LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 21-85.905 F-D
N° 00102
MAS2
4 JANVIER 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JANVIER 2022
M. [M] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 24 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et usage illicite de stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [M] [J], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [J] a été mis en examen du chef susvisé et placé en détention provisoire le 21 janvier 2021.
3. Par ordonnance du 6 septembre 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé sa détention provisoire.
4. M. [J] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 6 septembre 2021 ayant prolongé sa détention provisoire, alors :
«1°/ que M. [J] avait produit un titre de séjour valable jusqu'au 11 novembre 2030, lequel constituait la pièce n°4 jointe à son mémoire devant la chambre de l'instruction ; qu'en énonçant que M. [J] ne justifiait pas d'une carte de résident en France valable pour dix années, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
2°/ qu'en matière correctionnelle, la loi impose une motivation spéciale sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, en cas de prolongation d'une détention provisoire ; qu'à défaut d'avoir spécialement motivé sa décision sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, tout en constatant que M. [J] était père de deux enfants vivant en France avec sa concubine, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 137-3 et 145-1 du code de procédure pénale ;
3°/ que la détention doit être l'unique moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction ; qu'en s'étant bornée à énoncer que rien, en l'état, ne permettait d'écarter le risque de renouvellement des faits au regard de l'absence totale de perspective professionnelle du mis en examen, sans tenir compte de son inscription dans des agences de travail par intérim, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 144 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 144, 137-3 et 593 du code de procédure pénale :
6. Il résulte des deux premiers de ces textes que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis à l'article 144 susvisé et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique.
7. Selon le troisième, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de M. [J], l'arrêt, par motifs propres, retient, d'une part, que s'il est indiqué que celui-ci est titulaire d'une carte de résident en France valable pour dix années, il n'en est pas justifié, d'autre part, qu'il convient de garantir le maintien de l'intéressé à la disposition de la justice et de prévenir le renouvellement de l'infraction.
9. En se déterminant ainsi, sans tenir compte de la copie du titre de séjour produite par M. [J] et sans s'expliquer, par des considérations de droit et de fait, d'une part, sur les raisons pour lesquelles cette prolongation de la détention provisoire constituait l'unique moyen de parvenir à ses deux objectifs, d'autre part, sur le caractère insuffisant du placement sous contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
10. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 24 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille vingt-deux.