LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2021
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1409 F-B
Pourvoi n° C 20-13.905
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
M. [U] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 20-13.905 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BGC Brokers LP, dont le siège est [Adresse 6] (Royaume-Uni),
2°/ à la société MEQ Realisations Limited, dont le siège est [Adresse 7] (Royaume-Uni), anciennement dénommée Mint equities limited,
3°/ à M. [B] [W], domicilié [Adresse 4], associé de la société Patnerships Price Waterhouse Coopers LLP, pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société MEQ Realisations Limited, anciennement dénommée Mint Equities Limited,
4°/ à la société MJA, dont le siège est [Adresse 1], pris en la personne de Mme [H] [R], en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société MEQ Realisations Limited, anciennement dénommée Mint Equities Limited ,
5°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La société MEQ Realisations Limited et M. [W] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt
Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MEQ Realisations Limited et de M. [W], après débats en l'audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2019), la société Mint Equities Limited, devenue la société MEQ Realisations Limited, établie à [Localité 5] (Royaume-Uni) et ayant une activité de courtage sur instruments financiers pour le compte de tiers, a engagé M. [P], à compter du 1er avril 2010, pour exercer des fonctions de courtier sur le site de sa succursale parisienne.
2. Saisie par les dirigeants de la société Mint Equities Limited, la High Court of Justice, Chancery Division, Companies Court (Royaume-Uni) a, par ordonnance du 19 août 2010, rendue sur le fondement de l'Insolvency Act 1986, désigné MM. [W] et [Y], du cabinet PricewaterhouseCoppers LLP, comme « administrators » de cette société, rejeté la requête en liquidation (« winding-up Petition ») présentée par la société Base Interiors Limited et s'est dite convaincue, aux fins de l'application de l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, que le centre des intérêts principaux de la société Mint Equities Limited est en Angleterre et au Pays de Galles.
3. Par acte du 19 août 2010, les sociétés Mint Parteners Limited (« in administration ») et Mint Equities Limited (« in administration »), représentées par MM. [W] et [Y] en qualité d'« administrators » ont cédé, dans le cadre d'un accord « pre-pack », à la société BGC Brokers LP leur activité et certains éléments d'actif, à l'exclusion de l'activité menée depuis la France et des éléments d'actif situés en France. Tout en prévoyant le transfert des contrats de travail des salariés employés au Royaume-Uni, à Dubaï et en Suisse, cet acte excluait expressément la reprise du contrat de travail de M. [P].
4. Saisi par MM. [W] et [Y] en qualité d'« administrators », le tribunal de commerce de Paris a, par jugement en date du 28 octobre 2010, ouvert une procédure secondaire de liquidation judiciaire à l'égard de la société Mint Equities Limited et désigné la société MJA, prise en la personne de Mme [R], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.
5. M. [P] a été licencié pour motif économique par lettre du 12 novembre 2010.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale incompétente pour connaître de son action fondée sur le transfert du contrat de travail et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE, 4 sept. 2014, [I], aff. C-157/13, 9 nov. 2017, [G], aff. C-641/16, 20 déc. 2017, [F], aff. C-649/16, 6 fév. 2019, NK, aff. C-535/17, 18 sept. 2019, [E], aff. C-47/18) que seules les actions qui dérivent directement d'une procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement entrent dans le champ d'application du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, que l'élément déterminant pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel elle s'inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière et que selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l'obligation qui sert de base à l'action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d'insolvabilité ; que, d'autre part, la Cour de cassation a jugé (Soc., 28 oct. 2015, n° 14-21.319) que le litige relatif à la rupture du contrat de travail du salarié et aux créances salariales durant la relation de travail ne relève pas de la procédure d'insolvabilité, ainsi que cela résulte des articles 4 et 10 du règlement CE n° 1346/2000, et que la compétence juridictionnelle pour connaître d'un tel litige doit être déterminée en application de l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'il en résulte, en l'espèce, que l'action du salarié en paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour être intervenu en violation de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 et de l'article L. 1224-1 du code du travail ne trouvait pas son fondement juridique dans des règles spécifiques aux procédures d'insolvabilité et, par conséquent, ne relevait pas de la compétence du tribunal anglais ayant ouvert la procédure d'insolvabilité ; que dès lors, en infirmant le jugement en ce qu'il avait reconnu, sur le fondement du lieu d'exécution du contrat de travail en France, la compétence du conseil des prud'hommes pour connaître de l'action du salarié tirée de la violation du droit au transfert de son contrat de travail à la société BGC Brokers, la cour d'appel a violé les articles 4 et 10 du règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1er, § 1 et § 2, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et l'article 3, § 1, du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité :
8. Selon l'article 1er, § 1, du règlement n° 44/2001, ce dernier s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.
9. Aux termes de l'article 1er, § 2, sous b), de ce règlement sont exclus de son application les faillites, concordats et autres procédures analogues.
10. Aux termes de l'article 3, §1, du règlement n° 1346/2000, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité.
11. Cette disposition attribue également une compétence internationale aux juridictions de l'État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d'insolvabilité pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement (CJCE, arrêt du 12 février 2009, Seagon, C-339/07, points 21 et 22).
12. Seules les actions qui dérivent directement d'une procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement sont exclues du champ d'application du règlement n° 44/2001. Par voie de conséquence, seules ces actions entrent dans le champ d'application du règlement n° 1346/2000 (CJUE, arrêt du 9 novembre 2017, [G] France et [G] Maschinenbau, C-641/16, point 19).
13. S'agissant du premier critère, afin de déterminer si une action dérive directement d'une procédure d'insolvabilité, l'élément déterminant pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel s'inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière. Selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l'obligation qui sert de base à l'action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d'insolvabilité (CJUE, arrêt du 9 novembre 2017, [G] France et [G] Maschinenbau, C-641/16, point 22).
14. Pour déclarer la juridiction prud'homale incompétente pour connaître de l'action tirée de la violation du droit au transfert du contrat de travail du salarié, l'arrêt retient, en premier lieu, que la matière du transfert du contrat de travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, telle qu'elle s'évince de l'article L. 1224-1 du code du travail, est équivalente à celle de la directive n° 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, cette directive étant aussi d'effet direct au Royaume-Uni, en deuxième lieu, que la procédure collective d'« administration » de l'Insolvency Act 1986 qui régit la procédure anglaise du « pre-packaged administration », dans sa version applicable au litige, est visée à l'annexe A du règlement nº 1346/2000 et que cette annexe A a la même autorité que son règlement, en troisième lieu, que les articles 16 et 17 du règlement n° 1346/2000 imposent à tout État membre de reconnaître la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dès que celle-ci produit ses effets dans l'État d'origine sans que puisse être vérifiée la compétence des juridictions de cet État, l'article 26 de ce règlement autorisant tout État membre à refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure seulement lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution et, en quatrième lieu, que l'action du salarié fondée sur la fraude à la loi anglaise ou aux règles de conflits de lois ou de juridictions en matière de transfert du contrat de travail dérive directement de la procédure d'insolvabilité du Royaume-Uni où est situé le centre des intérêts principaux des débiteurs et s'y insère étroitement.
15. En statuant ainsi, alors que l'action du salarié était fondée sur l'article L. 1224-1 du code du travail prévoyant en cas de survenance d'une modification dans la situation juridique de l'employeur, la subsistance, entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, de tous les contrats de travail en cours au jour de la modification, que le bénéfice de cette disposition ne requiert pas l'ouverture préalable d'une procédure d'insolvabilité au sens du règlement n° 1346/2000, que son objet est la poursuite des contrats de travail des salariés, que l'exercice d'une telle action ne requiert pas l'intervention d'un syndic, au sens de l'article 2 du règlement n° 1346/2000, et ne tend pas au remboursement partiel des créanciers de sorte que l'action du salarié ne dérivait pas directement d'une procédure d'insolvabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le conseil de prud'hommes de Paris incompétent pour connaître de l'action du salarié fondée sur le transfert du contrat de travail, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société MEQ Realisations Limited, anciennement la société Mint Equities Limited (« in administration »), aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MEQ Realisations Limited et Me [W], ès qualitès, et condamne la société MEQ Realisations Limited à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [P], demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a reconnu la compétence de la juridiction pour connaître de l'action du salarié fondée sur le transfert du contrat de travail et, statuant à nouveau de ce chef, d'AVOIR déclaré le conseil de prud'hommes de Paris incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
AUX MOTIFS QUE 2. Sur l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale tirée du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ; que M. [P] entend voir confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu, sur le fondement du lieu d'exécution de son contrat de travail en France, la compétence du conseil des prud'hommes pour connaître de son action tirée de la violation du droit au transfert de son contrat de travail à la société BGC Brokers ; que le salarié prétend en revanche voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette action et des demandes tendant à la condamnation solidaire des sociétés MINT Equities et BGC Brokers ; que le salarié soutient, en fait, que le bilan de la succursale française ne connaissait aucun déficit d'activité, que la main-d'oeuvre constituait le principal actif de la société MINT Equities, que l'activité de la succursale n'était pas autonome et dépendait des moyens de la société basée à [Localité 5], qu'elle n'avait pas d'existence propre justifiant son exclusion du périmètre de la cession et que son activité s'est poursuivie après la cession des actifs de la société MINT Equities à la société Brokers, M. [P] mettant aux débats de nombreux justificatifs établissant la poursuite de l'activité sous le nom de la société MINT Equities après sa cession et avec la même équipe ; qu'il relève que le contrat de cession a été communiqué tardivement aux salariés dans une version caviardée, laquelle ne comporte aucune justification pour exclure la succursale des actifs cédés ni même ceux des contrats (prises de position) qui ont été cédés ; que M. [P] allègue encore que la société BGC Brokers, qui avait connaissance des dettes de la société MINT Equities avant l'accord de cession, a cherché à éviter d'acquitter les cotisations sociales impayées par la société MINT Equities au titre de l'exercice de 2010, et à faire supporter aux AGS françaises le coût du licenciement des salariés travaillant en France ; qu'il dénonce la collusion de MM. [O] et [X], dirigeants de la société MINT Equities, et de la société BGC Brokers pour s'accorder sur un prix de cession minoré de la société MINT Equities en contre-partie de l'embauche des premiers par la seconde après l'opération de cession ; que le salarié prétend enfin que le juge anglais ne disposait pas du contrat de cession des actifs de la société MINT Equities lorsqu'il a rendu son ordonnance et qu'il n'a en conséquence pu exercer aucun contrôle sur le bien fondé de l'éviction de la succursale française de la procédure de pre-pack, M. [P] reprochant à la juridiction prud'homale de n'avoir pas recherché si l'insolvabilité de la succursale française était de nature à faire obstacle au transfert de son contrat de travail ni d'avoir contrôlé l'existence d'un plan de cession devant être arrêté par le tribunal de commerce après la consultation des institutions représentatives du personnel ou si un plan ne pouvait être arrêté précisant le nombre de licenciement autorisés ainsi que les activités et les catégories d'emplois concernées ; qu'en droit, M. [P] prétend que les comportements des employeurs des sociétés MINT Equities et BCG Brokers ainsi que la procédure de pre-pack anglaise violent, d'abord, les règles d'ordre public françaises relatives au transfert du contrat de travail au cas de transfert d'entreprise et de redressement ou de liquidation judiciaire, et ensuite, ne constituent pas un obstacle à l'appréciation des juridictions françaises du transfert des contrats de travail alors que la procédure anglaise d' « administration » n'a pas de finalité liquidative ; que M. [P] soutient de ces comportements et de la procédure de pre-pack anglaise qu'ils violent ses droits au maintien de son contrat de travail tels qu'ils sont aussi garantis par l'article 3 de la directive (CE) 2001/23 du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, le salarié contestant l'application de l'exclusion du transfert du contrat de travail prévue par l'article 5, 1) de la directive invoqué par la société BCG Brokers et selon lequel aux cas « où une entreprise, un établissement ou d'une partie d'entreprise ou d'établissement lorsque le cédant fait l'objet d'une procédure de faillite ou d'une procédure d'insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d'une autorité publique compétente (qui peut être un syndic autorisé par une autorité compétente) » ; qu'à cet égard, M. [P] se prévaut d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 12 mars 1998, Aff. C-319/94 [D] [J] Equipement SA c/ [D] [L]) qui, pour dire que « l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, doit être interprété en ce sens que celle-ci s'applique en cas de transfert d'une entreprise en état de liquidation judiciaire lorsque l'activité de l'entreprise se poursuit » a retenu aux points 25 et 26 de sa décision que « pour apprécier si la directive s'applique au transfert d'entreprise qui fait l'objet d'une procédure administrative ou judiciaire, le critère déterminant à prendre en considération est celui de l'objectif poursuivi par la procédure en cause (...) il convient toutefois de tenir également compte des modalités de la procédure en cause, notamment en ce qu'elles impliquent que l'activité de l'entreprise se poursuive ou qu'elle cesse, ainsi que des finalités de la directive » ; qu'enfin, M. [P] conclut que la procédure de pre-pack issue de l' « Insolevency act 1986 » contrevient à la transposition de la directive (CE) 2001/23 du Conseil du 12 mars 2001 au Royaume-Uni dans le « Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 2006 », le salarié se prévalant, avec les AGS, de certaines décisions de juridictions d'appel anglaises rendues en 2008 et 2011 estimant, selon les situations, que la procédure de pre-pack pouvait ne pas exclure le transfert des contrats de travail des salariés de la société cédante à la société cessionnaire ; que néanmoins, et en premier lieu, la matière du transfert du contrat de travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur et telle qu'elle s'évince de l'article L. 1224-1 du code du travail est équivalente à celle de la directive 2001/23/CE sur les droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, cette directive étant aussi d'effet direct au Royaume-Uni ; qu'en deuxième lieu, la procédure collective d' « administration » de l'Insolevency act 1986 qui régit la procédure anglaise du « pre-packaged administration », dans sa version applicable au litige, est visée à l'annexe A du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 et cette annexe A a la même autorité que son règlement ; qu'en troisième lieu, les articles 16 et 17 du Règlement (CE) n°1346/2000 imposent à tout État membre de reconnaître la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'origine et sans pouvoir vérifier lui-même la compétence des juridictions de cet État, l'article 26 du Règlement autorisant tout État membre à « refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure » seulement « lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution » ; que par ailleurs, la cour relève qu'aucune disposition du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'investit une juridiction nationale du pouvoir d'interpréter les règles de droit d'un autre Etat membre pour juger de leur conformité aux directives et règlements communautaires ; qu'ensuite, l'action de M. [P] fondée sur la fraude à la loi anglaise ou aux règles de conflits de lois ou de juridictions en matière de transfert du contrat de travail dérive directement de la procédure d'insolvabilité du Royaume-Uni où est situé le centre des intérêts principaux des débiteurs et s'y insère étroitement ; qu'encore, M. [P] ne conteste pas ni même ne discute la faculté dont il disposait de contester la procédure d'insolvabilité principale ouverte au Royaume-Uni ; qu'enfin, la procédure anglaise de pre-pack n'a pas pour objet ou pour effet de priver le salarié de revendiquer le bénéfice des droits qu'il tient de la législation française au titre de son licenciement décidé en application de la procédure collective secondaire ouverte en France ; que pour l'ensemble de ces motifs, la juridiction française est dépourvue de la compétence pour connaître de cette action de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la compétence du conseil des prud'hommes et les parties renvoyées à mieux se pourvoir ; que 3. sur les demandes tirées de la procédure et du licenciement économique conduits en France, au soutien de ses demandes d'indemnités pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnités compensatrices de préavis et de congés afférents ainsi que de dommages et intérêts tels qu'ils sont visés au dispositif de ses conclusions, M. [P] soutient, en premier lieu, que le liquidateur lui a notifié son licenciement en violation du transfert de son contrat de travail auprès de la société BGC Brokers ; qu'au demeurant, et ainsi que cela est retenu au point 2 du présent arrêt, la juridiction française n'est pas compétente pour apprécier le bien fondé de la décision du juge anglais de la cession des actifs de la société MINT Equities dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, de sorte que le moyen est tout aussi irrecevable à l'encontre de la société cessionnaire basée au Royaume-Uni.
1° ALORS QUE d'une part, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE, 4 sept. 2014, [I], aff. C-157/13, 9 nov. 2017, [G], aff. C-641/16, 20 déc. 2017, [F], aff. C-649/16, 6 fév. 2019, NK, aff. C-535/17, 18 sept. 2019, [E], aff. C-47/18) que seules les actions qui dérivent directement d'une procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement entrent dans le champ d'application du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, que l'élément déterminant pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel elle s'inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière et que selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l'obligation qui sert de base à l'action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d'insolvabilité ; que, d'autre part, la Cour de cassation a jugé (Soc., 28 oct. 2015, n° 14-21.319) que le litige relatif à la rupture du contrat de travail du salarié et aux créances salariales durant la relation de travail ne relève pas de la procédure d'insolvabilité, ainsi que cela résulte des articles 4 et 10 du règlement CE n° 1346/2000, et que la compétence juridictionnelle pour connaître d'un tel litige doit être déterminée en application de l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'il en résulte, en l'espèce, que l'action du salarié en paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour être intervenu en violation de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 et de l'article L. 1224-1 du code du travail ne trouvait pas son fondement juridique dans des règles spécifiques aux procédures d'insolvabilité et, par conséquent, ne relevait pas de la compétence du tribunal anglais ayant ouvert la procédure d'insolvabilité ; que dès lors, en infirmant le jugement en ce qu'il avait reconnu, sur le fondement du lieu d'exécution du contrat de travail en France, la compétence du conseil des prud'hommes pour connaître de l'action du salarié tirée de la violation du droit au transfert de son contrat de travail à la société BGC Brokers, la cour d'appel a violé les articles 4 et 10 du règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
2° ALORS, en tout cas, QUE tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'objet de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements est de garantir, autant que possible, la continuation des contrats ou des relations de travail, sans modification, avec le cessionnaire, afin d'empêcher que les travailleurs concernés ne soient placés dans une position moins favorable du seul fait du transfert (CJUE, 7 août 2018, [N] [V], C-472/16) et que cette protection étant d'ordre public et, partant, soustraite à la disposition des parties au contrat de travail, les règles de la directive, et notamment celles relatives à la protection des travailleurs contre le licenciement en raison du transfert, doivent être considérées comme impératives en ce sens qu'il n'est pas permis d'y déroger dans un sens défavorable aux travailleurs (CJUE, 10 fév. 1988, Foreningen af Arbejdsledere i Danmark, aff. 324/86) ; que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE, 22 juin 2017, Smallsteps BV, C-126/16) que la directive 2001/23/CE, et notamment son article 5, paragraphe 1, doit être interprétée en ce sens que la protection des travailleurs garantie par les articles 3 et 4 de cette directive est maintenue dans une situation où le transfert d'une entreprise intervient à la suite d'une déclaration de faillite dans le contexte d'un pre-pack, préparé antérieurement à celle-ci et mis en oeuvre immédiatement après le prononcé de la faillite, dans le cadre duquel, notamment, un « curateur pressenti », désigné par un tribunal, examine les possibilités d'une éventuelle poursuite des activités de cette entreprise par un tiers et se prépare à passer des actes juste après le prononcé de la faillite afin de réaliser cette poursuite et, par ailleurs, qu'il n'est pas pertinent, à cet égard, que l'objectif poursuivi par cette opération de pre-pack vise également la maximalisation du produit de la cession pour l'ensemble des créanciers de l'entreprise en cause ; que la Cour de justice a encore jugé (CJUE, 16 mai 2019, [A], aff. C-509/17) que la directive 2001/23/CE, et notamment ses articles 3 à 5, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une législation nationale qui, en cas de transfert d'une entreprise intervenu dans le cadre d'une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice appliquée en vue du maintien de tout ou partie du cédant ou de ses activités, prévoit, pour le cessionnaire, le droit de choisir les travailleurs qu'il souhaite reprendre ; qu'en l'espèce, à supposer que le juge anglais, qui avait rejeté la demande de liquidation de la société MINT Equities, devenue la société MEQ Realisations Limited, et l'avait mise « in administration », ait décidé d'approuver le « pre-pack sale » prévoyant l'exclusion des salariés de la succursale française de la société MINT Equities, devenue la société MEQ Realisations Limited, de la vente de cette dernière société à la société BGC Brockers en vue de la poursuite de son exploitation, il appartenait à la cour d'appel de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'exécution de la décision du juge anglais ne produisait pas des effets manifestement contraires à l'ordre public français ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 26 du règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt d'AVOIR fixé la créance du salarié au passif de la société MINT Equities à la somme limitée de 100 000 euros au titre de la prime variable, et d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à voir condamner les société MINT Equities et BGC Brokers à lui verser 20 000 euros bruts à titre de bonus outre 2 000 euros bruts à titre de congés payés afférents.
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de M. [P] stipule le bénéfice d'une prime variable « uniquement si son montant excède celui de la rémunération de base, déterminée conformément à l'article 4.3 ci-dessous. Le Salarié pourra également bénéficier d'une rémunération variable égales à 30% du revenu généré personnellement par le Salarié au profit de la Société. Le paiement de la Commission sera effectué trimestriellement, au cours des 45 jours ouvrés suivant chaque trimestre concerné » ; qu'aucune des parties ne conteste pertinemment le bulletin de salaire du mois d'août 2010 qui fixe à 100.000 euros le montant des commissions dues à M. [P], de sorte qu'il convient de fixer cette créance au passif de la société Mint Equities ; [?] ; qu'en revanche, il ne peut être déduit des bulletins de salaire de M. [P] qu'il a atteint le montant de commission de 150 000 euros entre le 1er avril et le 31 août 2010 auquel le contrat de travail subordonnait le versement du bonus qu'il réclame à hauteur de 20 000 euros outre 2 000 euros de congés payés afférents.
ALORS QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions et examiner les pièces produites par les parties ; que le salarié faisait valoir que l'accord signé le 17 mars 2010 prévoyait le versement d'une prime (bonus) de 30 000 euros « sous réserve que [sa] commission, telle que définie dans [son] contrat de travail [?], atteigne, au cours des quatre premiers mois suivants la date de [son] engagement au sein de la société, le montant de 150.000 euros bruts. La prime [lui] sera payée en six versements mensuels d'un montant de 5 000 euros bruts chacun. Chaque versement mensuel de 5 000 euros bruts interviendra à échéance normale de la paie, à partir du mois suivant celui au cours duquel la commission aura atteint 150 000 euros bruts » ; que les bulletins de paie de juillet et août 2010 indiquent que le salarié a perçu ce versement mensuel d'un montant de 5 000 euros, ce dont il résulte qu'il avait bien atteint le montant de son commissionnement et, par conséquent, qu'il devait percevoir tant le montant de sa rémunération variable, soit 150 000 euros, que le montant de son bonus ; qu'en limitant à 100 000 euros le montant des commissions dues et en déboutant le salarié de sa demande en paiement du bonus, sans s'expliquer concrètement sur ces conclusions opérantes et sur les pièces produites, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MEQ Realisations Limited et de M. [W], demandeurs au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé la créance de M. [P] au passif de la société MINT EQUITIES LTD à la somme de 100.000 € au titre de la prime variable ;
AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail de M. [P] stipule le bénéfice d'une prime variable "uniquement si son montant excède celui de la rémunération de base, déterminée conformément à l'article 4.3 ci-dessous. Le Salarié pourra également bénéficier d'une rémunération variable égales à 30 % du revenu généré personnellement par le Salarié au profit de la Société. Le paiement de la Commission sera effectué trimestriellement, au cours des 45 jours ouvrés suivant chaque trimestre concerné". Aucune des parties ne conteste pertinemment le bulletin de salaire du mois d'août 2010 qui fixe à 100.000 euros le montant des commissions dues à M. [P], de sorte qu'il convient de fixer cette créance au passif de la société Mint Equities » ;
1. ALORS D'UNE PART QUE, dans ses conclusions d'intimée (page 38), la société MEQ REALISATIONS LIMITED remettait en cause la réalité du bulletin de salaire pour le mois d'août 2010 « dont l'origine reste indéterminée et alors que (le salarié) indique ne plus avoir perçu de salaire à partir de juillet 2010 et que l'activité était inexistante à partir du 19 août 2010 », ajoutant que le prétendu montant de la commission ne correspond pas aux conditions de versement de la rémunération variable ; qu'ainsi la société contestait sérieusement la créance de 100.000 € au titre de la prime variable de telle sorte qu'en ne répondant pas à ce chef des conclusions de l'intimée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2. ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cour d'appel ne pouvait pas fixer la créance de M. [P] au passif de la société MINT Equities LTD à la somme de 100.000 € au titre de la prime variable sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conditions contractuelles de ce versement était bien réunies; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1221-1 du code du travail et de l'article 1103 du code civil.