LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Rejet des pourvois incidents et Cassation partielle sans renvoi
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1441 FS-B sur le premier moyen, deuxième branche des pourvois principaux
Pourvois n°
15-24.990
15-24.992 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
La société Jurinord, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° 15-24.990 et 15-24.992 contre deux arrêts rendus le 18 mai 2015 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [V] [R], domicilié [Adresse 3],
2°/ à M. [T] [E], domicilié [Adresse 2],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en cette qualité [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
MM. [R] et [E] ont formé, chacun, un pourvoi incident contre les mêmes arrêts.
La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de chacun de ses recours, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.
Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Jurinord, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [R] et [E], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 15-24.990 et 15-24.992 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Douai, 18 mai 2015), MM. [R] et [E] ont été engagés le 12 mai 2006 pour le premier et le 8 avril 2008 pour le second en qualité d'avocats par la société Jurinord.
3. Le 11 février 2014, ils ont saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats d'[Localité 4] statuant en matière prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de leur contrat de travail et de diverses demandes se rapportant à leur exécution et leur rupture.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches, et le moyen du pourvoi incident des salariés, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser diverses sommes à titre de rappel de salaire, congés payés afférents, dommages-intérêts au titre de la contrepartie en repos, de prononcer la résiliation judiciaire des contrats de travail et de le condamner à payer les rémunérations dues jusqu'au terme du contrat, le solde de l'indemnité de licenciement compris, ainsi que des indemnités compensatrice du préavis et les congés payés afférents, conventionnelle de licenciement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les parties au contrat de travail peuvent, lorsque la convention collective le prévoit et que la profession exercée ne permet pas de connaître le nombre d'heures effectuées, convenir d'une rémunération annuelle forfaitaire couvrant l'intégralité des heures de travail ; qu'en l'espèce, l'article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d'avocats (avocats salariés) prévoit que l'indépendance de l'avocat dans l'exercice de sa profession a pour conséquence la liberté dans la détermination de son temps de travail, notamment dans les dépassements individuels de l'horaire collectif du cabinet, justifiés par l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées. De ce fait, sa rémunération constitue un forfait. Dans chaque cas individuel, il doit être tenu compte de l'importance de cette sujétion pour la détermination des salaires effectifs" ; que l'article 6 du contrat de travail des salariés - qui avaient perçu depuis leur embauche une rémunération très largement supérieure à la rémunération minimale annuelle conventionnelle (selon les années, près ou plus du double de cette rémunération minimale) - indiquait que cette rémunération a été convenue en tenant compte de la nature de l'activité professionnelle de la société Jurinord et notamment des sujétions imposées par la clientèle, de la liberté dont le salarié dispose dans l'organisation de son travail ainsi que des responsabilités dont il reconnaît avoir pleine connaissance" et précisait que compte tenu de ces modalités, la présente rémunération a un caractère global et forfaitaire. Ainsi définie, la rémunération couvre tous les aspects de l'exercice de l'activité, quel que soit le temps qui y est consacré, notamment les temps passés aux déplacements, aux études, aux documentations, à la formation?" ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait constituer une convention de forfait licite, la cour d'appel a violé l'article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d'avocats (avocats salariés), ensemble l'article 19-III de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. »
Réponse de la Cour
6. La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que ne soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait.
7. Ayant, tant par motifs propres qu'adoptés, constaté que les conventions de forfait de rémunération ne précisaient pas le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération, la cour d'appel en a exactement déduit que les parties ne pouvaient avoir valablement conclu une telle convention.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement, alors « que l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement, quand le contrat de travail était rompu par l'effet d'une résiliation judiciaire et non par un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. Les salariés contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen, qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond, est nouveau.
11. Cependant le moyen est de pur droit.
12. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
13. Aux termes du premier de ces textes, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
14. Il résulte de ces dispositions que l'indemnité prévue par ce texte ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement.
15. Pour condamner l'employeur à verser aux salariés une somme au titre du manquement aux règles du licenciement, les arrêts retiennent qu'en ce qui concerne l'indemnité pour manquement aux règles de la procédure de licenciement, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
16. Après avoir rappelé les termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, les arrêts ajoutent que lorsque le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse, l'article L. 1235-3 du même code ne prévoit pour le salarié qu'une indemnité globale qui ne peut être inférieure à six mois de salaire, que l'article L. 1235-5 de ce code réintroduit les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, mais seulement pour le licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.
17. Constatant que l'effectif de la société était inférieur à onze salariés et estimant que le manquement aux règles de procédure était établi, les arrêts en déduisent que les demandes sont fondées.
18. En statuant ainsi, alors que les contrats de travail avaient été rompus par une décision de résiliation judiciaire et non par un licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, ainsi que suggéré par la demanderesse aux pourvois principaux.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. La cassation partielle n'atteint pas la cassation des chefs de dispositif portant sur les condamnations de l'employeur à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens, justifiées par les autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois incidents ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Jurinord à verser à MM. [R] et [E] la somme de 1 000 euros chacun au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement, les arrêts rendus le 18 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute MM. [R] et [E] de leurs demandes de dommages-intérêts pour manquement aux règles de procédure du licenciement ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Jurinord, demanderesse au pourvoi principal n° 15-24.990
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Jurinord à payer à M. [R] diverses sommes à titre de rappel de salaire, congés payés afférents, dommages et intérêts au titre de la contrepartie en repos, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail existant entre la société Jurinord et M. [R] aux torts de la société Jurinord, dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et prenait effet à la date du jugement, condamné la société Jurinord à payer à M. [R] les rémunérations dues jusqu'au terme du contrat, solde de l'indemnité de licenciement compris, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la qualification de M. [R] : L'article L. 3111-2 du code du travail prévoit que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III de ce code, relatifs à la réglementation de la durée du travail. Il ajoute que « sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » ; que la décision déférée considère que M. [R] n'est pas cadre dirigeant en relevant qu'il ne participait pas de manière effective à la direction du cabinet Jurinord ; que l'appelant conteste tant cette argumentation que cette affirmation ; que sur le premier point il fait valoir qu'il n'y a pas lieu d'introduire un critère complémentaire de reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant ; que l'article L. 3111-2 du code du travail étant consacré aux 'cadres dirigeants', ce n'est pas ajouter aux critères énumérés à la suite du principe posé par ce texte que de dire qu'il ne s'applique qu'aux cadres qui dirigent effectivement ; que sur le second point, il soutient que l'intimé participait à la direction de l'entreprise, cette notion devant nécessairement être examinée concrètement, à l'aune de sa taille et de son activité, sans se confondre avec un pouvoir de cogestion ; qu'il invoque notamment une proposition de discussion des conditions de développement du cabinet, voulue agressive, des exigences en termes de formation, des préconisations relatives à une procédure d'ouverture, de suivi et de classement des dossiers ; qu'une telle intervention ponctuelle, dans le contexte de l'évolution du cabinet conditionnée par sa cession, ne saurait caractériser un rôle dirigeant effectif dont la décision déférée retient justement qu'elle n'est pas établie au vu des éléments communiqués ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que M. [R] n'était pas cadre dirigeant ; que sur la rémunération forfaitaire : l'appelant soutient qu'à défaut de reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant au salarié, les stipulations contractuelles prévoyant une rémunération forfaitaire ont vocation à s'appliquer ; qu'il rappelle que la rémunération a été convenue en tenant compte des sujétions particulières imposées par l'exercice de la profession d'avocat, et que le contrat précise que "compte tenu de ces modalités, la présente rémunération a un caractère forfaitaire" ; qu'il convient d'observer que, même si l'on considère qu'une telle formule édictait une convention de forfait, la rémunération en cause est fixée dans un cadre annuel, ce que l'article L. 3121-38 du code du travail prohibe en ce qu'il dispose que "la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois" ; que par ailleurs une telle convention, pour être licite, doit déterminer le nombre d'heures supplémentaires entrant dans la rémunération, ce qu'il ne fait pas en l'espèce ; que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a écarté la clause contractuelle invoquée par l'employeur ; que la rémunération doit donc être considérée comme rétribuant la durée légale du travail de sorte que c'est à juste titre qu'il a été jugée que les heures supplémentaires étaient dues ; que sur la créance salariale, le bâtonnier de l'ordre des avocats d'[Localité 4] a retenu une créance de 105 314 € au titre des heures supplémentaires à compter du 13 février 2009, plus 16 352,51 € au titre des repos compensateurs ; que la SELAS Jurinord conteste l'affirmation du salarié relative à ses heures de travail (...) ; que pour étayer sa demande, le salarié verse aux débats des fiches de temps que l'employeur considère comme non probantes au motif qu'y sont mentionnées des périodes de travail "non imputables", à un client déterminé en vue de sa facturation, suivant le salarié ; que l'employeur estime au contraire que les temps notamment de recherche de documentation étant facturables, ces durées non imputables ne correspondent à rien autre qu'à une variable d'ajustement pour arriver à une réclamation uniforme de 45 heures hebdomadaires de travail ; qu'il convient cependant de constater que, si les recherches effectuées pour une affaire déterminée sont évidemment susceptibles d'être facturées au client au bénéfice duquel cette recherche a été menée, on ne peut répartir entre les clients les travaux d'actualisation des connaissances et de formation, menés en dehors d'une affaire désignée ; que c'est pourquoi ces périodes "non imputables" ne peuvent être écartées a priori ; que les documents communiqués par le salarié, qui étayent sa demande en rappel de salaire, sont suffisamment précis pour ménager à l'employeur la possibilité d'une preuve contraire qu'il ne rapporte pas dès lors qu'il se contente de critiquer le principe de la demande ; qu'il convient donc de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu la créance salariale sur la base des prétentions, non utilement discutées, du salarié ainsi qu'en ce qu'elle a retenu des sommes complémentaires au titre des congés ; qu'elle sera également confirmée en ce qu'elle a indemnisé le préjudice causé par l'absence d'attribution de repos compensateurs, qui découlaient des heures supplémentaires effectuées ; que sur la résiliation du contrat de travail : le non-paiement par l'employeur des heures supplémentaires auxquelles le salarié avait droit caractérise un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'elle justifie la résiliation du contrat de travail ; que la décision déférée sera donc confirmée sur ce point ; (...) qu'en ce qui concerne l'indemnité pour manquement aux règles de procédure du licenciement, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; que l'article L. 1235-2 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire est due au salarié ; mais lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'article L. 1235-3 du même code ne prévoit pour le salarié qu'une indemnité globale qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire ; que l'article L. 1235-5 du code du travail réintroduit les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse mais seulement pour le licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ; qu'il est constant que l'effectif de la SELAS Jurinod est inférieur à 11 salariés et le manquement aux règles de procédure s'analyse en une méconnaissance des règles relatives à l'assistance du salarié, la demande est donc fondée en son principe ; que toutefois, le préjudice subi n'est que symbolique au regard des circonstances exposées ci-dessus et sera réparé par l'allocation de 1 000 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE même si l'avocat, au terme de la convention collective applicable, « dispose dans l'exercice de sa profession ci 'une réelle autonomie dans l'organisation de son temps de travail, afin d'assumer les missions qui lui sont confiées » et qu'au terme de l'avenant « réduction temps de travail » n° 7 du 07 avril 2000, ainsi que de l'avenant n° 15 du 25 mai 2012. il est rappelé que « (?) si le principe d'autonomie est majeur, il est possible d'allier celui-ci à une recherche de réduction du temps d'activité (...) », la même convention collective considère que, pour répondre à ces impératifs d'autonomie, l'employeur et l'avocat salarié peuvent convenir du régime de durée du travail qui est applicable. à la condition bien entendu que les dispositions légales et réglementaires concernant les modalités d'application de ces divers régimes soient respectées ; que la société Jurinord, au terme d'importants développements repris notamment dans l'article 5 du contrat de travail, considère que les conditions dans lesquelles Maître [R] allait être amené à exercer ses fonctions, faisaient de ce dernier un cadre dirigeant ; que les dispositions ainsi visées définissent avec précision ce qu'il convient d'entendre par un cadre dirigeant ; que la situation de Maître [R] devrait dès lors s'inscrire dans le cadre des anciennes dispositions de l'article L. 212-15-1 du code du travail, devenu depuis lors l'article L. 3111-2 ; qu'en faisant de Maître [R] un cadre dirigeant, la société Jurinord souhaitait voir ce dernier échapper de ce fait à l'application des dispositions légales et réglementaires régissant la durée du travail ; qu'n réalité, s'il ne peut être contesté que Maître [R] bénéficie, en sa qualité d'avocat, d'un statut de cadre, cela ne signifie pas qu'en cette qualité il est nécessairement cadre dirigeant ; que les références de l'employeur aux dispositions de l'article L. 212-15-1 du code du travail, devenu depuis l'article L. 3111-2 du code du travail, ont pour objet d'exclure le salarié dès lors qu'il est cadre dirigeant, des prescriptions du code du travail sur les heures supplémentaires, les durées maximales et quotidiennes du travail, ainsi que le repos dominical ; qu'or, pour être considéré comme cadre dirigeant, il est non seulement nécessaire et indispensable que le cadre visé se voit confier des responsabilités, dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il soit habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'il perçoive une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés du système de rémunération pratiqué dans son entreprise, mais il faut encore que soit constaté que ces critères soient présents cumulativement et qu'en toute hypothèse, l'on puisse également et de surcroit constater que le cadre visé participe de manière effective à la Direction de l'entreprise ; que la Cour de Cassation rappelle d'ailleurs que le Juge (chargé de statuer sur la qualité de dirigeant d'un salarié) « doit vérifier précisément les conditions réelles d'emploi du salarié concerné, peu important que l'accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant » ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments produits aux débats que Maître [R] ne participait pas de manière effective à la Direction du cabinet Jurinord et que, ce faisant il ne peut être considéré comme cadre dirigeant ; qu'il est ainsi constant que Maître [R] n'étant pas cadre dirigeant ne relève pas des dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail : que le fait que Maître [R] soit avocat lui permet sans contestation possible de bénéficier du statut de cadre avec toutes les prérogatives résultant de cette qualité de cadre et notamment l'indépendance dans l'exercice de son métier et l'autonomie dans l'organisation de son travail sous la directive de son employeur ; que par contre, aucun des éléments produits aux débats ne permet de considérer que Me [R] puisse répondre à la qualification de cadre dirigeant ; qu'il est encore établi que contrairement à ce qu'exigent les dispositions conventionnelles applicables, aucune convention de « forfait » n'a été conclue entre les parties ; qu'iIl ne peut être considéré que le caractère forfaitaire et global donné à la rémunération de Maître [R] dans le cadre du contrat de travail corresponde à la notion de forfait horaire, telle qu'elle est définie par la jurisprudence, et ce, même si le contrat de travail spécifiait que cette rémunération « couvre tous les aspects de l'exercice de l'activité, quel que soit le temps qui lui est consacré, notamment les temps passés aux déplacements, aux études, aux documentations, à la formation (. .. ) » ; qu'un employeur et un salarié peuvent convenir d'une rémunération forfaitaire, incluant dans la rémunération mensuelle, un nombre déterminé d'heures supplémentaires hebdomadaires ; qu'un employeur et un salarié peuvent convenir d'une rémunération forfaitaire, incluant dans la rémunération mensuelle, un nombre déterminé d'heures supplémentaires hebdomadaires ; que cependant, pour qu'une disposition contractuelle visant la forfaitarisation de la rémunération au regard de la durée du travail puisse être valable, il est indispensable :
- qu'une convention existe entre l'employeur et le salarié, ce qui peut résulter du contrat de travail intervenu entre Maître [R] et la société Jurinord,
- que le forfait ne soit pas défavorable au salarié, ce qui n'est en l'état pas établi,
- que le forfait corresponde à un nombre constant d'heures supplémentaires ;
que la jurisprudence considère que « la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclues dans celte rémunération, ne permet pas de caractériser la convention de forfait » ; que d''autre part, « le fait de recevoir un salaire nettement supérieur à celui d'autres salariés de la même catégorie professionnelle, ou supérieur au salaire conventionnel, augmenté des majorations pour heures supplémentaires, ne suffit pas à établir la réalité d'un forfait (...) » ; qu'en l'espèce, en l'absence de forfait légalement conclu et accepté, il ne peut être soutenu que la rémunération de Maitre [R] était indépendante du temps qu'il devait consacrer à l'exécution de ses missions ; que n'étant pas cadre dirigeant et ne relevant pas de ce fait des dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail, ne bénéficiant pas d'une rémunération forfaitaire déterminée par rapport à un nombre d'heures de travail, Maître [R], comme tout salarié, doit se voir appliquer les dispositions du code du travail, et notamment être soumis au régime ordinaire de la durée du travail, et donc des heures supplémentaires et repos compensateurs ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire présentée par Maître [R] ;
III. Sur les heures supplémentaires : qu'au terme du contrat de travail intervenu entre les parties, Maître [R] doit produire un emploi du temps hebdomadaire ; que cet emploi du temps fait l'objet de fiches de temps transmises à l'employeur, lequel en tient compte pour assurer la facturation auprès des clients ; que bien que sollicité sur ce point, l'employeur n'a pas souhaité communiquer aux débats les facturations établies à partir des fiches de temps qui avaient été produites par le salarié ; qu'or, il ressort de ces fiches de temps que s'y trouve comptabilisé du temps considéré comme « non imputable » indépendamment du temps consacré très précisément aux missions et prestations assurées pour le compte des clients du cabinet ; que ces fiches de temps font donc apparaître non seulement des heures à facturer, mais également d'autres heures dont l'existence n'a jamais été jusqu'à ce jour contestée pur l'employeur, sans que ce dernier n'hésite pourtant à prétendre que ces heures constitueraient un ajustement du temps pour atteindre 9 heures par jour ; que l'employeur ne s'est jamais expliqué sur le fait que tout en prétendant que les heures en question ne seraient pas des heures de temps de travail effectif, il n'a jamais procédé à des réductions de salaire alors que les seules heures présentées comme étant celles il facturer au client apparaissent comme inférieures à la durée légale hebdomadaire du travail ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que les temps non imputables sont constitués par des temps de documentation, recherche, réunion interne, formation, déplacements pour le service et le suivi de la clientèle, développements au caractère commercial, etc? ; que les temps ainsi visés constituent, comme l'ont toujours considéré les Tribunaux, des temps de travail effectifs entrant comme tels dans l'appréciation de la durée du travail ; que de surcroit, il ressort de l'ensemble des débats que le volume horaire identifié par les fiches de temps sollicitées par l'employeur, correspond à un volume horaire normal au moins tacitement toléré par ce dernier, qui n'en a, jusqu'à la demande expresse de paiement effectuée par le salarié, jamais contesté la réalité ; que la société Jurinord a amplement développé dans son contrat de travail et dans ses écritures la nécessité pour son salarié avocat de bénéficier d'une grande autonomie et d'une grande possibilité d'organisation de son temps pour satisfaire à l'ensemble des besoins de la clientèle ; qu'elle n'a jamais expressément interdit, y compris après la demande expresse de paiement effectuée par le salarié, l'exécution des heures supplémentaires ; qu'ainsi, tant par la nature de l'activité du cabinet que du volume d'activité demandé au salarié et au vu des éléments produits dans le cadre du présent contentieux, il est établi que les heures effectuées par Maître [O], reprises sur les fiches produites, ont été rendues nécessaires par les tâches qui lui avaient été confiées ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire présentée par Maître [R] dans la limite de la prescription applicable, à savoir depuis le 13 février 2009 ;
IV. Sur les manquements de la société Jurinord à ses obligations : il apparait que l'accomplissement d'un horaire supérieur à la durée légale du travail est rendu nécessaire pour l'exercice des missions confiées à Maître [R] comme l'induit l'article 5 du contrat de travail ; qu'ainsi le fait que Maître [R], par souci du respect de la clientèle et des missions confiées par cette dernière, ait accepté des dépassements réguliers d'horaires, connus de l'employeur, ne lui interdit pas de solliciter ultérieurement la rémunération de ces heures ; que ce n'est certes qu'à l'occasion du changement de détenteur des actions de la société employeur que le salarié a, pour la première fois, réclamé la rémunération des heures supplémentaires accomplies, il ne peut cependant lui être reproché d'avoir souhaité, qu'à l'occasion de cette modification, sa situation et ses horaires soient régularisés ; que l'attentisme qui lui est reproché apparait, en réalité, comme un respect des règles de la délicatesse régissant les relations entre professionnels soumis à une même déontologie ; que le fait que Maître [R] ait continué de travailler alors même que l'employeur, sans pour autant sérieusement contester la réalité des horaires allégués, ait de fait refusé de les rémunérer, ne lui interdit pas de solliciter du Juge du contrat de travail le bénéfice des dispositions protectrices du code du travail concernant la durée du travail ; que la société Jurinord pouvait, jusqu'au jour de l'audience de jugement, régulariser la situation litigieuse, ce qui aurait eu pour conséquence de rendre la demande du salarié sans objet ; que le refus opposé par l'employeur, alors qu'il y était expressément invité à y procéder, de rémunérer les dépassements d'horaires qui sont la conséquence de la mission confiée à Maître [R], telle qu'elle résulte du contrat de travail, et en conséquence de ne pas accorder au salarié le bénéfice d'un droit à repos constitue une violation des obligations impératives de ce dernier susceptible à long terme d'altérer la santé du salarié et caractérise ainsi un manquement grave de l'employeur à ses obligations justifiant la résiliation à ses torts du contrat de travail de Maître [R] ;
V. Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
A. Rappel de salaire et congés payés y afférents : qu'ayant constaté l'existence d'heures supplémentaires et procédé à l'examen en considération les éléments fournis par Maître [R], ainsi que des réponses qui y ont été apportées par la société Jurinord, il ressort de l'appréciation de l'ensemble de ces éléments que la créance de Maître [R] peut être déterminée sur la base des documents, notamment des fiches de temps discutées par les parties ; qu'en effet, l'activité déployée par Maître [R], telle qu'elle figure dans les relevés produits aux débats, caractérise un nombre d'heures rendues nécessaires pour les tâches qui lui ont été confiées par la société Jurinord pour les durées déterminées par lesdits relevés ; qu'il y a donc lieu d'établir le calcul du rappel de salaires sur ces bases à compter du 13 février 2009 afin de tenir compte de la prescription ; que la créance au titre du rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires s'établit donc pour Maître [R] à la somme de 105 314,00 € ; que la société Jurinord sera en outre condamnée à verser à Maître [R] une indemnité compensatrice de congés payés afférents aux rappels d'heures supplémentaires d'un montant de 10 531,40 € ;
B. dommages et intérêts au titre de la contrepartie en repos : au terme des dispositions de l'article L. 3121-1 du code du travail, en sus des majorations de salaire pour heures supplémentaires, les heures en question effectuées au-delà du contingent annuel ouvrent droit au. salarié à une contrepartie obligatoire en repos, égale dans les entreprises de moins de 20 salariés à 50 % de repos pour une heure supplémentaire ; que n'ayant pu bénéficier de ce repos, Maître [R] est fondé à bénéficier des dommages et intérêts correspondant à la contrepartie financière do repos qu'il n'a, du fait de la position de l'employeur, pu prendre ; que les dommages et intérêts correspondant à cette situation seront déterminés à la somme de 16 352,51 € ;
C – Les indemnités consécutives à la résiliation judiciaire du contrat de travail :La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par la présente décision produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, elle ouvre droit au bénéfice de Maître [R] à une indemnité de licenciement, à une indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (...) que de ce qui précède, il conviendra de déterminer l'indemnité de licenciement au montant sollicité par Maitre [R] et non contesté par la société Jurinord, soit la somme de 9 315,00 € ; qu'il en sera de même en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis qui en application des dispositions de la convention collective est fixée à 3 mois de salaire, soit la somme nette de 21 750,00 € ; que la société Jurinord sera en outre condamnée à verser à Maître [R] une indemnité compensatrice de congés payés afférence à l'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2 175,00 € ; que s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ressort des circonstances dans lesquelles intervient le licenciement que, compte tenu de la profession de Maître [R] et de la possibilité qui lui est ainsi offerte de pouvoir poursuivre sans contrainte particulière, dès lors que les règles de déontologie seront respectées l'exercice de cette profession que le montant des dommages et intérêts à ce titre devra être limité à la somme de 58 000,00 € ;
1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 3111-2 du code du travail, « sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » ; que si ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise, une telle participation s'apprécie in concreto en fonction de la taille de l'entreprise et de son activité et ne suppose pas un pouvoir de cogestion ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le salarié exerçait d'importantes responsabilités dans le cabinet d'avocats, disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et percevait l'une des rémunérations les plus élevées ; qu'en outre, la cour d'appel a constaté que le salarié avait effectué une proposition de discussion de la politique de développement du cabinet voulue très agressive, avait posé des exigences en matière de formation, et fait des préconisations relatives à une procédure d'ouverture, de suivi et de classement de dossiers ; qu'en écartant cependant sa qualité de cadre dirigeant au prétexte que cette intervention ne pouvait caractériser un rôle de dirigeant effectif, quand seule une participation à la direction de l'entreprise était requise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2. ALORS subsidiairement QUE les parties au contrat de travail peuvent, lorsque la convention collective le prévoit et que la profession exercée ne permet pas de connaître le nombre d'heures effectuées, convenir d'une rémunération annuelle forfaitaire couvrant l'intégralité des heures de travail ; qu'en l'espèce, l'article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d'avocats (avocats salariés) prévoit que « l'indépendance de l'avocat dans l'exercice de sa profession a pour conséquence la liberté dans la détermination de son temps de travail, notamment dans les dépassements individuels de l'horaire collectif du cabinet, justifiés par l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées. De ce fait, sa rémunération constitue un forfait. Dans chaque cas individuel, il doit être tenu compte de l'importance de cette sujétion pour la détermination des salaires effectifs » ; que l'article 6 du contrat de travail de Me [R] -qui avait perçu depuis son embauche une rémunération très largement supérieure à la rémunération minimale annuelle conventionnelle (selon les années, près ou plus du double de cette rémunération minimale)- indiquait que cette rémunération « a été convenue en tenant compte de la nature de l'activité professionnelle de la société Jurinord et notamment des sujétions imposées par la clientèle, de la liberté dont M. [V] [R] dispose dans l'organisation de son travail ainsi que des responsabilités dont il reconnaît avoir pleine connaissance » et précisait que « compte tenu de ces modalités, la présente rémunération a un caractère global et forfaitaire. Ainsi définie, la rémunération couvre tous les aspects de l'exercice de l'activité, quel que soit le temps qui y est consacré, notamment les temps passés aux déplacements, aux études, aux documentations, à la formation? » ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait constituer une convention de forfait licite, la cour d'appel a violé l'article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d'avocats (avocats salariés), ensemble l'article 19-III de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
3. ALORS plus subsidiairement QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié, au préalable, d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en considérant que le salarié étayait sa demande par des fiches de temps unilatéralement établies par ses soins indiquant un temps de travail quasi uniforme chaque semaine, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
4. ALORS encore plus subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que même en tenant compte du temps consacré à des activités professionnelles non rattachables à un client, que ce soit en terme de documentation juridique, de formation, d'animation de séminaires, de colloques ou de participation à des réunions internes, les heures effectuées par la salariée n'avaient jamais excédé la durée hebdomadaire de 35 heures, le temps « non imputable » figurant sur les fiches de temps établis par la salariée étant ainsi notamment distinct du temps de recherche de documentation ou de formation non rattaché à un dossier particulier (conclusions d'appel, p. 21) ; qu'en affirmant que l'employeur estimait que les temps de recherche de documentation étaient facturables, et en lui opposant que si les recherches effectuées pour une affaire déterminée sont susceptibles d'être facturées au client au bénéfice duquel cette rémunération a été menée, on ne pouvait répartir entre les clients les travaux d'actualisation des connaissances et de formation menés en dehors d'une affaire désignée et qu'ainsi ces temps « non imputables » ne pouvaient être écartés, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5. ALORS enfin QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ne peut être prononcée qu'en cas de manquement de l'employeur suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel qui n'a pas constaté que le non-paiement des heures supplémentaires empêchait la poursuite du contrat de travail a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Jurinord à payer à M. [R] une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement,
AUX MOTIFS QUE en ce qui concerne l'indemnité pour manquement aux règles de procédure du licenciement, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; que l'article L. 1235-2 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire est due au salarié ; mais lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'article L. 1235-3 du même code ne prévoit pour le salarié qu'une indemnité globale qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire ; que l'article L. 1235-5 du code du travail réintroduit les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse mais seulement pour le licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ; qu'il est constant que l'effectif de la SELAS Jurinod est inférieur à 11 salariés et le manquement aux règles de procédure s'analyse en une méconnaissance des règles relatives à l'assistance du salarié, la demande est donc fondée en son principe ; que toutefois, le préjudice subi n'est que symbolique au regard des circonstances exposées ci-dessus et sera réparé par l'allocation de 1 000 € ;
ALORS QUE l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement, quand le contrat de travail était rompu par l'effet d'une résiliation judiciaire et non par un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], demandeur au pourvoi incident n° 15.24.990
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur [R] de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Aux motifs que la décision sera en revanche infirmée en ce qu'elle a retenu une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ; qu'en effet, l'article L. 8221-5 du Code du travail prévoit que le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux formalités relatives à la durée du travail caractérise le travail dissimulé ; que toutefois, la non-déclaration des heures supplémentaires procède, en l'espèce, d'une appréciation sur la qualité du salarié qui, même si elle était fausse, n'en était pas pour autant arbitraire au regard de l'argumentation développée ; que cela suffit à écarter l'élément intentionnel sans lequel on ne peut parler de travail dissimulé au sens du Code du travail ;
ALORS, D'UNE PART, QU'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu'en affirmant, pour écarter l'élément intentionnel du travail dissimulé, que « la non-déclaration des heures supplémentaires procède, en l'espèce, d'une appréciation sur la qualité du salarié qui, même si elle était fausse, n'en était pas pour autant arbitraire au regard de l'argumentation développée », quand le caractère intentionnel de l'absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie ne peut se déduire de la seule appréciation erronée et « non arbitraire » de l'employeur sur le statut de cadre dirigeant de son salarié, la Cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à affirmer, pour écarter l'élément intentionnel du travail dissimulé, que « la non-déclaration des heures supplémentaires procède, en l'espèce, d'une appréciation sur la qualité du salarié qui, même si elle était fausse, n'en était pas pour autant arbitraire au regard de l'argumentation développée », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la rédaction bien particulière, par la société JURINORD, société d'avocats spécialisée en droit, des clauses contractuelles relatives à la durée du travail et à la rémunération de Monsieur [R] n'établissait pas une connaissance parfaite de l'employeur sur la législation du travail caractérisant ainsi l'élément intentionnel du défaut de déclaration des heures supplémentaires effectuées par le salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE l'exposant avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « par lettre du 4 décembre 2013 pour Messieurs [R] et [E], et le 31 janvier 2014 pour Mademoiselle [O], les requérants ont formé une réclamation restée sans suite. L'employeur aurait pu alors en contester l'analyse juridique s'il l'estimait infondée. Il ne peut cependant nier que la rédaction de chacun des contrats des avocats salariés révèle une connaissance des règles légales et conventionnelles sur la durée du travail » (page 36) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que la société JURINORD avait délibérément omis de déclarer les heures supplémentaires effectuées par Monsieur [R], la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Jurinord, demanderesse au pourvoi principal n° A15-24.992
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Jurinord à payer à M. [E] diverses sommes à titre de rappel de salaire, congés payés afférents, dommages et intérêts au titre de la contrepartie en repos, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail existant entre la société Jurinord et M. [E] aux torts de la société Jurinord, dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et prenait effet à la date du jugement, condamné la société Jurinord à payer à M. [E] les rémunérations dues jusqu'au terme du contrat, solde de l'indemnité de licenciement compris, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la qualification de M. [E] : L'article L. 3111-2 du code du travail prévoit que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III de ce code, relatifs à la réglementation de la durée du travail. Il ajoute que « sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » ; que la décision déférée considère que M. [E] n'est pas cadre dirigeant en relevant qu'il ne participait pas de manière effective à la direction du cabinet Jurinord ; que l'appelant conteste tant cette argumentation que cette affirmation ; que sur le premier point il fait valoir qu'il n'y a pas lieu d'introduire un critère complémentaire de reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant ; que l'article L. 3111-2 du code du travail étant consacré aux 'cadres dirigeants', ce n'est pas ajouter aux critères énumérés à la suite du principe posé par ce texte que de dire qu'il ne s'applique qu'aux cadres qui dirigent effectivement ; que sur le second point, il soutient que l'intimé participait à la direction de l'entreprise, cette notion devant nécessairement être examinée concrètement, à l'aune de sa taille et de son activité, sans se confondre avec un pouvoir de cogestion ; qu'il invoque notamment une proposition de discussion des conditions de développement du cabinet, voulue agressive, des exigences en termes de formation, des préconisations relatives à une procédure d'ouverture, de suivi et de classement des dossiers ; qu'une telle intervention ponctuelle, dans le contexte de l'évolution du cabinet conditionnée par sa cession, ne saurait caractériser un rôle dirigeant effectif dont la décision déférée retient justement qu'elle n'est pas établie au vu des éléments communiqués ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que M. [E] n'était pas cadre dirigeant ; que sur la rémunération forfaitaire : l'appelant soutient qu'à défaut de reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant au salarié, les stipulations contractuelles prévoyant une rémunération forfaitaire ont vocation à s'appliquer ; qu'il rappelle que la rémunération a été convenue en tenant compte des sujétions particulières imposées par l'exercice de la profession d'avocat, et que le contrat précise que "compte tenu de ces modalités, la présente rémunération a un caractère forfaitaire" ; qu'il convient d'observer que, même si l'on considère qu'une telle formule édictait une convention de forfait, la rémunération en cause est fixée dans un cadre annuel, ce que l'article L. 3121-38 du code du travail prohibe en ce qu'il dispose que "la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois" ; que par ailleurs une telle convention, pour être licite, doit déterminer le nombre d'heures supplémentaires entrant dans la rémunération, ce qu'il ne fait pas en l'espèce ; que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a écarté la clause contractuelle invoquée par l'employeur ; que la rémunération doit donc être considérée comme rétribuant la durée légale du travail de sorte que c'est à juste titre qu'il a été jugée que les heures supplémentaires étaient dues ; que sur la créance salariale, le bâtonnier de l'ordre des avocats d'[Localité 4] a retenu une créance de 64 622,37 € au titre des heures supplémentaires à compter du 13 février 2009, plus 6 090,21 € au titre des repos compensateurs ; que la SELAS Jurinord conteste l'affirmation du salarié relative à ses heures de travail (...) ; que pour étayer sa demande, le salarié verse aux débats des fiches de temps que l'employeur considère comme non probantes au motif qu'y sont mentionnées des périodes de travail "non imputables", à un client déterminé en vue de sa facturation, suivant le salarié ; que l'employeur estime au contraire que les temps notamment de recherche de documentation étant facturables, ces durées non imputables ne correspondent à rien autre qu'à une variable d'ajustement pour arriver à une réclamation uniforme de 45 heures hebdomadaires de travail ; qu'il convient cependant de constater que, si les recherches effectuées pour une affaire déterminée sont évidemment susceptibles d'être facturées au client au bénéfice duquel cette recherche a été menée, on ne peut répartir entre les clients les travaux d'actualisation des connaissances et de formation, menés en dehors d'une affaire désignée ; que c'est pourquoi ces périodes "non imputables" ne peuvent être écartées a priori ; que les documents communiqués par le salarié, qui étayent sa demande en rappel de salaire, sont suffisamment précis pour ménager à l'employeur la possibilité d'une preuve contraire qu'il ne rapporte pas dès lors qu'il se contente de critiquer le principe de la demande ; qu'il convient donc de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu la créance salariale sur la base des prétentions, non utilement discutées, du salarié ainsi qu'en ce qu'elle a retenu des sommes complémentaires au titre des congés ; qu'elle sera également confirmée en ce qu'elle a indemnisé le préjudice causé par l'absence d'attribution de repos compensateurs, qui découlaient des heures supplémentaires effectuées ; que sur la résiliation du contrat de travail : le non-paiement par l'employeur des heures supplémentaires auxquelles le salarié avait droit caractérise un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'elle justifie la résiliation du contrat de travail ; que la décision déférée sera donc confirmée sur ce point ; (...) qu'en ce qui concerne l'indemnité pour manquement aux règles de procédure du licenciement, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; que l'article L. 1235-2 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire est due au salarié ; mais lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'article L. 1235-3 du même code ne prévoit pour le salarié qu'une indemnité globale qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire ; que l'article L. 1235-5 du code du travail réintroduit les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse mais seulement pour le licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ; qu'il est constant que l'effectif de la SELAS Jurinod est inférieur à 11 salariés et le manquement aux règles de procédure s'analyse en une méconnaissance des règles relatives à l'assistance du salarié, la demande est donc fondée en son principe ; que toutefois, le préjudice subi n'est que symbolique au regard des circonstances exposées ci-dessus et sera réparé par l'allocation de 1 000 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE même si l'avocat, au terme de la convention collective applicable, « dispose dans l'exercice de sa profession ci 'une réelle autonomie dans l'organisation de son temps de travail, afin d'assumer les missions qui lui sont confiées » et qu'au terme de l'avenant « réduction temps de travail » n° 7 du 07 avril 2000, ainsi que de l'avenant n° 15 du 25 mai 2012. il est rappelé que « (?) si le principe d'autonomie est majeur, il est possible d'allier celui-ci à une recherche de réduction du temps d'activité (...) », la même convention collective considère que, pour répondre à ces impératifs d'autonomie, l'employeur et l'avocat salarié peuvent convenir du régime de durée du travail qui est applicable. à la condition bien entendu que les dispositions légales et réglementaires concernant les modalités d'application de ces divers régimes soient respectées ; que la société Jurinord, au terme d'importants développements repris notamment dans l'article 5 du contrat de travail, considère que les conditions dans lesquelles Maître [E] allait être amené à exercer ses fonctions, faisaient de ce dernier un cadre dirigeant ; que les dispositions ainsi visées définissent avec précision ce qu'il convient d'entendre par un cadre dirigeant ; que la situation de Maître [E] devrait dès lors s'inscrire dans le cadre des anciennes dispositions de l'article L. 212-15-1 du code du travail, devenu depuis lors l'article L. 3111-2 ; qu'en faisant de Maître [E] un cadre dirigeant, la société Jurinord souhaitait voir ce dernier échapper de ce fait à l'application des dispositions légales et réglementaires régissant la durée du travail ; qu'n réalité, s'il ne peut être contesté que Maître [E] bénéficie, en sa qualité d'avocat, d'un statut de cadre, cela ne signifie pas qu'en cette qualité il est nécessairement cadre dirigeant ; que les références de l'employeur aux dispositions de l'article L. 212-15-1 du code du travail, devenu depuis l'article L. 3111-2 du code du travail, ont pour objet d'exclure le salarié dès lors qu'il est cadre dirigeant, des prescriptions du code du travail sur les heures supplémentaires, les durées maximales et quotidiennes du travail, ainsi que le repos dominical ; qu'or, pour être considéré comme cadre dirigeant, il est non seulement nécessaire et indispensable que le cadre visé se voit confier des responsabilités, dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il soit habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'il perçoive une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés du système de rémunération pratiqué dans son entreprise, mais il faut encore que soit constaté que ces critères soient présents cumulativement et qu'en toute hypothèse, l'on puisse également et de surcroit constater que le cadre visé participe de manière effective à la Direction de l'entreprise ; que la Cour de Cassation rappelle d'ailleurs que le Juge (chargé de statuer sur la qualité de dirigeant d'un salarié) « doit vérifier précisément les conditions réelles d'emploi du salarié concerné, peu important que l'accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant » ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments produits aux débats que Maître [E] ne participait pas de manière effective à la Direction du cabinet Jurinord et que, ce faisant il ne peut être considéré comme cadre dirigeant ; qu'il est ainsi constant que Maître [E] n'étant pas cadre dirigeant ne relève pas des dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail : que le fait que Maître [E] soit avocat lui permet sans contestation possible de bénéficier du statut de cadre avec toutes les prérogatives résultant de cette qualité de cadre et notamment l'indépendance dans l'exercice de son métier et l'autonomie dans l'organisation de son travail sous la directive de son employeur ; que par contre, aucun des éléments produits aux débats ne permet de considérer que Me [E] puisse répondre à la qualification de cadre dirigeant ; qu'il est encore établi que contrairement à ce qu'exigent les dispositions conventionnelles applicables, aucune convention de « forfait » n'a été conclue entre les parties ; qu'iIl ne peut être considéré que le caractère forfaitaire et global donné à la rémunération de Maître [E] dans le cadre du contrat de travail corresponde à la notion de forfait horaire, telle qu'elle est définie par la jurisprudence, et ce, même si le contrat de travail spécifiait que cette rémunération « couvre tous les aspects de l'exercice de l'activité, quel que soit le temps qui lui est consacré, notamment les temps passés aux déplacements, aux études, aux documentations, à la formation (. ..) » ; qu'un employeur et un salarié peuvent convenir d'une rémunération forfaitaire, incluant dans la rémunération mensuelle, un nombre déterminé d'heures supplémentaires hebdomadaires ; qu'un employeur et un salarié peuvent convenir d'une rémunération forfaitaire, incluant dans la rémunération mensuelle, un nombre déterminé d'heures supplémentaires hebdomadaires ; que cependant, pour qu'une disposition contractuelle visant la forfaitarisation de la rémunération au regard de la durée du travail puisse être valable, il est indispensable :
- qu'une convention existe entre l'employeur et le salarié, ce qui peut résulter du contrat de travail intervenu entre Maître [E] et la société Jurinord,
- que le forfait ne soit pas défavorable au salarié, ce qui n'est en l'état pas établi,
- que le forfait corresponde à un nombre constant d'heures supplémentaires ;
que la jurisprudence considère que « la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclues dans celte rémunération, ne permet pas de caractériser la convention de forfait » ; que d''autre part, « le fait de recevoir un salaire nettement supérieur à celui d'autres salariés de la même catégorie professionnelle, ou supérieur au salaire conventionnel, augmenté des majorations pour heures supplémentaires, ne suffit pas à établir la réalité d'un forfait (...) » ; qu'en l'espèce, en l'absence de forfait légalement conclu et accepté, il ne peut être soutenu que la rémunération de Maitre [E] était indépendante du temps qu'il devait consacrer à l'exécution de ses missions ; que n'étant pas cadre dirigeant et ne relevant pas de ce fait des dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail, ne bénéficiant pas d'une rémunération forfaitaire déterminée par rapport à un nombre d'heures de travail, Maître [E], comme tout salarié, doit se voir appliquer les dispositions du code du travail, et notamment être soumis au régime ordinaire de la durée du travail, et donc des heures supplémentaires et repos compensateurs ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire présentée par Maître [E] ;
III. Sur les heures supplémentaires : qu'au terme du contrat de travail intervenu entre les parties, Maître [E] doit produire un emploi du temps hebdomadaire ; que cet emploi du temps fait l'objet de fiches de temps transmises à l'employeur, lequel en tient compte pour assurer la facturation auprès des clients ; que bien que sollicité sur ce point, l'employeur n'a pas souhaité communiquer aux débats les facturations établies à partir des fiches de temps qui avaient été produites par le salarié ; qu'or, il ressort de ces fiches de temps que s'y trouve comptabilisé du temps considéré comme « non imputable » indépendamment du temps consacré très précisément aux missions et prestations assurées pour le compte des clients du cabinet ; que ces fiches de temps font donc apparaître non seulement des heures à facturer, mais également d'autres heures dont l'existence n'a jamais été jusqu'à ce jour contestée pur l'employeur, sans que ce dernier n'hésite pourtant à prétendre que ces heures constitueraient un ajustement du temps pour atteindre 9 heures par jour ; que l'employeur ne s'est jamais expliqué sur le fait que tout en prétendant que les heures en question ne seraient pas des heures de temps de travail effectif, il n'a jamais procédé à des réductions de salaire alors que les seules heures présentées comme étant celles il facturer au client apparaissent comme inférieures à la durée légale hebdomadaire du travail ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que les temps non imputables sont constitués par des temps de documentation, recherche, réunion interne, formation, déplacements pour le service et le suivi de la clientèle, développements au caractère commercial, etc? ; que les temps ainsi visés constituent, comme l'ont toujours considéré les Tribunaux, des temps de travail effectifs entrant comme tels dans l'appréciation de la durée du travail ; que de surcroit, il ressort de l'ensemble des débats que le volume horaire identifié par les fiches de temps sollicitées par l'employeur, correspond à un volume horaire normal au moins tacitement toléré par ce dernier, qui n'en a, jusqu'à la demande expresse de paiement effectuée par le salarié, jamais contesté la réalité ; que la société Jurinord a amplement développé dans son contrat de travail et dans ses écritures la nécessité pour son salarié avocat de bénéficier d'une grande autonomie et d'une grande possibilité d'organisation de son temps pour satisfaire à l'ensemble des besoins de la clientèle ; qu'elle n'a jamais expressément interdit, y compris après la demande expresse de paiement effectuée par le salarié, l'exécution des heures supplémentaires ; qu'ainsi, tant par la nature de l'activité du cabinet que du volume d'activité demandé au salarié et au vu des éléments produits dans le cadre du présent contentieux, il est établi que les heures effectuées par Maître [O], reprises sur les fiches produites, ont été rendues nécessaires par les tâches qui lui avaient été confiées ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire présentée par Maître [E] dans la limite de la prescription applicable, à savoir depuis le 13 février 2009 ;
IV. Sur les manquements de la société Jurinord à ses obligations : il apparait que l'accomplissement d'un horaire supérieur à la durée légale du travail est rendu nécessaire pour l'exercice des missions confiées à Maître [E] comme l'induit l'article 5 du contrat de travail ; qu'ainsi le fait que Maître [E], par souci du respect de la clientèle et des missions confiées par cette dernière, ait accepté des dépassements réguliers d'horaires, connus de l'employeur, ne lui interdit pas de solliciter ultérieurement la rémunération de ces heures ; que ce n'est certes qu'à l'occasion du changement de détenteur des actions de la société employeur que le salarié a, pour la première fois, réclamé la rémunération des heures supplémentaires accomplies, il ne peut cependant lui être reproché d'avoir souhaité, qu'à l'occasion de cette modification, sa situation et ses horaires soient régularisés ; que l'attentisme qui lui est reproché apparait, en réalité, comme un respect des règles de la délicatesse régissant les relations entre professionnels soumis à une même déontologie ; que le fait que Maître [E] ait continué de travailler alors même que l'employeur, sans pour autant sérieusement contester la réalité des horaires allégués, ait de fait refusé de les rémunérer, ne lui interdit pas de solliciter du Juge du contrat de travail le bénéfice des dispositions protectrices du code du travail concernant la durée du travail ; que la société Jurinord pouvait, jusqu'au jour de l'audience de jugement, régulariser la situation litigieuse, ce qui aurait eu pour conséquence de rendre la demande du salarié sans objet ; que le refus opposé par l'employeur, alors qu'il y était expressément invité à y procéder, de rémunérer les dépassements d'horaires qui sont la conséquence de la mission confiée à Maître [E], telle qu'elle résulte du contrat de travail, et en conséquence de ne pas accorder au salarié le bénéfice d'un droit à repos constitue une violation des obligations impératives de ce dernier susceptible à long terme d'altérer la santé du salarié et caractérise ainsi un manquement grave de l'employeur à ses obligations justifiant la résiliation à ses torts du contrat de travail de Maître [E] ;
V. Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
A. Rappel de salaire et congés payés y afférents : qu'ayant constaté l'existence d'heures supplémentaires et procédé à l'examen en considération les éléments fournis par Maître [E], ainsi que des réponses qui y ont été apportées par la société Jurinord, il ressort de l'appréciation de l'ensemble de ces éléments que la créance de Maître [E] peut être déterminée sur la base des documents, notamment des fiches de temps discutées par les parties ; qu'en effet, l'activité déployée par Maître [E], telle qu'elle figure dans les relevés produits aux débats, caractérise un nombre d'heures rendues nécessaires pour les tâches qui lui ont été confiées par la société Jurinord pour les durées déterminées par lesdits relevés ; qu'il y a donc lieu d'établir le calcul du rappel de salaires sur ces bases à compter du 13 février 2009 afin de tenir compte de la prescription ; que la créance au titre du rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires s'établit donc pour Maître [E] à la somme de 64 622,37 € ; que la société Jurinord sera en outre condamnée à verser à Maître [E] une indemnité compensatrice de congés payés afférents aux rappels d'heures supplémentaires d'un montant de 6 462,24 € ;
B. dommages et intérêts au titre de la contrepartie en repos : au terme des dispositions de l'article L. 3121-1 du code du travail, en sus des majorations de salaire pour heures supplémentaires, les heures en question effectuées au-delà du contingent annuel ouvrent droit au. salarié à une contrepartie obligatoire en repos, égale dans les entreprises de moins de 20 salariés à 50 % de repos pour une heure supplémentaire ; que n'ayant pu bénéficier de ce repos, Maître [E] est fondé à bénéficier des dommages et intérêts correspondant à la contrepartie financière do repos qu'il n'a, du fait de la position de l'employeur, pu prendre ; que les dommages et intérêts correspondant à cette situation seront déterminés à la somme de 6 090,21 € ;
C – Les indemnités consécutives à la résiliation judiciaire du contrat de travail :La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par la présente décision produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, elle ouvre droit au bénéfice de Maître [E] à une indemnité de licenciement, à une indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (...) que de ce qui précède, il conviendra de déterminer l'indemnité de licenciement au montant sollicité par Maitre [E] et non contesté par la société Jurinord, soit la somme de 8 100 € ; qu'il en sera de même en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis qui en application des dispositions de la convention collective est fixée à 3 mois de salaire, soit la somme nette de 20 250,00 € ; que la société Jurinord sera en outre condamnée à verser à Maître [E] une indemnité compensatrice de congés payés afférence à l'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2 025,00 € ; que s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ressort des circonstances dans lesquelles intervient le licenciement que, compte tenu de la profession de Maître [E] et de la possibilité qui lui est ainsi offerte de pouvoir poursuivre sans contrainte particulière, dès lors que les règles de déontologie seront respectées l'exercice de cette profession que le montant des dommages et intérêts à ce titre devra être limité à la somme de 40 500,00 € ;
1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 3111-2 du code du travail, « sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » ; que si ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise, une telle participation s'apprécie in concreto en fonction de la taille de l'entreprise et de son activité et ne suppose pas un pouvoir de cogestion ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le salarié exerçait d'importantes responsabilités dans le cabinet d'avocats, disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et percevait l'une des rémunérations les plus élevées ; qu'en outre, la cour d'appel a constaté que le salarié avait effectué une proposition de discussion de la politique de développement du cabinet voulue très agressive, avait posé des exigences en matière de formation, et fait des préconisations relatives à une procédure d'ouverture, de suivi et de classement de dossiers ; qu'en écartant cependant sa qualité de cadre dirigeant au prétexte que cette intervention ne pouvait caractériser un rôle de dirigeant effectif, quand seule une participation à la direction de l'entreprise était requise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2. ALORS subsidiairement QUE les parties au contrat de travail peuvent, lorsque la convention collective le prévoit et que la profession exercée ne permet pas de connaître le nombre d'heures effectuées, convenir d'une rémunération annuelle forfaitaire couvrant l'intégralité des heures de travail ; qu'en l'espèce, l'article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d'avocats (avocats salariés) prévoit que « l'indépendance de l'avocat dans l'exercice de sa profession a pour conséquence la liberté dans la détermination de son temps de travail, notamment dans les dépassements individuels de l'horaire collectif du cabinet, justifiés par l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées. De ce fait, sa rémunération constitue un forfait. Dans chaque cas individuel, il doit être tenu compte de l'importance de cette sujétion pour la détermination des salaires effectifs » ; que l'article 6 du contrat de travail de Me [E] - qui avait perçu depuis son embauche une rémunération très largement supérieure à la rémunération minimale annuelle conventionnelle (atteignant en dernier lieu près du double de cette rémunération minimale) - indiquait que cette rémunération « a été convenue en tenant compte de la nature de l'activité professionnelle de la société Jurinord et notamment des sujétions imposées par la clientèle, de la liberté dont M. [T] [E] dispose dans l'organisation de son travail ainsi que des responsabilités dont il reconnaît avoir pleine connaissance » et précisait que « compte tenu de ces modalités, la présente rémunération a un caractère global et forfaitaire. Ainsi définie, la rémunération couvre tous les aspects de l'exercice de l'activité, quel que soit le temps qui y est consacré, notamment les temps passés aux déplacements, aux études, aux documentations, à la formation? » ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait constituer une convention de forfait licite, la cour d'appel a violé l'article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d'avocats (avocats salariés), ensemble l'article 19-III de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
3. ALORS plus subsidiairement QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié, au préalable, d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en considérant que le salarié étayait sa demande par des fiches de temps unilatéralement établies par ses soins indiquant un temps de travail quasi uniforme chaque semaine, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
4. ALORS encore plus subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que même en tenant compte du temps consacré à des activités professionnelles non rattachables à un client, que ce soit en terme de documentation juridique, de formation, d'animation de séminaires, de colloques ou de participation à des réunions internes, les heures effectuées par la salariée n'avaient jamais excédé la durée hebdomadaire de 35 heures, le temps « non imputable » figurant sur les fiches de temps établis par la salariée étant ainsi notamment distinct du temps de recherche de documentation ou de formation non rattaché à un dossier particulier (conclusions d'appel, p. 21) ; qu'en affirmant que l'employeur estimait que les temps de recherche de documentation étaient facturables, et en lui opposant que si les recherches effectuées pour une affaire déterminée sont susceptibles d'être facturées au client au bénéfice duquel cette rémunération a été menée, on ne pouvait répartir entre les clients les travaux d'actualisation des connaissances et de formation menés en dehors d'une affaire désignée et qu'ainsi ces temps « non imputables » ne pouvaient être écartés, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5. ALORS enfin QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ne peut être prononcée qu'en cas de manquement de l'employeur suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel qui n'a pas constaté que le non-paiement des heures supplémentaires empêchait la poursuite du contrat de travail a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Jurinord à payer à M. [E] une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement,
AUX MOTIFS QUE en ce qui concerne l'indemnité pour manquement aux règles de procédure du licenciement, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; que l'article L. 1235-2 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire est due au salarié ; mais lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'article L. 1235-3 du même code ne prévoit pour le salarié qu'une indemnité globale qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire ; que l'article L. 1235-5 du code du travail réintroduit les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse mais seulement pour le licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ; qu'il est constant que l'effectif de la SELAS Jurinod est inférieur à 11 salariés et le manquement aux règles de procédure s'analyse en une méconnaissance des règles relatives à l'assistance du salarié, la demande est donc fondée en son principe ; que toutefois, le préjudice subi n'est que symbolique au regard des circonstances exposées ci-dessus et sera réparé par l'allocation de 1 000 € ;
ALORS QUE l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une somme au titre du manquement aux règles de procédure du licenciement, quand le contrat de travail était rompu par l'effet d'une résiliation judiciaire et non par un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [E], demandeur au pourvoi incident n° A 15-24.992
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur [E] de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Aux motifs que la décision sera en revanche infirmée en ce qu'elle a retenu une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ; qu'en effet, l'article L. 8221-5 du Code du travail prévoit que le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux formalités relatives à la durée du travail caractérise le travail dissimulé ; que toutefois, la non-déclaration des heures supplémentaires procède, en l'espèce, d'une appréciation sur la qualité du salarié qui, même si elle était fausse, n'en était pas pour autant arbitraire au regard de l'argumentation développée ; que cela suffit à écarter l'élément intentionnel sans lequel on ne peut parler de travail dissimulé au sens du Code du travail ;
ALORS, D'UNE PART, QU'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu'en affirmant, pour écarter l'élément intentionnel du travail dissimulé, que « la non-déclaration des heures supplémentaires procède, en l'espèce, d'une appréciation sur la qualité du salarié qui, même si elle était fausse, n'en était pas pour autant arbitraire au regard de l'argumentation développée », quand le caractère intentionnel de l'absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie ne peut se déduire de la seule appréciation erronée et « non arbitraire » de l'employeur sur le statut de cadre dirigeant de son salarié, la Cour d'appel a violé l'article L. 221-5 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à affirmer, pour écarter l'élément intentionnel du travail dissimulé, que « la non-déclaration des heures supplémentaires procède, en l'espèce, d'une appréciation sur la qualité du salarié qui, même si elle était fausse, n'en était pas pour autant arbitraire au regard de l'argumentation développée », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la rédaction bien particulière, par la société JURINORD, société d'avocats spécialisée en droit, des clauses contractuelles relatives à la durée du travail et à la rémunération de Monsieur [E] n'établissait pas une connaissance parfaite de l'employeur sur la législation du travail caractérisant ainsi l'élément intentionnel du défaut de déclaration des heures supplémentaires effectuées par le salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE l'exposant avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « par lettre du 4 décembre 2013 pour Messieurs [R] et [E], et le 31 janvier 2014 pour Mademoiselle [O], les requérants ont formé une réclamation restée sans suite. L'employeur aurait pu alors en contester l'analyse juridique s'il l'estimait infondée. Il ne peut cependant nier que la rédaction de chacun des contrats des avocats salariés révèle une connaissance des règles légales et conventionnelles sur la durée du travail » (page 36) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que la société JURINORD avait délibérément omis de déclarer les heures supplémentaires effectuées par Monsieur [E], la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.