LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1418 F-D
Pourvoi n° D 19-20.043
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
Mme [K] [I] veuve [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 19-20.043 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [H] [P] [J], domiciliée chez Mme [X], [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme [I] veuve [Y], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [P] [J], l'avis oral de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 03 avril 2019), Mme [P] [J] engagée le 10 avril 1985 en qualité d'employée de maison par M. et Mme [Y], a saisi la juridiction prud'homale le 1er août 2014 de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième, quatrième et sixième moyens, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et des demandes de la salariée à son encontre, alors :
« 1°/ que lorsque la prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail est opposée à une demande du salarié, il appartient à ce dernier de démontrer qu'il n'a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits que moins de deux ans avant l'introduction de sa demande ; qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non-recevoir, tirée de ce que l'action de la salariée était prescrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les éléments produits au débat ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait été en mesure de comprendre, en septembre 2011 ou janvier 2012, les carences imputables à son employeur ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la salariée de démontrer qu'elle n'avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit que moins de deux ans avant la saisine, le 1er août 2014, de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 dudit code ;
2°/ que lorsque la prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail est opposée à une demande du salarié, il appartient à ce dernier de démontrer qu'il n'a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits que moins de deux ans avant l'introduction de sa demande ; qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que l'action de la salariée était prescrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les éléments produits au débat ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait été en mesure de comprendre, en septembre 2011 ou janvier 2012, les carences imputables à son employeur ; qu'en statuant ainsi, sans préciser le moment à partir duquel la salariée avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit ni partant, vérifier que cette connaissance remontait à moins de deux ans avant la saisine, le 1er août 2014, de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°/ que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que l'action de la salariée était prescrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les éléments produits au débat ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait été en mesure de comprendre, en septembre 2011 ou janvier 2012, les carences définitives imputables à son employeur en ce qui concerne ses cotisations de retraite ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que dès le 30 septembre 2011, l'intéressée avait été informée par sa caisse de retraite de ce qu'elle ne justifiait pas d'un nombre de trimestres de cotisation conforme à la période travaillée, ce qui, indépendamment de tout préjudice, suffisait à caractériser, à cette date, un manquement de l'employeur dont la salariée avait connaissance ou, à tout le moins, dont elle aurait dû avoir connaissance, de sorte qu'en cet état, les demandes de la salariée de ce chef étaient nécessairement prescrites à la date du 1er août 2014, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel, appréciant souverainement la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que les lettres de septembre 2011 et février 2012 ne permettaient pas à la salariée d'avoir une complète connaissance de la carence de ses employeurs dans le paiement des cotisations sociales.
5. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par la cour d'appel de la portée de ces éléments de preuve, n'est pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Examen du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et des demandes de la salariée à son encontre, et de la condamner à délivrer à cette dernière les bulletins de salaire manquants de 1985 au 3 avril 2019, jour du prononcé de l'arrêt attaqué, ce sous astreinte, et de lui ordonner de régulariser la situation de la salariée auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse et de la caisse de retraite complémentaire et de la condamner à régulariser les cotisations sociales afférentes à l'activité de la salariée auprès de l'Urssaf, alors :
« 1°/ que d'une part, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; Qu'en l'espèce, aux termes de ses écritures d'appel, développées oralement à l'audience, la salariée a énoncé que de 1985 à 2011, M. et Mme [Y] ne lui remettaient que ponctuellement des bulletins de paie, alors qu'elle travaillait de manière continue pour eux ; Que, dès lors, en condamnant l'exposante à délivrer à Mme [P] [J] tous les bulletins de salaire manquants sur l'intégralité de la période de 1985 au 3 avril 2019, tout en relevant que la salariée a saisi la juridiction prud'homale par acte du 1er août 2014, ce dont il résulte que son action était prescrite pour tous les bulletins de paie antérieurs au 1er août 2012, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 1471-1 du code du travail ;
2°/ d'autre part et à titre subsidiaire que la prescription des salaires instituée par l'article L. 3245-1 du code du travail concerne toute action engagée à raison des salaires ; que la délivrance d'un bulletin de paie n'étant, en application de l'article L. 3243-2 du code du travail que la conséquence du paiement du salaire, elle est soumise à la même prescription ; qu'ayant relevé que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale par acte du 1er août 2014, la cour d'appel qui néanmoins condamne l'exposante à délivrer à Mme [P] [J] tous les bulletins de salaire manquants sur l'intégralité de la période de 1985 au 3 avril 2019 a violé les articles L. 3245-1 et L. 3243-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la cour
7. L'employeur ayant soutenu que les demandes étaient prescrites, sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail, à compter du 30 septembre 2011 ou du 3 février 2012, date à laquelle la salariée avait selon lui connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits, n'est pas recevable à invoquer un moyen incompatible avec la thèse soutenue dans ses écritures.
Sur le septième moyen
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et des demandes de la salariée à son encontre et de la condamner à délivrer les bulletins de salaire manquants de 1985 au 3 avril 2019, jour du prononcé de l'arrêt attaqué, ce sous astreinte, et de lui ordonner de régulariser la situation de la salariée auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse et de la caisse de retraite complémentaire et de la condamner à régulariser les cotisations sociales afférentes à l'activité de la salariée auprès de l' Urssaf, alors « que les cotisations sociales obligatoires mises à la charge de l'employeur étant afférentes à la rémunération des salariés, la prescription de la demande en régularisation de la situation d'un salarié dont l'employeur n'a pas cotisé auprès des organismes sociaux est soumise au régime de l'article L . 3245-1 du code du travail ; que, dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu ordonner à Mme [I] veuve [Y] de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de la caisse de retraite romplémentaire pour l'ensemble de la période de 1985 au jour de son arrêt, quand la régularisation des cotisations de retraite assises sur les salaires ne pouvait être ordonnée pour la période à laquelle le droit de la salariée au paiement de ses salaires était éteint du fait de la prescription c'est-à-dire, en l'espèce, pour la période de rémunération antérieure au 1er août 2011, soit trois ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. »
Réponse de la Cour
9. Le moyen manque en fait, la cour d'appel n'ayant pas ordonné la régularisation des cotisations sociales pour la période allant de 1985 à la date de l'arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [I] veuve [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [I] veuve [Y] à payer à Mme [P] [J] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour Mme [I] veuve [Y]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR été prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour ;
ALORS QUE sauf disposition contraire, toute décision de justice doit être prononcée publiquement ; Qu'ainsi, en énonçant que l'arrêt attaqué a été "prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour", la cour d'appel a violé l'article 451 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et des demandes de Mme [P] [J] à l'encontre de Mme [Y] ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L 1471-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit, en principe, par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que l'article 21 de la loi du 11 janvier 2013 mentionne que ce délai s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que Mme [Y] fait valoir ici que l'action de Mme [P] [J] est prescrite, le délai de prescription de deux ans applicable ayant couru depuis le jour où elle a connu ou aurait dû connaître les faits sur lesquels elle fonde sa demande de résiliation judiciaire soit le défaut de déclaration auprès des organismes sociaux, le défaut de remise des bulletins de paie, l'irrespect par l'employeur de l'obligation de sécurité ; qu'elle fait observer que Mme [P] [J] s'est rapprochée de sa caisse de retraite en 2011 et qu'elle a pu alors constater, du fait de sa réception d'un courrier du 30 septembre 2011, quelle n'avait que 26 trimestres de cotisation, qu'en tout état de cause, elle s'est vue notifier un courrier le 3 février 2012 visant également une régularisation de carrière dont la date constitue aussi le point de départ de la prescription ; qu'il résulte cependant des pièces produites aux débats qu'aux termes de la lettre de l'assurance retraite d'Ile de France en date du 3 février 2012, il est uniquement mentionné à Mme [P] [J] que cette caisse procède à la régularisation de sa carrière professionnelle qui nécessite la production d'un certain nombre de justificatifs tandis que le document émanant d'info-retraite du 30 septembre 2011 se borne à mentionner à la salariée le nombre de ses trimestres et de ses points connus au 31 décembre 2010 ; les termes de ces courriers sont totalement insuffisants pour justifier que, sur leur base, Mme [P] [J] connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ces lettres ne faisant état que de relevés de points de carrière ; qu'il convient par ailleurs d'observer qu'à la suite de l'accident vasculaire cérébral dont elle a fait l'objet le 15 janvier 2011, Mme [P] [J] a été hospitalisée jusqu'au 22 mars 2011, qu'elle a fait ensuite l'objet d'une rééducation à l'hôpital [4] dans les termes du compte rendu d'hospitalisation du groupe hospitalier [3] produit aux débats, qu'elle est depuis sa sortie accueillie par sa cousine, Mme [S], laquelle relève dans son attestation que l'intéressée, à son arrivée, était affaiblie, diminuée et totalement incapable de vivre seule ; que ces éléments ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait, compte tenu de son état de santé et étant rappelé sa langue portugaise, été en mesure de comprendre, à réception de relevés de carrière en septembre 2011, ou janvier 2012, les carences définitives de ses employeurs dans le paiement des cotisations, l'intimée justifiant à cet égard de relances auprès de M. et Mme [Y] et notamment d'une lettre du 30 juillet 2014 afin de solliciter de leur part une régularisation dont le défaut a entraîné sa saisine du conseil de prud'hommes ; que la cour observant par ailleurs que le défaut de régularisation ainsi sollicitée perdure, la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera écartée ;
1°/ ALORS D'UNE PART QUE lorsque la prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail est opposée à une demande du salarié, il appartient à ce dernier de démontrer qu'il n'a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits que moins de deux ans avant l'introduction de sa demande ; Qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non-recevoir, tirée de ce que l'action de la salariée était prescrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les éléments produits au débat ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait été en mesure de comprendre, en septembre 2011 ou janvier 2012, les carences imputables à son employeur ; Qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la salariée de démontrer qu'elle n'avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit que moins de deux ans avant la saisine, le 1er août 2014, de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 dudit code ;
2°/ ALORS D'AUTRE PART QUE lorsque la prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail est opposée à une demande du salarié, il appartient à ce dernier de démontrer qu'il n'a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits que moins de deux ans avant l'introduction de sa demande ; Qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que l'action de la salariée était prescrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les éléments produits au débat ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait été en mesure de comprendre, en septembre 2011 ou janvier 2012, les carences imputables à son employeur ; Qu'en statuant ainsi, sans préciser le moment à partir duquel la salariée avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit ni partant, vérifier que cette connaissance remontait à moins de deux ans avant la saisine, le 1er août 2014, de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°/ ALORS DE TROISIEME PART QUE pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que l'action de la salariée était prescrite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les éléments produits au débat ne permettent pas de retenir que l'intéressée aurait été en mesure de comprendre, en septembre 2011 ou janvier 2012, les carences définitives imputables à son employeur en ce qui concerne ses cotisations de retraite ; Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que dès le 30 septembre 2011, l'intéressée avait été informée par sa caisse de retraite de ce qu'elle ne justifiait pas d'un nombre de trimestres de cotisation conforme à la période travaillée, ce qui, indépendamment de tout préjudice, suffisait à caractériser, à cette date, un manquement de l'employeur dont la salariée avait connaissance ou, à tout le moins, dont elle aurait dû avoir connaissance, de sorte qu'en cet état, les demandes de la salariée de ce chef étaient nécessairement prescrites à la date du 1er août 2014, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1471-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de la qualité d'employeur de Mme [I] veuve [Y] et par conséquent de sa demande tendant à voir juger que Mme [P] [J] est irrecevable en ses demandes à l'encontre de cette dernière ;
AUX MOTIFS QUE Mme [I] veuve [Y] fait valoir qu'elle n'a jamais été l'employeur de Mme [P] [J] ; qu'en effet, celle-ci a été embauchée par son époux, lequel procédait aux formalités administratives et à la gestion du contrat, sans qu'à aucun moment elle ne s'y implique ; qu'elle énonce que n'ayant jamais eu d'activité professionnelle, elle n'a jamais rémunéré l'employée de maison, que M. [Y] a d'ailleurs signé seul le document intitulé « certificat de travail » du 10 mai 2011, que l'action, qui ne peut être dirigée qu'à l'encontre de M. [Y], a été interrompue compte tenu de son décès le 14 janvier 2015 et ne peut être reprise faute d'ayants droits ayant accepté sa succession ; qu'il est rappelé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la cour observe qu'aux termes du certificat du 10 mai 2011, tant M. et Mme [Y] mentionnent avoir employé Mme [P] [J] à compter d'avril 1985, les deux époux visant à cette date la compétence et le dévouement de la salariée qui s'occupait de la maison et de la cuisine ; que dans son attestation produite par l'intimée, Mme [P], gardienne, relève que Mme [P] [J] a fait les courses de M. et Mme [Y] jusqu'à son accident vasculaire cérébral de 2011 ; que de même, Mme [O] [R], employée de maison, atteste que l'intimée a travaillé durant 25 ans chez M. et Mme [Y] ; les chèques émis au profit de Mme [P] [J] provenaient par ailleurs du compte joint des époux ; que ces éléments permettent de retenir que Mme [P] [J] a travaillé au domicile de M. et Mme [Y] dans lequel l'épouse, sans activité professionnelle, se trouvait le plus souvent ; que l'intéressée effectuait sous les ordres des deux époux et en particulier de la maîtresse de maison, les courses, la cuisine et s'occupait du ménage ; que la fin de non-recevoir soulevée visant à constater le défaut de la qualité d'employeur de Mme [I] veuve [Y] doit donc être rejetée (arrêt, pages 4 et 5) ;
1°/ ALORS D'UNE PART QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; Que pour dire que Mme [I] veuve [Y] avait la qualité d'employeur de Mme [P] [J], la cour d'appel a relevé que l'intéressée effectuait, sous les ordres des époux [Y] et en particulier de la maîtresse de maison, les courses, la cuisine, et s'occupait du ménage ; Qu'en statuant ainsi, sans préciser l'origine de ses constatations de fait dont elle a déduit que Mme [Y] donnait des directives à la salariée, tandis que ce pouvoir de direction ne pouvait se déduire du seul fait la salariée avait travaillé au domicile des époux et que l'exposante n'exerçait pas d'activité professionnelle et se trouvait le plus souvent à son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ ALORS D'AUTRE PART QU'il n'y a pas de lien de subordination sans pouvoir disciplinaire de l'employeur ; Que pour dire que Mme [I] veuve [Y] avait la qualité d'employeur de Mme [P] [J], la cour d'appel a relevé que l'intéressée effectuait, sous les ordres des époux [Y] et en particulier de la maîtresse de maison, les courses, la cuisine, et s'occupait du ménage ; Qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher si Mme [Y] disposait d'un quelconque pouvoir disciplinaire à l'égard de Mme [P] [J], la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [P] [J] à la date de sa décision, soit le 3 avril 2019, D'AVOIR condamné Mme [I] veuve [Y] à délivrer à Mme [P] [J] les bulletins de salaire manquants de 1985 au 3 avril 2019, jour du prononcé de l'arrêt attaqué, ce sous astreinte de 25 € par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la notification de la décision entreprise, de lui AVOIR ordonnée de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse et de la caisse de retraite complémentaire ; D'AVOIR condamné l'exposante à payer à Mme [P] [J] les sommes de 38.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et de 25.153,33 € à titre d'indemnité légale de licenciement et D'AVOIR condamné l'exposante à régulariser les cotisations sociales afférentes à l'activité de Mme [P] [J] auprès de l'URSSAF ;
AUX MOTIFS QU'en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de l'employeur ; que par ailleurs, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, à moins que l'exécution du contrat de travail ne se soit en fait poursuivie après cette décision ; qu'en l'espèce, les arrêts maladie de Mme [P] [J] ont entraîné la suspension de son contrat de travail et il n'est justifié d'aucune visite de reprise ni d'une procédure éventuelle de licenciement pour inaptitude ; aucun élément n'est non plus communiqué justifiant de la retraite de Mme [P] [J] ; le jugement de première instance ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas assorti de l'exécution provisoire ; dès lors, et sachant que ces éléments justifient de ce que la salariée est toujours au service de son employeur, la résiliation judiciaire du contrat sera prononcée à la date du présent arrêt (arrêt, page 6) ;
ALORS QUE la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date, le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur ; qu'en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement ; qu'il n'en va autrement que lorsque l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie après cette décision ; Qu'en l'espèce, pour fixer la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [P] [J] à la date de son arrêt, la cour d'appel a relevé que les arrêts maladie ont entrainé la suspension du contrat de travail de la salariée, qu'il n'est justifié d'aucune visite de reprise ni de l'engagement d'une procédure de licenciement et qu'aucun élément n'est communiqué justifiant la retraite de la salariée ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, quand il ne résulte pas de ces énonciations que l'exécution du contrat de travail se soit poursuivie après le jugement frappé d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au litige.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et des demandes de Mme [P] [J] à l'encontre de Mme [Y], et D'AVOIR condamné Mme [I] veuve [Y] à délivrer à Mme [P] [J] les bulletins de salaire manquants de 1985 au 3 avril 2019, jour du prononcé de l'arrêt attaqué, ce sous astreinte de 25 € par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la notification de la décision entreprise et de lui AVOIR ordonnée de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse et de la caisse de retraite complémentaire et D'AVOIR condamné l'exposante à régulariser les cotisations sociales afférentes à l'activité de Mme [P] [J] auprès de l'URSSAF ;
AUX MOTIFS QUE Mme [I] veuve [Y] devra délivrer à Mme [P] [J] les bulletins de salaire manquants de 1985 à ce jour, sous astreinte provisoire de 25 € par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt (arrêt, pages 6 et 7) ;
1°) ALORS D'UNE PART QUE toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; Qu'en l'espèce, aux termes de ses écritures d'appel, développées oralement à l'audience, la salariée a énoncé que de 1985 à 2011, M. et Mme [Y] ne lui remettaient que ponctuellement des bulletins de paie, alors qu'elle travaillait de manière continue pour eux ; Que, dès lors, en condamnant l'exposante à délivrer à Mme [P] [J] tous les bulletins de salaire manquants sur l'intégralité de la période de 1985 au 3 avril 2019, tout en relevant que la salariée a saisi la juridiction prud'homale par acte du 1er août 2014, ce dont il résulte que son action était prescrite pour tous les bulletins de paie antérieurs au 1er août 2012, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 1471-1 du code du travail.
2°) ALORS D'AUTRE PART et à titre subsidiaire QUE la prescription des salaires instituée par l'article L. 3245-1 du code du travail concerne toute action engagée à raison des salaires ; que la délivrance d'un bulletin de paie n'étant, en application de l'article L. 3243-2 du code du travail que la conséquence du paiement du salaire, elle est soumise à la même prescription ; qu'ayant relevé que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale par acte du 1er août 2014, la cour d'appel qui néanmoins condamne l'exposante à délivrer à Mme [P] [J] tous les bulletins de salaire manquants sur l'intégralité de la période de 1985 au 3 avril 2019 a violé les articles L. 3245-1 et L. 3243-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR ordonné à Mme [I], veuve [Y] de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire ;
AUX MOTIFS QUE le défaut de délivrance de ses bulletins de salaire induit pour l'intimée un préjudice en ce qu'elle ne peut bénéficier des droits à l'ouverture d'indemnités journalières maladie ni des points de retraite ; que Mme [I] veuve [Y] sera en conséquence condamnée à lui régler la somme de 21.128 euros à titre de dommages et intérêts ;
ET AUX MOTIFS QUE Mme [I] Veuve [Y] devra délivrer à Mme [P] [J] les bulletins de salaire manquants de 1985 à ce jour, sous astreinte provisoire de 25 € par jour de retard passé le délai de trente jours à compter du présent arrêt ; il sera par ailleurs ordonné à Mme [I] veuve [Y] de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire (arrêt, pages 6 et 7) ;
ALORS QUE si le préjudice résultant, pour le salarié, de l'absence de délivrance de bulletins de paie et, partant, de l'absence de cotisation de l'employeur, pour la période correspondante, auprès des organismes de retraite, peut être réparé par l'allocation de dommages-intérêts, le principe de la réparation intégrale fait obstacle à ce qu'une telle condamnation se double d'une condamnation de l'employeur à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux ; Que, dès lors, en condamnant l'exposante à régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire, après avoir condamné Mme [Y] à payer à la salariée la somme de 21.128 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice né du défaut de délivrance de bulletin salaire ayant privé la salariée de ses droits à l'ouverture d'indemnités journalières et de ses points de retraite, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et violé l'article 1147 du code civil (devenu 1231-1 dudit code) dans sa version applicable au litige.
SEPTIEME MOYEN DE CASSATION :
Le présent moyen de cassation n'est invoqué que dans la seule mesure où l'arrêt attaqué devrait être lu comme ayant ordonné à l'exposante de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire pour l'ensemble de la période de 1985 au jour de l'arrêt.
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR ordonné à Mme [I], veuve [Y] de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire ;
AUX MOTIFS QUE Mme [I] Veuve [Y] devra délivrer à Mme [P] [J] les bulletins de salaire manquants de 1985 à ce jour, sous astreinte provisoire de 25 € par jour de retard passé le délai de trente jours à compter du présent arrêt ; il sera par ailleurs ordonné à Mme [I] veuve [Y] de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire (arrêt, pages 6 et 7) ;
ALORS QUE les cotisations sociales obligatoires mises à la charge de l'employeur étant afférentes à la rémunération des salariés, la prescription de la demande en régularisation de la situation d'un salarié dont l'employeur n'a pas cotisé auprès des organismes sociaux est soumise au régime de l'article L. 3245-1 du code du travail ; Que, dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu ordonner à l'exposante de régulariser la situation de Mme [P] [J] auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Caisse de Retraite Complémentaire pour l'ensemble de la période de 1985 au jour de son arrêt, quand la régularisation des cotisations de retraite assises sur les salaires ne pouvait être ordonnée pour la période à laquelle le droit de la salariée au paiement de ses salaires était éteint du fait de la prescription c'est-à-dire, en l'espèce, pour la période de rémunération antérieure au 1er août 2011, soit trois ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ;