La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2022 | FRANCE | N°20-20372

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 janvier 2022, 20-20372


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Cassation partielle
sans renvoi

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 7 F-D

Pourvoi n° H 20-20.372

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2022

M. [L] [U], domicilié [Adresse 5] (I

talie), a formé le pourvoi n° H 20-20.372 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le liti...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Cassation partielle
sans renvoi

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 7 F-D

Pourvoi n° H 20-20.372

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2022

M. [L] [U], domicilié [Adresse 5] (Italie), a formé le pourvoi n° H 20-20.372 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [V], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Extérieurs A, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [U], de la SCP Boulloche, avocat de M. [V] et de la société Extérieurs A, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 janvier 2020), la société civile immobilière Saint Georges 2000 (la SCI), aux droits de laquelle vient M. [U], a confié à la société Extérieurs A, dont M. [V] est le gérant, la conception et la maîtrise d'oeuvre d'exécution de travaux de transformation et d'aménagement d'une villa.

2. Le permis de construire a été délivré le 29 janvier 2009.

3. Le 24 novembre 2009, un fonctionnaire de la police municipale, constatant notamment la démolition de la plus grande partie de la maison et la réalisation d'une construction neuve, a dressé un procès-verbal d'infractions aux règles d'urbanisme.

4. Le 19 février 2010, le maire de la commune a pris un arrêté d'interruption immédiate des travaux.

5. La SCI a mis fin à la mission de maîtrise d'oeuvre de la société Extérieurs A et a déposé, le 15 mars 2010, une demande de permis de construire modificatif qui a été refusée.

6. Sur une nouvelle demande, formée le 21 décembre 2012, un permis de construire modificatif a été délivré le 27 mars 2013 et l'arrêté portant interruption des travaux a été abrogé.

7. Faisant reproche à M. [V] et à sa société d'avoir démoli sans autorisation administrative deux murs de la villa et d'être responsables du retard des travaux, M. [U] les a assignés en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, en ce qu'elle vise les frais de consultations et honoraires exposés au soutien de la première demande de permis de construire modificatif et au titre des recours engagés devant la juridiction administrative, troisième, cinquième, sixième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

8. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer la société Extérieurs A et M. [V] responsables seulement de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux sur le chantier prononcée par arrêté du 19 février 2010, de les condamner in solidum à lui payer les seules sommes retenues au titre de ses préjudices et de rejeter ses demandes au titre des frais de consultations et honoraires exposés au soutien de la première demande de permis de construire modificatif et des recours engagés devant la juridiction administrative à l'encontre de la décision de refus de délivrance, alors :

« 1°/ que le maître d'oeuvre est tenu de restituer au maître de l'ouvrage les honoraires qu'il a reçus pour les prestations qu'il a accomplies inutilement par sa faute ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des honoraires inutilement versés à M. [V] et à la société Extérieurs A, que les honoraires versés correspondaient à l'exécution de la mission qui leur avait été confiée qui avait permis d'obtenir le permis de construire du 29 janvier 2009 et d'assurer le suivi des travaux jusqu'en juillet 2009, soit une période où les infractions pour lesquelles M. [F] [V] avait été condamné n'avaient pas encore été relevées, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait pour M. [V] et la société Extérieurs A d'avoir procédé à la démolition des murs de la villa sans autorisation en violation des règles de l'urbanisme et du permis de construire accordé par arrêté du 29 janvier 2009 n'avait pas rendu vaine l'obtention dudit permis et les travaux exécutés jusqu'en juillet 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

2°/ que toute faute du maître d'oeuvre qui concourt à la réalisation du dommage du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité, peu important que ledit dommage soit né après la fin de mission de maîtrise d'oeuvre qui lui avait été confiée ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des « consultations et honoraires pour retrouver une solution administrative favorable », soit les frais répertoriés dans ses conclusions sous les rubriques 2.1 à 2.5 et 2.7 à 2.8 (frais de géologue, d'expert, de maîtres d'oeuvre et d'avocat engagés pour déposer la demande de permis de construire et contester son rejet), que la société Extérieurs A et M. [V] n'étaient pas responsables du rejet de la demande de permis de construire déposée le 15 mars 2010, après la fin de leur mission de maîtrise d'oeuvre, dont ils n'étaient pas l'auteur, et que les frais engagés pour obtenir un permis de construire modificatif et contester les décisions administratives intervenues après la résiliation de leur mission résultaient d'une décision du maître de l'ouvrage, après avoir pourtant retenu que la société Extérieurs A et M. [V] étaient responsables de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation et les avoir condamnés à indemniser M. [U] au titre des travaux nécessaires pour l'obtention d'un nouveau permis de construire destiné à régulariser la situation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la démolition fautive de deux murs de la villa sans permis de démolir dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] étaient responsables avait contraint M. [U] à régulariser la situation en sollicitant un permis de construire modificatif après la fin de leur mission et à engager des frais à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

3°/ qu'en se fondant, pour juger que la société Extérieurs A et M. [F] [V] n'étaient pas responsables du rejet de la demande de permis de construire modificatif déposée le 15 mars 2010 et rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des « consultations et honoraires pour retrouver une solution administrative favorable » relatifs à la première demande de permis de construire, soit les frais répertoriés dans ses conclusions sous les rubriques 2.1 à 2.4 (frais de géologue, d'expert, d'architecte et d'avocat), sur la circonstance inopérante que la mission de la société Extérieurs A et M. [F] [V] avait pris fin lorsque la demande de permis de construire dont ils n'étaient pas l'auteur avait été déposée le 15 mars 2010, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le rejet de la demande de permis déposée le 15 mars 2010 ne trouvait pas sa cause dans la démolition sans autorisation des murs de la villa dont la cour d'appel avait expressément déclaré responsables la société Extérieurs A et M. [F] [V], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

5°/ que le juge qui refuse d'indemniser un préjudice dont il a pourtant constaté l'existence commet un déni de justice ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre de l'évolution du coût des travaux du fait des années passées, que ce dernier ne produisait aucun élément relatif au délai dans lequel la société Extérieurs A et M. [V] devaient exécuter leur mission jusqu'à l'achèvement des travaux, tout en retenant qu'il était certain que du fait de la démolition des deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux dont ils étaient responsables, le chantier avait été retardé puis arrêté, la cour d'appel a refusé d'indemniser M. [U] du préjudice financier résultant du retard dans la réalisation des travaux imputable à la société Extérieurs A et à M. [V], dont elle avait pourtant constaté l'existence, et a en conséquence violé l'article 4 du code civil ;

6°/ que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans préciser les éléments sur lesquels il se fonde ; qu'en retenant, pour limiter la condamnation de M. [V] et de la société Extérieurs A au titre de la perte de valeur marchande du bien subi par M. [L] [U] à la somme de 150 000 euros, que ce dernier était fondé à obtenir une indemnisation correspondant à la perte d'une surface habitable de 55 m² sur une villa située en bord de mer dans un lotissement à Eze, sans expliquer sur quels éléments elles se fondait pour retenir une telle évaluation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que toute faute du maître d'oeuvre qui concourt à la réalisation du dommage du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité ; qu'en retenant, pour limiter la condamnation de M. [V] et de la société Extérieurs A au titre de la perte de jouissance subie par M. [L] [U] à la somme de 25 000 euros, que s'il était certain que du fait de la démolition des deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux, qui avait occasionné un retard de chantier, M. [L] [U] n'avait pas pu jouir dans un délai raisonnable de sa villa, la société Extérieurs A et M. [F] [V] n'étaient pas responsables du rejet de la première demande de permis modificatif déposée en 2010 et des procédures administratives qui avaient été engagées à la suite de ce rejet, après avoir pourtant retenu que la société Extérieurs A et M. [V] étaient responsables de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation et les avoir condamnés à indemniser M. [U] au titre des travaux nécessaires pour l'obtention d'un nouveau permis de construire destiné à régulariser la situation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la démolition fautive de deux murs de la villa sans permis de démolir dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] étaient responsables avait contraint M. [U] à régulariser la situation en sollicitant un permis de construire modificatif de sorte que le temps nécessaire au dépôt de cette demande et aux procédures engagées à la suite de son rejet leur était imputable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

8°/ qu'en retenant, pour limiter la condamnation de M. [V] et de la société Extérieurs A au titre de la perte de jouissance subie par M. [L] [U] à la somme de 25 000 euros, que s'il était certain que du fait de la démolition des deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux, qui avait occasionné un retard de chantier, M. [L] [U] n'avait pas pu jouir dans un délai raisonnable de sa villa, la société Extérieurs A et M. [F] [V] n'étaient pas responsables du rejet de la première demande de permis modificatif déposée en 2010 et des procédures administratives qui avaient été engagées à la suite de ce rejet, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le rejet de la demande de permis de construire modificatif déposée le 15 mars 2010 ne trouvait pas précisément sa cause dans la démolition des deux murs de la villa sans autorisation dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] avaient été déclarés responsables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, la cour d'appel, qui a constaté que la société Extérieurs A et M. [V] avaient obtenu un permis de construire et que les travaux réalisés en méconnaissance de celui-ci avaient pu être repris et régularisés, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, que la condamnation de la société d'architecture et de son gérant à réparer les conséquences de leurs fautes ne les privait pas de leur droit à honoraires correspondant à la partie exécutée de leur mission, qu'elle a souverainement appréciée.

10. En deuxième lieu, ayant retenu que les fautes de la société d'architecture et de son gérant avaient contraint le maître de l'ouvrage à solliciter un permis de construire modificatif pour régulariser la situation, elle a relevé qu'une première demande déposée en 2010 par de nouveaux architectes avait été rejetée tandis qu'une seconde avait abouti en 2013.

11. Elle a pu en déduire que la société Extérieurs A et M. [V] n'étaient pas responsables de la décision de refus qui avait été opposée à la première demande de permis de construire modificatif, dont ils n'étaient pas les auteurs, de sorte que les frais exposés par le maître de l'ouvrage au soutien de cette demande et au titre des recours ensuite engagés devant les juridictions administratives à l'encontre de la décision de refus étaient sans lien direct avec les fautes retenues à la charge de ceux-ci.

12. En troisième lieu, la cour d'appel, qui a retenu, d'une part, que le maître de l'ouvrage ne produisait aucun élément relatif au délai dans lequel la société Extérieurs A et M. [V] devaient exécuter leur mission jusqu'à l'achèvement des travaux, d'autre part, que la société d'architecture et son gérant n'étaient pas comptables du retard lié au refus de la première demande de permis modificatif et aux contestations portées devant les juridictions administratives ni responsables de la durée des travaux après la reprise du chantier, a pu en déduire que le préjudice, dont elle n'a pas constaté l'existence, résultant de l'évolution du coût des travaux restant à accomplir après l'interruption de celui-ci, n'était pas justifié et rejeter, en conséquence, la demande formée à ce titre par le maître de l'ouvrage sans encourir le grief de la cinquième branche.

13. En quatrième lieu, la cour d'appel, qui a relevé que les fautes de la société d'architecture et de son gérant avaient conduit à une réduction de surface de cinquante-cinq mètres carrés et qui a constaté que la villa était située en bord de mer dans un lotissement à Eze-sur-Mer, a souverainement apprécié, sans être tenue de préciser l'ensemble des éléments servant à son évaluation, le montant de la perte de valeur du bien qui en résultait.

14. En cinquième lieu, ayant retenu que la société Extérieurs A et M. [V] n'étaient pas responsables de la décision de refus opposée à la première demande de permis modificatif ni de l'initiative prise par le maître de l'ouvrage de contester celle-ci devant les juridictions administratives avant de déposer une nouvelle demande d'autorisation de construire, qui a été acceptée, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la durée totale d'indisponibilité du bien immobilier ne pouvait leur être imputée, et réparer, en conséquence, le préjudice de jouissance en lien direct avec les fautes retenues à hauteur d'une somme dont elle a souverainement évalué le montant.

15. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'elle vise les frais de consultations et honoraires exposés au soutien de la seconde demande de permis de construire modificatif

Enoncé du moyen

16. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre des frais de consultations et honoraires répertoriés dans ses conclusions sous les rubriques 2.5, 2.7 et 2.8, alors « que toute faute du maître d'oeuvre qui concourt à la réalisation du dommage du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité, peu important que ledit dommage soit né après la fin de mission de maîtrise d'oeuvre qui lui avait été confiée ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des « consultations et honoraires pour retrouver une solution administrative favorable », soit les frais répertoriés dans ses conclusions sous les rubriques 2.1 à 2.5 et 2.7 à 2.8 (frais de géologue, d'expert, de maîtres d'oeuvre et d'avocat engagés pour déposer la demande de permis de construire et contester son rejet), que la société Extérieurs A et M. [V] n'étaient pas responsables du rejet de la demande de permis de construire déposée le 15 mars 2010, après la fin de leur mission de maîtrise d'oeuvre, dont ils n'étaient pas l'auteur, et que les frais engagés pour obtenir un permis de construire modificatif et contester les décisions administratives intervenues après la résiliation de leur mission résultaient d'une décision du maître de l'ouvrage, après avoir pourtant retenu que la société Extérieurs A et M. [V] étaient responsables de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation et les avoir condamnés à indemniser M. [U] au titre des travaux nécessaires pour l'obtention d'un nouveau permis de construire destiné à régulariser la situation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la démolition fautive de deux murs de la villa sans permis de démolir dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] étaient responsables avait contraint M. [U] à régulariser la situation en sollicitant un permis de construire modificatif après la fin de leur mission et à engager des frais à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

17. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

18. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées au titre des frais répertoriés dans les conclusions de M. [U] sous les rubriques 2.5, 2.7 et 2.8, correspondant aux honoraires de M. [C], auteur de la seconde demande de permis de construire modificatif, aux honoraires d'assistance de M. [Z] facturés en 2011 et 2013, et aux honoraires d'assistance juridique pour accomplir les démarches ayant abouti, en 2013, à l'obtention du permis modificatif, l'arrêt retient que, la responsabilité de la société d'architecture et de son gérant n'étant pas engagée s'agissant du rejet de la demande de permis de construire, l'ensemble des frais réglés par le maître de l'ouvrage pour des prestations qu'il a décidé de commander pour obtenir un permis modificatif après la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre d'exécution de la société Extérieurs A et de M. [V] ne peut pas être mis à leur charge.

19. En statuant ainsi, après avoir retenu que la société d'architecture et son gérant, responsables de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation administrative et de l'interruption subséquente du chantier, devaient supporter la charge des honoraires et travaux rendus nécessaires pour pouvoir obtenir un nouveau permis de construire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

20. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

21. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

22. Les sommes correspondant aux honoraires versés à MM. [C] (21 528 euros) et [Z] (15 232,40 euros) ainsi qu'aux frais d'assistance juridique (8 785,12 euros) ayant été exposées par le maître de l'ouvrage en vue de l'obtention d'un permis de construire modificatif à la suite des fautes de la société Extérieurs A et de M. [V], ceux-ci seront condamnés in solidum à payer à M. [U] la somme de 45 545,52 euros à titre de réparation.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, pris en sa quatrième branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes d'indemnisation formées par M. [U], répertoriées dans ses conclusions sous les rubriques 2.5, 2.7 et 2.8, au titre des honoraires de M. [C], auteur de la seconde demande de permis de construire modificatif, aux honoraires d'assistance de M. [Z] facturés en 2011 et 2013, et aux honoraires d'assistance juridique pour accomplir les démarches ayant abouti, en 2013, à l'obtention du permis modificatif, l'arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne in solidum la société Extérieurs A et de M. [V] à payer à M. [U] la somme de 45 545,52 euros à titre de réparation ;

Condamne la société Extérieurs A et M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Extérieurs A et M. [V] et les condamne in solidum à payer à M. [U] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [U]

M. [L] [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Extérieurs A et M. [F] [V] responsables seulement de la démolition de deux murs de la villa située [Adresse 2] (06) sans autorisation et de l'interruption des travaux sur le chantier prononcée par arrêté du 19 février 2010 du maire d'[Localité 4], de les avoir condamnés in solidum à lui payer les seules sommes de 30.000 euros au titre des travaux rendus nécessaires pour reprendre la démolition des murs sans autorisation, de 70.936 euros au titre des travaux nécessaires pour l'obtention d'un nouveau permis de construire, de 150.000 euros au titre de la perte de surface habitable du bien, de 25.000 euros au titre du préjudice de jouissance et de 8.000 euros au titre du préjudice moral et de l'avoir débouté du surplus de ses demandes ;

1°) ALORS QUE le maître d'oeuvre est tenu de restituer au maître de l'ouvrage les honoraires qu'il a reçus pour les prestations qu'il a accomplies inutilement par sa faute ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des honoraires inutilement versés à M. [V] et à la société Extérieurs A, que les honoraires versés correspondaient à l'exécution de la mission qui leur avait été confiée qui avait permis d'obtenir le permis de construire du 29 janvier 2009 et d'assurer le suivi des travaux jusqu'en juillet 2009, soit une période où les infractions pour lesquelles M. [F] [V] avait été condamné n'avaient pas encore été relevées, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait pour M. [V] et la société Extérieurs A d'avoir procédé à la démolition des murs de la villa sans autorisation en violation des règles de l'urbanisme et du permis de construire accordé par arrêté du 29 janvier 2009 n'avait pas rendu vaine l'obtention dudit permis et les travaux exécutés jusqu'en juillet 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

2°) ALORS QUE toute faute du maître d'oeuvre qui concourt à la réalisation du dommage du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité, peu important que ledit dommage soit né après la fin de mission de maîtrise d'oeuvre qui lui avait été confiée ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des « consultations et honoraires pour retrouver une solution administrative favorable », soit les frais répertoriés dans ses conclusions sous les rubriques 2.1 à 2.5 et 2.7 à 2.8 (frais de géologue, d'expert, de maîtres d'oeuvre et d'avocat engagés pour déposer la demande de permis de construire et contester son rejet), que la société Extérieurs A et M. [V] n'étaient pas responsables du rejet de la demande de permis de construire déposée le 15 mars 2010, après la fin de leur mission de maîtrise d'oeuvre, dont ils n'étaient pas l'auteur, et que les frais engagés pour obtenir un permis de construire modificatif et contester les décisions administratives intervenues après la résiliation de leur mission résultaient d'une décision du maître de l'ouvrage, après avoir pourtant retenu que la société Extérieurs A et M. [V] étaient responsables de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation et les avoir condamnés à indemniser M. [U] au titre des travaux nécessaires pour l'obtention d'un nouveau permis de construire destiné à régulariser la situation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la démolition fautive de deux murs de la villa sans permis de démolir dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] étaient responsables avait contraint M. [U] à régulariser la situation en sollicitant un permis de construire modificatif après la fin de leur mission et à engager des frais à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

3°) ALORS QU'en tout état de cause, en se fondant, pour juger que la société Extérieurs A et M. [F] [V] n'étaient pas responsables du rejet de la demande de permis de construire modificatif déposée le 15 mars 2010 et rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des « consultations et honoraires pour retrouver une solution administrative favorable » relatifs à la première demande de permis de construire, soit les frais répertoriés dans ses conclusions sous les rubriques 2.1 à 2.4 (frais de géologue, d'expert, d'architecte et d'avocat), sur la circonstance inopérante que la mission de la société Extérieurs A et M. [F] [V] avait pris fin lorsque la demande de permis de construire dont ils n'étaient pas l'auteur avait été déposée le 15 mars 2010, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le rejet de la demande de permis déposée le 15 mars 2010 ne trouvait pas sa cause dans la démolition sans autorisation des murs de la villa dont la cour d'appel avait expressément déclaré responsables la société Extérieurs A et M. [F] [V], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

4°) ALORS QU'en tout état de cause, toute contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre des « consultations et honoraires pour retrouver une solution administrative favorable » relatifs à la seconde demande de permis de construire modificatif déposée le 21 décembre 2012, et accordée le 27 mars 2013, soit les frais répertoriés sous les rubriques 2.5, 2.7 et 2.8, correspondant aux honoraires de M. [C], auteur de la demande de ce permis, à hauteur de 21.528 euros ainsi que les honoraires d'assistance de M. [M] [Z], architecte, facturés en 2011 et 2013, à hauteur de 15.232,40 euros et les honoraires d'assistance juridique à hauteur de 8.785,12 euros, que l'engagement de ces frais résultait de la décision du maître de l'ouvrage d'obtenir un permis de construire modificatif postérieurement à la fin de la mission de la société Extérieurs A et M. [V] et qu'ils ne pouvaient donc être mis à la charge de ces derniers, tout en relevant que les travaux engagés pour régulariser la situation et obtenir un nouveau permis de construire avaient été rendus nécessaires par la démolition des murs de la villa sans autorisation dont la société Extérieurs A et M. [V] avaient été déclarés responsables et en condamnant ces derniers à verser à M. [L] [U] des dommages et intérêts à ce titre, comprenant notamment les honoraires de M. [C] ayant obtenu le permis de construire modificatif, à hauteur de 5.071,40 euros, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE le juge qui refuse d'indemniser un préjudice dont il a pourtant constaté l'existence commet un déni de justice ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [U] au titre de l'évolution du coût des travaux du fait des années passées, que ce dernier ne produisait aucun élément relatif au délai dans lequel la société Extérieurs A et M. [V] devaient exécuter leur mission jusqu'à l'achèvement des travaux, tout en retenant qu'il était certain que du fait de la démolition des deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux dont ils étaient responsables, le chantier avait été retardé puis arrêté, la cour d'appel a refusé d'indemniser M. [U] du préjudice financier résultant du retard dans la réalisation des travaux imputable à la société Extérieurs A et à M. [V], dont elle avait pourtant constaté l'existence, et a en conséquence violé l'article 4 du code civil ;

6°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans préciser les éléments sur lesquels il se fonde ; qu'en retenant, pour limiter la condamnation de M. [V] et de la société Extérieurs A au titre de la perte de valeur marchande du bien subi par M. [L] [U] à la somme de 150.000 euros, que ce dernier était fondé à obtenir une indemnisation correspondant à la perte d'une surface habitable de 55 m² sur une villa située en bord de mer dans un lotissement à Eze, sans expliquer sur quels éléments elles se fondait pour retenir une telle évaluation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE toute faute du maître d'oeuvre qui concourt à la réalisation du dommage du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité ; qu'en retenant, pour limiter la condamnation de M. [V] et de la société Extérieurs A au titre de la perte de jouissance subie par M. [L] [U] à la somme de 25.000 euros, que s'il était certain que du fait de la démolition des deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux, qui avait occasionné un retard de chantier, M. [L] [U] n'avait pas pu jouir dans un délai raisonnable de sa villa, la société Extérieurs A et M. [F] [V] n'étaient pas responsables du rejet de la première demande de permis modificatif déposée en 2010 et des procédures administratives qui avaient été engagées à la suite de ce rejet, après avoir pourtant retenu que la société Extérieurs A et M. [V] étaient responsables de la démolition de deux murs de la villa sans autorisation et les avoir condamnés à indemniser M. [U] au titre des travaux nécessaires pour l'obtention d'un nouveau permis de construire destiné à régulariser la situation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la démolition fautive de deux murs de la villa sans permis de démolir dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] étaient responsables avait contraint M. [U] à régulariser la situation en sollicitant un permis de construire modificatif de sorte que le temps nécessaire au dépôt de cette demande et aux procédures engagées à la suite de son rejet leur était imputable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;

8°) ALORS QU'en tout état de cause, en retenant, pour limiter la condamnation de M. [V] et de la société Extérieurs A au titre de la perte de jouissance subie par M. [L] [U] à la somme de 25.000 euros, que s'il était certain que du fait de la démolition des deux murs de la villa sans autorisation et de l'interruption des travaux, qui avait occasionné un retard de chantier, M. [L] [U] n'avait pas pu jouir dans un délai raisonnable de sa villa, la société Extérieurs A et M. [F] [V] n'étaient pas responsables du rejet de la première demande de permis modificatif déposée en 2010 et des procédures administratives qui avaient été engagées à la suite de ce rejet, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le rejet de la demande de permis de construire modificatif déposée le 15 mars 2010 ne trouvait pas précisément sa cause dans la démolition des deux murs de la villa sans autorisation dont la société Extérieurs A et M. [F] [V] avaient été déclarés responsables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-20372
Date de la décision : 05/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 jan. 2022, pourvoi n°20-20372


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.20372
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award