LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2021
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 861 F-D
Pourvoi n° K 20-22.054
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
1°/ Mme [W] [J], épouse [N],
2°/ M. [O] [N],
domiciliés tous deux [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° K 20-22.054 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section B), dans le litige les opposant :
1°/ au Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer (Symadrem), dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au commissaire du gouvernement du Gard, dont le siège est [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [N], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat du Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Nîmes, 21 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-10.989), fixe les indemnités revenant à M. et Mme [N] à la suite de l'expropriation partielle, au profit du syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer, de quatre parcelles leur appartenant.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [N] font grief à l'arrêt de fixer à la seule somme de 58 695,20 euros l'indemnité de dépossession et de rejeter le surplus de leur demande d'indemnité, alors « que les termes du litige sont fixés par les conclusions des parties ; que le juge de l'expropriation qui fixe le montant de l'indemnité de dépossession, statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; qu'en fixant l'indemnité de dépossession à la seule somme de 58 695,20 euros, quand le Symadrem, l'expropriant, proposait une indemnité supérieure, qu'il fixait à la somme de 61 904 euros et que le commissaire du gouvernement avait proposé une indemnité supérieure, la cour d'appel a violé l'article R. 311-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
5. L'arrêt fixe l'indemnité de dépossession à la somme de 58 695,20 euros et rejette le surplus de la demande de M. et Mme [N].
6. En statuant ainsi, alors que l'expropriant et le commissaire du gouvernement avaient proposé une indemnité supérieure, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 58 695,20 euros l'indemnité de dépossession et rejette le surplus de la demande de M. et Mme [N], l'arrêt rendu le 21 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée ;
Condamne le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer et le condamne à payer à M. et Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [N]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'appel incident du Symadrem, d'AVOIR fixé à la seule somme de 58 695,20 euros l'indemnité de dépossession revenant à M. et Mme [N] au titre des emprises expropriées dépendant des parcelles cadastrées Section D n° [Cadastre 5], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] sur la commune de [Localité 8] et d'AVOIR, rejetant toutes autres demandes, débouté les époux [N] du surplus de leur demande d'indemnité ;
AUX ÉNONCIATIONS QUE RG : 19.05 : Dans le cadre d'un mémoire reçu le 23 juillet 2019, complétée par des écritures reçues le 27 mai 2020, les époux [N], appelants, demandent (?) ; Dans son mémoire déposé le 9 octobre 2019, complété par des écritures reçues le 4 juin 2020, le Symadrem forme appel incident et conclut à la réformation des dispositions du jugement de première instance relatives à l'indemnité de dépossession (?) ; Le commissaire du gouvernement n'a pas déposé de mémoire (?) ; RG : 19.07 : Le Symadrem, en sa qualité d'appelant, a déposé des conclusions les 9 octobre 2019 et 4 juin 2020, auxquelles il est fait état ci-dessus ; Les époux [N] n'ont pas conclu, ni le commissaire du gouvernement ;
1) ALORS QUE, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; que les parties qui ne formulent pas de moyens nouveau ou de nouvelles prétentions sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée ; qu'en statuant au seul visa d'écritures des époux [N] et de la Symadrem et en retenant que le commissaire du gouvernement n'avait pas déposé de mémoire, quand le commissaire du gouvernement avait régulièrement déposé, dans l'instance d'appel initiale avant cassation, le 18 mai 2017, des conclusions proposant une indemnisation principale de 140 385 euros, supérieure à celle du premier juge, et comportant des termes de comparaison, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile et R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction antérieure au décret du 1er septembre 2017, ensemble les articles 631 et 634 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; que sur l'appel principal interjeté à l'encontre d'un jugement fixant l'indemnité d'expropriation, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en l'espèce, devant la première cour d'appel, le Symadrem avait déposé ses écritures d'intimé le 18 mai 2017 accompagnées de 25 pièces ; que statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris sur l'appel incident du Symadrem et fixé à une certaine somme l'indemnité de dépossession due aux époux [N], sur le fondement notamment d'écritures déposées par le Symadrem le 9 octobre 2019 et comportant 44 pièces, complétées par des écritures reçues le 4 juin 2020, comportant quatre pièces nouvelles ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si ces pièces avaient été déposées dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant déposé le 23 mars 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction antérieure au décret du 1er septembre 2017, ensemble l'article 631 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à la seule somme de 58 695,20 euros l'indemnité de dépossession revenant à M. et Mme [N] au titre des emprises expropriées dépendant des parcelles cadastrées Section D n° [Cadastre 5], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] sur la commune de [Localité 8] et d'AVOIR, rejetant toutes autres demandes, débouté les époux [N] du surplus de leur demande d'indemnité ;
1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en retenant qu'il y avait lieu d'appliquer un abattement 40 % sur l'indemnité principale de dépossession des emprises expropriées dépendant des parcelles cadastrées Section D n° [Cadastre 5], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] sur la commune de [Localité 8] afin de tenir compte de la pollution de l'emprise expropriée (arrêt p.13, avant-dernier alinéa) sans répondre aux conclusions des époux [N] faisant valoir que seule la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 2] serait concernée par les déchets et non les quatre parcelles (conclusions, p.13, § 2), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la qualification de terrain à bâtir suppose simplement que les réseaux d'électricité et d'eaux potable soient à proximité immédiate des terrains en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les parcelles expropriées étaient localisées dans une zone constructible à la date de référence, le 17 avril 2000 (arrêt p.9, alinéa 6) ; qu'en retenant néanmoins, pour exclure la qualification de terrain à bâtir des emprises expropriées situées Mas de Courtois, qu'il n'était pas démontrée que les travaux de VRD avaient été réalisées dans le secteur de l'école pour alimenter le Mas de Courtois (arrêt p.10, alinéa 3) et que l'entité du Mas de Courtois n'était donc pas desservie à la date de référence par des réseaux (arrêt p.10, alinéa 5), quand une desserte effective à la date de référence n'est pas exigée, la seule proximité immédiate de réseaux dimensionnés pour l'ensemble de la zone étant suffisante, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à la seule somme de 58 695,20 euros l'indemnité de dépossession revenant à M. et Mme [N] au titre des emprises expropriées dépendant des parcelles cadastrées Section D n° [Cadastre 5], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] sur la commune de [Localité 8] et d'AVOIR, rejetant toutes autres demandes, débouté les époux [N] du surplus de leur demande d'indemnité ;
ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les conclusions des parties ; que le juge de l'expropriation qui fixe le montant de l'indemnité de dépossession, statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; qu'en fixant l'indemnité de dépossession à la seule somme de 58 695,20 euros, quand le Symadrem, l'expropriant, proposait une indemnité supérieure, qu'il fixait à la somme de 61 904 euros (arrêt, p. 6 § 1) et que le commissaire du gouvernement avait proposé une indemnité supérieure, la cour d'appel a violé l'article R. 311-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 4 du code de procédure civile.