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16/12/2021 | FRANCE | N°20-15379

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 décembre 2021, 20-15379


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1263 F-D

Pourvoi n° E 20-15.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

La société La Carbonerie, société par actions simplifiée,

dont le siège est [Adresse 1], assistée des sociétés BTSG, prise en la personne de M. [S], et AJ partenaires, prise en la personne de M. [B], en qua...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1263 F-D

Pourvoi n° E 20-15.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

La société La Carbonerie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], assistée des sociétés BTSG, prise en la personne de M. [S], et AJ partenaires, prise en la personne de M. [B], en qualité de co-commissaires à l'exécution du plan, a formé le pourvoi n° E 20-15.379 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société La Carbonerie, assistée des sociétés BTSG, prise en la personne de M. [S], et AJ partenaires, prise en la personne de M. [B], en qualité de co-commissaires à l'exécution du plan, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 janvier 2020), un incendie s'est déclaré dans les locaux de la société La Carbonerie (la société LC), lors duquel un chariot élévateur a été détruit. Du matériel et la toiture des locaux ont également été endommagés. Assurée au titre d'un contrat « assurance de véhicules automobiles des entreprises », la société LC a déclaré ce sinistre à son assureur, la société Gan assurances (l'assureur).

2. Dans un rapport d'expertise, la société Saône expertise, mandatée par l'assureur afin d'évaluer les dommages subis par le chariot élévateur, a retenu que l'incendie avait pour cause un court circuit électrique au niveau des fils d'alimentation de sortie de ses batteries.

3. La société LC a donné son accord sur le montant de l'indemnité correspondant à la destruction du chariot élévateur et sollicité la réparation de son entier préjudice résultant de l'incendie survenu dans ses locaux.

4. Un rapport d'expertise ultérieur, rédigé par la société Laboratoire [W] mandatée par l'assureur, a conclu, après examen des différentes causes possibles de l'incendie, que celui-ci était « selon toute vraisemblance d'origine volontaire ».

5. Confrontée au refus de l'assureur, la société LC l'a assigné devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir sa condamnation à l'indemniser de son entier préjudice, à défaut, l'instauration d'une mesure d'expertise pour déterminer les causes du sinistre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société LC fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de provision et d'expertise, alors « que, en se fondant, pour dire que malgré le constat par le premier expert, la société Saône expertise mandaté par l'assureur, selon lequel la cause de l'incendie réside dans un court-circuit électrique du fil d'alimentation de la sortie de batterie sur le capot moteur du chariot élévateur et l'avis concordant de M. [F], la société LC ne démontrerait pas que le chariot élévateur est à l'origine des préjudices dont elle demande l'indemnisation, sur l'hypothèse d'une origine volontaire de l'incendie, émise par les rapports [W], [C] et CET IRD, quand il appartenait à l'assureur qui entendait voir écarter sa garantie, de démontrer avec certitude le caractère intentionnel de l'incendie, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances et 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen soulevée par la défense

7. Le défendeur au pourvoi soutient que le moyen, pris de la violation de l'article 1315 du code civil devenu 1353 du même code et de l'article L. 113-1 du code des assurances, est irrecevable comme nouveau, mélangé de fait et de droit.

8. Cependant, ce moyen, qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même ne pouvant être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau.

9. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

10. Pour débouter la société LC de ses demandes de provision et d'expertise, la cour d'appel ne s'est pas fondée, contrairement à ce que soutient le moyen, sur l'hypothèse de l'existence d'une faute intentionnelle de cette société tenant à l'origine vraisemblablement volontaire du feu.

11. Elle a considéré, après avoir analysé les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la société LC ne remplissait pas son obligation de prouver que le chariot élévateur était à l'origine des préjudices dont elle demandait l'indemnisation.

12. Le moyen, qui manque en fait, n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

13. La société LC fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que dans son rapport M. [F] précisait que la société LC fabrique un produit Biocarbone par broyage puis tamisage de charbon de bois, lequel a pour température d'auto-inflammation 120° environ, et une forte propension à déclencher une combustion spontanée, considérant ainsi que les discontinuités entre plusieurs zones relevées par le rapport [W] s'expliquent par la présence du produit auto-inflammable dans les locaux de la société LC ; qu'en énonçant que l'avis de M. [F] occulterait celui résultant du rapport [W] selon lequel est vraisemblablement d'origine volontaire le feu caractérisé par d'importantes discontinuités entre plusieurs zones, la cour d'appel a dénaturé le rapport de M. [F] en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans exercer son appréciation sur les conclusions de M. [F] expliquant la présence de plusieurs foyers et les discontinuités entre les zones de feu par la présence d'un produit auto-inflammable, de nature à écarter l'hypothèse d'un incendie d'origine volontaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

14. Pour débouter la société LC de ses demandes de provision et d'expertise, après avoir rappelé les éléments factuels analysés par M. [F] pour conclure que l'hypothèse d'un incendie se développant sous la forme d'un feu couvrant, depuis le chariot en flamme peut être avancée pour expliquer la présence de foyers secondaires décrits par l'expert [W], l'arrêt relève que cet avis occulte celui résultant du rapport [W] qui lui avait été communiqué, selon lequel est vraisemblablement d'origine volontaire le feu caractérisé par d'importantes discontinuités entre plusieurs zones.

15. Il ajoute qu'il ne peut être suppléé à la carence probatoire de la société LC en ordonnant une mesure d'instruction.

16. En l'état de ces constatations et énonciations, le moyen ne tend, sous couvert d'un grief non fondé de défaut de base légale, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, hors toute dénaturation du rapport de M. [F], a retenu que la société LC ne satisfaisait pas à son obligation de prouver que le chariot élévateur était à l'origine des préjudices dont elle demandait l'indemnisation.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Carbonerie aux dépens;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société La Carbonerie, assistée des sociétés BTSG, prise en la personne de M. [S], et AJ partenaires, prise en la personne de M. [B], en qualité de co-commissaires à l'exécution du plan

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société la Carbonerie de sa demande de provision et d'expertise ;

AUX MOTIFS QU'à l'adresse du Gan le 21 juillet 2014, La Carbonerie a déclaré un incendie subi la veille dans ses locaux, en indiquant qu'était entièrement brûlé son chariot élévateur assuré.
Mandaté par l'assureur, la SAS Saône Expertise a fait rapport le 14 août 2014 avec les observations suivantes : « Dommages incendie avec flammes, chariot élévateur complètement détruit.
Cause : court-circuit électrique fil d'alimentation sortie de batterie sur capot moteur ».
Indemnisée pour le chariot élévateur détérioré, La Carbonerie invoque des préjudices complémentaires résultant de l'incendie.
Elle se prévaut d'un rapport de consultation adressé à son conseil le 20 septembre 2018 par l'expert [F]. Celui-ci y détaille des éléments techniques ou factuels issus de trois documents en sus de celui du 14 août 2014, essentiellement :
. l'exclusion d'une cause imputable au chariot élévateur, le perlage sur le câble de batterie relevant d'un défaut d'isolement et étant dans un lien de conséquence avec l'incendie (rapport d'expertise CET nommé par le Gan, 2 octobre 2014),
. l'existence de trois zones de feu ponctuelles et suspectes (cloison intérieure / chariot élévateur / trémie de chargement) déjà décrites dans le document CET (rapport d'expertise [W] nommé par le Gan, 28 novembre 2014),
. l'absence de nouvel élément (rapport d'enquête [C], 16 décembre 2014).
M. [F] rappelle que La Carbonerie fabrique un produit Biocarbone par broyage puis tamisage de charbon de bois, lequel « a une forte propension à déclencher un combustion spontanée » tandis que le Biocarbone a pour « température d'auto-inflammation 120° environ ». Il considère que « la seule énergie d'activation identifiée est l'énergie électrique fournie par la batterie du chariot élévateur » et mentionne que « L'activité de La Carbonerie génère un important volume de poussières », de sorte qu'en conclusion, « l'hypothèse d'un incendie se développant sous la forme d'un feu couvant, depuis le chariot en flamme et dans l'épaisseur de la poudre de Biocarbone, peut être avancée pour expliquer la présence de foyers secondaires décrits par les experts [W] et CET ».
L'avis de M. [F] occulte cependant celui résultant du rapport [W] qui lui a été communiqué et selon lequel est vraisemblablement d'origine volontaire le feu caractérisé par d'importantes discontinuités entre plusieurs zones.
La Carbonerie ne remplit donc pas son obligation de prouver que le chariot élévateur soit à l'origine des préjudices dont elle demande l'indemnisation.
Alors que de nombreux éléments techniques ont été recueillis et amplement débattus, il ne peut être suppléé à sa carence dans l'administration de la preuve en ordonnant une mesure d'instruction ;

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés du jugement que M. [C] conclut de la même manière que le laboratoire [W]. Quant au cabinet CET IRD il a conclu à un sinistre soit d'origine électrique, soit d'origine humaine accidentelle, soit d'origine humaine volontaire. Il a toutefois précisé qu'il était peu probable que le chariot soit l'épicentre de l'incendie, et que le sinistre était probablement d'origine humaine volontaire, compte tenu de deux zones d'échauffement distinctes d'une dizaine de mètres.
Si aucun accélérant n'a pu être retrouvé comme le rappelle la demanderesse, il convient de remarquer que les examens du site ont eu lieu plusieurs mois après le sinistre et que la société avait alors remis en état une grande partie du site pour reprendre la production.
Si l'exacte cause du sinistre n'a donc pu être déterminée, il résulte suffisamment des éléments du débat que cette cause ne doit pas être recherchée dans un dysfonctionnement du système électrique du chariot élévateur ;

1°- ALORS QU'en se fondant dire que malgré le constat par le premier expert, la société Saone Expertise mandaté par l'assureur, selon lequel la cause de l'incendie réside dans un court-circuit électrique du fil d'alimentation de la sortie de batterie sur le capot moteur du chariot élévateur et l'avis concordant de M. [F], la société la Carbonerie ne démontrerait pas que le chariot élévateur est à l'origine des préjudices dont elle demande l'indemnisation, sur l'hypothèse d'une origine volontaire de l'incendie, émise par les rapports [W], [C] et CET IRD, quand il appartenait à l'assureur qui entendait voir écarter sa garantie, de démontrer avec certitude le caractère intentionnel de l'incendie, la Cour d'appel a violé les articles L 113-1 du code des assurances et 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°- ALORS QUE dans son rapport M. [F] précisait que la société La Carbonerie fabrique un produit Biocarbone par broyage puis tamisage de charbon de bois, lequel a pour température d'auto-inflammation 120° environ, et une forte propension à déclencher une combustion spontanée, considérant ainsi que les discontinuités entre plusieurs zones relevées par le rapport [W] s'expliquent par la présence du produit auto-inflammable dans les locaux de la société La Carbonerie ; qu'en énonçant que l'avis de M. [F] occulterait celui résultant du rapport [W] selon lequel est vraisemblablement d'origine volontaire le feu caractérisé par d'importantes discontinuités entre plusieurs zones, la Cour d'appel a dénaturé le rapport de M. [F] en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3°- ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait sans exercer son appréciation sur les conclusions de M. [F] expliquant la présence de plusieurs foyers et les discontinuités entre les zones de feu par la présence d'un produit auto-inflammable, de nature à écarter l'hypothèse d'un incendie d'origine volontaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 devenu 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-15379
Date de la décision : 16/12/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 21 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 déc. 2021, pourvoi n°20-15379


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15379
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