sa suppression. En revanche, il peut être déduit de l'absence de poursuite ou de réclamation du bailleur le fait que les parcelles concernées soient accessoires aux parcelles reprises dans le contrat de 2009 et ne justifiant pas en conséquence d'un fermage supplémentaire.

Le contrat de 2009 ne fait absolument aucune référence ni renvoi explicite à celui de 1998. En revanche, en dépit du nombre nettement moins important de parcelles reprises dans le second bail, la superficie des terres objets des contrats est presque identique : 18ha 77a 96 ca aux termes du contrat de 1998 et 18ha 26 a aux termes du second.

Ensuite le montant du fermage était de 16.631 Fr/ an pour le premier contrat et 2000€/an pour le second soit un écart de 500€ pour un nombre de parcelles inférieur, sachant qu'il faut tenir compte de l'écart de 11 années séparant les deux contrats.

Au surplus, le fermage était dans les deux cas payable au 20 décembre de chaque année.

En outre, il ressort du courrier de Monsieur [P] adressé à Monsieur [E] du 11/07/2018, que dans son esprit le bail rural de 2009 était un nouveau bail reprenant et actualisant celui de 1998.

Enfin le congé litigieux signifié le 17/11/2016 vise exclusivement le bail rural de 2009 sans faire aucune référence à celui de 1998. Compte tenu de l'identité des parties, de la confusion de certaines parcelles entre les baux, si le bail de 2009 ne se substituait pas à celui de 1998 dans l'esprit des parties, les bailleurs auraient pris le soin de nommer le bail rural de 1998 pour marquer sa survivance et éviter toute confusion. Il est également probable que les bailleurs auraient alors formulé une demande en paiement du fermage pour les parcelles subsistantes.

Par conséquent, au vu de ce faisceau d'éléments concordants, il convient de décider que l'intention commune des parties non expressément exposée était de remplacer le bail rural de 1998 par celui de 2009 » (jugement du 19/03/2019, p. 3-5),

1°) ALORS QUE la volonté de nover ne se présume pas et doit résulter clairement de l'acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le second bail du 23 mai 2009 ne faisait aucune référence ni renvoi au bail du 26 février 1998 ; qu'en retenant, pour considérer que l'intention tacite des parties était que le second bail se substitue au premier, que les deux baux portaient sur certaines parcelles communes, que le second bail stipulait un nouveau fermage sans mentionner la subsistance d'un fermage au titre des parcelles non reprises, et que si les parties n'avaient pas entendu que le second bail se substitue au premier les bailleurs auraient pris soin de nommer le bail de 1998 pour marquer sa survivance et éviter toute confusion, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément manifestant la volonté claire et non équivoque des parties de nover, a violé les articles 1271 et 1273 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce ;

2°) ALORS QUE la volonté de nover s'apprécie à la date de l'acte ; qu'en relevant, pour considérer que l'intention tacite des parties était que le second bail se substitue au premier, qu'aucun paiement ni aucune réclamation n'étaient jamais intervenus après la conclusion du bail de 2009 au titre des parcelles objet du bail de 1998 non reprises dans le bail de 2009, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments postérieurs à l'acte litigieux pour apprécier la volonté des parties lors de sa conclusion, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1271 et 1273 du même code, en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce, devenus 1329 et 1330 du code civil ;

3°) ALORS QU'en retenant que l'intention tacite des parties au bail de 2009 de substituer celui-ci au bail de 1998 était encore confirmée par la circonstance que la conclusion du bail de 2009 était intervenue quelques mois seulement après la sortie de [O] [E] du GAEC des Magnanes, ayant donné lieu à un protocole d'accord du 3 octobre 2008 comportant nouvelle répartition des terres exploitables en partie par échange de parcelles, cette situation nouvelle impliquant la nécessité de revoir et d'adapter les baux en cours, sans constater que ce protocole prévoyait clairement la volonté des parties de conclure un nouveau bail se substituant au bail de 1998, la cour d'appel n'a pas n'a pas caractérisé la volonté claire et non équivoque des parties de nover, a violé les articles 1271 et 1273 du code civil en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce, devenus 1329 et 1330 du code civil ;

4°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans sa lettre du 11 juillet 2018 adressée à M. [U] [E] au sujet de la parcelle [Cadastre 17], M. [P] écrivait : « je loue cette parcelle à votre père depuis 1998 » et que « dans le nouveau bail que j'ai fait avec votre père en 2009, la surface de cette parcelle fait partie du bail » ; qu'en relevant qu'il ressortait de cette lettre que dans l'esprit de M. [E] le bail rural de 2009 était un nouveau bail reprenant et actualisant celui de 1998, quand M. [P] ne reconnaissait nullement dans cette lettre que les parties avaient entendu mettre fin au bail de 1998, auquel il faisait au contraire expressément référence comme étant la source de son droit sur la parcelle [Cadastre 17], la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre et violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce,


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-13370
Date de la décision : 12/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jan. 2022, pourvoi n°20-13370


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.13370
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