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08/12/2021 | FRANCE | N°20-15622

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 décembre 2021, 20-15622


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 décembre 2021

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1395 F-D

Pourvoi n° U 20-15.622

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

Mme [K] [P], domiciliée [Adresse 2], a

formé le pourvoi n° U 20-15.622 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 décembre 2021

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1395 F-D

Pourvoi n° U 20-15.622

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

Mme [K] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-15.622 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société DHI Company, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [P], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société DHI Company, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2020), Mme [P] a été engagée le 1er mars 2004 par la société Delsey en qualité de responsable coordination groupe, statut cadre dirigeant. Elle a ensuite été nommée responsable du développement des ressources humaines du groupe Delsey. Son contrat de travail a été transféré, le 1er mai 2013, à la société DHI Company, société holding du groupe Delsey en France.

2. Licenciée pour faute grave le 18 mars 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer la faute grave et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'un comportement fautif ne peut résulter que d'un fait personnellement imputable au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 3] présentée par le président du conseil de surveillance, M. [F], "présentée en janvier 2015, d'un montant de 1.625,69 euros, est établie au nom de jeune fille de Mme [P], pour un séjour non professionnel, ses activités professionnelles ne justifiant pas sa présence à l'étranger" et que "la société produit, en outre, la photocopie du passeport de Mme [P]" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs péremptoires et inopérants, sans faire ressortir que la salariée avait personnellement remis à l'employeur cette note de frais ou même en avait seulement sollicité la remise, et donc si la transmission de cette note de frais à l'employeur procédait d'une faute personnellement imputable à la salariée et de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que la faute grave, qui justifie le licenciement immédiat du salarié, n'est pas caractérisée lorsque l'employeur n'a pas engagé la procédure disciplinaire dans un délai restreint ; que le comportement du salarié, connu et toléré pendant plusieurs mois par la secrétaire générale responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, et donc par l'employeur, ne peut constituer une faute grave rendant impossible la continuation du contrat de travail pendant la durée du préavis ; qu'en retenant dès lors, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, que "la signature de ses demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emporte pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique frauduleuse de la salariée", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la secrétaire générale, responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, ne représentait pas l'employeur en cette qualité, de sorte que celui-ci avait nécessairement eu connaissance et avait approuvé le remboursement des notes de frais litigieuses, excluant ainsi de conférer tout caractère de gravité aux faits reprochés, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce Mme [P] produisait, sous la pièce n° 32, la fiche de poste de Mme [U], secrétaire générale France responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, des affaires juridiques de l'entreprise et des services généraux, démontrant que "Mme [U], cadre dirigeant, secrétaire générale France et responsable de la gestion juridique et administrative des ressources humaines, était notamment en charge de la validation des notes de frais de Mme [P] en l'absence de M. [R], fréquemment en déplacements professionnels" ; qu'en décidant toutefois de débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif péremptoire que "la signature de ses demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emporte pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique frauduleuse de la salariée" et que "cette situation n'était pas connue et approuvée par la société", sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, cette pièce essentielle dont il ressortait que les faits prétendument fautifs avaient en réalité été connus et tolérés par ce dernier, représentée par Mme [U], responsable des ressources humaines représentant l'employeur, qui avaient validé en connaissance de cause les notes de frais litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que Mme [P] faisait valoir que Mme [U], qui avait validé les notes de frais litigieuses en étant habilitée à le faire, savait que ses fonctions n'impliquaient pas de déplacement dans les magasins d'usines, et très rarement à l'entrepôt de [Localité 4], ce dont il s'évinçait qu'elle avait en connaissance de cause validé les notes de frais litigieuses, marquant bien une tolérance de la part de l'employeur ; qu'en affirmant péremptoirement que la signature des demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emportait pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique de la salariée, sans répondre à ce moyen de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que lorsque la prescription des faits fautifs est invoquée, c'est à l'employeur de prouver qu'il en a eu connaissance moins de deux mois avant l'engagement des faits fautifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le licenciement pour faute grave reposait sur un grief tiré de la présentation de notes de frais censément injustifiées en septembre, octobre, novembre et décembre 2014 -la dernière datant du 18 décembre 2014-, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'il était par ailleurs constant que toutes les notes de frais litigieuses avaient été signées pour remboursement par Mme [U], secrétaire générale France responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, des affaires juridiques de l'entreprise et des services généraux et en charge de la validation des notes de frais en l'absence de M. [R] ; que pour écarter néanmoins la prescription, la cour d'appel a relevé que c'était la note de frais de janvier 2015 donnée par [E] [F] qui avait amené l'employeur à diligenter une enquête ayant établi la réalité et l'ampleur du comportement de la salariée ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la preuve par l'employeur qu'il n'avait pas pu avoir connaissance du caractère litigieux ou injustifié des notes de frais en cause plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, nonobstant leur signature par sa représentante habilitée à cet effet, ni que cette connaissance n'avait pu être acquise que par l'enquête dont il excipait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

6°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce la salariée produisait, sous la pièce n° 35, un échange de courriels des 4, 5 et 6 novembre 2014 avec la société DHI Company démontrant que cette dernière avait connaissance de la réalisation par Mme [P] de tâches administratives pour M. [F] à titre occasionnel et sous les pièces n° 36 et 37, les éléments démontrant que M. [F] avait obtenu l'autorisation de la société DHI Company d'exercer des mandats dans toutes les sociétés pour lesquelles Mme [P] a été amenée à intervenir en qualité d'assistante de M. [F] ; qu'en décidant toutefois de débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que le comportement de la salariée "révèle un manque de loyauté à l'égard de la société DHI Company, en l'absence de document de nature à établir que ce jour celle-ci était informée de ces activités", sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, ces pièces démontrant précisément que l'employeur avait connaissance desdites activités et qu'il avait même donné son autorisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que le seul risque d'un conflit d'intérêts ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la cour d'appel, pour dire que le comportement de Mme [P] révélait un "manque de loyauté" et juger que son licenciement pour faute grave était justifié, a retenu que "la société produit plus d'une cinquantaine de courriels de Mme [P] relatifs aux affaires de M. [F], dont celles concernant des sociétés tierces" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans constater que l'activité occasionnelle d'assistante personnelle de M. [F] ou l'activité de coaching reprochées à la salariée constituaient des activités concurrentes de l'activité de la société DHI Company ou matérialisait un conflit d'intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil, ensemble des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;

8°/ en toute hypothèse que l'exercice d'une activité non concurrentielle à l'employeur ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté ; que le manquement à l'obligation de loyauté, de nature à justifier une rupture du contrat de travail, suppose que soit démontrée l'existence d'un préjudice causé à l'employeur par l'exercice de cette activité ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger bien fondé le licenciement de Mme [P] pour faute grave, que cette dernière exerçait une activité d'assistante personnelle de M. [F] et une activité de coaching, sans caractériser le préjudice qui serait résulté de ces activités pour l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil, ensemble des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;

9°/ que sauf abus, l'utilisation des moyens de l'entreprise à des fins personnelles ne caractérise pas la faute grave ; qu'en l'espèce, Mme [P] faisait valoir dans ses écritures que "sauf les cas où l'usage du matériel de l'entreprise à des fins personnelles est prohibé, seul un usage abusif peut caractériser une faute grave du salarié" et que "les documents stockés sur son ordinateur professionnel (lesdits supports et quelques factures émises dans le cadre de son activité de coaching) sont peu nombreux" ; qu'en jugeant le licenciement pour faute grave bien fondé, aux motifs inopérants que "ses supports et contrats étaient stockés sur son ordinateur" et que "même si elle la minimise, Mme [P] reconnaît une utilisation personnelle des moyens mis à sa disposition par l'entreprise", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que l'employeur n'avait eu la connaissance exacte de la nature, de la réalité et de l'ampleur des irrégularités relatives aux remboursements de frais professionnels reprochées à la salariée qu'à l'occasion de l'enquête réalisée lors de la demande de remboursement, en janvier 2015, d'une facture d'hôtel pour un séjour non professionnel de l'intéressée à [Localité 3], révélant une pratique répétitive depuis septembre 2014, la cour d'appel a exactement décidé que la poursuite disciplinaire engagée en février 2015 n'était pas prescrite.

5. Ayant ensuite constaté qu'il n'était pas établi que l'employeur avait toléré ces demandes injustifiées de remboursements de frais et que la salariée, cadre dirigeant, avait en outre manqué à son obligation de loyauté en effectuant, à l'insu de son employeur, pendant les horaires de travail et avec le matériel informatique mis à sa disposition, des travaux d'assistance personnelle du président du conseil de surveillance, dans le cadre d'activités réalisées par celui-ci pour des sociétés tierces, la cour, sans être tenue de s'expliquer spécialement sur chacune des pièces produites ni d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu retenir que l'ensemble de ces faits rendait impossible son maintien dans l'entreprise.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner la société DHI Company à lui verser la seule somme brute de 2.376,30 euros au titre du bonus pour l'année 2015, outre 237,63 euros au titre des congés payés afférents, alors « que la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt l'ayant déboutée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînera l'annulation du chef de dispositif ayant condamné la société DHI Company à lui payer seulement la somme de 2.376,30 euros au titre du bonus pour l'année 2015, outre 237,63 euros au titre des congés payés y afférents, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, compte tenu du lien de dépendance nécessaire. »

Réponse de la Cour

8. Le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen, pris d'une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la faute grave et d'AVOIR débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise ; il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule ; la lettre de licenciement du 18 mars 2015, qui circonscrit le litige, est rédigée dans les termes suivants : « Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave, privatif du préavis et toute indemnité de rupture. En effet, comme nous vous l'avons indiqué, nous avons été destinataire au mois de janvier 2015 d'une demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 3], facturée à votre nom de jeune fille de surcroît. Une telle demande n'est toutefois pas justifiée dans la mesure où cette dépense n'avait aucun caractère professionnel, ce déplacement ayant été réalisé à titre personnel pendant une période correspondant à une « récupération » que vous aviez sollicitée. Comme nous vous l'avons précisé, cette demande de remboursement de frais prétendument professionnels constitue un premier manquement à vos obligations que la société ne peut tolérer. Toutefois, cette demande a d'autant plus attiré notre attention qu'elle nous a été présentée par M. [E] [F], alors Président du Conseil de Surveillance de la société. Des investigations ont donc été engagées par la société afin d'éclaircir cette situation, susceptible de vous impliquer, vous et M. [E] [F]. Ces investigations ont d'une part conduit à constater, a posteriori, que de nombreuses demandes de remboursement de frais professionnels n'étaient pas justifiées au regard de votre activité. Notamment, aux mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2014, vous avez demandé le remboursement de frais de déplacement dans un certain nombre de magasins dans lesquels, en réalité, vous ne nous êtes pas rendue. Plus généralement, les conditions dans lesquelles vous évaluez les dépenses liées à vos déplacements ne sont pas conformes aux règles et procédures applicables et n'ont vocation qu'à majorer indument la prise en charge, par la société, de ces prétendus frais. D'autre part et s'agissant plus particulièrement de la note d'hôtel à [Localité 3], ces investigations ont notamment permis de constater que vous étiez effectivement présente avec M. [E] [F] à [Localité 3], et que vos déclarations relatives à cette facture, selon lesquelles vous vous seriez rencontrés fortuitement ou encore selon lesquelles vous étiez présente à [Localité 3] pour célébrer l'anniversaire de votre frère, étaient manifestement mensongères. Interrogé sur ces évènements et sur un certain nombre d'irrégularités révélées par ces recherches, M. [E] [F] nous a pour sa part précisé que vous « travaillez » pour lui en marge de votre activité au sein de la société, pendant votre journée de repos hebdomadaire. D'ailleurs, vous vous présentez (il vous présente et vous êtes reconnue comme) son « assistante personnelle ». Nous n'avons jamais été informés de cette activité professionnelle parallèle, qui caractérise pourtant nu conflit d'intérêt évident compte tenu notamment de la nature et de l'importance de vos fonctions au sein de la société. Par ailleurs, après vérification de votre situation, il apparaît que l'exercice d'une telle activité professionnelle pour le compte de M. [E] [F] n'est pas possible dans la mesure où : vous exercez de nouveau votre activité à temps complet, pour le compte de la société, depuis le 1er mai 2013, date à laquelle votre salaire a été revu à hauteur d'un temps plein. Il a été alors convenu qu'à titre tout à fait exceptionnel certains vendredis où vous seriez en déplacement à l'étranger pourraient être récupérés. Vous bénéficiez, contractuellement, du statut de cadre dirigeant. A ce titre, il apparaît d'ailleurs que vous avez continué à solliciter régulièrement des journées de « récupération », en contrepartie du travail prétendu pendant la journée de repos qui, antérieurement, vous avait été attribuée. Pourtant, dans le cadre de ces conditions nouvelles, ces journées de récupération n'étaient pas justifiées, ce que vous ne pouvez pas ignorer. A titre d'exemple, vous avez sollicité 18 journées de récupération sur la seule année 2014 alors que vous n'avez eu que 5 vendredis en déplacement professionnel. Lors de votre entretien, vous n'avez pas été en mesure de nous apporter, sur ce point, d'explications. Au contraire, vous avez reconnu avoir profité de 2 vendredis en Asie pour « faire du tourisme ». Nous avons également constaté, lors de nos investigations, que M. [E] [F] vous avait accordé des conditions particulières de rupture éventuelle de votre contrat de travail, qui ne sont pas justifiées, et qui démontrent la réalité du conflit d'intérêt entre les fonctions occupées au sein de la société et celles assurées personnellement pour le compte de M. [E] [F]. Lors de votre entretien préalable, vous avez tenté de minorer votre rôle auprès de M. [E] [F], prétendant que vos fonctions se limiteraient à quelques réservations de voyages, et représenteraient tout au plus quelques heures par mois. Cependant, les manquements à vos obligations contractuelles, que caractérise cette situation, ne sont pas atténués par l'importance et la nature prétendument relatives de vos fonctions assurées en marge de votre activité professionnelle. En toute hypothèse, lors de votre entretien préalable, nous vous avons démontré le caractère mensonger de vos propos. Vous avez d'ailleurs finalement reconnu que les tâches réalisées pour le compte de M. [E] [F] étaient beaucoup plus importantes que vous ne le prétendiez. En effet, les investigations que nous avons réalisées nous ont permis de constater que, en réalité, les fonctions assurées pour le compte de M. [E] [F] sont très importantes et variées. Nous avons également constaté que vous assuriez ces responsabilités non seulement pendant votre jour prétendu de repos, mais également tous les autres jours de la semaine et pendant vos horaires de travail, pour une durée du travail bien plus importante que « quelques heures par mois ». En outre, nous avons constaté que vous exercez ces fonctions « d'assistante personnelle » avec les moyens professionnels mis à votre disposition et appartenant à l'entreprise. Notamment, vous n'avez pas hésité à utiliser votre adresse électronique professionnelle dans le cadre de nombreux échanges que vous avez pu avoir avec les interlocuteurs de M. [E] [F], au titre de ses affaires personnelles (ce qui pourrait d'ailleurs engager, auprès de ces tiers, la responsabilité de la société). C'est également dans ce cadre que sont stockés sur votre ordinateur professionnel de nombreux rapports d'activité et informations confidentielles concernant des sociétés au sein desquelles M. [E] [F] exerce des fonctions ou des mandats, ce qui pourrait nous être reproché par ces différentes entreprises. Par ailleurs, lors de nos investigations, nous avons découvert que vous aviez développé une autre activité personnelle de coaching une nouvelle fois sans en avoir informé la société. Vous avez exercé cette activité rémunérée auprès des sociétés de M. [E] [F] en utilisant là encore les moyens professionnels de la société (notamment le logiciel PI que la société utilise et qui lui est, dans ce cadre, facturé). Concernant cette activité, nous avons d'ailleurs constaté que, au moins à une reprise, vous l'aviez exercée pendant une période de « récupération ». nous avons dans ces conditions interrogée sur les raisons précises de cette « récupération », que vous aviez a priori justifiée à l'époque comme étant la contrepartie d'un travail prétendu pendant vos congés payés du mois d'août 2012. Toutefois, là encore, vous n'avez pas été en mesure de nous apporter des explications. Bien plus, de manière surprenante, il apparaît que cette récupération a été validée par M. [E] [F], qui n'avait pourtant aucune autorité en la matière, ce que vous savez pertinemment. Enfin, nos investigations nous ont permis de constater que vous aviez réservé à de nombreuses reprises, aux frais de la société, des déplacements pour le compte de M. [E] [F], que vous avez pourtant refacturés à d'autres sociétés de M. [E] [F] en votre qualité d'assistante personnelle. Ces différents éléments démontrent de manière évidente les conflits d'intérêt entre vos obligations professionnelles et vos activités parallèles et, dans ce cadre, de nombreux manquements à vos obligations contractuelles, dont celle essentielle de loyauté. Votre comportement a par ailleurs causé, de manière délibérée, un préjudice financier à la société. Bien entendu, nous ne pouvons tolérer une telle situation, qui nous conduit à mettre un terme à nos relations contractuelles, sans pouvoir envisager leur poursuite même pendant la durée de votre préavis. Votre licenciement, pour faute grave, prend effet immédiatement » ; il est reproché à la salariée d'avoir participé à des demandes de remboursement de frais professionnels frauduleuses et irrégulières ; d'avoir sollicité le bénéfice de journées de récupération non justifiées ; d'avoir exercé une activité rémunérée au profit du Président du Conseil de surveillance, ce qui constituait un conflit d'intérêts ; d'avoir exercé cette activité pendant ses horaires de travail et avec les moyens professionnels de la société ; d'avoir développé une autre activité personnelle sans en avoir informé la société et de l'avoir exercée au profit des sociétés de M. [F] avec les moyens de l'entreprise ; sur la demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 3] présenté par le président du conseil de surveillance Mme [P] fait valoir que le reproche ne lui est pas personnellement imputable, cette note d'hôtel n'ayant pas été présentée par elle mais par M. [F] ; cependant, cette note, présentée en janvier 2015, d'un montant de 1625,69 euros, est établie au nom de jeune fille de Mme [P], pour un séjour non professionnel, ses activités professionnelles ne justifiant pas sa présence à l'étranger. La société produit, en outre, la photocopie du passeport de Mme [P] ; ce grief est donc établi ; sur les autres demandes de remboursement de frais professionnels Mme [P] fait valoir que ses supérieurs hiérarchiques ont validé ces frais professionnels alors qu'ils savaient que ses fonctions n'impliquaient pas de tels déplacements, qu'elle a procédé ainsi à la demande expresse de la société, et que les faits sont prescrits ; la SAS DHI Company fait valoir que ce n'est qu'à réception d'une demande de remboursement de frais professionnels manifestement frauduleuse en janvier 2015 qu'elle a engagé des vérifications et découvert les irrégularités, de sorte que les faits ne sont pas prescrits ; en effet, la salariée ne peut se prévaloir de la prescription de certains faits dès lors qu'ils s'inscrivent dans un phénomène répétitif et que c'est le dernier d'entre eux - la demande de remboursement d'une note d'hôtel en janvier 2015 - qui a amené l'employeur à diligenter une enquête ayant établi la réalité et l'ampleur des agissements de la salariée ; l'employeur produit une demande de remboursement de frais de déplacement de décembre 2014 pour les visites de site de septembre à décembre 2014 alors qu'il résulte des courriels de Mmes [G] et [M] que Mme [P] ne s'est pas rendue dans les lieux qu'elle mentionne ; par ailleurs, contrairement aux allégations de la salariée, cette situation n'était pas connue et approuvée par la société; en effet, la signature de ses demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emporte pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique frauduleuse de la salariée; ce grief est établi et la salariée sera déboutée de sa demande au titre de frais kilométriques portant sur la période de septembre à décembre 2014 ; Sur les journées de récupération ; la société soutient ensuite que Mme [P], en sa qualité de cadre dirigeant, ne pouvait bénéficier de journées de récupération en contrepartie des heures de travail réalisées, que celle-ci a pourtant régulièrement demandé à en bénéficier : elle produit des formulaires de demandes de récupération pour l'année 2014 ainsi qu'un courriel du 15 mai 2013 de Mme [Y] indiquant : « ton salaire de base serait revu à hauteur d'un temps plein actuel » ; Mme [P] a répondu : « peut-être préciser que je reste à un régime officiel de 4/5ème du lundi au jeudi (sous-entendu officieusement je travaille le vend), mais cela me permettrait de continuer à récupérer officiellement les vendredis où je suis en déplacement » ; l'employeur invoque à cet égard le manque de loyauté de la salariée dans l'exécution de son contrat de travail ; Mme [P] fait observer que sa dernière demande date du 15 décembre 2014 alors que la procédure de licenciement a été engagée le 27 février 2015 et que ces faits sont donc prescrits, qu'elle n'a jamais exercé ses fonctions à temps plein, qu'il a toujours été convenu qu'elle récupérerait les vendredis où elle travaillait, qu'il s'agissait d'une sorte de temps partiel bien qu'en sa qualité de cadre dirigeant elle n'était pas soumise à la réglementation relative à la durée du travail ; seule Mme [Y] a été destinataire des informations du courriel du 15 mai 2013 au sujet de l'organisation du travail de Mme [P] ; cette dernière ne peut donc conclure à la connaissance de cette situation par l'employeur du fait de la validation de ses demandes de récupération par Mme [Y] ni invoquer la prescription des faits, ceux-ci ayant été révélés au cours de l'enquête interne préalable au licenciement ; l'article 8 du contrat de travail de Mme [P] stipule : « Vous effectuerez 27,25 heures hebdomadaires qui se répartiront sur le lundi ' mardi ' jeudi ' et vendredi. En tant que responsable de Coordination Groupe, du fait de vos responsabilités au sein de l'entreprise, vous avez été classée dans la catégorie « Cadre Dirigeant ». Ceci signifie que votre horaire de travail n'est soumis à aucun contrôle, de ce fait, vous ne pointez pas, et vous n'êtes tenue à aucun horaire spécifique. Dans le cas où la nécessité se ferait ressentir, votre temps partiel pourrait être transformé en temps complet. Dans ce cas, votre salaire serait recalculé au prorata du nombre d'heures effectuées. Ceci vous serait éventuellement indiqué par avenant au présent contrat » ; les avenants au contrat de travail de la salariée n'ont pas modifié ces stipulations; la situation décrite par cet article correspond au courriel du 15 mai 2013 dans lequel il est indiqué : « ton salaire de base serait revu à hauteur d'un temps plein actuel » ; toutefois, il est expressément donné accord, dans ce courriel, au maintien de la situation de Mme [P] à un temps de travail à hauteur de 4/5eme : « pas de problème pour préciser travail au 4/5ème lundi jeudi » ; en l'absence d'avenant modifiant la durée du travail de Mme [P], celle-ci est restée à temps partiel et pouvait obtenir, du fait d'un travail plus important, la récupération de certains jours ; le reproche tiré de journées de récupération non justifiées ne peut donc être retenu ; sur l'exercice d'activités annexes et l'utilisation du matériel de la société ; Mme [P] soutient qu'elle n'a pas eu d'activité concurrente de celle de l'employeur et qu'elle n'a pas exercé d'activité au dépens de son temps de travail pour le compte de celui-ci, qu'elle était libre d'organiser son temps de travail, qu'elle n'a pas fait un usage abusif des moyens professionnels mis à sa disposition, que l'usage de sa messagerie électronique à des fins personnelles n'était pas abusif, qu'elle a stocké peu de documents concernant ses activités personnelles dans son ordinateur professionnel et aucun document confidentiel, qu'elle n'a pas fait une utilisation abusive du logiciel PI , qu'elle n'a jamais permis l'utilisation ou mis à disposition de tierces personnes ce logiciel ; la société réplique que Mme [P] ne pouvait à la fois exercer les fonctions de directrice du développement des ressources humaines du Groupe Delsey, cadre dirigeant, directement rattaché au président du directoire, et être l'assistante personnelle du président du conseil de surveillance dont les fonctions sont de contrôler la gestion de l'entreprise par son président et ses cadres dirigeants, qu'il en résulte l'existence d'un conflit d'intérêts caractérisé par l'octroi d'avantages contractuels qu'il considère non justifiés et des refacturations de frais de déplacement de M. [F] auprès des sociétés dans lesquelles il exerce des mandats ; d'agissant de l'activité d'assistante personnelle de M. [F] la société produit plus d'une cinquantaine de courriels de Mme [P] relatifs aux affaires de M. [F], dont celles concernant des sociétés tierces ; en outre, les supports de présentation, factures et contrats de prestation, présents sur l'ordinateur professionnel de la salariée, démontrent qu'elle exerçait, en plus de l'activité d'assistante personnelle de M. [F], une activité de coaching, également avec le matériel de l'entreprise puisque ses supports et contrats étaient stockés sur son ordinateur professionnel ; ce comportement révèle un manque de loyauté à l'égard de la société DHI Company, en l'absence de document de nature à établir que ce jour celle-ci était informée de ces activités ; par ailleurs, même si elle la minimise, Mme [P] reconnaît une utilisation personnelle des moyens mis à sa disposition par l'entreprise ; ainsi, les griefs invoqués par l'employeur, à l'exception de celui tiré des jours de récupération, sont établis et constituaient une violation des obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Le licenciement pour faute grave est justifié ; il ne résulte d'aucun élément probant, l'existence de circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, aux termes d'une jurisprudence établie, la faute grave est définie comme celle résultant de tout fait ou ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations découlant de son contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans la société ; ainsi, il doit s'agir non seulement d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais plus encore d'une faute d'une gravité telle que l'employeur doit se séparer immédiatement du salarié pour ne pas entraver la bonne marche de l'entreprise ; en l'espèce, Mme [C] a été licenciée après qu'il lui a été reproché : - des demandes de remboursement de frais professionnels frauduleuses et irrégulières; - d'avoir sollicité le bénéfice de journées de récupération alors même que celles-ci n'étaient pas justifiées, tant au regard du travail accompli que de son statut de cadre dirigeant ; - d'avoir exercé une activité rémunérée "d'assistante personnelle" au profit de M. [E] [F], président du conseil de surveillance créant ainsi un conflit d'intérêts manifeste avec ses fonctions de cadre dirigeant de la société, rattachées au président du directoire. Ce conflit d'intérêts s'est matérialisé notamment par : * des avantages accordés par M. [F] à Mme [C] dans le cadre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail avec la société DHI Company ; * la refacturation de frais de déplacement de M. [F] aux différents sociétés dans lesquelles ce dernier exerçait des fonctions ou des mandats, alors même que Mme [C] avait réservé ces voyages par l'intermédiaire et aux frais de la société DHI Company ; * d'avoir exercé cette activité "d'assistante personnelle" du président du conseil de surveillance, M. [F], pendant l'horaire de travail normal et avec les moyens professionnels de la société ; * d'avoir créé une activité personnelle de coach, ayant donné lieu à des prestations accomplies au profit des sociétés de M. [F] et, là encore, avec les moyens professionnels de l'entreprise ; Mme [C] a demandé, à titre liminaire, le rejet de certaines pièces, au motif que la production de ces pièces constituerait une violation de la vie privée ; il ressort des éléments versés aux débats que, d'une part, c'est Mme [C] qui a elle-même communiqué à la société une copie de son passeport afin de procéder au suivi des visas, conformément aux procédures internes concernant les salariés amenés à se déplacer à l'étranger, et que, d'autre part, les documents informatiques considérés par Mme [C] comme étant de nature privée (contrats de prestation de consultant) étaient stockés sur son ordinateur professionnel, sans être identifiés comme "personnel", ce dont atteste l'expertise informatique du disque dur dudit ordinateur diligentée par la société après qu'elle récupéré l'ordinateur en début de procédure ; le conseil, en conséquence, écarte cette demande de rejet de pièce, et déboute Mme [C] de sa demande indemnitaire afférente ; sur le grief à l'origine de la procédure, à savoir la demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 3] présentée par M. [F], mais établie au nom de Mme [C], il ressort de l'examen des pièces versées aux débats, et après avoir écouté les explications données par les parties à la barre, que, à la date de la facturation Mme [C] était en congés et qu'il ne pouvait donc s'agir d'un déplacement de caractère professionnel, rien ne justifiant le déplacement à [Localité 3] de Mme [C] pour le compte de la société ; de surcroît, alors que rien ne justifiait non plus que M. [F] soit en possession de cette note d'hôtel, la société DHI Company a découvert que celui-ci accompagnait Mme [C] à [Localité 3] ; par la suite, il est montré que la société DHI Company a relevé d'autres irrégularités dans des demandes de remboursement de frais professionnels présentés par Mme [C], notamment pour des déplacements en France dans des établissements de la société, où il apparaît que la salariée ne s'est pas rendue aux dates mentionnées sur les demandes de remboursement ; le conseil relève que Mme [C] reconnaît dans ses écritures qu'elle n'a pas réalisé ces déplacements ; mais il rejette les explications données par la demanderesse ; de même, le conseil rejette l'argument selon lequel les faits seraient prescrits, le point de départ de la prescription étant de jurisprudence constante, le jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur et la gravité des faits incriminés ; ainsi, alors que rien ne justifiait que la société contrôle la réalité des déplacements de Mme [C], ni les conditions d'exécution de son activité professionnelle au regard de son statut de cadre dirigeant, de l'autonomie dont elle bénéficiait et de son niveau de rémunération, ce n'est qu'à réception en janvier 2015, de la demande de remboursement de frais de séjour à [Localité 3], au nom de Mme [C], que la société a pu engager des vérifications et a découvert pour la première fois ces irrégularités ; en conséquence, le conseil constate que le grief relatif aux demandes de remboursement de frais professionnels est établi ; selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, un tel manquement justifie le licenciement pour faute grave du salarié concerné, la cour se montrant d'autant plus sévère à l'égard de salariés dont la nature des fonctions et les responsabilités dans l'entreprise sont importantes ; tel était bien le cas de Mme [C], cadre dirigeant, directrice du développement des ressources humaines du groupe Delsey ; dans ces conditions, le conseil confirme, au regard de ce seul grief, le licenciement pour faute grave de Mme [C] ; pour autant, après avoir examiné les pièces versées aux débats et entendu les arguments des parties à la barre, le conseil confirme la gravité des autres griefs invoqués par la société : paiement de journées de récupération alors même que celles-ci n'étaient contractuellement pas justifiées ; exercice d'une activité rémunérée "d'assistante personnelle" au profit de M. [F], président du conseil de surveillance, et cela pendant l'horaire de travail normal, avec les moyens professionnels de la société, ainsi que l'attestent les dizaines d'échanges de courriels retrouvés sur l'ordinateur professionnel de Mme [C] ; enfin, le fait d'avoir créé une activité personnelle de coach, ayant donné lieu à des prestations accomplies au profit des sociétés de M. [F] ainsi qu'un suivi de dossiers personnels de celui-ci, et là encore, avec les moyens professionnels de l'entreprise - Mme [C] échouant à prouver que son employeur, la société DHI Company, était au courant de cette activité parallèle ; en conséquence, Mme [C] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

1) ALORS QU'un comportement fautif ne peut résulter que d'un fait personnellement imputable au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 3] présentée par le président du conseil de surveillance, M. [F], « présentée en janvier 2015, d'un montant de 1.625,69 euros, est établie au nom de jeune fille de Mme [P], pour un séjour non professionnel, ses activités professionnelles ne justifiant pas sa présence à l'étranger » et que « la société produit, en outre, la photocopie du passeport de Mme [P] » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs péremptoires et inopérants, sans faire ressortir que la salariée avait personnellement remis à l'employeur cette note de frais ou même en avait seulement sollicité la remise, et donc si la transmission de cette note de frais à l'employeur procédait d'une faute personnellement imputable à la salariée et de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE la faute grave, qui justifie le licenciement immédiat du salarié, n'est pas caractérisée lorsque l'employeur n'a pas engagé la procédure disciplinaire dans un délai restreint ; que le comportement du salarié, connu et toléré pendant plusieurs mois par la secrétaire générale responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, et donc par l'employeur, ne peut constituer une faute grave rendant impossible la continuation du contrat de travail pendant la durée du préavis ; qu'en retenant dès lors, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, que « la signature de ses demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emporte pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique frauduleuse de la salariée », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la secrétaire générale, responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, ne représentait pas l'employeur en cette qualité, de sorte que celui-ci avait nécessairement eu connaissance et avait approuvé le remboursement des notes de frais litigieuses, excluant ainsi de conférer tout caractère de gravité aux faits reprochés, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce Mme [P] produisait, sous la pièce n° 32, la fiche de poste de Mme [U], secrétaire générale France responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, des affaires juridiques de l'entreprise et des services généraux, démontrant que « Mme [U], Cadre Dirigeant, Secrétaire Générale France et responsable de la gestion juridique et administrative des ressources humaines, était notamment en charge de la validation des notes de frais de Mme [P] en l'absence de M. [R], fréquemment en déplacements professionnels » (conclusions de Mme [P] p. 10) ; qu'en décidant toutefois de débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif péremptoire que « la signature de ses demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emporte pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique frauduleuse de la salariée » et que « cette situation n'était pas connue et approuvée par la société », sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, cette pièce essentielle dont il ressortait que les faits prétendument fautifs avaient en réalité été connus et tolérés par ce dernier, représentée par Mme [U], responsable des ressources humaines représentant l'employeur, qui avaient validé en connaissance de cause les notes de frais litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE Mme [P] faisait valoir que Mme [U], qui avait validé les notes de frais litigieuses en étant habilitée à le faire, savait que ses fonctions n'impliquaient pas de déplacement dans les magasins d'usines, et très rarement à l'entrepôt de [Localité 4], ce dont il s'évinçait qu'elle avait en connaissance de cause validé les notes de frais litigieuses, marquant bien une tolérance de la part de l'employeur ; qu'en affirmant péremptoirement que la signature des demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emportait pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique de la salariée, sans répondre à ce moyen de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE lorsque la prescription des faits fautifs est invoquée, c'est à l'employeur de prouver qu'il en a eu connaissance moins de deux mois avant l'engagement des faits fautifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le licenciement pour faute grave reposait sur un grief tiré de la présentation de notes de frais censément injustifiées en septembre, octobre, novembre et décembre 2014 – la dernière datant du 18 décembre 2014 -, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire ; qu'il était par ailleurs constant que toutes les notes de frais litigieuses avaient été signés pour remboursement par Mme [U], secrétaire générale France responsable de la gestion juridique, sociale et administrative des ressources humaines, des affaires juridiques de l'entreprise et des services généraux et en charge de la validation des notes de frais en l'absence de M. [R] ; que pour écarter néanmoins la prescription, la cour d'appel a relevé que c'était la note de frais de janvier 2015 donnée par [E] [F] qui avait amené l'employeur à diligenter une enquête ayant établi la réalité et l'ampleur du comportement de la salariée ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la preuve par l'employeur qu'il n'avait pas pu avoir connaissance du caractère litigieux ou injustifié des notes de frais en cause plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, nonobstant leur signature par sa représentante habilitée à cet effet, ni que cette connaissance n'avait pu être acquise que par l'enquête dont il excipait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail :

6) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce la salariée produisait, sous la pièce n° 35, un échange de courriels des 4, 5 et 6 novembre 2014 avec la société DHI Company démontrant que cette dernière avait connaissance de la réalisation par Mme [P] de tâches administratives pour M. [F] à titre occasionnel et sous les pièces n° 36 et 37, les éléments démontrant que M. [F] avait obtenu l'autorisation de la société DHI Company d'exercer des mandats dans toutes les sociétés pour lesquelles Mme [P] a été amenée à intervenir en qualité d'assistante de M. [F] ; qu'en décidant toutefois de débouter la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que le comportement de la salariée « révèle un manque de loyauté à l'égard de la société DHI Company, en l'absence de document de nature à établir que ce jour celle-ci était informée de ces activités », sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, ces pièces démontrant précisément que l'employeur avait connaissance desdites activités et qu'il avait même donné son autorisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7) ALORS QUE le seul risque d'un conflit d'intérêts ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la cour d'appel, pour dire que le comportement de Mme [P] révélait un « manque de loyauté » et juger que son licenciement pour faute grave était justifié, a retenu que « la société produit plus d'une cinquantaine de courriels de Mme [P] relatifs aux affaires de M. [F], dont celles concernant des sociétés tierces » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans constater que l'activité occasionnelle d'assistante personnelle de M. [F] ou l'activité de coaching reprochées à la salariée constituaient des activités concurrentes de l'activité de la société DHI Company ou matérialisait un conflit d'intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil, ensemble des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;

8) ALORS en toute hypothèse QUE l'exercice d'une activité non-concurrentielle à l'employeur ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté ; que le manquement à l'obligation de loyauté, de nature à justifier une rupture du contrat de travail, suppose que soit démontrée l'existence d'un préjudice causé à l'employeur par l'exercice de cette activité ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger bien fondé le licenciement de Mme [P] pour faute grave, que cette dernière exerçait une activité d'assistante personnelle de M. [F] et une activité de coaching, sans caractériser le préjudice qui serait résulté de ces activités pour l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil, ensemble des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;

9) ALORS QUE sauf abus, l'utilisation des moyens de l'entreprise à des faits personnelles ne caractérise pas la faute grave ; qu'en l'espèce, Mme [P] faisait valoir dans ses écritures que « sauf les cas où l'usage du matériel de l'entreprise à des fins personnelles est prohibé, seul un usage abusif peut caractériser une faute grave du salarié » et que « les documents stockés sur son ordinateur professionnel (lesdits supports et quelques factures émises dans le cadre de son activité de coaching) sont peu nombreux » (conclusions de Mme [P] pp. 18 et 20) ; qu'en jugeant le licenciement pour faute grave bien fondé, aux motifs inopérants que « ses supports et contrats étaient stockés sur son ordinateur » et que « même si elle la minimise, Mme [P] reconnaît une utilisation personnelle des moyens mis à sa disposition par l'entreprise » (arrêt p. 7), la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DHI Company à verser seulement à Mme [P] la somme brute de 2.376,30 euros au titre du bonus pour l'année 2015, outre 237,63 euros au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE toutefois, dès lors que le licenciement pour faute grave a été jugé fondé Mme [P] ne peut prétendre au versement d'une somme au titre du bonus pour la période du 1er janvier au 18 septembre 2015, mais seulement pour la période du 1er janvier au 18 mars 2015, date de son licenciement ;

ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant débouté Mme [P] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînera l'annulation du chef de dispositif ayant condamné la société DHI Company à lui payer seulement la somme de 2.376,30 euros au titre du bonus pour l'année 2015, outre 237,63 euros au titre des congés payés y afférents, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, compte tenu du lien de dépendance nécessaire ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15622
Date de la décision : 08/12/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 déc. 2021, pourvoi n°20-15622


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15622
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