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24/11/2021 | FRANCE | N°20-18636

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 20-18636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1323 F-D

Pourvoi n° V 20-18.636

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

Mme [B] [W], domiciliée

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-18.636 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B, chambre sociale), ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1323 F-D

Pourvoi n° V 20-18.636

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

Mme [B] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-18.636 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B, chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [O] [P], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 mars 2019), Mme [W] a été engagée le 1er septembre 1980 en qualité d'aide préparatrice dans la [Adresse 3], aux droits de laquelle vient Mme [P].

2. La rupture du contrat de travail pour motif économique est intervenue le 24 mars 2014 avec l'acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle par la salariée, qui a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et solliciter le paiement d'heures supplémentaires.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ qu'une baisse d'activité ne caractérise pas un motif économique de licenciement, qui ne saurait être justifié par la volonté d'accroître les profits de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour retenir que les difficultés économiques énoncées dans la lettre de licenciement étaient justifiées, sur la baisse du chiffre d'affaires constatée au cours des exercices 2012 et 2013 et sur un déficit de 2 000 euros au titre de la période allant du 1er septembre 2013 au 31 décembre 2013, après avoir constaté l'existence d'un résultat positif de 10 599 euros au titre de la période du 31 août 2012 au 31 août 2013, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence de difficultés économiques, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2088-596 du 25 juin 2008 ;

2°/ que le juge doit viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant que l'employeur ne disposait d'aucun poste disponible, sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que, dans le cadre de cette obligation de reclassement, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si ne pouvaient pas être proposés à la salariée une réduction de son temps de travail ou un aménagement de poste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. »

Réponse de la Cour

4. Ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, d'une part, que la réalité du motif économique était établie en raison d'une aggravation de la baisse d'activité et d'un résultat comptable déficitaire à la fin de l'année 2013, sans perspective d'évolution au regard d'un contexte économique défavorable, ce qui nécessitait de supprimer le poste de l'unique salariée pour assurer la continuité de l'exploitation de l'officine, et, d'autre part, que l'employeur démontrait l'absence de poste disponible, la cour d'appel a pu décider que le licenciement était justifié.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en considérant, pour rejeter sa demande en paiement d'heures supplémentaires, que les éléments versés aux débats par elle étaient insuffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, sans même examiner les éléments de l'employeur, pourtant tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

10. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt énonce que, pour étayer sa demande, la salariée produit un document détaillant des actes par opérateurs sur la période de janvier à mars 2014 ainsi qu'un extrait d'agenda sur la période du 6 janvier au 30 mars d'une année indéterminée. Il relève ensuite que ces éléments ne couvrent pas la totalité de la période sur laquelle porte la demande et ne donnent aucune information sur la réalisation d'éventuelles heures complémentaires. Il ajoute que ces éléments ne permettent pas d'étayer l'existence des heures supplémentaires que la salariée soutient avoir réalisées alors qu'elle n'avait calculé qu'une moyenne forfaitaire correspondant à une simple estimation insuffisamment précise quant aux horaires effectifs pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétendait avoir accomplies pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de nature à justifier les heures effectivement effectuées par l'intéressée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W] de ses demandes en paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de l'indemnité pour travail dissimulé et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il la condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 20 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [P] et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [W], salariée, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé ;

ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en considérant, pour rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires, que les éléments versés aux débats par la salariée étaient insuffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, sans même examiner les éléments de l'employeur, pourtant tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme [W], salariée, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS, 1°), QU'une baisse d'activité ne caractérise pas un motif économique de licenciement, qui ne saurait être justifié par la volonté d'accroître les profits de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour retenir que les difficultés économiques énoncées dans la lettre de licenciement étaient justifiées, sur la baisse du chiffre d'affaires constatée au cours des exercices 2012 et 2013 et sur un déficit de 2 000 euros au titre de la période allant du 1er septembre 2013 au 31 décembre 2013, après avoir constaté l'existence d'un résultat positif de 10 599 euros au titre de la période du 31 août 2012 au 31 août 2013, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence de difficultés économiques, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2088-596 du 25 juin 2008 ;

ALORS, 2°), QUE le juge doit viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant que l'employeur ne disposait d'aucun poste disponible, sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que, dans le cadre de cette obligation de reclassement, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si ne pouvaient pas être proposés à la salariée une réduction de son temps de travail ou un aménagement de poste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18636
Date de la décision : 24/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 20 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 nov. 2021, pourvoi n°20-18636


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.18636
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