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05/01/2022 | FRANCE | N°20-15165

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 janvier 2022, 20-15165


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 26 F-D

Pourvoi n° X 20-15.165

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022

M. [L] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le p

ourvoi n° X 20-15.165 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 26 F-D

Pourvoi n° X 20-15.165

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022

M. [L] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-15.165 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Semaphores, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Sodie, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [G], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Semaphores, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2020), M. [G] a été engagé le 1er novembre 1986 par la société Usinor Sacilor. Par accord collectif en date du 1er janvier 1990, le groupe Usinor Sacilor, dont faisait partie la société a mis en place un régime de retraite supplémentaire dénommé IRUS (Institution de Retraite Usinor-Sacilor). Le 22 mars 1996, le salarié a été engagé par la société Sodie, désormais dénommée Semaphores, en qualité de responsable administratif et financier. Cette relation de travail était régie par la convention collective nationale Syntec.

2. Le salarié a fait valoir ses droits à retraite le 1er avril 2017. Par courrier du 31 mars 2017, il a sollicité le bénéfice du complément de retraite "IRUS" auprès de la société Sodie qui lui a opposé une fin de non recevoir.

3. Réclamant des dommages-intérêts du fait de la privation des dispositions IRUS, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 12 juillet 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris, de le débouter de l'intégralité de ses prétentions, de le débouter ainsi de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que la retraite "complémentaire" lui était due et de ses demandes pécuniaires afférentes, alors :

« 1°/ que manifeste une volonté claire et non équivoque de contractualiser un dispositif de retraite supplémentaire prévu par accord collectif, la stipulation par laquelle l'accord collectif prévoit le "maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif" et que "ces garanties individuelles seront actées dans le nouveau contrat de travail Sodie" ; qu'en considérant, pour débouter le salarié de ses demandes, que les stipulations précitées issues de l'accord signé le 21 mars 1996 ne permettaient pas de déduire l'existence d'une quelconque contractualisation, cependant qu'il résultait des termes mêmes de l'accord que le régime IRUS avait été contractualisé, la cour d'appel a violé l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996 ;

2°/ qu'en retenant, pour exclure toute contractualisation du régime IRUS, que le régime était à l'origine issu d'un accord collectif, que le maintien de l'application du dispositif conventionnel de retraite supplémentaire avait été rappelé par les accords collectifs du 10 avril 2003, du 30 novembre 2008 et du 16 octobre 2008, ce qui excluait de considérer que ce maintien avait été contractualisé, ou encore que le fait que des salariés éligibles au groupe fermé IRUS aient pu négocier en 2006, une indemnité liquidant leur droit à l'IRUS en contrepartie de l'abandon de leur créance IRUS au moment de leur départ, n'était pas de nature à modifier cette analyse ou à établir qu'il s'agissait d'un droit individuel et contractualisé, d'autant que ces négociations sont intervenues avant la dénonciation de l'accord, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996 ;

3°/ que relève du champ contractuel, et donc du contenu obligationnel du contrat, l'ensemble des éléments qui détermine le consentement du salarié à la signature d'un nouveau contrat de travail ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que son consentement avait été déterminé par la certitude de la nature contractuelle, et non seulement obligatoire, du mécanisme de retraite supplémentaire prévu par les stipulations conventionnelles ; que celles-ci prévoyaient expressément que la retraite supplémentaire issue du dispositif conventionnel serait "actée au contrat de travail" ; que la lettre d'engagement, précisant l'ensemble des garanties contractuelles, prévoyait expressément que l'accord IRUS s'appliquerait à l'ensemble du personnel déjà concerné ; qu'en refusant de considérer que la garantie prévue par l'accord IRUS avait une nature contractuelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invité par le salarié, si le consentement du salarié à l'occasion du transfert conventionnel d'entreprise n'avait pas été déterminé par le fait que la retraite supplémentaire avait été contractualisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 996, ensemble des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil ;

4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures du salarié qui se prévalait dans celles-ci de la contractualisation du régime IRUS à l'occasion de la signature de son nouveau contrat de travail et de l'acceptation du transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ en toute hypothèse que manifeste une volonté claire et non équivoque de considérer comme un avantage individuel acquis un dispositif de retraite supplémentaire prévu par accord collectif, la stipulation par laquelle l'accord collectif prévoit le "maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif" ; que pour écarter l'existence d'un avantage individuel acquis, la cour d'appel a considéré que le droit à l'indemnité supplémentaire de retraite prévue par une convention ou un accord collectif qui naît au moment de la rupture du contrat de travail ne peut constituer avant celle-ci un avantage acquis au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail ; qu'en se déterminant ainsi, quand la question posée par le salarié portait, non pas sur les effets prévus par l'article précité, mais sur le sens et la portée des stipulations conventionnelles précitées, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996 ;

6°/ qu'à l'occasion de l'interprétation des stipulations des accords ou conventions collectives, les juges sont tenus de respecter la lettre du dispositif conventionnel ; que l'accord collectif du 21 mars 1996 prévoyait expressément le "maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif" ; qu'en considérant que le régime IRUS ne pouvait constituer un avantage individuel acquis, quand l'accord du 21 mars 1996 prévoyait expressément le contraire, la cour d'appel a violé l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996. »

Réponse de la Cour

5. La référence dans le contrat de travail aux dispositions d'un accord collectif de travail n'implique pas que ces dispositions ont été contractualisées.

6. La cour d'appel qui, par une décision motivée et répondant aux conclusions des parties, a, d'une part relevé que le régime supplémentaire IRUS, issu d'un accord collectif signé le 1er janvier 1990 au sein du groupe Usinor Sacilor, avait été maintenu aux salariés relevant du groupe fermé IRUS qui avaient intégré la société Sodie en vertu de l'accord collectif signé le 21 mars 1996, que ce maintien avait été rappelé ensuite dans l'accord d'entreprise Sodie du 10 avril 2003 puis confirmé par l'accord collectif d'entreprise du 30 novembre 2008, que la société se prévalait d'une procédure de dénonciation de cet accord collectif, engagée le 12 octobre 2011 et portée à la connaissance du salarié par un courrier qui lui avait été adressé le 2 novembre 2011, qu'aux termes de l'accord collectif du 21 mars 1996 il était prévu "un maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif" et que "ces garanties individuelles seront actées dans le nouveau contrat de travail Sodie", que la lettre d'engagement de M. [G] y faisait référence dans les termes suivants : "Nous vous confirmons que Sodie appliquera l'accord IRUS au personnel déjà concerné", d'autre part retenu que le fait que des salariés éligibles au groupe fermé IRUS aient pu négocier en 2006 une indemnité liquidant leur droit à l'IRUS en contrepartie de l'abandon de leur créance IRUS au moment de leur départ n'était pas de nature à établir qu'il s'agissait d'un droit individuel et contractualisé, dès lors que ces négociations étaient intervenues avant la dénonciation de l'accord, a pu en déduire l'absence de contractualisation du régime supplémentaire de retraite IRUS dans le contrat de travail de M. [G] avec la société Sodie.

7. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour perte de chance, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'en considérant, pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la perte de chance, que le maintien du régime de retraite découlait d'un accord collectif, ce dont le salarié était à même de se convaincre en tant que délégué syndical, pour en déduire l'absence de toute faute d'information de la part de son employeur, alors que ni l'employeur ni le salarié n'avait jamais soutenu que l'existence de la faute d'information pouvait se voir opposer la qualité de représentant syndical du salarié, la cour d'appel, qui a dénaturé l'objet du litige, a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire peut être apportée ; qu'en retenant, d'office, et sans provoquer préalablement les observations des parties à cet égard, que le maintien du régime de retraite découlait d'un accord collectif, ce dont le salarié était à même de se convaincre en tant que délégué syndical, pour en déduire l'absence de toute faute d'information de la part de son employeur, quand ni l'employeur ni le salarié n'avait jamais soutenu que l'existence de la faute d'information pouvait être entravée par la qualité de représentant syndical du salarié, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que manque à son devoir d'information et de conseil vis à vis du salarié l'employeur qui ne donne pas l'ensemble des éléments essentiels au consentement du salarié à l'occasion de la signature de son contrat de travail ; que l'appréciation de l'existence de la faute d'information de l'employeur est indépendante des compétences du salarié ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la perte de chance, que le maintien du régime de retraite découlait d'un accord collectif, ce dont le salarié était à même de se convaincre en tant que délégué syndical, pour en déduire l'absence de toute faute d'information de la part de son employeur, quand la qualité de représentant syndical du salarié était indifférente à la reconnaissance de la faute d'information de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble de l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel ayant retenu que le maintien du régime de retraite supplémentaire découlait d'un accord collectif que l'entreprise était en droit de dénoncer ultérieurement à la conclusion du contrat de travail, elle en a déduit exactement, par ces seuls motifs, qu'il ne pouvait être reproché à la société Sodie une information fautive lors de l'engagement du salarié par celle-ci.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [G]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR débouté le salarié de l'intégralité de ses prétentions de l'avoir ainsi débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que la retraite complémentaire était due à M. [G] et de ses demandes pécuniaires afférentes et de l'AVOIR condamné aux entiers dépens :

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Il est acquis aux débats que par accord collectif en date du 1er janvier 1990, le groupe Usinor Sacilor, a mis en place un régime de retraite supplémentaire dénommé IRUS (Institution de retraite Usinor Sacilor, organisme agréé par le Ministère chargé de la sécurité sociale), destiné à compléter toutes les rentes versées par les autres organismes de retraite, en allouant au salarié retraité une allocation trimestrielle permettant de garantir un revenu annuel équivalent à 62 % du dernier salaire, dite retraite chapeau. La charge des allocations versées par l'IRUS incombe aux sociétés adhérentes sans que les agents n'aient à verser aucune cotisation. Initialement embauché par la société Usinor Sacilor le 1er novembre 1986, M. [G] a été engagé à compter du 1er avril 1996 par la société Sodie en qualité de cadre responsable administratif et financier avec une reprise d'ancienneté au 1er novembre 1986. Le contrat de travail prévoyait expressément en son paragraphe c) « Nous vous confirmons que Sodie appliquera l'accord IRUS au personnel déjà concerné actuellement ». Pour s'opposer à la demande de M. [G] en dommages intérêts pour privation de ses droits au complément retraite IRUS après qu'il a fait valoir ses droits à la retraite au 31 mars 2017, et infirmation du jugement déféré, la société Sodie soutient que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le régime de complément retraite n'a pas été contractualisé, mais qu'elle a dénoncé l'accord IRUS en date du 12 octobre 2011, de sorte que le salarié ne peut y prétendre. Elle fait valoir que le bénéfice du régime IRUS résulte de l'accord d'entreprise du 10 avril 2003 et non comme le salarié le soutient ni du contrat de travail ni du document signé le 21 mars 1996 et qu'elle était donc en droit de le dénoncer. Pour confirmation du jugement déféré sur ce point, M. [G] expose que la société Sodie, sans être adhérente à l'IRUS, a consenti à ce que les salariés transférés de la société Usinor Sacilor Holding, dont il faisait partie, continuent de bénéficier du régime complémentaire IRUS ce qui a été contractualisé et a déterminé son accord pour le transfert au sein de la société Sodie. Il estime que cela est corroboré par le document signé le 21 mars 1996 entre le PDG de Sodie M. [P], et les représentants syndicaux, dont l'analyse est confirmée par le courrier de M. [P] (pièce 18, salarié), daté du 26 avril 2018 versé au dossier, dont il résulte un engagement qui oblige la société Sodie, rappelé en outre par l'accord d'entreprise au sein de la société Sodie du 10 avril 2003. Il soutient en outre que la retraite chapeau doit être considérée comme un avantage individuel acquis qui doit être maintenu même en cas de dénonciation de l'accord en l'absence d'accord de substitution. Il est constant que le régime complémentaire IRUS est issu à l'origine d'un accord collectif signé le 1er janvier 1990 au sein du groupe Usinor Sacilor. Il résulte des pièces produites aux débats que M. [G], salarié de la société Usinor Sacilor depuis 1986, dont il n'est pas contesté qu'il relevait du groupe fermé IRUS, a été détaché jusqu'au 31 mars 1996 au soir (pièce 18, salarié) auprès de la société Sodie, faisant elle même partie du groupe Usinor Sacilor au vu des pièces versées aux débats, avant d'y être intégré à compter du 1er avril 1996, en vertu de la lettre d'engagement du 22 mars 1996 (pièce 1 salarié). Il ressort également du dossier que le régime complémentaire IRUS a été maintenu aux salariés relevant du groupe fermé IRUS qui ont intégré la société SODIE, en vertu de l'accord collectif signé le 21 mars 1996, entre le PDG de la société Sodie, M. [P], et les représentants syndicaux FO et CFE CGC (pièce 3, salarié), intitulé « Conditions d'embauche du personnel Sodie » prévoyant « un maintien de l'application des accords Y pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif » et que « ces garanties individuelles seront actées dans le nouveau contrat de travail Sodie », raison pour laquelle la lettre d'engagement de M. [G] y fait référence dans les termes précités suivants: « Nous vous confirmons que Sodie appliquera l'accord IRUS au personnel déjà concerné actuellement », sans qu'il puisse dès lors en être déduit une quelconque contractualisation. Ce d'autant que ce maintien a été rappelé ensuite dans l'accord d'entreprise Sodie du 10 avril 2003 (pièce 4, salarié) puis confirmé par l'accord collectif d'entreprise du 30 novembre 2008 au sein de la société Sodie, qui précise que les dispositions de l'accord collectif de groupe Arcelor Mittal du 16 octobre 2008 relatif aux statuts de l'Institution de Retraite Usinor Sacilor sont mises en oeuvre au sein de la société Sodie. C'est par conséquent vainement que M. [G] entend soutenir que ce maintien a été contractualisé. De surcroît, le fait que des salariés éligibles au groupe fermé IRUS aient pu négocier en 2006, une indemnité liquidant leur droit à l'IRUS en contre partie de l'abandon de leur créance IRUS au moment de leur départ, n'est pas de nature à modifier cette analyse ou à établir qu'il s'agissait d'un droit individuel et contractualisé, d'autant que ces négociations sont intervenues avant la dénonciation de l'accord. En effet, un accord collectif demeure en vigueur tant qu'il n'a pas été dénoncé ou remis en cause. Or, la société Sodie se prévaut d'une procédure de dénonciation de cet accord, engagée le 12 octobre 2011, portée à la connaissance de M. [G] par un courrier qui lui a été adressé le 2 novembre 2011 (pièce 8, société) et qui a abouti à un constat de désaccord le 10 décembre 2013. Aux termes des dispositions de l'article L. 2261-13 du code du travail, dans sa version applicable au litige, « Lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord en expiration de ce délai ». Toutefois, il est de droit qu'un avantage individuel acquis au sens de l'article précité est celui qui, au jour de la dénonciation ou de la mise en cause de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un avantage déjà ouvert et non simplement éventuel. Dès lors, le droit à l'indemnité supplémentaire de retraite prévue par une convention ou un accord collectif qui naît au moment de la rupture du contrat de travail, ne peut constituer, avant celle ci, un avantage acquis au sens de ce texte. La cour en déduit que faute de pouvoir se prévaloir d'un avantage acquis sur ce point et au vu de l'ensemble de ce qui précède, par infirmation du jugement déféré, M. [G] doit être débouté de l'ensemble de ses prétentions tendant à la réparation du préjudice qui résulte de la privation du complément retraite IRUS » ;

1) ALORS QUE manifeste une volonté claire et non équivoque de contractualiser un dispositif de retraite supplémentaire prévu par accord collectif, la stipulation par laquelle l'accord collectif prévoit le « maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif » et que « ces garanties individuelles seront actées dans le nouveau contrat de travail Sodie » ; qu'en considérant, pour débouter le salarié de ses demandes, que les stipulations précitées issues de l'accord signé le 21 mars 1996 ne permettaient pas de déduire l'existence d'une quelconque contractualisation, cependant qu'il résultait des termes mêmes de l'accord que le régime IRUS avait été contractualisé, la cour d'appel a violé l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996 ;

2) ALORS ENCORE QU'en retenant, pour exclure toute contractualisation du régime IRUS, que le régime était à l'origine issu d'un accord collectif, que le maintien de l'application du dispositif conventionnel de retraite supplémentaire avait été rappelé par les accords collectifs du 10 avril 2003, du 30 novembre 2008 et du 16 octobre 2008, ce qui excluait de considérer que ce maintien avait été contractualisé, ou encore que le fait que des salariés éligibles au groupe fermé IRUS aient pu négocier en 2006, une indemnité liquidant leur droit à l'IRUS en contrepartie de l'abandon de leur créance IRUS au moment de leur départ, n'était pas de nature à modifier cette analyse ou à établir qu'il s'agissait d'un droit individuel et contractualisé, d'autant que ces négociations sont intervenues avant la dénonciation de l'accord, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996 ;

3) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE relève du champ contractuel, et donc du contenu obligationnel du contrat, l'ensemble des éléments qui détermine le consentement du salarié à la signature d'un nouveau contrat de travail ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait, en page 9 et s. de ses écritures, que son consentement avait été déterminé par la certitude de la nature contractuelle, et non seulement obligatoire, du mécanisme de retraite supplémentaire prévu par les stipulations conventionnelles ; que celles-ci prévoyaient expressément que la retraite supplémentaire issue du dispositif conventionnel serait « actée au contrat de travail » ; que la lettre d'engagement, précisant l'ensemble des garanties contractuelles, prévoyait expressément que l'accord IRUS s'appliquerait à l'ensemble du personnel déjà concerné ; qu'en refusant de considérer que la garantie prévue par l'accord IRUS avait une nature contractuelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invité par le salarié, si le consentement du salarié à l'occasion du transfert conventionnel d'entreprise n'avait pas été déterminé par le fait que la retraite supplémentaire avait été contractualisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996, ensemble des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil ;

4) ALORS AU SURPLUS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures du salarié qui se prévalait dans celles-ci (p. 9 et s.) de la contractualisation du régime IRUS à l'occasion de la signature de son nouveau contrat de travail et de l'acceptation du transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE manifeste une volonté claire et non équivoque de considérer comme un avantage individuel acquis un dispositif de retraite supplémentaire prévu par accord collectif, la stipulation par laquelle l'accord collectif prévoit le « maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif » ; que pour écarter l'existence d'un avantage individuel acquis, la cour d'appel a considéré que le droit à l'indemnité supplémentaire de retraite prévue par une convention ou un accord collectif qui nait au moment de la rupture du contrat de travail ne peut constituer avant celle-ci un avantage acquis au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail ;
qu'en se déterminant ainsi, quand la question posée par le salarié portait, non pas sur les effets prévus par l'article précité, mais sur le sens et la portée des stipulations conventionnelles précitées, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996 ;

6) ALORS ENCORE QU'à l'occasion de l'interprétation des stipulations des accords ou conventions collectives, les juges sont tenus de respecter la lettre du dispositif conventionnel ; que l'accord collectif du 21 mars 1996 prévoyait expressément le « maintien de l'application des accords IRUS pour le personnel concerné puisqu'ils représentent des droits individuellement acquis dans le cadre d'un contrat collectif » ; qu'en considérant que le régime IRUS ne pouvait constituer un avantage individuel acquis, quand l'accord du 21 mars 1996 prévoyait expressément le contraire, la cour d'appel a violé l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour perte de chance ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « A titre subsidiaire et pour la première fois à hauteur de cour, M. [G] réclame la réparation de la perte de chance de rester chez Usinor et de bénéficier de la retraite complémentaire IRUS en lien avec la mauvaise information de la société Sodie sur la nature de son avantage empêchant son retrait. Même si cette demande ne saurait être considérée comme nouvelle au sens où l'action de M. [G] tendait à la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi par la perte de sa retraite chapeau et que c'est seulement à hauteur de cour qu'il invoque la perte de chance, il a été jugé plus haut que le maintien du régime de retraite supplémentaire découlait d'un accord collectif, ce dont M. [G] était à même de se convaincre en tant que délégué syndical et que l'entreprise était en droit de dénoncer, sans qu'il puisse être reproché à la société Sodie une information fautive sur ce point. Il sera débouté de ce chef de prétention » ;

ALORS D'ABORD QUE, les juges ne peuvent modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'en considérant, pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la perte de chance, que le maintien du régime de retraite découlait d'un accord collectif, ce dont le salarié était à même de se convaincre en tant que délégué syndical, pour en déduire l'absence de toute faute d'information de la part de son employeur, alors que ni l'employeur ni le salarié n'avait jamais soutenu que l'existence de la faute d'information pouvait se voir opposer la qualité de représentant syndical du salarié, la cour d'appel, qui a dénaturé l'objet du litige, a violé les dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS ENSUITE QUE, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire peut être apportée ; qu'en retenant, d'office, et sans provoquer préalablement les observations des parties à cet égard, que le maintien du régime de retraite découlait d'un accord collectif, ce dont le salarié était à même de se convaincre en tant que délégué syndical, pour en déduire l'absence de toute faute d'information de la part de son employeur, quand ni l'employeur ni le salarié n'avait jamais soutenu que l'existence de la faute d'information pouvait être entravée par la qualité de représentant syndical du salarié, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, manque à son devoir d'information et de conseil vis à vis du salarié l'employeur qui ne donne pas l'ensemble des éléments essentiels au consentement du salarié à l'occasion de la signature de son contrat de travail ; que l'appréciation de l'existence de la faute d'information de l'employeur est indépendante des compétences du salarié ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la perte de chance, que le maintien du régime de retraite découlait d'un accord collectif, ce dont le salarié était à même de se convaincre en tant que délégué syndical, pour en déduire l'absence de toute faute d'information de la part de son employeur, quand la qualité de représentant syndical du salarié était indifférente à la reconnaissance de la faute d'information de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble de l'accord collectif d'entreprise du 21 mars 1996.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15165
Date de la décision : 05/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jan. 2022, pourvoi n°20-15165


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15165
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