LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 794 F-D
Pourvoi n° Q 20-15.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
Mme [V] [M], épouse [X], domiciliée [Adresse 8], a formé le pourvoi n° Q 20-15.020 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à [H] [M], ayant été domicilié [Adresse 1], décédé en cours d'instance,
2°/ à M. [A] [M], domicilié [Adresse 3],
3°/ à Mme [Z] [M], épouse [D], domiciliée [Adresse 7] (Royaume-Uni),
4°/ à Mme [G] [M], domiciliée [Adresse 5],
5°/ à M. [L] [M], domicilié [Adresse 2] (Australie),
6°/ à Mme [U] [M], domiciliée [Adresse 6],
pris tous trois en qualité d'ayants droit de [H] [M],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [V] [M], de Me Le Prado, avocat de [H] [M], de MM. [A] et [L] [M], de Mmes [Z], [G] et [U] [M], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mmes [U] et [G] [M] et à M. [L] [M] de leur reprise d'instance en qualité d'héritiers de [H] [M], décédé le 13 septembre 2020.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 décembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 13-27.541), [J] [W] est décédée le 29 avril 1998, en laissant pour héritiers ses quatre enfants, [H], [A], [V] et [Z] [M].
3. Des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de la succession, notamment quant à la valeur à rapporter par Mme [V] [M] au titre d'un immeuble qu'elle avait reçu en donation le 6 janvier 1978.
Examen des moyens
Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premières branches du premier moyen et sur le deuxième moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur les troisième et quatrième branches du premier moyen, qui sont irrecevables.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [V] [M] fait grief à l'arrêt de dire que la soulte due par elle produira intérêts au taux légal à compter du jugement du 20 novembre 2009, ayant homologué le projet d'état liquidatif de la succession, alors « que les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession ; qu'en faisant application de cette règle pour juger que la soulte due par Mme [X] pouvait être assujettie à un intérêt de retard à compter de l'ouverture de la succession, ou en l'espèce de la date du jugement de première instance sollicitée par les cohéritiers, quand une soulte n'est pas une chose sujette à rapport, la cour d'appel a violé l'article 856, alinéa 1er, du code civil, par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 856 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, et l'article 1153, devenu 1231-6, du même code :
6. Le premier de ces textes dispose :
« Les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession. »
7. Selon le second, les dommages-intérêts dus en raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt légal, à compter de la mise en demeure.
8. Il en résulte que, lorsqu'elle n'est pas payée comptant, la soulte, qui n'est pas une chose sujette à rapport, ne porte intérêt au taux légal qu'à compter d'un acte valant mise en demeure.
9. Pour décider que la soulte mise à la charge de Mme [V] [M] produira intérêt à compter du jugement du 20 novembre 2009 ayant, avec exécution provisoire, homologué l'état liquidatif de la succession, l'arrêt retient que, par application de l'article 856 du code civil, les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession, de sorte que ses copartageants peuvent demander que le point de départ des intérêts légaux sur la soulte due soit fixé à cette date puisque cette demande n'est pas défavorable à celle-ci.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application, le second par refus d'application.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la soulte due par Mme [V] [M] produira intérêts au taux légal depuis le 20 novembre 2009, l'arrêt rendu le 11 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mmes [Z], [U], [G] [M], MM. [A] et [L] [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [Z], [U], [G] [M], MM. [A] et [L] [M] et les condamne in solidum à payer à Mme [V] [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [V] [M]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la valeur de la maison du [Adresse 4] à la somme de 1.135.000 euros en 2009, et de 1.500.000 euros en 2018 ;
AUX MOTIFS QUE « A titre liminaire, il sera indiqué qu'il sera d'abord statué sur les contestations de nature juridique affectant l'estimation du bien, sis [Adresse 4], en prenant en compte les prétentions énoncées par Mme [C] [M] épouse [X], tant par rapport à une évaluation de son bien en 2009, que par rapport à une évaluation en 2018. La question de l'époque à retenir pour fixer la date du partage sera ensuite évoquée, en raison des contradictions affectant l'époque des évaluations, sollicitée par chacune des parties.
Pour ce qui concerne la valorisation (en 2009) du bien immobilier sis [Adresse 4]
Pour proposer une estimation, Mme [O] a eu recours à frios méthodes (rapport pages 30 à 34) : la méthode par comparaisons, la méthode de capitalisation ou valeur de rendement (qui utilise la valeur locative) et La méthode du fonds (qui utilise comme référence la valeur du terrain constructible et la valeur de la construction). Pour l'année 2009, la première méthode aboutit à une estimation de 1.135.000 € et les deux autres méthodes à une estimation de 1.220.000 €. En prenant en compte les différentes méthodes, de façon indifférenciée, l'expert a proposé de fixer la valeur vénale à 1.200.000 €.
Il doit être relevé que la première méthode est en prise directe avec l'état du marché immobilier puisqu'elle prend en compte des transactions immédiatement comparables (rapport page 28) qui rendent compte en temps réel des fluctuations du marché (en particulier pour les années 2008 et 2009 qui sont marquées par la crise financière), ce que ne font pas les méthodes par capitalisation et par valeur du fonds. Elle est, en outre, en concordance avec deux (sur trois) des estimations établies par des agences immobilières, en février et mars 2009, produites par Mme [V] [M] épouse [X] (pièces 7 et 9 appelante), qui font état d'une valeur de 1.000.000 € à 1.100.000 €, soit une valeur moyenne de 1.050.000€, en l'état des travaux à prévoir s'élevant à 350.000 € / 400.000 € selon l'agence Cabinet Vermeille (pièce 7 appelante). Dans son rapport, Mme [O] a également évoqué des travaux nécessaires pour la rénovation et la mise en conformité de la maison (en particulier installation électrique) en précisant que le bien, d'une superficie pondérée de 266 m2, se trouvait dans un état identique à celui qui avait été décrit par M. [T], expert précédent (rapport pages 16 et 28). L'écart entre les estimations produites par Mme [V] [M] épouse [X] et la valorisation proposée par l'expert par sa méthode de comparaison n'est donc que de 8%, ce qui se situe dans la marge usuelle de variation admise pour les prix immobiliers.
Au regard de ces éléments concordants, la valeur vénale 2009 de la maison, considérée en état d'usage, doit être fixée à 1.135.000€, étant rappelé que les autres méthodes utilisées par l'expert judiciaire ont abouti à un supplément de valorisation de 7,40 % ce qui se situe également dans les marges usuelles de variation des prix immobiliers.
Mme [V] [M] épouse [X] estime, cependant, que la valeur du bien immobilier doit être fixée à 671.000 €, car elle soutient que la valeur proposée par l'expert (1.200.000 € en valeur 2009) doit être réduite d'une somme de 350.000 € au titre des travaux qu'elle a réalisés et d'un abattement de 15 %, parce que le bien doit être évalué occupé (loué).
Par application de l'article 860 du code civil "le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation...". En l'occurrence, les opérations d'expertise permettent de retenir une valeur du bien s'élevant à 1.135.000 € à l'époque du partage (2009). Dans l'arrêt du 13 mai 2015 rendu par la Cour de cassation, la méthode d'évaluation retenue par la cour d'appel de Versailles, dans l'arrêt rendu le 19 septembre 2013, a été invalidée (ce qui justifie la cassation) parce que la valeur vénale du bien a été diminuée du montant des travaux (350.000 €), qui auraient été effectués par l'appelante, ce qui n'est pas conforme à l'article 860 du code civil, car celui -ci fait uniquement référence à la valeur à la date du partage dans l'état où le bien se trouvait lors de la donation. C'est ce qui est également rappelé dans la motivation de l'arrêt ayant ordonné l'expertise, lorsqu'il est indiqué que l'état de l'immeuble doit s'apprécier abstraction faite des travaux qui ont été réalisés par la donataire.
La valeur à l'époque du partage déterminée par Mme [O] est une valeur en état normal d'usage et d'habitation car, dans sa motivation (mais non dans son dispositif), l'arrêt rendu le 15 novembre 2017 a retenu qu'il n'était pas démontré que le bien se trouvait en état dégradé, lors de la donation consentie le 6 janvier 1978, et a considéré que l'état du bien, à l'époque de la donation, correspondait à son état actuel, c'est à dire à un état normal d'usage et d'habitation en 1978.
Il résulte de l'acte de donation du 6 janvier 1978 (pièce 86 appelante), que le bien immobilier était équipé d'un confort normal à cette époque, puisqu'une chaufferie était installée en sous-sol, qu'il existait un cabinet de toilette et des WC au rez-dechaussée, une salle de bains et des WC au premier étage et deux cabinets de toilette et des WC au deuxième étage. Ainsi qu'il est, d'autre part, relevé par les intimés, les factures produites aux débats démontrent que des travaux ont été réalisés en 1977, c'est à dire avant la donation : travaux sur le système de chauffage selon facture du 22 mars 1977 (pièce 24 appelante), travaux de plomberie selon facture du 21 mars 1977 (pièce appelante), travaux de maçonnerie sur balcon, selon facture du 21 mars 1977 (pièce appelante), travaux de couverture selon facture du 23 septembre 1977 pour un montant de 148 537 F (pièce 37), travaux d'isolation thermique selon facture du 23 septembre 1977 (pièce 38 appelante), travaux de maçonnerie et plomberie selon facture du 21 juin 1977 (pièce 39 appelante), travaux de peintures extérieures (notamment dessous de toit) selon facture du 9 octobre 1977 (pièce 49 appelante).
S'il n'est pas contestable que des travaux divers, parfois importants, ont été réalisés sur la maison après la donation consentie à Mme [V] [X], ces travaux portent sur l'entretien de la maison (nettoyage des gouttières, embellissements) et sur la mise à niveau de ses équipements (notamment remplacement de la chaudière en 1983, dépenses de vitrerie en 1982). L'estimation à 1.530.353 F soit 233.300 € des travaux qui auraient été effectués depuis 1978, pratiquée par l'entreprise VOB ([Localité 9] Ouest Bâtiments) selon étude du 9 octobre 1998 (pièce 5 appelante), porte sur des embellissements, dépenses d'entretien ou gros entretien (réfection couverture) et aménagements courants (réfection salle de bains et cabinets de toilette, réfection étanchéité balcon, démolition de cloisons, peintures, remplacement chaudière, réfection installation électrique...). Les seuls travaux de nature à modifier la structure de la maison portent sur l'agrandissement de la terrasse extérieure et son pavage. Mais aucun élément ne permet de retenir qu'il s'agirait d'un élément déterminant pour la valorisation de la maison en 2009.
La détermination de la valorisation de La maison à l'époque du e dans l'état où elle se trouvait lors de la donation ne signifie pas que la comptabilité des travaux effectués depuis la donation doit être prise en compte pour l'estimation à l'époque du partage. Elle signifie seulement que si des travaux ont modifié l'immeuble de façon substantielle (doublement de surface, création de sous-sol, création d'étage...), depuis la donation, entraînant une plus-value ou une moins-value en 2009, l'estimation doit en tenir compte en neutralisant leurs effets sur la valorisation du bien à l'époque du partage.
En l'espèce, toutefois, il n'existe pas de tels travaux qui auraient modifié la valeur de l'immeuble par rapport à son état lors de la donation.
Il sera enfin noté que les travaux de rénovation à hauteur de 350.000 € évoqués dans l'estimation établie le 11 février 2009 par le Cabinet Vermeille (pièce 7 appelante) ne peuvent que conforter la similitude des situations en 1978 et 2009, à savoir que la maison était en état d'usage et nécessitait quelques travaux. Il en est de même du procès-verbal descriptif dressé le 28 mars 2012 à la suite de la délivrance d'un commandement de saisie immobilière, l'huissier décrivant "une construction des années 20 nécessitant des travaux" (pièce 6 intimés).
La demande de réduction de l'estimation proposée par l'expert à hauteur de l'évaluation du coût des travaux (350.000 €) doit donc être rejetée.
Pour justifier de la réfaction sollicitée, à hauteur de 15 %, à l'époque du partage, en raison de l'occupation du bien, Mme [V] [M] épouse [X] produit un contrat de bail de trois ans, établi le 4 juin 2011, à effet du 3 juin 2011, ayant pour objet la maison (non meublée) sise [Adresse 4] (pièce 94 appelante) pour un loyer mensuel de 1000 € outre une provision pour charges de 300 € et une clause de révision annuelle. Ce contrat de bail est établi au nom de M. et Mme [Y] [X] et signé par les locataires, mais il n'est pas signé par la bailleresse, puisqu'il n'y a que deux signatures et deux paraphes sur les pages du contrat. Le contrat intègre une clause particulière aux termes de laquelle M. [Y] [X] reconnaît qu'il s'agit "d 'une réactualisation des conditions de son bail du 1er décembre 2001 en raison de son changement d'état marital et que ses obligations et droits antérieurs ne sont pas modifiés de ce chef...". Il est établi qu'il s'est marié le 3 juin 2011 (pièce 99 appelante). En annexe au bail du 4 juin 2011 se trouve un bail daté du 1er décembre 2001 conclu entre Mme [V] [M] épouse [X] et M. [Y] [X] prévoyant un loyer mensuel de 6.500 F (soit 991€), sans charges ni révision.
Mme [Z] [M], M. [H] [M] et M. [A] [M], intimés, soutiennent que le bien doit être estimé libre car le bail invoqué est de pure convenance familiale, le règlement des loyers et charges n'est pas justifié, le montant du loyer est extrêmement modique et la maison n'a jamais été un immeuble de rapport.
Il est constant que le loyer est sans commune mesure avec la valeur locative de 24 € par m2 en 2009 (soit 6.000 € pour 250 m2) retenue par Mme [O], expert (rapport page 31). Aucun état des lieux n'a été annexé au bail. Les trois quittances produites pour les mois de juin à août 2019 (pièces 96, 97 et 98 appelante) ne suffisent pas à démontrer que les loyers sont effectivement réglés, étant que ces quittances ne sont pas en concordance avec les clauses du bail de 2011, puisqu'elles ne font pas état de la provision pour charges de 300 € par mois. Surtout, dans le procès-verbal descriptif du mars 2012 (sur saisie immobilière), l'huissier constate que les lieux sont occupés par M. [Y] [X] et [K][X], mais que M. [X] n'a pas pu lui justifier d'être titulaire d'un bail d'habitation ni lui préciser, même approximativement, quel était le montant du loyer.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être retenu que le bail invoqué, qui est sans rapport avec l'état du marché, correspond à un arrangement familial qui ne saurait être pris en compte pour l'évaluation de la valeur vénale du bien à l'époque du partage. L'existence effective de ce bail, en 2009, n'est en outre pas démontrée, faute de production des déclarations de revenus fonciers de l'appelante ou de relevés bancaires établissant l'encaissement des loyers.
Le bien immobilier en litige doit donc être valorisé, libre, en 2009 à la somme de 1.135.000 €.
Pour ce qui concerne la valorisation (en 2018) du bien immobilier sis [Adresse 4]
Pour proposer une estimation, Mme [O] a eu recours à trois méthodes (rapport pages 30 à 34), conformément aux préconisations contenues dans l'arrêt rendu le 15 novembre 2017 : la méthode par comparaisons, la méthode de capitalisation ou valeur de rendement (qui utilise la valeur locative) et la méthode du fonds (qui utilise comme référence la valeur du terrain constructible et la valeur de la construction). Pour l'année 2018, la première méthode aboutit à une estimation de 1.530.000 € et les deux autres méthodes à une estimation de 1.485.000 €. En prenant en compte les différentes méthodes, de façon indifférenciée, l'expert a proposé de fixer la valeur vénale à 1.500.000 €.
Au regard de cette méthodologie et des références du marché qui ont été utilisées, lesquelles n'ont donné lieu à aucune contestation de la part des parties (les seules estimations établies par des agences immobilières produites par Mme [C] [M] épouse [X] remontent à 2009), la valeur vénale 2018 de la maison, considérée en état d'usage, doit être fixée à 1.500.000 €.
Mme [V] [M] épouse [X] ne remet en cause cette estimation qu'en raison de la non prise en compte des travaux qui auraient été effectués à hauteur de 350.000 € pour la période 1978-1998. Elle ne sollicite pas de réfaction de valeur, pour l'évaluation en 18, en raison de l'existence d'un bail sur le bien immobilier alors même qu'elle produit des quittances de loyers établies en 2019 (pièces 96,97 et 98 appelante) et évoque dans ses conclusions (page 12) la réalité de la situation d'occupation du bien qui a pu être constatée, au début de l'année 2018, par Madame [O], expert.
Ainsi qu'il a déjà été vu pour l'évaluation effectuée en valeur 2009, la prise en compte des travaux invoqués ne peut être validée au regard des dispositions de l'article 860 du code civil.
La valeur du bien immobilier en 2018, doit donc être fixée à 1 500 000€. »
1° ALORS QUE le rapport est dû de la valeur estimée du bien donné à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation ; que lorsque des travaux d'embellissement et d'agrandissement ont été réalisés par le donataire, les juges sont ont l'obligation d'en tenir compte afin de déterminer l'état originaire du bien au jour de la donation, abstraction faite de ces améliorations ultérieures ; qu'en refusant en l'espèce de tenir compte de ce que la donataire avait fait réaliser des travaux consistant notamment en des embellissements de la maison ainsi que dans l'agrandissement et le pavage de la terrasse extérieure, au motif qu'aucun élément de permet de retenir qu'il s'agirait d'éléments déterminants pour la valorisation de la maison, et qu'il n'existerait pas de travaux qui aurait modifié la valeur de l'immeuble, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation l'article 860 du code civil ;
2° ALORS QUE le rapport est dû de la valeur estimée du bien donné à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation ; qu'à cet égard, les travaux d'embellissement d'une maison et d'agrandissement de sa terrasse sont de nature à modifier l'état du bien depuis le jour de sa donation ; qu'en refusant en l'espèce de tenir compte de ce que la donataire avait fait réaliser des travaux consistant notamment en des embellissements de la maison ainsi que dans l'agrandissement et le pavage de la terrasse extérieure, au motif que seuls des travaux modifiant l'immeuble de façon substantielle, tels qu'un doublement de sa surface ou la création d'un nouveau niveau, pourraient être pris en compte, la cour d'appel a violé l'article 860 du code civil ;
3° ALORS QUE, subsidiairement, il doit être tenu compte au donataire des dépenses nécessaires qu'il a faites pour la conservation du bien, encore qu'elles ne l'aient point amélioré ; qu'en refusant en l'espèce de tenir compte des travaux entrepris par la donataire au motif que ceux-ci n'avaient fait que maintenir la maison dans le même état d'usage, la cour d'appel a violé les articles 860 et 861 du code civil ;
4° ALORS QUE, plus subsidiairement, le nu-propriétaire n'est tenu que des grosses réparations ; que par suite, les travaux d'entretien et d'embellissement entrepris par le donataire en lieu et place du donateur s'étant réservé l'usufruit doivent être pris en compte dans le calcul de l'indemnité de rapport due à la succession par le donataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [X], donataire du bien dont la de cujus s'était réservée l'usufruit, avait pris à sa charge divers travaux d'entretien et d'embellissement du bien objet de la donation ; qu'en refusant de tenir compte des frais exposés à ce titre par la donataire pour évaluer le montant de son indemnité de rapport à la succession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 605, 606, 843 et 860 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [X] de ses demandes en paiement de la somme de 243.000 euros correspondant au montant des charges courantes de la maison supportées depuis 1978 en lieu et place de la de cujus ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de remboursement de frais à hauteur de 243 000 €
Dans le dispositif de ses conclusions, Mme [V] [M] épouse [X] demande que les intimés soient condamnés à lui verser une somme de 243 000€ au titre du rapport des frais qu'elle a supportés pour le compte de sa mère au titre de la taxe d'habitation, l'eau, l'électricité et toutes les charges courantes.
Cette prétention n'est explicitée qu'à la fin de la partie des conclusions de l'appelante, afférente à ses prétentions indemnitaires pour abus de droit en matière de voies d'exécution.
Les intimés font valoir que cette demande s'analyse comme la revendication d'une créance sur la succession et qu'elle devrait donc être dirigée contre I'indivision successorale au lieu d'être dirigée contre les héritiers pris personnellement. Ils estiment qu'une telle prétention est irrecevable pour cause de prescription et qu'en tout état de cause elle est mal fondée.
Les prétentions de Mme [V] [M] épouse [X] ne font référence à aucune pièce justificative. La seule pièce afférente à cette demande est constituée par un état récapitulatif de dépenses et prestations sur la période 1977-1998 établi par l'appelante (pièce 95 appelante). Il doit, en outre, être relevé que, dans le règlement du rapport dû en raison de l'avantage indirect constitué par l'occupation de la maison depuis la donation alors que la défunte s'en était réservé l'usufruit, la cour d'appel de Versailles a, dans un arrêt rendu le 29 mai 2008 (pièce 13 appelante), déjà été amenée à apprécier si l'avantage avait pu être compensé par des services rendus à la donatrice, moyen qui a été rejeté. La présente demande revient à réitérer la contrepartie invoquée en 2008 en la présentant sous la forme de prise en charge financière de dépenses de la vie courante.
Étant rappelé que nul ne peut se faire de preuve à lui-même, Mme [V] [M] épouse [X] doit être déboutée de cette prétention, qui n'est fondée que sur un récapitulatif établi par elle-même. » ;
1° ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en décidant en l'espèce que Mme [X] ne pouvait se faire une preuve à soi-même en produisant un état récapitulatif de ses dépenses et prestations, la cour d'appel a violé les articles 1358 et 1363 du code civil, et le principe de liberté de la preuve ;
2° ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif d'un jugement ; qu'en opposant, pour rejeter la demande de Mme [X], que la cour d'appel de Versailles avait déjà été amenée, selon les motifs de son arrêt du 29 mai 2008, à apprécier si l'avantage indirect constitué par l'occupation d'une partie de la maison avait pu être compensé par des services rendus à la donatrice, quand cet arrêt ne contenait aucune indication en ce sens dans son dispositif, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même ; qu'en l'espèce, Mme [X] sollicitait qu'il lui soit tenu compte des charges courantes payées en lieu et place de la donatrice qui s'était réservée l'usufruit du bien donné ; qu'en opposant que la cour d'appel de Versailles, par arrêt du 29 mai 2008, avait déjà été amenée à apprécier si l'avantage indirect constitué par l'occupation d'une partie de la maison avait pu être compensé par des services rendus à la donatrice, quand cette motivation concernait alors une demande de rapport formée par les consorts [M] à l'encontre de Mme [X] au titre de l'avantage constitué par son habitation de la maison, et non la demande d'indemnité formée par Mme [X] au titre des charges courantes payées en lieu et place de l'usufruitière, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la soulte due par Mme [X] produira intérêts au taux légal depuis le 20 novembre 2009, date du jugement ayant homologué le projet d'état liquidatif de la succession ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages intérêts pour mesures d'exécution abusives (200.000 €)
Mme [V] [M] épouse [X] reproche aux intimés la mise en oeuvre abusive de voies d'exécution à son encontre ayant, en particulier, consisté à faire diligenter une saisie attribution en date du 15 octobre 2010 et à lui avoir fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière le 2 février 2012, alors que la procédure n'avait pas trouvé une issue définitive. La durée de validité du commandement a, en outre, été prorogée par jugement rendu le 10 décembre 2015 puis par jugement rendu le 9 novembre 2017, alors même qu'à cette date il n'existait plus aucun titre exécutoire pour poursuivre la procédure.
Il résulte, cependant, de l'examen de la procédure, qu'en 2010 et 2012, les intimés disposaient d'un titre exécutoire, puisque le jugement dont appel, rendu le 20 novembre 2009 (confirmé le 19 septembre 2013), qui consacrait l'existence d'une soulte à la charge de Mme [V] [M] épouse [X], pour un montant de plus de 000€, était revêtu de l'exécution provisoire.
Si le montant de la soulte est devenu incertain à compter de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 13 mai 2015, le principe même de son existence ne pouvait être considéré comme ayant disparu puisque la question de la valorisation du bien immobilier en litige restait en suspens. A ce stade, Mme [V] [M] épouse [X] ne prétend pas que de nouvelles mesures d'exécution auraient été engagées, et la prorogation des effets du commandement de saisie immobilière ne vise qu'à maintenir la validité de cet acte, dans l'attente de l'issue de la procédure, sans préjuger de ses effets ultérieurs, qui ne déboucheront pas nécessairement sur une vente (la vente forcée exigeant pour sa mise en oeuvre un titre définitif).
Mme [V] [M] épouse [X] ne démontre donc pas que ses cohéritiers auraient agi dans une Intention purement malicieuse, et de façon totalement inutile, visant à lui faire grief. Elle doit donc être déboutée de cette demande indemnitaire.
Sur le point de départ des Intérêts au taux légal de la somme due par Mme [V] [M] épouse [X]
Par application de l'article 856 du code civil, applicable à la date du décès, "les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession".
Les intimés peuvent donc demandeur que le point de départ des intérêts légaux sur la soulte due soit fixé au 20 novembre 2009, puisque cette demande n'est pas défavorable à I 'appelante. » ;
1° ALORS QUE les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession ; qu'en faisant application de cette règle pour juger que la soulte due par Mme [X] pouvait être assujettie à un intérêt de retard à compter de l'ouverture de la succession, ou en l'espèce de la date du jugement de première instance sollicitée par les cohéritiers, quand une soulte n'est pas une chose sujette à rapport, la cour d'appel a violé l'article 856, alinéa 1er, du code civil, par fausse application ;
2° ALORS QUE les intérêts ne sont dus qu'à compter du jour où le montant d'une indemnité est déterminé ; qu'en décidant de fixer le point de départ des intérêts sur la soulte due par Mme [X] à la date de l'homologation de l'état liquidatif par jugement du 20 novembre 2009, quand, à la suite de la cassation prononcée par l'arrêt du 13 mai 2015, il restait à la cour de renvoi de déterminer ellemême le montant du rapport et des soultes dues par les cohéritiers, la cour d'appel a violé l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil.