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01/12/2021 | FRANCE | N°20-15433

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 décembre 2021, 20-15433


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er décembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1376 F-D

Pourvoi n° P 20-15.433

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 février 2020

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_______________

__________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

M. [L...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er décembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1376 F-D

Pourvoi n° P 20-15.433

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 février 2020

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

M. [L] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-15.433 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Septentrionale de restauration des monuments historiques (SRMH), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Adecco France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Adecco France, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Septentrionale de restauration des monuments historiques, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), M. [F] a été engagé entre le 14 avril et le 27 novembre 2009, suivant six contrats de travail temporaire pour surcroît temporaire d'activité, par la société Adecco, et mis à la disposition de la société Septentrionale de restauration des monuments historiques (ci-après la SRMH), en qualité de manoeuvre.

2. Le 31 octobre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale en requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et en réparation du préjudice causé par la rupture, qu'il estime discriminatoire, de la relation de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en requalification de ses contrats de travail intérimaire en contrat à durée indéterminée et, en conséquence, de le débouter de ses demandes financières afférentes, alors « qu'il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; que pour débouter M. [F] de sa demande, la cour d'appel a retenu que, ''quant au grief tiré de l'absence de respect du délai de carence, il convient de relever que sa seule éventuelle méconnaissance n'est pas sanctionnée par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, qu'il s'agisse de l'entreprise utilisatrice ou de l'entreprise de travail temporaire'' ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait des écritures du salarié que les contrats de missions et leurs avenants s'étaient succédé sans respect du délai de carence, au profit du même salarié pour pourvoir, au sein de l'entreprise utilisatrice, le même poste de manoeuvre afin de faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce dernier motif ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article L. 1251-37 du code du travail, ce dont il en résultait que l'entreprise de travail temporaire avait failli aux obligations qui lui étaient propres, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et l'article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées.

6. Par ailleurs, il résulte des textes susvisés que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de mission successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité.

7. Pour rejeter la demande de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel relève que s'agissant du grief tiré de l'absence de respect du délai de carence, sa seule éventuelle méconnaissance n'est pas sanctionnée par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, qu'il s'agisse de l'entreprise utilisatrice ou de l'entreprise de travail temporaire.

8. En se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié avait été engagé pour accroissement temporaire d'activité successivement sur le même poste de manoeuvre, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le délai de carence avait été respecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de la relation de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen relatif à la requalification des contrats de travail intérimaires en contrats de travail à durée indéterminée entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit ''qu'en l'absence de requalification en contrat à durée indéterminée et de droit acquis à la poursuite de ses fonctions d'intérimaire à l'échéance de son contrat, M. [L] n'établit pas le caractère illicite de la rupture, pas plus qu'il ne présente d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination'', le déboutant en conséquence de l'ensemble des demandes financières en résultant, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif relatifs aux demandes se rapportant à la rupture de la relation de travail, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de M. [F], et en ce qu'il déboute les sociétés Septentrionale de restauration des monuments historiques et Adecco de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Adecco aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adecco et la condamne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [L] [F] de sa demande en requalification de ses contrats de travail intérimaire en contrat à durée indéterminée et de l'AVOIR, en conséquence, débouté de ses demandes financières afférentes,

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la requalification des contrats de travail intérimaire en contrat à durée indéterminée : aux termes de l'article L 1251-5 du code du travail, « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice » ; que selon l'article L 1251-6 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "missions et dans des cas limitativement énumérés parmi lesquels figurent notamment le remplacement d'un salarié, l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, les emplois à caractère saisonnier ; qu'en application de l'article L 1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions qui précèdent, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ; qu'il est constant que cet article, qui prévoit que l'action en requalification est exercée à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, n'exclut pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées ; que la demande en requalification de M. [L] [F] est formée tant à l'encontre de l'entreprise utilisatrice que de l'entreprise de travail temporaire ; qu'il est sollicité en conséquence le paiement d'une indemnité de requalification et des salaires relatifs aux périodes interstitielles ; que celui-ci expose que les six contrats de travail intérimaire sont relatifs au même chantier du lycée [5] de [Localité 4] ; qu'il a occupé le même poste de travail de manoeuvre pendant toute la durée des contrats, que les motifs mentionnés sur les contrats de travail intérimaires sont renfort de personnel", "retard pris suite aux ponts du mois de mai" ou mentionnent des travaux supplémentaires qui ne sont pas détaillés ni même listés i que de tels motifs ne permettent pas le recours au travail temporaire et que les tâches auxquelles il était affecté (piquetage des joints, évacuation des gravats, nettoyage du chantier, coulage du béton) sont habituelles et inhérentes à tout chantier et ne sont pas de nature à provoquer un surcroît de travail ; qu'il fait valoir à l'encontre de la société Adecco que celle-ci ne lui a rien proposé pendant les inter-missions ce qui révèle qu'elle avait connaissance de la mission à venir au profit de la société Septentrionale do Restauration des Monuments Historiques; que la seule lecture des motifs de recours aux contrats de travail intérimaire mettant en avant l'illégalité de l'usage, il lui appartenait d'en avertir la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques dans le cadre de son obligation de conseil et de prudence ; qu'en outre, la succession des missions ne respecte pas les délais de carence légaux ; que l'ensemble de ces éléments démontre que la société d'intérim a agi de concert avec la société utilisatrice pour la conclusion de contrats de travail intérimaire violant les règles d'ordre public ; que la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques réplique que tous les contrats ont été signés en vue de répondre à un accroissement temporaire d'activité lié à la nécessité de ne pas accuser davantage voire de rattraper le retard pris par le chantier du lycée du fait de circonstances extérieures ; que la société Adecco soutient que chacun des contrats a été conclu pour un motif légalement autorisé, à savoir l'accroissement temporaire d'activité, et qu'en tout état de cause, la preuve de la réalité du motif incombe à l'entreprise utilisatrice, la seule à même de donner les informations nécessaires à cette appréciation, qu'elle ne saurait donc être condamnée en vertu d'une insuffisance de justification des motifs du recours au travail temporaire ; qu'elle ajoute que l'article L 1251-40 du code du travail sur lequel se fonde l'appelant ne prévoit pas de requalification à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire ; qu'enfin, elle fait valoir que la violation du délai de carence alléguée mais non établie ne peut entraîner la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée ; qu'il ressort des six contrats de mission conclus entre la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques et M. [L] [F] que les motifs du recours au travail temporaire sont : - pour le contrat n° 14 514 du 14 avril 2009 au 24 avril 2009 : "accroissement temporaire d'activité, justifications précises : lié au chantier du lycée [5] de [Localité 4] nécessitant un renfort de personnel"; - pour le contrat n° 14 674 du 27 avril 2009 au 19 juin 2009: "accroissement temporaire d'activité, justifications précises : lié au retard pris sur le chantier de [Localité 4] suite aux ponts du mois de mai nécessitant un renfort de personnel" ; - pour le contrat n°15 674 du 10 juillet 2009 au 14 août 2009: "accroissement temporaire d'activité, justifications précises : lié au chantier du lycée [5] de [Localité 4] nécessitant un renfort de personnel" ; - pour le contrat n° 16 574 du 31 août 2009 au 25 septembre 2009 : "accroissement temporaire d'activité, justifications précises ; lié au chantier du lycée [5] de [Localité 4] nécessitant un renfort de personnel" ; - pour le contrat n° 16 871 du 28 septembre 2009 au 30 octobre 2009 : "accroissement temporaire d'activité, justifications précises: lié aux travaux supplémentaires de rénovation du lycée [5] nécessitant un renfort de personnel" ; - pour le contrat n° 17 500 du 9 novembre 2009 au 27 novembre 2009 : "accroissement temporaire d'activité, justifications précises : lié à la rénovation du bâtiment scolaire [5] nécessitant un renfort de personnel" ; que contrairement à ce qu'invoque M. [L] [F], le motif du recours au travail temporaire est l'accroissement temporaire d'activité expressément prévu par l'article L 1251-6 du code du travail ; qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de cet accroissement énoncé dans le contrat sans qu'il soit nécessaire qu'il présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques est intervenue sur le chantier de rénovation et de réhabilitation du lycée [5] à [Localité 4] représentant des travaux d'envergure, s'inscrivant dans le contexte propre à la ville haute médiévale de [Localité 4] classée au patrimoine mondial de l'UNESCO et déclarée zone de protection du patrimoine architectural et urbain, et à réaliser en milieu occupé compte tenu de la nécessité de maintenir la continuité du service public ; qu'il résulte des pièces produites que cette importante opération de construction, conduite sous l'égide de la société Rabot Dutilleul, entreprise générale tous corps d'état, a débuté le 16 septembre 2008 pour une fin de chantier prévue le 16 mars 2012 et qu'elle a accusé dès le mois de novembre 2008 un retard lié à l'adoption d'arrêtés municipaux interdisant toute circulation de véhicules de plus de 3,5 tonnes en ville haute et entravant, jusqu'à leur abrogation, l'approvisionnement en matériaux du chantier pendant quatre mois ; qu'au cours de l'année 2009, d'autres incidents de chantier (tels l'intervention des riverains, la découverte d'amiante, la découverte archéologique) sont survenus, retardant encore le délai de livraison des travaux ; qu'il est ainsi justifié de la nécessité pour les entreprises de mettre à disposition des équipes supplémentaires afin d'avancer plus rapidement et de limiter les retards pour un chantier ne supportant pas de recadrage du calendrier des opérations du fait des nombreuses contraintes qui lui sont inhérentes ; qu'il apparaît que la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques n'a pas eu recours ab initio à des travailleurs intérimaires qu'elle n'a sollicités qu'après la survenance des premiers retards sur le chantier pour faire face ponctuellement à l'accroissement de l'activité en résultant dans le cadre de délais contraints, étant observe qu'elle était engagée par ailleurs sur d'autres opérations ; que la réalité de l'accroissement temporaire d'activité est ainsi démontrée, si bien que le recours au travail temporaire n'a pas eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques ; qu'ainsi la mise à disposition de M. [L] [F] n'est pas intervenue en violation des dispositions légales ; quant au grief tiré de l'absence de respect du délai de carence, il convient de relever que sa seule éventuelle méconnaissance n'est pas sanctionnée par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, qu'il s'agisse de l'entreprise utilisatrice ou de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en conséquence, M. [L] [F] sera débouté de sa demande de requalification tant envers l'entreprise utilisatrice que l'entreprise de travail temporaire ainsi que des demandes financière afférentes ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 1251-5 du Code du travail dispose que : « Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. ; qu'en l'espèce, la SARL SEPTENTRIONALE DE RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES permanente et normale, est une activité de restauration des monuments historiques ; que, après avoir étudié l'ensemble des éléments versés aux dossiers des parties, les juges ont pu constater que même si Monsieur [L] [F] est bien utilisé par la SARL SEPTENTRIONALE DE RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES, il ne peut être contesté et contestable que cette utilisation n'est pas permanente ; que des périodes d'inutilisation ressortent de l'étude des dossiers ; qu'en conséquence, Bureau de Jugement du Conseil des Prud'hommes de Melun, en sa section Industrie, dit qu'il n'y a pas lieu à requalification des contrats temporaires en contrat de travail à durée indéterminée et déboute la demanderesse de l'ensemble de ses demandes y compris celle axée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article L.1251-5 du Code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice; que selon l'article L.1251-6 du Code du travail, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et dans des cas limitativement énumérés parmi lesquels figurent notamment le remplacement d'un salarié, l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, les emplois à caractère saisonnier; que pour décider en l'espèce que « la réalité de l'accroissement temporaire d'activité était ainsi démontrée, si bien que le recours au travail temporaire n'a pas eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques », la Cour d'appel, qui était invitée à rechercher si l'emploi ainsi occupé était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise de maçonnerie et de gros oeuvre, a retenu qu'il est « justifié de la nécessité pour les entreprises de mettre à disposition des équipes supplémentaires afin d'avancer plus rapidement et de limiter les retards pour un chantier ne supportant pas de recadrage du calendrier des opérations du fait des nombreuses contraintes qui lui sont inhérentes » ; qu'en se prononçant en ce sens, sans rechercher si le poste de manoeuvre occupé par Monsieur [F] dès le mois d'avril 2009 et jusqu'à son accident du travail survenu le 25 novembre 2009, avait été pourvu ensuite par un autre travailleur intérimaire jusqu'à la fin du chantier, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'aux termes de l'article L.1251-5 du Code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice; qu'il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats de travail intérimaire pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre; qu'ayant constaté que la société utilisatrice SRMH s'était engagée par ailleurs sur d'autres chantiers alors que celui de la rénovation du Lycée [5] à [Localité 4] était, selon ses propres termes, un chantier d'envergure, prévu sur près de quatre années, la Cour d'appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, notamment au moyen des devis et contrats initiaux conclus par la société SRMH, de la liste des travaux stipulés, et de la liste des salariés affectés sur le chantier, si les travaux pour lesquels cette dernière s'était engagée initialement ne caractérisaient pas une activité normale pour une entreprise de gros oeuvre et de maçonnerie « engagée par ailleurs sur d'autres opérations »; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail ;

ALORS, EN OUTRE, QU'il résulte de l'article L.1251-6 du Code du travail qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et dans des cas limitativement énumérés parmi lesquels figurent notamment le remplacement d'un salarié, l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, les emplois à caractère saisonnier ; que pour justifier de la réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoqué par la société utilisatrice et la conclusion consécutive d'une succession de contrats de missions avec Monsieur [F], la Cour d'appel a cru pouvoir relever que « la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques n'a pas eu recours ab initio à des travailleurs intérimaires qu'elle n'a sollicités qu'après la survenance des premiers retards sur le chantier pour faire face ponctuellement à l'accroissement de l'activité en résultant dans le cadre de délais contraints, étant observé qu'elle était engagée par ailleurs sur d'autres opérations » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors que l'absence de recours ab initio à des travailleurs intérimaires ne démontre pas le caractère temporaire de l'accroissement de l'activité de l'entreprise invoqué par l'entreprise utilisatrice, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant derechef sa décision de base légale au regard de l'article L.1251-6 du Code du travail ;

ALORS, PAR AILLEURS, QU'aux termes de l'article L.1251-5 du Code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice; qu'il résulte des articles L.1251?36 et L.1251-37 du Code du travail qu'à l'expiration d'un contrat de mission, notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellement ; qu'il en résulte que la succession à brèves échéances de contrats de missions n'empêche pas la requalification de ces contrats en contrat de travail à durée indéterminée ; que dès lors, la Cour d'appel qui a retenu par motifs éventuellement adoptés des premiers juges « que même si Monsieur [L] [F] est bien utilisé par la SARL SEPTENTRIONALE DE RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES, il ne peut être contesté et contestable que cette utilisation n'est pas permanente ; que des périodes d'inutilisations ressortent de l'étude des dossiers » pour rejeter la demande en requalification des contrats de travail temporaires, alors que l'existence de « périodes d'inutilisations » (sic) ainsi observée par les juges du fond correspondait à ces délais de carence, lesquels n'empêchent pas les contrats intérimaires de s'inscrire dans la continuité, la Cour d'appel a violé les articles L.1251-5, L.1251-36 et L.1251-37 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QU'il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du Code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; que pour débouter Monsieur [F] de sa demande, la Cour d'appel a retenu que, « quant au grief tiré de l'absence de respect du délai de carence, il convient de relever que sa seule éventuelle méconnaissance n'est pas sanctionnée par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, qu'il s'agisse de l'entreprise utilisatrice ou de l'entreprise de travail temporaire » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait des écritures du salarié que les contrats de missions et leurs avenants s'étaient succédé sans respect du délai de carence, au profit du même salarié pour pourvoir, au sein de l'entreprise utilisatrice, le même poste de manoeuvre afin de faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce dernier motif ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article L. 1251-37 du code du travail, ce dont il en résultait que l'entreprise de travail temporaire avait failli aux obligations qui lui étaient propres, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [L] [F] de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de la relation de travail;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la rupture discriminante du contrat de travail intérimaire : aux termes de l'article L.1251-29 du Code du travail, « la suspension du contrat de mission du salarié ne fait pas obstacle à l'échéance du contrat » ; M. [L] [F] fait valoir qu'à la suite de son accident de travail le 25 novembre 2009, son contrat de travail intérimaire n'a pas été renouvelé alors que le chantier du lycée [5] n'était pas achevé; que cette situation caractérise une présomption de discrimination à raison de son état de santé en application de l'article L 1132-3-3 du code du travail que la société Septentrionale de Restauration des Monuments Historiques ne combat pas utilement ; qu'il sollicite au titre de la nullité de la rupture de la relation de travail, une indemnité compensatrice de préavis, des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de l'emploi ainsi qu'en réparation du préjudice de discrimination ; qu'il s'avère que le terme de la dernière mission de M. [L] [F] était le 27 novembre 2009 ; que l'accident du travail de celui-ci n'a eu aucune incidence sur l'échéance de son contrat antérieurement convenue, conformément à l'article L 1251-29 précité ; qu'en conséquence, en l'absence de requalification en contrat à durée indéterminée et de droit acquis à la poursuite de ses fonctions d'intérimaire à l'échéance de son contrat, M, [L] [F] n'établit pas le caractère illicite de la rupture, pas plus qu'il ne présente d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'il sera débouté de l'ensemble des demandes financières en résultant ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen relatif à la requalification des contrats de travail intérimaires en contrats de travail à durée indéterminée entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit « qu'en l'absence de requalification en contrat à durée indéterminée et de droit acquis à la poursuite de ses fonctions d'intérimaire à l'échéance de son contrat, M. [L] n'établit pas le caractère illicite de la rupture, pas plus qu'il ne présente d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination », le déboutant en conséquence de l'ensemble des demandes financières en résultant, par application de l'article 625, alinéa 2, du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'il résulte de l'article L.1132-1 du Code du travail qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de renouvellement de contrat en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap ; que Monsieur [F] exposait dans ses écritures d'appel (p.11) reprises oralement à l'audience qu'à la suite immédiate de l'accident du travail dont il avait été victime, son contrat de travail intérimaire n'avait pas été renouvelé, alors que le chantier du Lycée n'était absolument pas achevé ; qu'il en déduisait une présomption de discrimination en raison de son état de santé ; qu'en se bornant à énoncer que Monsieur [F] ne présentait pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, sans exposer en quoi l'absence de renouvellement de sa mission sur le chantier du Lycée [5] était justifié par un élément objectif étranger à l'état de santé du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1132-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15433
Date de la décision : 01/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 déc. 2021, pourvoi n°20-15433


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15433
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