LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 décembre 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1239 F-B
Pourvoi n° C 20-18.344
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [N], épouse [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 5 mars 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021
Mme [E] [N], épouse [G], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n° C 20-18.344 contre le jugement rendu le 26 mars 2019 par le tribunal d'instance de Millau (surendettement des particuliers), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [3], dont le siège est chez [4], [Adresse 9],
2°/ à la trésorerie du [Localité 7], dont le siège est [Adresse 8],
3°/ à la société Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à la société [5], dont le siège est [Adresse 10],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [N], épouse [G], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (juge du tribunal d'instance de Millau, 26 mars 2019), rendu en dernier ressort, Mme [G], membre d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), a déposé, le 6 août 2018, une demande de traitement de sa situation de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers de l'Aveyron.
2. Le 25 octobre 2018, la commission a déclaré sa demande irrecevable en raison de son statut.
3. Par jugement du 9 décembre 2018, un tribunal de grande instance a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice du GAEC, qui a ensuite fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 9 novembre 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [G] fait grief au jugement de la déclarer irrecevable à bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers dans le cadre du dossier qu'elle a déposé, alors « que les associés d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) ont le statut d'associés d'une société civile et ne relèvent pas à titre personnel d'une procédure collective de la loi du 25 juin 1985 ; qu'en déclarant irrecevable la demande de Mme [G] de bénéficier de la procédure de surendettement, aux motifs qu'elle était membre d'un GAEC, le tribunal a violé les articles L. 323-1 à L. 323-6 du code rural et de la pêche maritime et 1832 à 1870 du code civil par refus d'application et L. 711-3 du code de la consommation par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 711-3 du code de la consommation et les articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce :
5. En application du premier de ces textes, le débiteur qui relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce n'est pas recevable à la procédure de surendettement.
6. Aux termes des deuxième et troisième de ces textes, toute personne exerçant une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante peut bénéficier d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire prévue par le livre VI du code de commerce.
7. Il en résulte que la seule qualité de membre d'un GAEC ne suffit pas à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives et à l'exclure du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives au surendettement des particuliers. Elle ne peut bénéficier d'une telle procédure que si elle exerce individuellement une activité agricole distincte de l'exploitation du groupement.
8. Pour déclarer Mme [G] irrecevable à la procédure de surendettement, le jugement retient que le GAEC dont elle est membre a bénéficié d'une procédure de sauvegarde puis a été placé en liquidation judiciaire et approuve la commission d'avoir déclaré irrecevable la demande de Mme [G] en raison de son statut.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme [G] exerçait une activité agricole à titre individuel, distincte de l'exploitation du GAEC, et pouvait ainsi bénéficier à titre personnel d'une procédure prévue par le livre VI du code de commerce, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Millau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Rodez ;
Condamne la société [3], la trésorerie du [Localité 7], la société Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées et la société [5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3], la trésorerie du [Localité 7], la société Mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées et la société [5] à payer à la SCP Ghestin la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme [N], épouse [G]
Mme [E] [G] fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR déclarée irrecevable à bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers dans le cadre du dossier qu'elle a déposé ;
1°) ALORS QUE les associés d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) ont le statut d'associés d'une société civile et ne relèvent pas à titre personnel d'une procédure collective de la loi du 25 juin 1985 ; qu'en déclarant irrecevable la demande de Mme [G] de bénéficier de la procédure de surendettement, aux motifs qu'elle était membre d'un GAEC, le tribunal a violé les articles L. 323-1 à L. 323-6 du code rural et de la pêche maritime et 1832 à 1870 du code civil par refus d'application et L. 711-3 du code de la consommation par fausse application ;
2°) ALORS QU'en présence de dettes professionnelles et non professionnelles, il convient de déterminer si les dettes non professionnelles du demandeur ne le placent pas à elles seules en situation de surendettement ; qu'en s'abstenant totalement d'examiner les dettes de Mme [G] et de rechercher si ses dettes non professionnelles ne la plaçaient pas à elles seules en situation de surendettement, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-1 du code de la consommation.