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16/12/2021 | FRANCE | N°20-14233

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 décembre 2021, 20-14233


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1273 F-D

Pourvoi n° J 20-14.233

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

M. [Y] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le

pourvoi n° J 20-14.233 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1273 F-D

Pourvoi n° J 20-14.233

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

M. [Y] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-14.233 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. [P], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 avril 2019), M. [P] a été victime d'un accident du travail le 22 juin 2010 alors qu'il travaillait pour le compte de M. [C]. L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle et une rente accident du travail a été attribuée à M. [P] à compter du 28 septembre 2010.

2. M. [P] a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son deuxième moyen, M. [P] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre de la perte de ses gains futurs, alors « que la perte des gains professionnels futurs s'entend de la perte des salaires que la victime aurait dû recevoir pendant la période après consolidation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que ce chef de préjudice était réparé par la rente accident du travail ; qu'en statuant ainsi, alors que cette perte correspondait à la différence entre les revenus que M. [P] aurait perçus s'il n'avait pas été victime de l'accident du travail et ceux qu'il a pu percevoir dans le cadre d'un nouvel emploi, différence qui était bien supérieure au montant de la rente accident du travail, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

5. Par son troisième moyen, pris en sa première branche, M. [P] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, alors « que l'incidence professionnelle correspond au préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, et du préjudice lié à la nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que ce préjudice était réparé par la rente accident du travail qui a aussi pour objet de réparer la perte de gains professionnels futurs ; que pourtant, le préjudice résultant de l'incidence professionnelle est distinct du préjudice résultant de la perte des gains futurs, si bien que la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

6. Si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision (Cons. const., 18 juin 2010, décision n° 2010-8 QPC), dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

7. L'arrêt retient, d'une part, que le préjudice de M. [P] est réparé par la rente accident du travail, d'autre part, que le préjudice d'incidence professionnelle est également réparé par la même rente. L'arrêt ajoute, s'agissant de ce dernier préjudice, que M. [P] n'apporte aucun élément
établissant que les séquelles de l'accident l'ont privé d'une perspective de promotion professionnelle, indemnisable sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

8. Après avoir, d'une part, exactement énoncé que la rente accident du travail dont bénéficiait M. [P] indemnisait les pertes de gains professionnels, d'autre part, l'incidence professionnelle de l'incapacité, de sorte que les dommages dont la victime demandait réparation étaient déjà indemnisés au titre du livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'ils ne pouvaient donner lieu à indemnisation.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

10. M. [P] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral, alors « que la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur peut lui demander la réparation du préjudice causé par ses souffrances physiques et morales, ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; qu'à ces préjudices s'ajoute le préjudice moral distinct du déficit fonctionnel permanent qui répare les atteintes physiologiques, la perte de qualité de vie ainsi que les troubles dans les conditions d'existence que connaîtra la victime de façon permanente à dater de la consolidation ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [P] de sa demande en réparation de son préjudice moral, la cour d'appel a retenu qu'il était déjà réparé au titre du déficit fonctionnel permanent, bien qu'il s'agisse de deux préjudices distincts ; que la cour a donc violé l'article 1382 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt relève qu'aux fins de se voir allouer une indemnisation pour préjudice moral, M. [P] verse aux débats deux attestations faisant état de ce qu'il a été victime d'une hémorragie. Il énonce que les souffrances physiques et morales consécutives à l'accident dont a été victime M. [P] sont réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, les documents produits au dossier ne permettant pas de déterminer la date précise de cette hémorragie et notamment qu'elle soit intervenue avant la date de consolidation.

12. De ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire qu'il ne subsistait aucun préjudice moral distinct des souffrances endurées.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. M. [P] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre du préjudice relatif à l'assistance pour tierce personne, alors « que si l'assistance par tierce personne implique nécessairement un déficit fonctionnel dès lors que la victime est tenue de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, un déficit fonctionnel temporaire se traduit par la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, de sorte qu'il s'agit de deux préjudices patrimoniaux distincts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'assistance par tierce personne n'est pas un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

15. Les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que la victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable puisse demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

16. Le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à titre temporaire, qui indemnise la perte d'autonomie de la victime la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne jusqu'à la date de consolidation ne se confond pas avec le déficit fonctionnel temporaire.

17. Pour débouter M. [P] de sa demande au titre de l'assistance par une tierce personne à titre temporaire, l'arrêt retient qu'il ressort du rapport établi par M. [O], docteur, que M. [P] a connu d'importantes difficultés à accomplir les actes usuels de la vie courante tels que le ménage, le repassage et la cuisine, mais que toutefois, ces constatations ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire.

18. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la victime connaissait d'importantes difficultés à accomplir les actes usuels de la vie courante, faisant ainsi ressortir l'existence d'un besoin en aide humaine pour la réalisation de certains actes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande au titre du préjudice d'assistance par tierce personne à titre temporaire, l'arrêt rendu le 3 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. [P]

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. [P] de sa demande au titre du préjudice relatif à l'assistance pour tierce personne ;

Aux motifs que « M. [Y] [P] sollicite à ce titre une indemnité représentant 2 heures par jour durant 16 semaines pour un montant de 20 euros.
M. [S] [C] soutient que M. [Y] [P] n'apporte pas la démonstration de la réalité de l'aide dont il prétend avoir bénéficié.
Il ressort du rapport établi par le docteur [O] que M. [Y] [P] a connu d'importantes difficultés à accomplir les actes usuels de la vie courante tels que le ménage, le repassage et la cuisine.
Toutefois, ces constatations ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire » (arrêt p 5, § 11 et suiv.) ;

1°) Alors que le juge, tenu de respecter le principe du contradictoire, ne peut soulever un moyen d'office sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur son mérite ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de M. [P] au titre de l'assistance par une tierce personne, la cour a retenu que ce préjudice était réparé au titre du préjudice fonctionnel temporaire ; qu'en soulevant d'office ce moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) Alors subsidiairement que le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande de M. [P] au titre de l'assistance par une tierce personne, bien que M. [C] ait admis qu'il y avait lieu de lui allouer une somme de 1 000 € à ce titre ; que la cour d'appel a ainsi méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) Alors que si l'assistance par tierce personne implique nécessairement un déficit fonctionnel dès lors que la victime est tenue de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, un déficit fonctionnel temporaire se traduit par la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, de sorte qu'il s'agit de deux préjudices patrimoniaux distincts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'assistance par tierce personne n'est pas un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [P] de sa demande d'indemnisation au titre de ses gains futurs ;

Aux motifs que « M. [Y] [P] demande de se voir indemniser de la perte de gains professionnels futurs.
Cependant, ce chef de préjudice est réparé par la rente accident du travail ;
La demande sera rejetée, et la décision entreprise confirmée sur ce point » (arrêt p 6, § 3 et suiv.) ;

Et aux motifs, adoptés du jugement, qu'« en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, seule la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle sont indemnisables. La perte de gains professionnels que ce soit avant ou après la décision à intervenir, ne peut être indemnisée en sus de la majoration de la rente dont la victime bénéficie au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Le mécanisme d'indemnisation de ce préjudice consiste dans le versement de la rente et déroge au droit commun de la responsabilité en ne garantissant pas intégralement la perte de revenus du salarié victime.
M. [P] doit donc être débouté de ses demandes d'indemnisation relatives à la perte de gains professionnels futurs » (jugement p 5, § 5 et 6) ;

Alors que la perte des gains professionnels futurs s'entend de la perte des salaires que la victime aurait dû recevoir pendant la période après consolidation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que ce chef de préjudice était réparé par la rente accident du travail ; qu'en statuant ainsi, alors que cette perte correspondait à la différence entre les revenus que M. [P] aurait perçus s'il n'avait pas été victime de l'accident du travail et ceux qu'il a pu percevoir dans le cadre d'un nouvel emploi, différence qui était bien supérieure au montant de la rente accident du travail, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice.

Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [P] de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle ;

Aux motifs que « M. [Y] [P] demande de se voir indemniser au titre de l'incidence professionnelle ;
Cependant, ce chef de préjudice est réparé par la rente accident du travail.
M. [Y] [P] n'apporte aucun élément que les séquelles de l'accident l'ont privé d'une perspective de promotion professionnelle ;
La demande sera rejetée, et la décision entreprise confirmée sur ce point » (arrêt p 6, § 6 à 9) ;

Et aux motifs, éventuellement adoptés du jugement, qu'« en ce qui concerne l'incidence professionnelle invoquée par M. [P], elle correspond à la perte de possibilités de promotion professionnelle. Il appartient à celui qui entend obtenir réparation au titre de la perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue.
En l'espèce, M. [P] avait 41 ans quand son accident du travail s'est produit. Il travaillait au sein de la menuiserie [C] depuis quatre jours dans le cadre d'un contrat à durée déterminée qui a été requalifié par le conseil de prud'hommes en contrat à durée indéterminée. Il s'agissait d'un poste de manoeuvre dont M. [P] ne justifie pas qu'il nécessitait une qualification particulière.
Il en ressort que M. [P] ne justifie pas d'un préjudice certain, distinct de celui de son déclassement professionnel qui est réparé par la rente.
M. [P] sera donc débouté de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle » (jugement p 5, § 7 et suiv.) ;

1°) Alors que l'incidence professionnelle correspond au préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, et du préjudice lié à la nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que ce préjudice était réparé par la rente accident du travail qui a aussi pour objet de réparer la perte de gains professionnels futurs ; que pourtant, le préjudice résultant de l'incidence professionnelle est distinct du préjudice résultant de la perte des gains futurs, si bien que la cour d'appel a violé l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale ;

2°) Alors que M. [P] a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le docteur [O] a explicitement conclu à l'existence d'une incidence professionnelle dans la mesure où il était dans l'incapacité de reprendre son activité antérieure de menuiserie-poseur par impossibilité du port de charges et à l'empoignement en force d'objets, si bien qu'il a dû exercer une autre profession ; que pour débouter M. [P] de sa demande au titre de l'incidence professionnelle, la cour a retenu qu'il n'établissait pas que les séquelles de l'accident l'avaient privé d'une perspective de promotion professionnelle ; qu'en statuant ainsi, sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Le quatrième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [P] de sa demande au titre du préjudice moral ;

Aux motifs que « M. [Y] [P] demande de se voir allouer une indemnisation pour préjudice moral, et verse sur ce point deux attestations faisant état de ce qu'il a été victime d'une hémorragie.
Cependant, les souffrances physiques et morales consécutives à l'accident dont a été victime M. [Y] [P] sont réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, les documents versés au dossier ne permettant pas de déterminer la date précise de cette hémorragie et notamment qu'elle soit intervenue avant la date de consolidation.
La demande sur ce point sera donc rejetée » (arrêt p 7, § 6 et suiv.) ;

Alors que la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur peut lui demander la réparation du préjudice causé par ses souffrances physiques et morales, ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; qu'à ces préjudices s'ajoute le préjudice moral distinct du déficit fonctionnel permanent qui répare les atteintes physiologiques, la perte de qualité de vie ainsi que les troubles dans les conditions d'existence que connaîtra la victime de façon permanente à dater de la consolidation ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [P] de sa demande en réparation de son préjudice moral, la cour d'appel a retenu qu'il était déjà réparé au titre du déficit fonctionnel permanent, bien qu'il s'agisse de deux préjudices distincts ; que la cour a donc violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-14233
Date de la décision : 16/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 03 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 déc. 2021, pourvoi n°20-14233


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14233
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