La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/2022 | FRANCE | N°20-17853

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 janvier 2022, 20-17853


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 35 F-D

Pourvoi n° U 20-17.853

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [V] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 novembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2022

La caisse primaire d'assurance maladie...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 35 F-D

Pourvoi n° U 20-17.853

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [V] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 novembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2022

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-17.853 contre le jugement rendu le 26 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières (pôle social), dans le litige l'opposant à Mme [V] [P], domiciliée [Adresse 2] prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [D] et [N] [F], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3], de Me Le Prado, avocat de Mme [P], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, 26 mai 2020), [R] [F] (l'assuré) a été victime d'un accident du travail, le 26 février 2008, au titre duquel la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3] (la caisse) lui a attribué une rente pour un taux d'incapacité permanente partielle de 40 %. A la suite du décès de l'assuré, survenu le 27 août 2018, sa veuve, Mme [P] a sollicité pour leurs deux enfants mineurs, [D] et [N] [F] (les ayants droit) le versement d'un capital décès que la caisse a refusé, par décision du 19 octobre 2018.

2. Les ayants droit ont saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Recevabilité du pourvoi examinée d'office

Vu les articles 40, 536, 605 du code de procédure civile et R. 211-3-24 du code de l'organisation judiciaire :

Après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

3. Selon le troisième de ces textes, le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort. Selon le deuxième, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours. Selon le dernier, lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort.

4. La caisse s'est pourvue en cassation contre un jugement du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières rendu sur une demande tendant à contester le refus d'attribution d'un capital décès dont le montant n'était pas précisé.

5. Il résulte toutefois des articles L. 361-1 et D. 361-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le montant du capital décès prévu par le premier de ces textes est forfaitaire et fixé par le second à 3 400 euros, avec une revalorisation annuelle dans les conditions prévues à l'article L. 341-6.

6. Il s'ensuit que le pourvoi formé contre le jugement inexactement qualifié de rendu en premier ressort est recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La caisse fait grief au jugement de la condamner à verser aux ayants droit de l'assuré un capital décès alors, « qu'il appartient aux ayants droit de l'assuré, sollicitant l'octroi du capital-décès en application de l'article L. 361-1 du code de la sécurité sociale, de démontrer que les conditions d'ouverture du droit à ladite prestation sont remplies ; qu'à ce titre, il leur appartient, lorsqu'ils se prévalent de ce que l'assuré, moins de trois mois avant son décès, percevait l'une des allocations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-5, d'en justifier ; qu'en faisant droit au recours, au motif que, faute pour la caisse d'apporter le moindre élément de preuve sur ce point, ils ne pouvaient apprécier si l'assuré décédé était privé des indemnités chômage au moment du décès, les juges du fond, qui ont fait peser la charge et le risque de la preuve sur la caisse, ont violé les articles L. 361-1 du code de la sécurité sociale et 1353 [ancien 1315] du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1353 du code civil et L. 361-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, applicable au litige :

8. Selon le second de ces textes, sans préjudice de l'application de l'article L. 313-1, l'assurance décès garantit aux ayants droit de l'assuré le paiement d'un capital égal à un montant forfaitaire déterminé par décret lorsque l'assuré, moins de trois mois avant son décès, exerçait une activité salariée, percevait l'une des allocations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-5, était titulaire d'une pension d'invalidité mentionnée à l'article L. 341-1 ou d'une rente allouée en vertu de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles mentionnée à l'article L. 371-1, ou lorsqu'il bénéficiait, au moment de son décès, du maintien de ses droits à l'assurance décès au titre de l'article L. 161-8.

9. Pour condamner la caisse à verser aux ayants droit de l'assuré un capital décès, le jugement, après avoir rappelé les textes applicables, énonce qu'au regard des faits de l'espèce, peuvent être pris en considération les indemnités versées par Pôle emploi ou la rente au titre d'un accident du travail, le taux d'incapacité permanente partielle devant être au moins des deux tiers, soit 66,66 %. Il relève que la caisse produit la notification de la décision fixant le taux d'incapacité de l'assuré à 40 % dont 8 % pour le taux professionnel et que le taux d'incapacité étant inférieur aux deux tiers, cette condition d'ouverture du droit au capital décès n'est pas remplie. Il ajoute que la caisse affirme que l'assuré était inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi mais qu'il ne percevait pas d'indemnité chômage, sans toutefois apporter le moindre élément de preuve sur ce point. Il retient que le tribunal ne peut apprécier si l'assuré était véritablement privé d'indemnité chômage au moment de son décès.

10. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait aux ayants droit de l'assuré d'établir que leur auteur, inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi, percevait à la date de son décès l'une des allocations prévues par l'article L. 311-5 du code de la sécurité sociale ou bénéficiait du maintien de ses droits aux prestations en espèces prévu à l'article L. 161-8 du même code, le tribunal qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Reims ;

Condamne Mme [P], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [D] et [N] [F], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3]

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a infirmé la décision de la commission de recours amiable du 10 janvier 2019 et condamné la Caisse à verser à Mme [P], agissant en sa qualité d'administratrice légale de ses deux enfants mineurs, [D] [F] et [N] [F], un capital-décès suite au décès de M. [R] [F] ;

AUX MOTIFS QUE « Selon l'article L361-1 du code de la sécurité sociale, l'assurance décès garantit aux ayants droit de l'assuré le paiement d'un capital lorsque l'assuré, moins de trois mois avant son décès, exerçait une activité salariée, percevait l'une des allocations mentionnées au premier alinéa de l'article L .311-5, était titulaire d'une pension d'invalidité mentionnée à I 'article L. 314-1 ou d'une rente allouée en vertu de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles mentionnée à l'article L.3714, ou lorsqu'il bénéficiait, au moment de son décès, du maintien de ses droits à l'assurance décès au titre de l'article L161-8. Selon l'article R371-1 du code de la sécurité sociale, pour l'application de l'article L371-1 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité de travail doit être au moins des deux tiers. Suivant les dispositions de l'article R313-1 du code de la sécurité sociale les conditions d'ouverture du droit prévu l'article L313-I sont appréciées, en ce qui concerne la prestation de l'assurance décès, à la date du décès. Par conséquent, et au regard des faits de l'espèce, peuvent être susceptibles d'entrer en considération les indemnités versées par pôle emploi ou la rente au titre d'un accident du travail, le taux d'incapacité de travail devant être au moins des deux tiers, soit 66,66 %, et non la rente elle-même comme soutenu par la caisse dans ses conclusions. Si la législation est particulièrement technique en la matière, la Commission de Recours Amiable a bien fait mention des textes applicables sur lesquels elle fondait sa décision. Toutefois, il sera remarqué que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 3] produit la notification de la décision fixant le taux d'incapacité de Monsieur [R] [F], laquelle fait état d'un taux d'incapacité fixé à 40 %, dont 8 % pour le taux professionnel, et non 48 % comme soutenu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 3]. Ainsi, le taux incapacité est de 40 %, soit inférieur aux deux tiers, c'est à dire 66,66 %. Cette condition d'ouverture du droit au capital décès n'est donc pas remplie. En outre, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 3] affirme que Monsieur [R] [F] était inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi, mais ne percevait pas d'indemnité chômage, sans apporter le moindre élément de preuve sur ce point, contrairement au taux d'incapacité. Le tribunal ne peut donc apprécier si Monsieur [R] [F] était véritablement privé d'indemnité chômage au moment du décès. Par conséquent, il y a lieu d'infirmer la décision de la Commission de Recours Amiable et de condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 3] à verser à Madame [V] [P], agissant en sa qualité d'administratrice légale de ses deux enfants mineurs, un capital décès suite au décès de Monsieur [R] [F] » ;

ALORS QUE, il appartient aux ayants-droit de l'assuré, sollicitant l'octroi du capital-décès en application de l'article L. 361-1 du code de la sécurité sociale, de démontrer que les conditions d'ouverture du droit à ladite prestation sont remplies ; qu'à ce titre, il leur appartient, lorsqu'ils se prévalent de ce que l'assuré, moins de trois avant son décès, percevait l'une des allocations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-5, d'en justifier ; qu'en faisant droit au recours de Mme [P], au motif que, faute pour la Caisse d'apporter le moindre élément de preuve sur ce point, ils ne pouvaient apprécier si l'assuré décédé, M. [F], était privé des indemnités chômage au moment du décès, les juges du fond, qui ont fait peser la charge et le risque de la preuve sur la Caisse, ont violé les articles L. 361-1 du code de la sécurité sociale et 1353 [ancien 1315] du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-17853
Date de la décision : 06/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, 26 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 jan. 2022, pourvoi n°20-17853


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17853
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award