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01/12/2021 | FRANCE | N°19-24612

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 décembre 2021, 19-24612


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er décembre 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1355 F-D

Pourvoi n° V 19-24.612

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

La société C

ompagnie IBM France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-24.612 contre l'arrêt...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er décembre 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1355 F-D

Pourvoi n° V 19-24.612

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

La société Compagnie IBM France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-24.612 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Compagnie IBM France, de la SCP Spinosi, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 octobre 2019), M. [Y], engagé en qualité d'ingénieur élève (statut cadre) le 1er septembre 1988 par la société Compagnie IBM France, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur de la division dénommée Global Business Services.

2. Par lettre du 1er février 2013, l'employeur a pris acte de la démission du salarié.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié les sommes de 150 000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2012, outre les congés payés afférents, 386 662,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 12 097,33 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et 31 250 euros à titre de rémunération variable pour 2013, outre les congés payés afférents, alors « que le salarié, qui est informé de son éligibilité à un éventuel bonus discrétionnaire, dont le paiement, fonction des résultats de l'entreprise ou du groupe, est soumis à la libre appréciation de l'employeur, n'a aucun droit au paiement de ce bonus ; qu'en l'espèce, la société IBM France soutenait qu'après avoir perçu, pendant plusieurs années, des commissions dénommées « comp varia AIP SE » sur ses bulletins de paie, en application de plans de commissionnement contractuels à durée déterminée, M. [Y] avait été informé, en juin 2011 et juin 2012, de son éligibilité aux plans de bonus AIP 2011 et 2012, distincts des plans de commissionnement dont il avait précédemment bénéficié ; que ces plans de bonus AIP permettent à certaines cadres Executives de percevoir éventuellement un bonus annuel, fonction notamment des résultats mondiaux d'IBM et de l'appréciation discrétionnaire de leur manager ; que le programme de bonus AIP précise ainsi que « Vos supérieurs hiérarchiques pourront discrétionnairement accorder des primes dans une fourchette de zéro à 300 % de la prime annuelle ciblée » ; qu'en se bornant à relever, pour condamner la société IBM France à payer à M. [Y] un bonus AIP au titre des années 2012 et 2013, que l'employeur l'a intégré dans le programme annuel de bonus (annual incentive program AIP) 2012 d'un montant maximum de 150.000 euros, versé suivant un barème défini en fonction des résultats globaux d'IBM, des résultats combinés de son pool GBS/GTS au niveau mondial et des résultats GBS au niveau mondial et qu'il ne justifie pas des résultats atteints, sans rechercher si ce programme de bonus ne subordonne pas le paiement d'un bonus à l'appréciation discrétionnaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, devenu 1103 du code civil :

5. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

6. Pour condamner la société à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de rémunération variable pour 2012 et 2013, congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement et complément d'indemnité de préavis, l'arrêt retient que le contrat de travail ne prévoit aucune rémunération variable pour le salarié, que celui-ci a cependant perçu pendant 6 ans des sommes à titre de « comp varai AIP SE », qu'il produit l'accord de son employeur pour l'intégrer dans le programme annuel de bonus (annual incentive program AIP) 2012 d'un montant maximum de 150 000 euros, versé suivant un barème défini en fonction des résultats globaux d'IBM, des résultats combinés de son pool GBS/GTS au niveau mondial et des résultats GBS au niveau mondial, et qu'à défaut pour l'employeur de justifier des résultats atteints, il convient de le condamner au paiement de la totalité de la somme indiquée au programme.

7. L'arrêt ajoute qu'au titre de l'année 2013, la société n'a rien communiqué au salarié, mais que compte tenu de la régularité des bonus versés et alors que la société ne justifie pas que la somme réclamée ne corresponde pas au bonus annuel auquel le salarié pouvait prétendre au regard des indicateurs pris en compte les années précédentes, alors que son départ de l'entreprise n'empêchait pas le versement d'une fraction de la prime correspondant à la période travaillée, il convient de faire droit à la demande.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le bonus perçu par le salarié à compter de l'année 2012 ne revêtait pas un caractère discrétionnaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié diverses sommes au titre de la rémunération variable pour les années 2012 et 2013 n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société Compagnie IBM France à payer à M. [Y] les sommes de 150 000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2012 outre 15 000 euros au titre des congés payés afférents, de 31 250 euros à titre de rappel de rémunération variable pour 2013 outre 3 125 euros au titre des congés payés afférents, de 386 662,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 12 097,33 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 209,73 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie IBM France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture des relations de travail entre M. [L] [Y] et la société IBM France est à l'initiative de l'employeur et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société IBM France à payer à M. [Y] les sommes de 386.662,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 12.097,33 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance sur les RSU et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société IBM France à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Y] dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « La SAS compagnie IBM France soutient que M. [L] [Y] a démissionné de son emploi le 10 janvier 2013 alors que M. [Y] le conteste. La SAS compagnie IBM France expose que le 10 janvier 2013, X? s'est entretenu avec le président d'IBM, M. [R], et lui a annoncé qu'il « quittait IBM » et qu'il « ne souhaitait pas s'engager sur un poste pour le quitter quelques temps après et qu'il préférait démissionner » ; elle verse l'attestation rédigée par M. [R] qui relate l'entretien qu'il a eu avec M. [Y] le 10/01/2013 à 8h du matin et les termes employés par le salarié et l'indication que M. [R] en a immédiatement informé le general manager d'IBM Europe et le service des ressources humaines ; le general manager [J] [V] et le vice-président des ressources humaines [U] [K] ont également attesté avoir appris le 10/01/2013 de M. [R] que M. [Y] « quittait IBM » ; le directeur des ressources humaines, M. [T], a ensuite attesté que « postérieurement à sa démission verbale du 10/01/2013, M. [Y] lui avait demandé si une solution lui permettant de bénéficier des aides financières à la création d'entreprise délivrées par Pôle emploi pouvaient être recherchées et trouvées par la compagnie IBM » ; aussi, le 01/02/2013, la SAS compagnie IBM France prenait acte de la démission de M. [Y] et l'informait qu'il devait un préavis de 3 mois à l'entreprise prenant fin au 10/04/2013 dont il était dispensé d'exécution et organisait son départ au 10/04/2013. À cette lettre, M. [Y] répondait le 08/02/2013 « j'ai pris connaissance avec stupéfaction des termes de votre courrier du 1er février dans lequel ''vous me démissionnez'' en faisant état de propos que j'aurai tenus envers [D] [R] Je prends acte de votre décision (?) vous réécrivez l'histoire à l'envers (?) je ne peux en aucun cas considérer que cet entretien (du 10 janvier) où je me suis vu signifier la fin de 24 ans de carrière chez IBM puisse être l'expression d'une volonté de ma part de partir et encore moins comme une démission ». La cour relève que M. [Y] reconnaît qu'il n'a pas accepté les trois propositions de postes formulées par la SAS compagnie IBM France à compter d'octobre 2012 et indique que celle-ci informait le 22/01/2013 l'ensemble des managers d'IBM France de la nomination de son remplaçant à son poste de directeur de la division GBS France (pièce 1 du salarié) dans les termes suivants : « il succède à M. [Y] dont la nouvelle position sera annoncée ultérieurement ». Il ressort de l'ensemble de ces éléments, et alors que la démission d'un salarié doit être claire et non équivoque, que M. [Y] n'a adressé à son employeur aucune lettre de démission, que des discussions ont existé entre ces cadres dirigeants de la SAS compagnie IBM France pour que M. [Y] soit affecté sur un autre poste que celui qu'il occupait depuis 18 mois mais que les postes qui lui ont été proposés n'ont pas recueillis son assentiment ; si le départ de l'entreprise de M. [Y] a en conséquence pu être évoqué par les parties le 10 janvier 2013 en cas de refus d'acceptation de sa part, il n'apparaît pas que le salarié ait présenté à son employeur sa démission et d'ailleurs, M. [R] n'a pas immédiatement informé l'entreprise de la teneur de l'entretien, les attestations des témoins ne reposant sur aucune constatation matérielle alors que l'information aurait été de la plus haute importance pour l'entreprise et n'a tiré aucune conséquence juridique de ce qu'il prétend être une démission, informant encore le 22 janvier 2013 l'ensemble des personnels de direction que l'entreprise cherchait un nouveau poste à M. [Y] après la nomination de son successeur, ce qui va à l'encontre de la thèse d'une démission du directeur d'IBM GBS en France au 10 janvier 2013, l'entreprise attendant jusqu'au 1er février 2013 pour parler d'une période de préavis dont le salarié était finalement dispensé d'exécution. Dès lors, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une démission et statuant à nouveau, la cour dit que la rupture du contrat de travail émane de la SAS compagnie IBM France et de le confirmer en ce qu'il a dit qu'elle devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE si la démission doit résulter d'une manifestation de volonté claire et non-équivoque du salarié, elle n'est soumise à aucun formalisme et peut être donnée verbalement ; qu'en l'espèce, la société exposante faisait valoir que, si M. [Y] n'avait pas formalisé par écrit sa démission, il avait en revanche manifesté clairement auprès du Président de la société, au cours d'un entretien du 10 janvier 2013, sa volonté de quitter l'entreprise et avait ultérieurement confirmé cette volonté, à plusieurs reprises, devant plusieurs cadres de direction de l'entreprise et du groupe, en faisant état d'un projet de reprise d'entreprise ; qu'en retenant, pour dire qu'aucune démission n'était établie, que M. [Y] n'a adressé aucune lettre de démission à son employeur, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant, en violation des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société IBM France a produit aux débats quatre attestations de dirigeants, toutes concordantes, qui indiquaient que M. [R] avait informé le premier cercle de direction de l'entreprise et du groupe, immédiatement après son entretien avec M. [Y], de la volonté exprimée par ce dernier de quitter l'entreprise ; qu'ainsi, dans son attestation, M. [R] indiquait « J'ai le même jour informé ma hiérarchie ([I] [V], General manager, IBM Europe) et la Direction des Ressources Humaines ([H] [K], DRH IBM Europe) de la décision de [L] [Y] de démissionner d'IBM « ; que dans son attestation, M. [K] indiquait, après avoir décrit ses échanges avec M. [Y] au sujet du poste de « VP General Business Europe », « quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque, le lendemain matin vers 8h40 j'ai reçu sur mon téléphone mobile un SMS de M. [R] pour me dire « [L] quitte IBM ! ». (?) » ; que, dans son attestation, M. [V], « General Manager, IBM Europe », affirmait également « j'ai été extrêmement déçu lorsque, le lendemain matin (le 10 janvier), M. [R] m'a informé que M. [Y] était venu à son bureau tôt dans la matinée pour lui dire qu'il avait décidé de quitter IBM » ; que Mme [C], « Vice President Ressources Humaines », affirmait quant à elle, dans son attestation « le 10 janvier 2013, [H] [K] m'a informée que dans la matinée de ce jour, [L] [Y] avait dit à [D] [R], Président d'IBM France, qu'il quittait IBM pour créer sa propre entreprise » ; qu'en retenant néanmoins, pour affirmer qu'il n'apparaît pas que M. [Y] ait présenté sa démission à son employeur, que M. [R] n'a pas immédiatement informé l'entreprise de la teneur de l'entretien, les attestations des témoins ne reposant sur aucune constatation matérielle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces attestations et violé le principe précité ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'aucune disposition légale n'exige qu'une attestation comporte une constatation matérielle ; qu'en refusant de tenir compte des attestations produites aux débats, au motif qu'elles ne comportent pas de constatation matérielle, la cour d'appel a violé l'article 202 du code de procédure civile, ensemble le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale ;

4. ALORS QUE le juge est tenu d'examiner, même sommairement, les pièces produites par les parties ; que la société IBM France avait versé aux débats un courrier électronique du 10 janvier 2013, à 15h51, ayant pour objet « [L] – Stock-options », par lequel Mme [C], « Vice President Ressources Humaines », avait informé M. [R] que M. [Y] avait exercé ses options d'actions acquises en janvier 2012 et avait vendu toutes ses unités d'action restreintes acquises en septembre 2013 ; qu'elle en déduisait que M. [Y] avait manifestement « pris cette décision il y a un certain temps », faisant ainsi référence à sa décision de démissionner dont il avait informé M. [R] le matin même ; qu'en affirmant que les attestations versées aux débats ne reposent sur aucune constatation matérielle, sans examiner cette pièce qui confirmait que M. [R] avait bien informé le premier cercle des dirigeants de l'entreprise de la démission de M. [Y] le 10 janvier 2013, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE tant que le salarié, démissionnaire, n'a pas manifesté sa volonté de ne pas exécuter son préavis, l'employeur doit continuer à lui fournir du travail, sauf à le dispenser de son préavis ; qu'en outre, la réaction de l'employeur à la démission exprimée par le salarié est sans incidence sur l'existence de cette démission ; qu'en l'espèce, l'exposante expliquait que, dans la mesure où M. [Y] n'avait pas demandé à être dispensé de son préavis, elle avait choisi de l'affecter à une nouvelle mission dans l'attente de son départ effectif et de nommer un autre salarié au poste qu'il occupait, avant de décider finalement de le dispenser de son préavis ; que ces mesures prises dans l'urgence pour faire face à l'annonce brutale du départ de M. [Y], qui occupait un poste à hautes responsabilités et était pressenti pour occuper des fonctions d'envergure internationale, ne remettaient pas en cause a posteriori la manifestation de volonté de démissionner de l'intéressé ; qu'en déduisant de ces mesures que la société IBM France n'a tiré aucune conséquence juridique de ce qu'elle prétend être une démission, cependant que ces mesures, postérieures à la manifestation de volonté du salarié de rompre son contrat, visaient précisément à faire face, dans l'urgence, à la situation induite par l'annonce brutale du salarié, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif inopérant, en violation des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

6. ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des circonstances qui entourent la rupture du contrat pour apprécier si cette rupture résulte d'une volonté claire et non-équivoque de démissionner du salarié ; qu'en l'espèce, la société IBM France justifiait que M. [Y] était l'un des cadres les mieux positionnés dans l'entreprise pour succéder au Président, qu'il lui manquait simplement une expérience internationale pour parfaire son profil et qu'elle avait décidé de lui proposer l'opportunité d'évoluer sur des postes d'envergure internationale comme tremplin vers la présidence de la société ; que les quatre offres de poste qui ont été proposées à M. [Y] et qu'il a systématiquement déclinées à compter du dernier trimestre 2012 s'inscrivaient dans cette perspective, sans modifier son contrat de travail ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que la volonté du salarié de démissionner n'était pas établie, que l'entretien du 10 janvier faisait suite à ces propositions et au refus opposé par le salarié, sans même examiner la teneur de ces offres et leur intérêt pour la poursuite de la carrière de M. [Y], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

7. ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des circonstances qui entourent la rupture du contrat pour apprécier si cette rupture résulte d'une volonté claire et non-équivoque du salarié de démissionner ; qu'en l'espèce, la société IBM France démontrait qu'au cours de l'année 2012, M. [Y] avait exercé ses stock-options et vendu ses actions, qu'il avait annoncé son projet de rachat d'une entreprise à l'un de ses collaborateurs et que, moins de quatre semaines après son départ, il avait été nommé directeur général d'une société concurrente, en contrepartie d'une rémunération beaucoup plus élevée que celle qu'il percevait avant son départ ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments propres à démontrer que M. [Y] préparait son départ de longue date lorsqu'il a annoncé sa démission, le 10 janvier 2013, à M. [R], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société IBM France à payer à M. [Y] les sommes de 150.000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2012, outre les congés payés afférents, 386.662,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 12.097,33 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et 31.250 euros à titre de rémunération variable pour 2013, outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « M. [Y] sollicite la condamnation de la SAS compagnie IBM France à lui verser la rémunération variable qui ne lui a pas été réglée au titre des années 2012 et 2013 ; il retient que si le contrat de travail ne prévoyait pas une telle rémunération variable, son employeur lui avait annuellement attribué une telle rémunération depuis plus de 10 ans sur objectifs fixés ; aussi, il avait vocation à percevoir cette rémunération de l'année 2012 en 2013, soit la somme de 150 000 euros, reprochant à l'employeur de ne pas lui avoir fixé les objectifs pour la rémunération variable. De même, pour l'année 2013, il n'avait pas reçu d'objectifs et réclame alors cette somme au prorata de sa présence dans l'entreprise, soit jusqu'au 10 avril 2013 représentant la somme de 31 250 euros outre les congés payés y afférents. La SAS compagnie IBM France rétorque que ce que M. [Y] qualifie de rémunération variable sur objectifs contractuelle est en réalité un bonus discrétionnaire non contractuel dénommé « annual incentive program AIP » conditionnant la perception de ce bonus à des conditions, notamment de présence ; en effet, aucune obligation issue du contrat de travail, de la convention collective ou d'un accord d'entreprise ne fait état d'une telle obligation, le versement d'un bonus AIP pour les collaborateurs Executive résultant de la volonté unilatérale d'IBM, n'étant pas soumis à l'acceptation du collaborateur et dépendant des bons résultats d'IBM, de la contribution individuelle du salarié laissée à la libre appréciation du management et étant soumis à la condition de présence du salarié dans l'entreprise de sorte que M. [Y] a été éligible en 2012 au programme de bonus AIP qui n'est donc pas une rémunération variable contractuelle. D'ailleurs, jusqu'en 2011, M. [Y] a reçu des commissions résultant du plan de commissionnement (AIP SE) et il a reçu un seul bonus AIP en mars 2012 au titre du second semestre 2011. Elle expose que le dernier plan de commissionnement qui a été proposé à M. [Y] et qu'il a accepté a démarré le 01/01/2011 pour prendre fin le 30/06/2011 et qu'ensuite, il a retrouvé la structure de rémunération prévue à son contrat de travail, à savoir son seul salaire fixe. C'est pourquoi elle demande à la cour de débouter M. [Y] de ses réclamations. Sur ce, la cour relève qu'effectivement, le contrat de travail ne prévoyait aucune rémunération variable pour le salarié mais constate que depuis juin 2006, M. [Y] a perçu, en sus de son salaire fixe, des « comp varai AIP SE » d'un montant et à une périodicité éminemment variable (pièce 38 du salarié) ; ainsi, ces versements n'avaient pas lieu exclusivement au mois de mars de chaque année comme prétendu par l'employeur ; néanmoins, il ne résulte pas des pièces produites que le salarié se soit vu attribuer, comme il le soutient dans ses écritures, année après année depuis plus de 10 ans, une telle rémunération variable mais sur 6 ans au titre de « comp varai AIP SE » ; il verse précisément en pièces 28 et 29 l'accord de son employeur pour l'intégrer dans le programme annuel de bonus (annual incentive program AIP) 2012 d'un montant maximum de 150 000 euros, versé suivant un barème défini en fonction des résultats globaux d'IBM, des résultats combinés de son pool GBS/GTS au niveau mondial et des résultats GBS au niveau mondial ; à défaut pour l'employeur de justifier des résultats atteints, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS compagnie IBM France à verser à M. [Y] la totalité de la somme indiquée au programme, soit 150 000 euros outre celle de 15 000 euros au titre des congés payés afférents pour cette année 2012. Au titre de l'année 2013, la SAS compagnie IBM France n'a pas communiqué à son salarié son « personnal summary » pour lui faire connaître son bonus annuel comme pour les années précédentes en juin 2011 et en juin 2012 (pièces 27 et 29), le salarié n'étant plus dans l'entreprise à la date de communication de ces éléments (juin 2013) ; en se fondant sur le bonus précédent, M. [Y] demande à la cour de lui accorder en page 17 et 18 de ses écritures, au prorata de sa présence dans l'entreprise, 31 250 euros pour la période du 01/01/2013 au 10/04/2013 puis dans le dispositif de ses écritures en page 28, il sollicite la confirmation de la somme de 37 500 euros qui lui a été attribuée par le conseil de prud'hommes et enfin en page 29 de ses écritures, il ramène sa prétention à 31 250 euros à nouveau ; compte tenu de la régularité des bonus versés au salarié et alors que la SAS compagnie IBM France ne justifie pas que la somme de 31 250 euros, seule somme explicitée par le salarié dans ses écritures que la cour retient, ne correspond pas au bonus annuel auquel il pouvait prétendre au regard des indicateurs pris en compte les années précédentes, et alors qu'il résulte de la pièce 27 de l'employeur que le départ du salarié de l'entreprise n'empêchait pas le versement d'une fraction de la prime correspondant à la période travaillée, il convient de faire droit à cette demande, dans la limite de la somme exactement réclamée par M. [Y], soit 31 250 euros outre 3 125 euros au titre des congés payés afférents » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « En cas de litige entre l'employeur et le salarié sur la part variable de la rémunération de ce dernier, il appartient au juge de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes. La part variable de la rémunération subordonnée à la réalisation d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur est intégralement due au salarié si l'employeur n'a ni précisé ses objectifs ni fixé les conditions de calcul de cette rémunération. En outre, dès lors que l'employeur a attribué au salarié chaque année, sans exception, un bonus depuis plusieurs années consécutives, le bonus constitue un élément de salaire à inclure dans l'assiette de l'indemnité légale de licenciement. En 2012, le salarié avait vocation à percevoir début 2013, la rémunération variable sur les objectifs convenus pour 2012, soit 150.000€. En 2011, il avait perçu l'intégralité de sa rémunération variable (75.000€ pour 6 mois sur son ancien poste). Il a eu un entretien d'évaluation en janvier 2013 : faute de fixation des objectifs et compte tenu de la régularité des versements de la rémunération variable, il peut prétendre à la somme de 150.000€ au titre de la rémunération variable de 2012, outre la somme de 15.000 € au titre des congés payés y afférents. Pour l'année 2013, il ne lui a pas davantage été fixé d'objectifs, il peut prétendre à une rémunération variable de 37.500€ et 3750€ au titre des congés payés y afférents correspondant à 3 mois (rupture du contrat intervenue de fait le 10 avril 2013) » ;

1. ALORS QUE le salarié, qui est informé de son éligibilité à un éventuel bonus discrétionnaire, dont le paiement, fonction des résultats de l'entreprise ou du groupe, est soumis à la libre appréciation de l'employeur, n'a aucun droit au paiement de ce bonus ; qu'en l'espèce, la société IBM France soutenait qu'après avoir perçu, pendant plusieurs années, des commissions dénommées « comp varia AIP SE » sur ses bulletins de paie, en application de plans de commissionnement contractuels à durée déterminée, M. [Y] avait été informé, en juin 2011 et juin 2012, de son éligibilité aux plans de bonus AIP 2011 et 2012, distincts des plans de commissionnement dont il avait précédemment bénéficié ; que ces plans de bonus AIP permettent à certaines cadres Executives de percevoir éventuellement un bonus annuel, fonction notamment des résultats mondiaux d'IBM et de l'appréciation discrétionnaire de leur manager ; que le programme de bonus AIP précise ainsi que « Vos supérieurs hiérarchiques pourront discrétionnairement accorder des primes dans une fourchette de zéro à 300 % de la prime annuelle ciblée » ; qu'en se bornant à relever, pour condamner la société IBM France à payer à M. [Y] un bonus AIP au titre des années 2012 et 2013, que l'employeur l'a intégré dans le programme annuel de bonus (annual incentive program AIP) 2012 d'un montant maximum de 150.000 euros, versé suivant un barème défini en fonction des résultats globaux d'IBM, des résultats combinés de son pool GBS/GTS au niveau mondial et des résultats GBS au niveau mondial et qu'il ne justifie pas des résultats atteints, sans rechercher si ce programme de bonus ne subordonne pas le paiement d'un bonus à l'appréciation discrétionnaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2. ALORS QUE le programme de bonus AIP, correspondant à la pièce n° 27 de l'employeur, prévoit clairement que « les cadres Executives autres que ceux des Etats-Unis devront être des salariés en exercice à la date d'octroi afin de recevoir une prime », et que, par exception, « si vous deviez cesser d'être un salarié en exercice chez IBM avant la date d'octroi en raison de congés sans solde, sabbatique, incapacité pour motif médical, départ à la retraite validée par la Direction, cession ou décès, la totalité ou une fraction de la prime ciblée au titre du programme de bonus AIP (Annual Incentive Program) pourrait vous être octroyée » ; qu'en déduisant de ces stipulations, applicables uniquement dans certains cas de rupture ou suspension du contrat, que le départ de M. [Y] de l'entreprise n'empêchait pas le versement d'une fraction de la prime correspondant à la période travaillée, pour reconnaître au salarié, qui n'entrait pas dans l'une des exceptions prévues par ce plan, le droit au paiement d'un bonus prorata temporis au titre de l'année 2013, en dépit de son départ des effectifs au cours de l'année 2013 et donc avant la date de paiement du bonus AIP 2013, en mars 2014, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3. ALORS QUE le paiement, même répété, de bonus qui n'est pas prévu au contrat n'a pas pour effet d'incorporer ce bonus au contrat de travail, ni d'obliger l'employeur à verser un bonus par la suite ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. [Y], engagé en 1988, a perçu à compter de 2006 des commissions dénommées « comp varia AIP SE », d'un montant et d'une périodicité variable dans le cadre de plans de commissionnement à durée déterminée contractuels et a été intégré, en 2011 et 2012, dans un programme annuel de bonus dénommé « annual incentive program AIP », prévoyant le versement éventuel d'un bonus déterminé notamment en fonction des résultats du groupe au niveau mondial ; qu'en se fondant sur le caractère répété du paiement d'un bonus pour reconnaître au salarié, au titre de l'année 2013, le droit au paiement d'un bonus au prorata de son temps de présence dans l'entreprise, cependant qu'elle a elle-même constaté que le salarié avait perçu des bonus d'une nature différente au cours de la relation de travail et que son contrat de travail ne prévoyait aucune rémunération variable, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24612
Date de la décision : 01/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 déc. 2021, pourvoi n°19-24612


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24612
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