LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Rejet du pourvoi incident et Cassation partielle sans renvoi
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1440 FS-B
sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen relevé d'office
Pourvoi n° D 19-18.226
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
Le Syndicat national de l'encadrement du commerce CFE-CGC (SNEC CFE-CGC) dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 19-18.226 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Conforama France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la Fédération commerce et services CFDT, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La société Conforama France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation égale annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du Syndicat national de l'encadrement du commerce (SNEC CFE-CGC), de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Conforama France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019), un accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail concernant le personnel d'encadrement a été conclu le 11 janvier 2001 au sein des sociétés Conforama France (la société), Cogedem et Conforama management services.
2. Le Syndicat national de l'encadrement du commerce SNEC CFE-CGC (le syndicat) a saisi un tribunal de grande instance aux fins notamment de voir prononcer la nullité de cet accord du 11 janvier 2001 et celle des conventions individuelles de forfait en jours prises en son application, en soutenant que ce texte ne respectait pas le droit à la santé et à la sécurité des salariés.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du syndicat, en ce qu'il vise le chef de dispositif relatif à la nullité des conventions individuelles de forfait conclues en application de l'accord d'entreprise, et sur le second moyen du pourvoi principal du syndicat, en ce qu'il vise les chefs de dispositif relatifs à l'inopposabilité des conventions de forfait en jours aux salariés concernés et au décompte du temps de travail, réunis
Enoncé du moyen
3. Le syndicat fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à la nullité des conventions individuelles de forfait conclues en application de l'accord collectif du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail, en ce qu'il a limité à la période antérieure à l'année 2015 l'inopposabilité des conventions individuelles de forfait conclues en application de cet accord, sous réserve, pour la société de justifier avoir établi après cette date le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées prévu à l'article 2.3 de l'accord et en ce qu'il a rejeté en conséquence sa demande tendant au décompte du temps de travail des salariés cadres suivant le droit commun pour la période postérieure, alors :
« 1°/ qu'un régime de forfait en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; qu'après avoir relevé que certains cadres de la société Conforama France étaient chargés d'assurer la fermeture de magasins ou d'effectuer des permanences, ce qui est antinomique avec la notion de cadre autonome, la cour a jugé que ces cadres disposaient d'une autonomie dans l'organisation de leurs fonctions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail ;
2°/ que l'article 3 de l'accord du 11 janvier 2001, portant "définition du personnel visé par l'accord", "ne définit qu'une catégorie de cadres, dite "cadres autonomes'', dans le souci de "ne pas créer de distinction de régime entre les cadres", et précise que "chaque cadre se voit confirmer et/ou reconnaître une réelle autonomie dans l'exercice de la mission qui lui est confiée" ; que l'article 4 fixe les règles d'organisation et d'aménagement du temps de travail "compte tenu de l'autonomie reconnue aux cadres et du fait qu'ils sont juges des horaires nécessaires à l'accomplissement de la mission dont ils ont la responsabilité" ; qu'en en déduisant que, parmi les cadres de la société Conforama France, l'accord ne visait que ceux bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur travail et dont les horaires ne pouvaient être fixés à l'avance, quand il résultait des termes clairs et précis des stipulations précitées que l'ensemble des salariés cadres de la société Conforama France étaient considérés comme autonomes et inclus dans le régime du forfait en jours, la cour a violé l'accord collectif du 11 janvier 2001 ;
3°/ que tout accord collectif autorisant la conclusion de conventions de forfait doit prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie du temps travaillé, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail des salariés éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; que les stipulations de l'accord du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail, qui se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail des salariés concernés, un décompte annuel des journées et demi-journées travaillées de chaque cadre et un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, n'instaurent pas un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail des salariés éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en jugeant que de telles stipulations étaient de nature à assurer la santé et la sécurité des cadres intéressés et en refusant de prononcer la nullité de cet accord et des conventions de forfait conclues en application, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4, de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
5. Si un syndicat peut agir en justice pour contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier de recours au forfait en jours, sous réserve de l'exercice éventuel par les salariés concernés des droits qu'il tiennent de la relation contractuelle, et à satisfaire aux obligations conventionnelles de nature à assurer le respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que les repos quotidiens et hebdomadaires, ses demandes tendant à obtenir, d'une part, la nullité ou l'inopposabilité des conventions individuelles de forfait en jours des salariés concernés et, d'autre part, que le décompte du temps de leur travail soit effectué selon les règles du droit commun, qui n'ont pas pour objet la défense de l'intérêt collectif de la profession, ne sont pas recevables.
6. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
Sur le premier moyen du pourvoi principal du syndicat, pris en ses deux premières branches, en ce qu'il vise le chef de dispositif relatif à la nullité de l'accord d'entreprise
Enoncé du moyen
7. Le syndicat fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 1er février 2018 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité de l'accord collectif du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail, alors :
« 1°/ qu'un régime de forfait en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; qu'après avoir relevé que certains cadres de la société Conforama France étaient chargés d'assurer la fermeture de magasins ou d'effectuer des permanences, ce qui est antinomique avec la notion de cadre autonome, la cour a jugé que ces cadres disposaient d'une autonomie dans l'organisation de leurs fonctions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail ;
2°/ que l'article 3 de l'accord du 11 janvier 2001, portant "définition du personnel visé par l'accord", "ne définit qu'une catégorie de cadres, dite "cadres autonomes'', dans le souci de "ne pas créer de distinction de régime entre les cadres", et précise que "chaque cadre se voit confirmer et/ou reconnaître une réelle autonomie dans l'exercice de la mission qui lui est confiée" ; que l'article 4 fixe les règles d'organisation et d'aménagement du temps de travail "compte tenu de l'autonomie reconnue aux cadres et du fait qu'ils sont juges des horaires nécessaires à l'accomplissement de la mission dont ils ont la responsabilité" ; qu'en en déduisant que, parmi les cadres de la société Conforama France, l'accord ne visait que ceux bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur travail et dont les horaires ne pouvaient être fixés à l'avance, quand il résultait des termes clairs et précis des stipulations précitées que l'ensemble des salariés cadres de la société Conforama France étaient considérés comme autonomes et inclus dans le régime du forfait en jours, la cour a violé l'accord collectif du 11 janvier 2001. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article L. 212-15-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, un régime de forfait en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée de travail ne peut être déterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
9. Selon l'article 3 de l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail concernant le personnel d'encadrement conclu le 11 janvier 2001 au sein des sociétés Conforama France, Cogedem et Conforama management services, le personnel cadre de la société est classé dans une catégorie unique dite "cadres autonomes". Chaque cadre se voit confirmer et/ou reconnaître une réelle autonomie dans l'exercice de la mission qui lui est confiée et, ainsi, n'est pas astreint au respect d'horaires strictement définis.
10. Cette définition, qui permet d'apprécier le degré d'autonomie des catégories de salariés concernés, est conforme aux exigences de l'article L. 212-15-3 III du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dans la mesure où, d'une part, la convention de forfait doit faire l'objet d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié et où, d'autre part, il appartient au juge de vérifier en cas de litige que les fonctions effectivement exercées par le cadre ne lui permettent pas d'être soumis à l'horaire collectif de travail.
11. La cour d'appel a fait ressortir que les sujétions imposées à certains cadres d'assurer la fermeture du magasin ou d'effectuer des permanences ne les empêchaient pas de disposer d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et ne les contraignaient pas à être soumis à l'horaire collectif, de sorte que ces salariés étaient susceptibles de relever du régime du forfait en jours.
12. Le moyen, qui en sa deuxième branche critique des motifs du jugement qui n'ont pas été adoptés par la cour d'appel, n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen du pourvoi principal du syndicat, pris en sa troisième branche, en ce qu'il vise le chef de dispositif relatif à la nullité de l'accord d'entreprise
Enoncé du moyen
13. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout accord collectif autorisant la conclusion de conventions de forfait doit prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie du temps travaillé, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail des salariés éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; que les stipulations de l'accord du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail, qui se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail des salariés concernés, un décompte annuel des journées et demi-journées travaillées de chaque cadre et un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, n'instaurent pas un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail des salariés éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en jugeant que de telles stipulations étaient de nature à assurer la santé et la sécurité des cadres intéressés et en refusant de prononcer la nullité de cet accord et des conventions de forfait conclues en application, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4, de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
14. L'article 4 de l'accord d'entreprise prévoit, d'une part, que la mission et la charge de travail confiées aux cadres ne devaient pas conduire à imposer un horaire moyen sur l'année supérieur à huit heures de temps de travail effectif par jour soit l'équivalent de 1 736 heures à l'année pour la majorité des cadres et en particulier les responsables de rayon, les responsables administratifs, les responsables de dépôt, les responsables "front-office" et les autres cadres de niveau comparable dans le réseau ou au siège, d'autre part, que les cadres ne devraient pas dépasser un horaire quotidien de dix heures de temps de travail effectif et ne pourraient être astreints à respecter un tel horaire. Il en découle que l'employeur doit définir et adapter la charge de travail confiée au salarié dans le respect des plafonds horaires conventionnels.
15. Aux termes de l'article 7.2 de l'accord d'entreprise, les signataires du texte étaient convenus de rechercher une organisation du temps de travail permettant l'octroi systématique des deux jours entiers de repos hebdomadaire par semaine accolés ou non suivant les besoins des établissements et que chaque cadre devrait bénéficier d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 35 heures consécutives, sauf dérogation en cas de circonstances exceptionnelles et dans les conditions prescrites par la législation.
16. Il résulte de ces dispositions que l'employeur doit notamment veiller au risque de surcharge de travail du salarié et y remédier, de sorte que le contrôle de la durée maximale de travail soit assuré.
17. La cour d'appel, qui a retenu que les stipulations de l'accord d'entreprise étaient de nature à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours, a fait l'exacte application de la loi.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal du syndicat, en ce qu'il vise le chef de dispositif relatif à l'inopposabilité de l'accord d'entreprise
Enoncé du moyen
19. Le syndicat fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de grande instance en ce qu'il a limité à la période antérieure à l'année 2015 l'inopposabilité de l'accord du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail, alors :
« 1°/ que le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet cet accord et les conventions de forfait conclues en application ; que, pour juger que l'accord du 11 janvier 2001 et les conventions de forfait étaient opposables aux salariés à compter de l'année 2015, sous réserve pour la société de justifier avoir établi après cette date le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées prévu à l'article 2.3 de l'accord, la cour a relevé que le décompte annuel des jours travaillés paraissait assuré et que les entretiens annuels ont abordé l'organisation et la charge de travail des salariés à partir de cette année, conformément à l'article 2.3 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, après 2015, la société Conforama France avait respecté les règles posées aux articles 4 et 7.2 de l'accord, relatives aux horaires et aux jours de travail des cadres, aux mesures de suivi de la hiérarchie et au repos hebdomadaire, ainsi que cela lui était demandé par le syndicat national de l'encadrement du commerce CFE-CGC, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient au juge de trancher, en droit et en fait, le litige dont il est saisi ; que, saisie d'une demande tendant à ce que la violation de l'accord du 11 janvier 2001 par la société Conforama soit constatée et sanctionnée, la cour était tenue de se prononcer sur les manquements allégués pour l'ensemble de la durée d'application de cet accord ; qu'en limitant son analyse à la période antérieure à 2015 et en réservant à la société Conforama France la possibilité d'apporter des justifications pour la période ultérieure, la cour a commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
20. Le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours, s'il prive d'effet les conventions individuelles de forfait conclues sur son fondement, n'entraîne pas l'inopposabilité de cet accord collectif aux salariés auxquels il s'applique.
21. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, en ce qu'il vise le chef de dispositif relatif au respect des garanties prévues par l'accord d'entreprise
Enoncé du moyen
22. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de grande instance en ce qu'il a dit qu'il n'avait pas respecté les garanties imposées par l'accord du 11 janvier 2001 relatives au respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires, alors « que l'employeur doit observer les stipulations de l'accord collectif, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le décompte annuel des jours travaillés par les cadres autonomes en forfait jours était assuré par les pièces produites par la société Conforama France, ce qui établissait que l'employeur respectait l'obligation d'effectuer un décompte forfaitaire, chaque année, du nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées (art. 2.3 "modalités de décompte du temps de travail") ; qu'elle a aussi constaté que "les formulaires d'entretien annuel communiqués par le SNEC CFE-CGC pour les années 2012-2013" concernaient "essentiellement l'évaluation de la performance et des compétences du salarié, la charge de travail étant simplement citée entre parenthèses dans le cadre des commentaires relatifs à la réalisation des objectifs de l'exercice", ce qui impliquait que la question de la charge de travail de chaque salarié était abordée au cours d'entretiens annuels, conformément à l'article 2.3 de l'accord exigeant un suivi au moins une fois par an à l'occasion d'entretiens individuels de l'organisation du travail de chaque salarié et ses moyens de l'optimiser et, conformément à l'article 4 exigeant que la charge de travail des cadres soit "examinée, chaque année, lors des entretiens d'appréciation" ; que la cour d'appel a également relevé, par motifs adoptés des premiers juges, que l'employeur s'était conformé aux exigences de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001, puisqu'il est indiqué sur les bulletins de paie le nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait annuel (218 jours avec la journée de solidarité), le récapitulatif des droits à congés échus et des droits en cours, des droits à RTT et du solde de repos ; qu'en décidant, au mépris de ses propres constatations, que l'employeur n'avait pas, avant 2015, observé les stipulations de l'accord collectif, cependant que le respect de celui-ci était établi même avant 2015, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
23. La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, qu'il ressortait des comptes-rendus des réunions du comité d'entreprise des 28 avril 2014 et 24 juin 2014 qu'aucun dispositif n'avait été mis en place au sein de la société pour s'assurer du respect effectif des durées maximales de travail. Elle a constaté, par motifs propres, que les entretiens annuels d'évaluation portaient essentiellement sur la performance et les compétences des salariés et que l'employeur s'était montré défaillant dans son obligation d'effectuer un suivi régulier de la charge de travail.
24. Elle en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas respecté les clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours.
25. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
26. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 212-15-3 III du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 :
27. Selon ce texte, la convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.
28. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 était inopposable, jusqu'en 2014, aux salariés cadres ayant conclu une convention de forfait en jours, l'arrêt retient que l'absence de mise en oeuvre par la société de mécanismes de contrôle de la charge des cadres autonomes a rendu inopposable à ces personnels l'accord du 11 janvier 2001 jusqu'en 2014 inclus et que ceux-ci se trouvaient donc, dans les limites de la prescription, soumis à la réglementation de droit commun du temps de travail.
29. En statuant ainsi, alors que le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours n'entraîne pas son inopposabilité aux salariés, mais la privation d'effet des conventions individuelles conclues en application de cet accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
30. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
31. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du 1er février 2018 en ce qu'il dit que l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail concernant le personnel d'encadrement conclu le 11 janvier 2001 au sein des sociétés Conforama France, Cogedem et Conforama management services et les conventions de forfait en jours prises en application de cet accord étaient inopposables aux salariés cadres soumis au forfait en jours, jusqu'en 2014, sous réserve pour la société de justifier avoir établi après cette date le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées, prévu à l'article 2.3. de l'accord, et en ce qu'il a dit que jusqu'en 2014, et dans la limite du délai de prescription, le temps de travail des salariés cadres devait être décompté suivant le droit commun et toute heure supplémentaire effectuée au-delà de la durée légale, payée et majorée, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DEBOUTE le Syndicat national de l'encadrement du commerce SNEC CFE-CGC de sa demande tendant à ce que l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail concernant le personnel d'encadrement conclu le 11 janvier 2001 au sein des sociétés Conforama France, Cogedem et Conforama management services soit déclaré inopposable aux salariés relevant de cet accord ;
Condamne le Syndicat national de l'encadrement du commerce SNEC CFE-CGC aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national de l'encadrement du commerce (SNEC CFE-CGC), demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 1er février 2018 en ce qu'il avait débouté le syndicat de sa demande de nullité de l'accord collectif du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail et des conventions individuelles de forfait conclues en application ;
Aux motifs que « sur la détermination des catégories de cadres, l'article 3 de l'accord du 11 janvier 2001, intitulé : ‘'Définition du personnel visé par l'accord'', stipule que : ‘'Il a été convenu avec les organisations syndicales signataires, et afin de répondre aux souhaits exprimés par le personnel cadre au travers des réunions d'écoute et d'échanges, pour l'application du présent accord, de ne définir qu'une catégorie de cadres, dite ‘'cadres autonomes''. / En effet, les partenaires sociaux ont eu le souci : - d'une part, de ne pas créer de distinction de régime entre les cadres, afin de ne pas dévaloriser le statut des uns par rapport à celui des autres ; et, d'autre part, que chaque cadre se voit confirmer et/ou reconnaître une réelle autonomie dans l'exercice de la mission qui lui est confiée et, ainsi, de ne pas les astreindre au respect d'horaires strictement définis. / A cet égard, les parties précisent que sont notamment concernés les responsables de rayon, les responsables de dépôts, ainsi que certains responsables front-office et certains responsables administratifs principalement ceux des établissements importants : sur ce point, ceux d'entre eux qui, à la date du présent accord, n'ont pas la qualité de cadre se verront confier des responsabilités élargies et proposer progressivement, au cours de l'année 2001, un avenant à leur contrat de travail leur permettant d'accéder volontairement à ce statut. / Il ressort de même pour certains experts techniques de plateformes SAV qui pourront se voir confier des responsabilités élargies et donc se voir proposer courant 2001 un avenant leur permettant de passer cadre. / Il doit néanmoins être rappelé que l'autonomie qui est ainsi accordée à l'ensemble des cadres des Sociétés signataires ne devra pas s'exercer au détriment de la nécessaire continuité de service, et que ceux-ci devront donc se concerter pour ne pas apporter de désorganisation au bon fonctionnement du magasin ou du service au sein duquel ils interviennent. [...]'' ; que le tribunal en a exactement déduit qu'il résultait de l'ensemble de ces dispositions, que l'accord précise la catégorie des salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait en jours et que la définition des cadres concernés par ce dispositif répond aux conditions conventionnelles, légales et jurisprudentielles, peu important comme le soutient le syndicat SNEC CFE CGC, que certains cadres soient soumis à une obligation d'assurer la fermeture de magasins ou d'effectuer des permanences dès lors que ces cadres ne sont pas soumis à un horaire collectif de travail et qu'ils disposent d'une autonomie dans l'organisation de la fonction qui leur est confiée ; qu'il a donc justement écarté ce chef de nullité, ce que la cour confirme ; que, sur les modalités de contrôle de l'aménagement du temps de travail et de la charge de travail, l'article 4 de l'accord, intitulé ‘'Mode d'organisation et d'aménagement du temps de travail'' stipule que : ‘'Compte tenu de l'autonomie reconnue aux cadres et du fait qu'ils sont juges des horaires nécessaires à l'accomplissement de la mission dont ils ont la responsabilité, les parties signataires sont convenues d'arrêter les dispositions suivantes : Nombre de jours travaillés maximum de 217 jours par année civile pour les cadres bénéficiant de droits complets en matière de congés légaux payés. / Les jours de congés supplémentaires pour ancienneté seront déduits de ces 217 jours. Les partenaires sociaux ont, par ailleurs, adopté les dispositions complémentaires suivantes : La mission et la charge de travail confiées aux cadres ne doivent pas conduire à imposer un horaire moyen sur l'année supérieur à 8 heures de temps de travail effectif par jour soit l'équivalent de 1 736 heures à l'année pour la majorité des cadres des sociétés signataires et en particulier les responsables de rayon, les responsables administratifs, les responsables de dépôts, les responsables Front-Office et les autres cadres de niveau comparable dans le réseau ou au siège. En tout état de cause, les cadres ne devront pas dépasser un horaire quotidien de 10 heures de temps de travail effectif et ne pourront être astreints à respecter un tel horaire. Nonobstant les dispositions ci-dessus, il est expressément convenu que l'ensemble des cadres bénéficiera d'une organisation du temps de travail sous forme de forfait annuel en jours au sein des dispositions de l'article L. 212-15-3 du code du travail. Ce passage à 217 jours représentera donc des jours de repos liés à la réduction du temps de travail, dont le nombre sera défini chaque année en fonction du positionnement des jours fériés. Les dispositions ci-dessus feront l'objet d'un suivi par un moyen de contrôle approprié qui sera mis en place par la Direction. [...] Enfin, la charge de travail des cadres devra naturellement être en adéquation avec les exigences du présent accord et sera examinée, chaque année, lors des entretiens d'appréciation. [?]'' ; que, par ailleurs, l'article 7.2 relatif au ‘'Repos hebdomadaire'' stipule que : ‘'Les parties sont convenues de rechercher une organisation du temps de travail permettant l'octroi systématique des deux jours entiers de repos hebdomadaire par semaine accolés ou non suivant les besoins des établissements./ De plus, sous réserve des contraintes particulières d'activité, et principalement des périodes de forte activité de fin d'année, au moins 1 de ces 2 jours de repos hebdomadaires sera pris pendant le week-end. / En tout état de cause, un même cadre ne pourra travailler plus de six jours par semaine et, de préférence, pas plus de 6 jours consécutifs. / La sixième journée qui pourrait être demandée aux cadres doit répondre à des besoins exceptionnels et limités dans le temps. / Cette sixième journée sera récupérable pour tenir compte de l'obligation de respecter 217 jours au total. /Chaque cadre devra bénéficier également d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 35 heures consécutives, sauf dérogation en cas de circonstances exceptionnelles et dans les conditions prescrites par la législation.'' ; que l'article 2.3 de cet accord, relatif aux ‘'Modalités de décompte du temps de travail'' stipule encore, que : ‘'Le temps de travail du personnel cadre est défini et arrêté selon les modalités définies à l'article 4. Le contrôle du temps de travail sera opéré par un système ou document décomptant forfaitairement, chaque année, le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées. / Chaque supérieur hiérarchique direct devra régulièrement, et au moins une fois par an à l'occasion des entretiens individuels, suivre l'organisation du travail de chaque cadre concerné et étudier les moyens d'optimiser cette organisation. / A cet égard, celui-ci devra rechercher, le cas échéant, un meilleur équilibre des tâches entre les différents collaborateurs cadres qui lui sont rattachés'' ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que l'accord du 11 janvier 2001 précise le nombre de jours forfaitisés, les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées, les règles de repos, les modalités de contrôle de l'application du forfait en jours, ainsi que les modalités de suivi de l'organisation du travail des cadres concernés, l'amplitude de leurs journées de travail et leur charge de travail et qu'il contient des mesures concrètes d'application des conventions de forfait annuel en jours de nature à assurer le respect des durées maximales de travail ainsi que la protection de la santé et de la sécurité des personnels cadres soumis au forfait annuel en jours, sans pouvoir encourir la nullité de ce chef, ce que la cour confirme ; que la cour confirmera en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la demande de nullité subséquente des conventions individuelles de forfait jours conclues en application de cet accord » (p. 5-6) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « le syndicat SNEC CFE-CGC soutient que l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail du 11 janvier 2001 est nul en ce que les clauses de l'accord ne définissent pas de manière précise les cadres soumis au forfait annuel en jours et ne permettent pas un contrôle effectif de l'aménagement du temps de travail et de la charge du travail des salariés concernés ; que, subsidiairement, il fait valoir que l'accord est inopposable aux salariés dans la mesure où les modalités de contrôle de la durée du temps de travail et de la charge de travail n'ont jamais été mise en place par l'employeur. ; que la société Conforama conclut à la validité de l'accord et réfute les critiques invoquées par le demandeur ; qu'il convient de vérifier si l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail du 11 janvier 2001, respecte les critères légaux et jurisprudentiels ; qu'il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles susvisés des Directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ; que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; qu'aux termes de la législation en vigueur au moment de la signature de l'accord (article L. 212-15-3 ancien du code du travail issu de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000), l'accord collectif ou d'entreprise doit déterminer les catégories de cadres susceptibles de bénéficier des conventions individuelles de forfait en jours, les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues ; que l'accord doit également fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi et déterminer les limites journalières et hebdomadaires ; que l'accord doit encore prévoir les modalités de contrôle de l'application des maxima conventionnels et déterminer les conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés ; que la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié les dispositions de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 et instauré l'article L. 3121-39 (ancien) du code du travail disposant que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ; que cet article réaffirme en outre que l'accord collectif détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions; que l'article 19 de la loi du 20 août 2008 précise que les accords conclus en application des articles du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi restent en vigueur ; que sur la détermination des catégories de cadres : la critique du syndicat SNCE CFE-CGC porte sur le contenu de la clause de l'accord déterminant le personnel concerné par le régime de forfait en jours, qui, selon le demandeur, ne définirait pas, selon des critères précis, la catégorie des cadres pouvant être soumis à une convention de forfait en jours ; que la loi renvoie aux conventions et accords collectifs le soin de déterminer la catégorie des cadres susceptibles de relever du régime des forfaits en jours ; que la loi encadre toutefois cette définition ; que selon l'article L. 212-15, III, dans sa rédaction applicable au litige, seuls peuvent relever de cette catégorie les cadres pour lesquels la durée de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exerçaient et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps ; que la Cour de cassation juge que pour être conforme aux exigences de l'article L. 212-15-3, III ancien du code du travail, la définition du cadre stipulée dans l'accord collectif doit permettre d'apprécier le degré d'autonomie du salarié, et qu'il appartient au juge de vérifier, au cas par cas, si l'autonomie du cadre est bien réelle et si ses fonctions ne lui permettent pas ainsi d'être soumis à l'horaire collectif de travail (Cass. soc., 26 mai 2004, pourvoi non-18.756) ; qu'en l'espèce, l'accord du 11 janvier 2001 prévoit dans son article 3 ‘'définition du personnel visé par l'accord'' que sont soumis au forfait annuel en jours les ‘'cadres autonomes'', notamment les responsables de rayon, les responsables de dépôts, ainsi que certains responsables Front-Office et certains responsables administratifs principalement ceux des établissements importants'' ; que l'article 4 de l'accord énonce que les cadres visés par l'accord sont ceux qui bénéficient d'une autonomie et qui sont juges des horaires nécessaires à l'accomplissement de la mission dont ils ont la responsabilité ; que les partenaires sociaux ont par ailleurs précisé dans l'accord (article 3) que l'autonomie qui est accordée aux cadres concernés ‘'ne doit pas s'exercer au détriment de la nécessaire continuité du service'' et que cette autonomie ne doit pas ‘'apporter de désorganisation au bon fonctionnement du magasin ou du service'', rappelant ainsi la distinction entre autonomie et indépendance ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, que l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 précise la catégorie des salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait en jours et que la définition des cadres concernés par ce dispositif répond aux conditions conventionnelles, légales et jurisprudentielles, peu important comme le soutient le syndicat SNEC CFE-CGC, que certains cadres soient soumis à une obligation d'assurer la fermeture de magasins ou d'effectuer des permanences dès lors que ces cadres ne sont pas soumis à un horaire collectif et qu'ils disposent d'une autonomie dans l'organisation de la fonction qui leur est confiée ; que la demande en nullité de l'accord de ce chef sera en conséquence écartée ; que sur les modalités de contrôle de l'aménagement du temps de travail et de la charge de travail, le syndicat SNEC CFE-CG soutient que les clauses de l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail du 11 janvier 2001, ne permettent pas d'assurer la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle précis de l'amplitude et de la charge de travail des salarié concernés et par conséquent de garantir qu'elles restent raisonnables ; que la société Conforama écarte ces critiques en faisant valoir que les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 prévoient la mise en place d'un système de décompte du temps de travail des salariés concernés par le biais des fiches de paie ; que l'accord rappelle les obligations légales en matière de repos quotidien et hebdomadaire ; qu'elle soutient par ailleurs que l'accord prévoit les modalités du suivi de la charge de travail, l'organisation du travail faisant l'objet d'un suivi régulier et la question de la charge de travail étant abordée lors de l'entretien annuel ; qu'il convient dès lors de vérifier si l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail du 11 janvier 2001 répond aux exigences légales relatives à la protection de la santé et de la sécurité des cadres relevant du statut d'autonomie et soumis à une convention de forfait annuel en jours ; que plus précisément, il convient de vérifier si l'accord prévoit la mise en place par l'employeur d'un dispositif de contrôle et de surveillance lui permettant de vérifier la charge et l'amplitude de travail des salariés cadres ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 énonce en son article 4, que les personnels relevant de l' accord sont soumis à un forfait annuel en jours évalué à 217 jours par an, que la mission et la charge de travail confiées aux cadres ne doivent pas conduire à imposer un horaire moyen sur l'année supérieur à 8 heures de temps de travail effectif par jour, soit l'équivalent de 1 736 heures à l'année, qu'en tout état de cause, les cadres ne devront pas dépasser un horaire quotidien de 10 heures de temps effectif et ne pourront être astreints à respecter un tel horaire ; que le passage à 217 jours représentera des jours de repos liés à la réduction du temps de travail dont le nombre sera défini chaque année en fonction du positionnement des jours fériés ; que ces dispositions feront l'objet d'un suivi par un moyen de contrôle approprié qui sera mis en place par la Direction ; que les jours de repos de réduction du temps de travail devront être pris au cours de l'année civile d'acquisition ; qu'enfin la charge de travail des cadres devra être en adéquation avec les exigences de l'accord et sera examinée, chaque année lors des entretiens d ' appréciation ; que par ailleurs, il est précisé à l'article 2 (point 2.3) ‘'modalités de décompte du temps de travail'' de l'accord, que le forfait annuel en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés qui sera opéré par un système ou document décomptant forfaitairement, chaque année, le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées ; que par ailleurs, chaque supérieur hiérarchique direct devra régulièrement et au moins une fois par an à l'occasion des entretiens individuels, suivre l'organisation du travail de chaque cadre concerné et étudier les moyens d'optimiser cette organisation, qu'à cet égard, le supérieur hiérarchique devra rechercher, le cas échéant, un meilleur équilibre des tâches entre les différents collaborateurs cadres qui lui sont rattachés ; qu'ainsi, l'accord du 11 janvier 2001 précise le nombre de jours forfaitisés, les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées, les règles de repos, les modalités de contrôle de l'application du forfait en jours, ainsi que les modalités de suivi de l'organisation du travail des cadres concernés, l'amplitude de leurs journées de travail et la charge de travail ; qu'il en résulte que l'accord pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail du 11 janvier 2001 contient des mesures concrètes d'application des conventions de forfait annuel en jours de nature à assurer le respect des durées maximales de travail et la protection de la santé et de la sécurité des personnels cadres soumis au forfait annuel en jours ; que l'accord du 11 janvier 2001 est donc conforme aux dispositions légales et jurisprudentielles ; que la demande en nullité de l'accord en ce qu'il ne contiendrait pas des garanties suffisantes pour assurer la protection de la santé et la sécurité des salariés cadres soumis à une convention de forfait annuel en jours, sera en conséquence rejetée ; que par ailleurs, le débat sur l'application des dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail issu de la loi du 9 août 2016, qui permet à l'employeur de régulariser une convention de forfait en jours en comblant les lacunes de l'accord collectif, est inopérant, dès lors que cette loi est destinée à atténuer les conséquences de l'annulation des dispositions conventionnelles relatives au forfait en jours » (p. 5-9) ;
1) Alors qu'un régime de forfait en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; qu'après avoir relevé que certains cadres de la société Conforama France étaient chargés d'assurer la fermeture de magasins ou d'effectuer des permanences, ce qui est antinomique avec la notion de cadre autonome, la cour a jugé que ces cadres disposaient d'une autonomie dans l'organisation de leurs fonctions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail ;
2) Alors que l'article 3 de l'accord du 11 janvier 2001, portant « définition du personnel visé par l'accord », « ne définit qu'une catégorie de cadres, dite ‘'cadres autonomes'' », dans le souci de « ne pas créer de distinction de régime entre les cadres », et précise que « chaque cadre se voit confirmer et/ou reconnaître une réelle autonomie dans l'exercice de la mission qui lui est confiée » ; que l'article 4 fixe les règles d'organisation et d'aménagement du temps de travail « compte tenu de l'autonomie reconnue aux cadres et du fait qu'ils sont juges des horaires nécessaires à l'accomplissement de la mission dont ils ont la responsabilité » ; qu'en en déduisant que, parmi les cadres de la société Conforama France, l'accord ne visait que ceux bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur travail et dont les horaires ne pouvaient être fixés à l'avance, quand il résultait des termes clairs et précis des stipulations précitées que l'ensemble des salariés cadres de la société Conforama France étaient considérés comme autonomes et inclus dans le régime du forfait en jours, la cour a violé l'accord collectif du 11 janvier 2001 ;
3) Alors que tout accord collectif autorisant la conclusion de conventions de forfait doit prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie du temps travaillé, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail des salariés éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; que les stipulations de l'accord du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail, qui se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail des salariés concernés, un décompte annuel des journées et demi-journées travaillées de chaque cadre et un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, n'instaurent pas un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail des salariés éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ; qu'en jugeant que de telles stipulations étaient de nature à assurer la santé et la sécurité des cadres intéressés et en refusant de prononcer la nullité de cet accord et des conventions de forfait conclues en application, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4, de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 1er février 2018 en ce qu'il avait limité à la période antérieure à l'année 2015 l'inopposabilité de l'accord du 11 janvier 2001 pour le développement de l'emploi par la réduction négociée et l'aménagement du temps de travail et des conventions individuelles de forfait conclues en application, sous réserve pour la société de justifier avoir établi après cette date le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées prévu à l'article 2.3 de l'accord, et rejeté en conséquence la demande du syndicat tendant au décompte du temps de travail des salariés cadres suivant le droit commun pour la période postérieure ;
Aux motifs que « sur l'inopposabilité de cet accord aux cadres de la société Conforama France, à titre subsidiaire, le SNEC CFE-CGC, comme devant le premier juge, plaide l'inopposabilité des stipulations de l'accord du 11 janvier 2001 aux cadres de la société Conforama France du fait de l'absence d'examen de la charge de travail dans le cadre des entretiens annuels d'évaluation jusqu'en 2015, en violation des stipulations de son article 4 et même à compter de 2015, considérant que les questions posées depuis lors au salarié sont trop succinctes pour assurer une effectivité du contrôle de l'application de cet accord ; que la société Conforama France lui rétorque que le contrôle du nombre de jours travaillés s'effectue par le biais des bulletins de paie des salariés concernés, d'un décompte annuel des journées travaillées ; que le supérieur hiérarchique effectue un suivi régulier de l'organisation et de la charge de travail des salariés, notamment évoquées lors de l'entretien annuel et, depuis 2014, lors d'un entretien distinct, qui relève des dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version applicable jusqu'au 10 août 2016, et non de l'accord et qui n'avait donc pas à être soumis à consultation-information du comité d'entreprise ; que si le décompte annuel des jours travaillés par les cadres autonomes en forfait jours apparaît assuré par les pièces que la société Conforama France met aux débats, en revanche, force est de constater que, comme l'a justement relevé le tribunal, avant 2015, année pour laquelle elle produit un questionnaire complet et détaillé relatif à la charge et l'organisation du travail, le contrôle de celles-ci était défaillant, les formulaires d'entretien annuel communiqués par le SNEC CFE-CGC pour les années 2012-2013 concernant essentiellement l'évaluation de la performance et des compétences du salarié, la charge de travail étant simplement citée entre parenthèses dans le cadre des commentaires relatifs à la réalisation des objectifs de l'exercice ; qu'il a donc exactement retenu, jusqu'en 2014 inclus, une absence de mise en oeuvre par la société Conforama France de mécanismes de contrôle de la charge des cadres autonomes qui a rendu ainsi inopposable à ces personnels l'accord du 11 janvier 2001, lesquels se trouvaient donc jusqu'alors, dans les limites de la prescription, soumis à la réglementation de droit commun du temps de travail, ce que la cour confirme ; que la cour confirmera pareillement la non prise en compte des dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail, invoquées par la société Conforama France, du fait de leur caractère supplétif aux stipulations que l'accord du 11 janvier 2001 contient et aussi de sa date d'entrée en vigueur en 2016, postérieurement à la régularisation des mesures de contrôle de la charge de travail mises en place par cette société » (p. 6-7) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés qu' « il ne suffit pas que l'accord d'entreprise soit conforme aux exigences légales et jurisprudentielles relatives au droit à la santé et au repos, encore faut-il que l'employeur applique cet accord en mettant en oeuvre les mesures de suivi et de contrôle du temps de travail et de la charge de travail du salarié cadre soumis à une convention individuelle de forfait en jours, à défaut celle-ci est privée d'effet (Cass. Soc, 2 juillet 2014, pourvoi n0 13-11.940) ; que sur le respect par l'employeur des mécanismes de contrôle prévus par l'accord, s'il apparaît à l'examen des bulletins paie produits par l'employeur (pièce no 7) que ce dernier s'est conformé aux exigences de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001, puisqu'il est indiqué sur ces documents le nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait annuel (218 jours avec la journée de solidarité), le récapitulatif des droits à congés échus et des droits en cours, des droits à RTT et du solde de repos, l'employeur ne produit pas le décompte annuel du nombre de jours travaillés prévu par l'article 2.3 de l'accord, alors qu'il affirme dans un courrier adressé à la DIRECCTE Région Ile de France le 20 mai 2011 avoir établi le décompte annuel auquel il est tenu en vertu de l'accord (pièce du IO-N défendeur no 12) ; que par ailleurs, si l'article 4 de l'accord du 11 janvier 2001 prévoit des mesures permettant de garantir que l'amplitude et la charge de travail des salariés cadres restent raisonnables, il ressort des comptes rendus de réunion du Comité d'Entreprise des 28 avril 2014 et 24 juin 2014 (pièce du demandeur n0 26 et 27), qu'aucun dispositif n'a été mis en place par l'employeur pour s'assurer du respect effectif des durées maximales de travail, qu'en outre la société Conforama ne justifie pas avoir mis en oeuvre, conformément à l'accord d'entreprise, un contrôle de la charge de travail des salariés lors des entretiens annuels d'appréciation, les comptes rendus des entretiens individuels produits par le demandeur jusqu'en 2013 (pièces no 13, 14, 15) ne mentionnant aucune évaluation de la charge de travail ; que ce n'est qu'à partir de 2014, que l'entretien annuel pour les salariés au forfait jours fait état de l'organisation et de la charge de travail (pièces du demandeur no 18 et 19, pièces de la défenderesse no 10 et 11) ; qu'il s'en déduit que l'employeur n'a pas respecté au moins jusqu' en 2014 (s'agissant de l'entretien annuel sur la charge de travail), les garanties de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 destinés à assurer le respect des durées maximales de travail et des repos des salariés cadres soumis au forfait en jours, faute pour ce dernier d'avoir mis en oeuvre l'entretien annuel sur la charge de travail des salariés prévu dans l'accord ; que le non-respect par l'employeur des mécanismes de contrôle prévus dans l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 rend inopposable cet accord aux salariés cadres et prive d'effet les conventions de forfait en jours à l'égard des salariés concernés, et ce, à compter de la défaillance de l'employeur (janvier 2001) et jusqu'à ce que celui-ci justifie une exécution conforme aux exigences de l'accord (établissement du document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées travaillées (pièce no 12), conformément aux dispositions conventionnelles (article 2.3.), entretiens annuels spécifiques sur l'organisation et la charge du travail) ; que les conventions de forfait en jours étant privées d'effet jusqu'en 2014 (sous réserve que l'employeur justifie avoir établi comme il y est tenu, le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées travaillées), le temps de travail des salariés cadres doit, sur la période considérée et dans la limite du délai de prescription de trois ans, être décompté suivant le droit commun de l'article L. 3121-10 du code du travail avec pris en compte des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale » (p. 9-10) ;
1) Alors que le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet cet accord et les conventions de forfait conclues en application ; que, pour juger que l'accord du 11 janvier 2001 et les conventions de forfait étaient opposables aux salariés à compter de l'année 2015, sous réserve pour la société de justifier avoir établi après cette date le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées prévu à l'article 2.3 de l'accord, la cour a relevé que le décompte annuel des jours travaillés paraissait assuré et que les entretiens annuels ont abordé l'organisation et la charge de travail des salariés à partir de cette année, conformément à l'article 2.3 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, après 2015, la société Conforama France avait respecté les règles posées aux articles 4 et 7.2 de l'accord, relatives aux horaires et aux jours de travail des cadres, aux mesures de suivi de la hiérarchie et au repos hebdomadaire, ainsi que cela lui était demandé par le syndicat national de l'encadrement du commerce CFE-CGC, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail ;
2) Alors qu'il appartient au juge de trancher, en droit et en fait, le litige dont il est saisi ; que, saisie d'une demande tendant à ce que la violation de l'accord du 11 janvier 2001 par la société Conforama soit constatée et sanctionnée, la cour était tenue de se prononcer sur les manquements allégués pour l'ensemble de la durée d'application de cet accord ; qu'en limitant son analyse à la période antérieure à 2015 et en réservant à la société Conforama la possibilité d'apporter des justifications pour la période ultérieure, la cour a commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil.
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Conforama France, demanderesse au pourvoi incident
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant dit que la société Conforama France n'avait pas respecté les garanties imposées par l'accord du 11 janvier 2001 relatives au respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires, d'avoir jugé en conséquence que l'accord et les conventions de forfait en jours prises en application étaient inopposables aux salariés cadres jusqu'en 2014, et que jusqu'en 2014 et dans la limite du délai de prescription, le temps de travail des salariés cadres devait être décompté suivant le droit commun et que toute heure supplémentaire effectuée au-delà de la durée légale devait être payée et majorée ;
Aux motifs propres que sur l'inopposabilité de cet accord aux cadres de la société Conforama France, à titre subsidiaire, le SNEC CFE-CGC, comme devant le premier juge, plaide l'inopposabilité des stipulations de l'accord du 11 janvier 2001 aux cadres de la société Conforama France du fait de l'absence d'examen de la charge de travail dans le cadre des entretiens annuels d'évaluation jusqu'en 2015, en violation des stipulations de son article 4 et même à compter de 2015, considérant que les questions posées depuis lors au salarié sont trop succinctes pour assurer une effectivité du contrôle de l'application de cet accord ; que la société Conforama France lui rétorque que le contrôle du nombre de jours travaillés s'effectue par le biais des bulletins de paie des salariés concernés, d'un décompte annuel des journées travaillées ; que le supérieur hiérarchique effectue un suivi régulier de l'organisation et de la charge de travail des salariés, notamment évoquées lors de l'entretien annuel et, depuis 2014, lors d'un entretien distinct, qui relève des dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version applicable jusqu'au 10 août 2016, et non de l'accord et qui n'avait donc pas à être soumis à consultation-information du comité d'entreprise ; que si le décompte annuel des jours travaillés par les cadres autonomes en forfait jours apparaît assuré par les pièces que la société Conforama France met aux débats, en revanche, comme l'a justement relevé le tribunal, avant 2015, année pour laquelle elle produit un questionnaire complet et détaillé relatif à la charge et l'organisation du travail, le contrôle de celles-ci était défaillant, les formulaires d'entretien annuel communiqués par le SNEC CFE-CGC pour les années 2012-2013 concernant essentiellement l'évaluation de la performance et des compétences du salarié, la charge de travail étant simplement citée entre parenthèses dans le cadre des commentaires relatifs à la réalisation des objectifs de l'exercice ; qu'il a donc exactement retenu, jusqu'en 2014 inclus, une absence de mise en oeuvre par la société Conforama France de mécanismes de contrôle de la charge des cadres autonomes qui a rendu ainsi inopposable à ces personnels l'accord du 11 janvier 2001, lesquels se trouvaient donc jusqu'alors, dans les limites de la prescription, soumis à la réglementation de droit commun du temps de travail, ce que la cour confirme ; que la cour confirmera pareillement la non prise en compte des dispositions de l'article L. 3121-65 du code du travail, invoquées par la société Conforama France, du fait de leur caractère supplétif aux stipulations que l'accord du 11 janvier 2001 contient et aussi de sa date d'entrée en vigueur en 2016, postérieurement à la régularisation des mesures de contrôle de la charge de travail mises en place par cette société ;
Et aux motifs adoptés que sur le respect par l'employeur des mécanismes de contrôle prévus par l'accord, s'il apparaît à l'examen des bulletins paie produits par l'employeur (pièce n° 7) que ce dernier s'est conformé aux exigences de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001, puisqu'il est indiqué sur ces documents le nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait annuel (218 jours avec la journée de solidarité), le récapitulatif des droits à congés échus et des droits en cours, des droits à RTT et du solde de repos, l'employeur ne produit pas le décompte annuel du nombre de jours travaillés prévu par l'article 2.3 de l'accord, alors qu'il affirme dans un courrier adressé à la DIRECCTE Région Ile de France le 20 mai 2011 avoir établi le décompte annuel auquel il est tenu en vertu de l'accord (pièce du défendeur n° 12) ; que par ailleurs, si l'article 4 de l'accord du 11 janvier 2001 prévoit des mesures permettant de garantir que l'amplitude et la charge de travail des salariés cadres restent raisonnables, il ressort des comptes rendus de réunion du Comité d'Entreprise des 28 avril 2014 et 24 juin 2014 (pièce du demandeur n° 026 et 27), qu'aucun dispositif n'a été mis en place par l'employeur pour s'assurer du respect effectif des durées maximales de travail, qu'en outre la société Conforama ne justifie pas avoir mis en oeuvre, conformément à l'accord d'entreprise, un contrôle de la charge de travail des salariés lors des entretiens annuels d'appréciation, les comptes rendus des entretiens individuels produits par le demandeur jusqu'en 2013 (pièces n° 13, 14, 15) ne mentionnant aucune évaluation de la charge de travail ; que ce n'est qu'à partir de 2014, que l'entretien annuel pour les salariés au forfait jours fait état de l'organisation et de la charge de travail (pièces du demandeur n° 18 et 19, pièces de la défenderesse n° 10 et 11) ; qu'il s'en déduit que l'employeur n'a pas respecté au moins jusqu' en 2014 (s'agissant de l'entretien annuel sur la charge de travail), les garanties de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 destinés à assurer le respect des durées maximales de travail et des repos des salariés cadres soumis au forfait en jours, faute pour ce dernier d'avoir mis en oeuvre l'entretien annuel sur la charge de travail des salariés prévu dans l'accord ; que le non-respect par l'employeur des mécanismes de contrôle prévus dans l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001 rend inopposable cet accord aux salariés cadres et prive d'effet les conventions de forfait en jours à l'égard des salariés concernés, et ce, à compter de la défaillance de l'employeur (janvier 2001) et jusqu'à ce que celui-ci justifie une exécution conforme aux exigences de l'accord (établissement du document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées travaillées (pièce n° 12), conformément aux dispositions conventionnelles (article 2.3.), entretiens annuels spécifiques sur l'organisation et la charge du travail) ;
que les conventions de forfait en jours étant privées d'effet jusqu'en 2014 (sous réserve que l'employeur justifie avoir établi comme il y est tenu, le document annuel décomptant forfaitairement le nombre de journées travaillées), le temps de travail des salariés cadres doit, sur la période considérée et dans la limite du délai de prescription de trois ans, être décompté suivant le droit commun de l'article L. 3121-10 du code du travail avec pris en compte des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale ;
Alors que l'employeur doit observer les stipulations de l'accord collectif, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le décompte annuel des jours travaillés par les cadres autonomes en forfait jours était assuré par les pièces produites par la société Conforama France (p. 7, 3ème §), ce qui établissait que l'employeur respectait l'obligation d'effectuer un décompte forfaitaire, chaque année, du nombre de journées et/ou de demi-journées travaillées, (art. 2.3 « modalités de décompte du temps de travail ») ; qu'elle a aussi constaté que « les formulaires d'entretien annuel communiqués par le SNEC CFE-CGC pour les années 2012-2013 » concernaient « essentiellement l'évaluation de la performance et des compétences du salarié, la charge de travail étant simplement citée entre parenthèses dans le cadre des commentaires relatifs à la réalisation des objectifs de l'exercice » (p. 7, 3ème §), ce qui impliquait que la question de la charge de travail de chaque salarié était abordée au cours d'entretiens annuels, conformément à l'article 2.3 de l'accord exigeant un suivi au moins une fois par an à l'occasion d'entretiens individuels de l'organisation du travail de chaque salarié et ses moyens de l'optimiser et, conformément à l'article 4 exigeant que la charge de travail des cadres soit « examinée, chaque année, lors des entretiens d'appréciation » ; que la cour d'appel a également relevé, par motifs adoptés des premiers juges, que l'employeur s'était conformé aux exigences de l'accord d'entreprise du 11 janvier 2001, puisqu'il est indiqué sur les bulletins de paie le nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait annuel (218 jours avec la journée de solidarité), le récapitulatif des droits à congés échus et des droits en cours, des droits à RTT et du solde de repos (jugement p. 9, dernier §) ; qu'en décidant, au mépris de ses propres constatations, que l'employeur n'avait pas, avant 2015, observé les stipulations de l'accord collectif, cependant que le respect de celui-ci était établi même avant 2015, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 212-15-3 du code du travail.