LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 novembre 2021
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 838 F-D
Pourvoi n° E 20-18.530
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021
M. [X] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-18.530 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [P] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [V], de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 15 octobre 2019), par acte du 18 février 1994, M. [V] a consenti à M. [N] un bail à long terme jusqu'au 11 novembre 2012 sur des bâtiments et des parcelles à usage agricole lui appartenant.
2. Par acte du 8 mai 2011, les parties ont décidé que le bail serait renouvelé pour une période de neuf années à compter du 11 novembre 2012 et que les bâtiments seraient exclus du bail renouvelé.
3. M. [N] a restitué au bailleur la jouissance des bâtiments.
Lui reprochant d'y avoir procédé à des modifications sans autorisation, M. [V] a sollicité qu'il remette les lieux en état à ses frais.
4. A l'issue d'une expertise ordonnée par le tribunal paritaire des baux ruraux, M. [V] a demandé la condamnation de M. [N] au paiement d'une certaine somme au titre de la remise en état de ces biens.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [V] fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors « que le bail renouvelé étant un nouveau bail, le bailleur est en droit, en cas de modification du bail renouvelé par soustraction de certains biens de son assiette, de réclamer une indemnité au titre de la dégradation des biens dont il retrouve la jouissance et pour lesquels le bail initial a pris fin ; qu'ayant constaté que les parties étaient convenues, par un avenant du 8 mai 2011, de retirer du bail, à compter de son renouvellement pour neuf ans au 11 novembre 2013, les bâtiments d'exploitation sur lesquels portait le bail initial consenti par acte du 18 février 1994, ce dont il résultait que le bailleur était en droit de demander l'indemnisation des dégradations subies par ces bâtiments dont il retrouvait la jouissance, la cour d'appel, qui a retenu que le retrait des bâtiments du bail ne constituait pas une modification suffisamment substantielle du contrat initial pour pouvoir considérer que celui-ci a pris fin et que le bail initial était ainsi toujours en cours, de sorte que la question des dégradations des bâtiments ne pourrait être examinée qu'à l'expiration du bail, a violé les articles L. 416-1 et L. 411-72 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 411-72 du code rural et de la pêche maritime :
6. Selon ce texte, s'il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi.
7. Pour déclarer irrecevable la demande formée par M. [V], l'arrêt retient que le retrait des bâtiments du bail ne constituait pas une modification suffisamment substantielle pour considérer que celui-ci avait pris fin, de sorte que la dégradation alléguée par le bailleur ne pourrait être examinée qu'à l'expiration de la relation contractuelle.
8. En statuant ainsi, tout en constatant que la mise à disposition des bâtiments avait pris fin, les parties, d'un commun accord, les ayant expressément retirés de l'assiette du bail au moment du renouvellement de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [V]
M. [V] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir jugé irrecevable sa demande indemnitaire dirigée contre M. [P] [N] ;
ALORS QUE le bail renouvelé étant un nouveau bail, le bailleur est en droit, en cas de modification du bail renouvelé par soustraction de certains biens de son assiette, de réclamer une indemnité au titre de la dégradation des biens dont il retrouve la jouissance et pour lesquels le bail initial a pris fin ; qu'ayant constaté que les parties étaient convenues, par un avenant du 8 mai 2011, de retirer du bail, à compter de son renouvellement pour neuf ans au 11 novembre 2013, les bâtiments d'exploitation sur lesquels portait le bail initial consenti par acte du 18 février 1994, ce dont il résultait que le bailleur était en droit de demander l'indemnisation des dégradations subies par ces bâtiments dont il retrouvait la jouissance, la cour d'appel, qui a retenu que le retrait des bâtiments du bail ne constituait pas une modification suffisamment substantielle du contrat initial pour pouvoir considérer que celui-ci a pris fin et que le bail initial était ainsi toujours en cours, de sorte que la question des dégradations des bâtiments ne pourrait être examinée qu'à l'expiration du bail, a violé les articles L 416-1 et L 411-72 du code rural et de la pêche maritime.