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30/11/2021 | FRANCE | N°21-85472

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 novembre 2021, 21-85472


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 21-85.472 F-D

N° 01573

RB5
30 NOVEMBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 NOVEMBRE 2021

M. [T] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 19 août 2021, qui, dans l'information s

uivie contre lui du chef d'agressions sexuelles aggravées, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 21-85.472 F-D

N° 01573

RB5
30 NOVEMBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 NOVEMBRE 2021

M. [T] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 19 août 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'agressions sexuelles aggravées, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [X], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [T] [X], médecin généraliste, a été mis en examen le 1er juillet 2020 pour des faits d'agressions sexuelles aggravées commis au préjudice de deux personnes examinées sur réquisitions judiciaires alors qu'elles étaient en garde à vue.

3. Le même jour, il a été placé sous contrôle judiciaire, comportant notamment l'interdiction de se livrer à l'exercice de la médecine.

4. Le 28 juin 2021, il a présenté une demande principale de mainlevée de cette interdiction professionnelle et subsidiaire de modification de celle-ci.

5. Le juge d'instruction a rejeté la demande.

6. M. [X] a relevé appel de cette décision.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant refusé d'ordonner la mainlevée de son contrôle judiciaire comportant l'interdiction professionnelle d'exercer la médecine, alors :

« 1°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit constater que l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de cette activité et caractériser un risque de renouvellement de cette infraction ; qu'elle doit par ailleurs se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté individuelle et au droit au travail lorsque cela est invoqué ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction s'est bornée à rappeler la nature et le contexte des infractions reprochées à M. [X], et à proposer sa propre explication psychologique du passage à l'acte", en relevant notamment, alors qu'elle se fondait elle-même et subjectivement sur ce rapport d'expertise pour en tirer de prétendus éléments à charge, que l'absence de dangerosité psychiatrique relevée par l'expert psychiatre n'exclut en aucun cas une dangerosité criminologique sur laquelle l'expert ne s'est pas prononcé " ; qu'en se prononçant ainsi, elle n'a pas suffisamment caractérisé un risque actuel de renouvellement des faits, de sorte qu'elle n'a pas justifié sa décision et méconnu les articles préliminaire et 138, 12°, du code de procédure ;

2°/ que le champ de l'interdiction ainsi prononcée doit strictement correspondre au champ d'activité dans lequel les infractions sont présumées avoir été commises ; qu'après avoir constaté que M. [X] est mis en cause pour des agressions sexuelles [?] selon un mode opératoire similaire, alors qu'il était en situation d'exercice de sa profession de médecin, intervenant sur réquisitions des enquêteurs à l'égard de gardés à vue", et après avoir fourni une explication des faits par l'existence d'une mesure de contrainte à l'égard des parties civiles", la chambre de l'instruction ne pouvait valablement considérer que seule une interdiction d'exercer la médecine" était de nature à éviter un risque de renouvellement des faits ; qu'en effet, sur la base de ses propres constatations, la chambre de l'instruction se devait de limiter l'interdiction à l'exercice la médecine en qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice ; qu'en confirmant une interdiction générale, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et 138, 12°, du code de procédure pénale et méconnu le principe de proportionnalité. »

Réponse de la Cour

9. Pour rejeter la demande de mainlevée de l'interdiction professionnelle prévue au titre du contrôle judiciaire, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la personne mise en examen a fait l'objet de plaintes de deux personnes dénonçant des faits d'agressions sexuelles similaires, commis à l'occasion d'examens médicaux pratiqués alors qu'elles étaient en garde à vue, et que trois autres personnes ont révélé avoir subi de sa part des sollicitations de même nature dans le même contexte.

10. Les juges ajoutent que l'expert psychiatre et de nombreux témoins ont fait état de son côté manipulateur pouvant, facilement prendre le dessus sur quelqu'un de faible.

11. Ils soulignent que la profession de médecin de la personne mise en examen a été, autant que le contexte de son intervention, le moyen des infractions.

12. Ils énoncent enfin qu'un expert, à qui ont été soumises les conditions de la consultation médicale de l'un des plaignants, a considéré que l'examen avait été conduit selon des modalités fautives, inadaptées et non conformes aux règles de l'art.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

14. En effet, elle a, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, constaté les indices d'un comportement inadapté à connotation sexuelle de la part de la personne mise en examen, répété dans le cadre de consultations avec plusieurs patients différents, de nature à caractériser un risque actuel de commission de nouvelles infractions dans l'exercice de l'activité médicale, au-delà de la stricte mission de collaborateur occasionnel du service public de la justice.

15. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant refusé d'ordonner la mainlevée de son contrôle judiciaire comportant l'interdiction professionnelle d'exercer la médecine, et a rejeté sa demande subsidiaire de modification de l'interdiction d'exercice de l'activité de médecin et de la pratique de la médecine en la circonscrivant aux consultations physiques de patients et en autorisant par conséquent la télémédecine et la téléconsultation, alors :

« 1°/ que le contrôle judiciaire ne peut être mis en place que pour empêcher le risque de renouvellement de l'infraction reprochée ; que de jurisprudence constante, le délit d'agression sexuelle suppose l'existence d'un contact corporel entre l'auteur et la victime" ; qu'en refusant d'autoriser l'activité médicale par téléconsultation, lorsque la chambre de l'instruction constatait expressément que le renouvellement d'une agression sexuelle était matériellement impossible dans ces conditions, et que M. [X] disposait de l'équipement nécessaire, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 138, 12°, et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le maintien d'une interdiction d'exercice professionnel dans le cadre d'un contrôle judiciaire ne peut se justifier par le risque de renouvellement de faits non poursuivis, au seul motif qu'ils ressortiraient des éléments du dossier ; qu'en justifiant le maintien de l'interdiction d'exercer la médecine, y compris par téléconsultations uniquement, par le fait que les éléments du dossier font état de masturbations auxquelles le mis en examen s'est livré devant les victimes, faits qui peuvent être qualifiés d'exhibition sexuelle", lorsque M. [X] est mis en examen pour deux faits d'agression sexuelle et non pour exhibition sexuelle, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 138, 12°, et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'enfin, la chambre de l'instruction doit garantir la proportionnalité de la mesure de contrainte qu'elle impose au titre du contrôle judiciaire ; qu'en justifiant une interdiction totale d'exercer la médecine à l'encontre de M. [X] en raison d'un risque de commission d'une exhibition sexuelle, lorsque cette infraction – à supposer qu'elle ait pu être invoquée – est punie d'une peine maximum d'un an d'emprisonnement, la chambre de l'instruction a prononcé une mesure disproportionnée, en violation des articles préliminaire, 138, 12°, et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

17. Pour rejeter la demande subsidiaire de modification du contrôle judiciaire, les juges énoncent que si le cadre de la téléconsultation exclut tout contact physique et empêche ainsi la commission directe d'une agression sexuelle pendant l'examen, les faits reprochés ont également impliqué des comportements qualifiables d'exhibitions sexuelles.

18. Ils en déduisent que le recours à la téléconsultation n'est pas un obstacle suffisant pour prévenir la commission de nouvelles infractions.

19. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'article préliminaire, alinéa 8, du code de procédure pénale.

20. En effet, elle a, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, caractérisé l'insuffisance des garanties proposées au regard du risque de réitération de faits de nature sexuelle ressortant de la procédure et analogues à ceux visés par la mise en examen, quand bien même ils relèveraient d'une qualification pénale différente, pour laquelle la loi fait au demeurant encourir une peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer.

21. Ainsi, le moyen doit être écarté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-85472
Date de la décision : 30/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, 19 août 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 nov. 2021, pourvoi n°21-85472


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:21.85472
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