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24/11/2021 | FRANCE | N°20-16322

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 novembre 2021, 20-16322


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 829 F-D

Pourvoi n° E 20-16.322

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 NOVEMBRE 2021

1°/ L

a société [F] Pax, société par actions simplifiée,

2°/ la société Opalis, société par actions simplifiée unipersonnelle,
toutes deux ayant leur s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 829 F-D

Pourvoi n° E 20-16.322

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 NOVEMBRE 2021

1°/ La société [F] Pax, société par actions simplifiée,

2°/ la société Opalis, société par actions simplifiée unipersonnelle,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 5],

3°/ M. [C] [F], domicilié [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° E 20-16.322 contre l'ordonnance rendue le 20 mai 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige les opposant à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), dont le siège est [Adresse 1], représentée par l'administration des douanes, prise en la personne du directeur de la DNRED, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des sociétés [F] Pax, et Opalis, et de M. [F], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 20 mai 2020), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, autorisé des agents de l'administration des douanes à procéder à des visites et saisies dans les locaux et dépendances, situés [Adresse 3], susceptibles d'être occupés par les sociétés [F] Pax et Opalis, et dans les véhicules de la société [F] Pax et de M. [F], afin de rechercher la preuve d'infractions douanières.

2. La société [F] Pax est présidée par la société Opalis, dont le principal dirigeant est M. [F].

3. Les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] ont fait appel de l'ordonnance autorisant les visites et saisies et formé des recours contre le déroulement des opérations réalisées le 10 juillet 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] font grief à l'ordonnance de rejeter leur demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et de la confirmer, alors :

« 2°/ que l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire doit faire par elle-même la preuve de sa régularité et le juge des libertés et de la détention ne peut désigner un agent autorisé à exécuter les opérations de visite et de saisie sans vérifier son habilitation ; qu'en l'espèce, les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] faisaient valoir, d'une part, que l'administration des douanes reconnaissait s'être trompée dans la production des habilitations puisque l'ordonnance visait quinze agents, qu'elle comportait deux habilitations d'agents des douanes de plus que dans la requête présentée et que cette différence traduisait l'absence de contrôle effectif des habilitations des agents désignés et, d'autre part, que l'ordonnance contenait les grades des agents de l'administration des douanes, cependant que les habilitations jointes ne mentionnaient pas ces informations ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen péremptoire, qu'il suffisait que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate que les habilitations lui avaient été présentées, le délégué du premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du code des douanes ;

3°/ que l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire doit faire par elle-même la preuve de sa régularité et le juge des libertés et de la détention ne peut désigner un agent autorisé à exécuter les opérations de visite et de saisie sans vérifier son habilitation ; qu'en l'espèce, les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] faisaient valoir que le juge des libertés et de la détention n'avait pas pu authentifier l'habilitation de l'agent matricule 56317 en l'absence d'élément d'identification dans la requête ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen péremptoire de nullité, qu'il suffisait que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate que les habilitations lui avaient été présentées, le délégué du premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du code des douanes. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir exactement énoncé que l'article 64 du code des douanes n'impose pas que les décisions d'habilitation des agents de l'administration des douanes soient annexées à la requête, l'ordonnance relève que l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention constate, par une mention valant jusqu'à inscription de faux, que les agents de l'administration des douanes, autorisés à procéder aux visite et saisie, sont tous dûment habilités. Elle retient encore que le caractère pré-imprimé de l'ordonnance n'empêche pas le juge de se livrer à un contrôle effectif du contenu de la requête dont il s'approprie les motifs.

7. En l'état de ces énonciations et appréciations, dont il a déduit que le juge des libertés et de la détention avait procédé à la vérification des habilitations des agents de l'administration des douanes et que l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie était régulière, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'avait pas à effectuer la recherche, inopérante, invoquée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] font grief à l'ordonnance de rejeter leurs recours formés contre les opérations de visite domiciliaire et de saisies qui se sont déroulées le 10 juillet 2019 dans les locaux sis [Adresse 4], alors :

« 1°/ qu'en matière de visite domiciliaire, la mention du procès-verbal de constat selon laquelle se trouvent annexées les déclarations de la personne présente lors des opérations de saisie fait foi jusqu'à inscription de faux au même titre que les autres constatations matérielles du procès-verbal relatant les opérations de saisie ; que, par incorporation, les déclarations de la personne ayant assisté aux opérations de saisie qui figurent dans ces annexes constituent des constatations matérielles valant également jusqu'à inscription de faux puisque leur existence résulte de la constatation matérielle du procès-verbal ; qu'en déniant toute valeur probante aux déclarations de M. [F] mentionnées dans l'annexe C selon lesquelles l'ensemble des saisies n'avait pas été intégralement réalisé en sa présence contrairement aux indications mentionnées dans le procès-verbal aux motifs que l'annexe ne contenait aucune déclaration de M. [F] recueillie par les agents des douanes selon les modalités de l'article 336 du code des douanes, lorsque la mention par les officiers de police judiciaire dans le procès-verbal de constat du 10 juillet 2019 de l'annexion par leur soin des déclarations de M. [F] dont ils avaient ainsi nécessairement pris connaissance en ce qu'elles contestaient le fait que M. [F] eut été présent lors de l'intégralité des copies et saisies informatiques avait la nature d'une constatation matérielle au même titre que les autres constatations relevées dans le procès-verbal dont le juge devait examiner le contenu, le délégué du premier président a violé l'article 336 du code des douanes, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que le droit à un recours effectif implique que toute personne faisant l'objet d'une procédure de saisie soit en mesure de discuter l'énoncé des faits et des moyens qui lui sont opposés et des éléments probatoires éventuellement constatés dans le cadre de l'enquête ; qu'en déniant à M. [F] la possibilité de contester la mention du procès-verbal figurant à la fin du contrôle selon laquelle les opérations de saisie et les opérations informatiques avaient été faites en sa présence constante et effective pour la simple raison que celle-ci ferait foi jusqu'à inscription de faux, quand figurant dans la partie fin du contrôle cette mention formelle et stéréotypée devait être confrontée avec les déclarations précises et circonstanciées de M. [F] contenues dans les annexes mentionnées par le procès-verbal de constat, le délégué du premier président qui ne s'est pas assuré si cette mention du procès-verbal n'était pas préimprimée et insusceptible de se voir attribuer cette force probante jusqu'à inscription de faux et qui n'a donc pas recherché concrètement si, comme M. [F] le soutenait, l'ensemble des copies et saisies informatiques avait été intégralement réalisé alors qu'il n'avait pas été présent de manière permanente, a violé les articles 336 du code des douanes et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que selon l'article 64, 2, b, du code des douanes, l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, et l'article 58 de ce code est applicable ; que les visites et saisies doivent donc être effectuées en présence d'un officier de police judiciaire qui est notamment chargé d'assurer le respect des droits de la défense ; que sur le déroulement des opérations de saisie, dans le cadre de l'annexe C à laquelle renvoyait le procès-verbal de constat, M. [F] avait soulevé un certain nombre d'irrégularités quant au fait que ses droits de la défense n'avaient pas été respectés dès lors qu'une saisie globale, massive et indifférenciée avait été opérée et qu'il avait été demandé à l'officier de police judiciaire de contacter le juge des libertés et de la détention afin qu'il soit procédé à la mise sous scellés, demande qu'il avait rejetée ce qui avait n'avait pas mis le juge des libertés et de la détention en mesure d'exercer son contrôle et notamment de pouvoir se déplacer et ou de suspendre ou arrêter les opérations de visite et de saisie ou encore de solliciter une mesure de mise sous scellés des matériels informatiques et de téléphone ; qu'en écartant purement et simplement cette demande et en refusant de l'examiner aux motifs qu'il appartenait à M. [F] de soulever toute contestation utile sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie et que le procès-verbal de constat des opérations de visite et de saisie ne rapportait aucune déclaration à cette fin formulée par M. [F] au cours des opérations, seules figurant en annexe des observations écrites de sa part, quand la contestation était précisément soulevée au moyen de l'annexe C à laquelle renvoyait le procès-verbal de constat de sorte qu'elle devait être analysée, le délégué du premier président a violé les articles 64, 2, b, du code des douanes, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que le droit au recours effectif implique que le juge vérifie concrètement les moyens qui lui sont soumis ; que le droit au respect de la vie privée s'oppose à ce que l'administration procède à une saisie globale et indifférenciée de tous documents informatiques ou papiers sans qu'il soit procédé à un tri préalable sur le fondement de critères précis, objectivement contrôlables ; qu'est nulle la saisie de documents qui n'ont pas fait l'objet d'un tri opéré en fonction d'un critère précis, objectivement vérifiable ; qu'en l'espèce, les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] exposaient que l'administration des douanes n'avait pas fait état des moyens utilisés, tels que les mots-clefs employés, permettant de circonscrire les fouilles et de ne procéder qu'à des saisies en rapport avec l'objet de l'enquête et donc d'en assurer le contrôle tant par eux-mêmes que par le juge des libertés et de la détention ; que pour dire régulière la saisie de documents informatiques litigieuse, le délégué du premier président de la cour d'appel s'est borné à relever que le procès-verbal de constat ne rapporte aucune déclaration de M. [F] relative à une saisie informatique massive, indifférenciée formulée au cours des opérations, sans rechercher concrètement si elle avait été opérée au moyen d'un critère précis et objectivement vérifiable ; qu'en statuant ainsi, le délégué du premier président a privé sa décision de légale au regard de l'article 64 du code des douanes, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

5°/ que le droit au recours effectif implique que le juge vérifie concrètement les moyens qui lui sont soumis ; que le droit au respect de la vie privée s'oppose à ce que l'administration procède à une saisie globale et indifférenciée de tous documents informatiques ou papiers sans qu'il soit procédé à un tri préalable sur le fondement de critères précis, objectivement contrôlables ; qu'est nulle la saisie de documents qui n'ont pas fait l'objet d'un tri opéré en fonction d'un critère précis, objectivement vérifiable ; que les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] soulignaient que l'administration des douanes n'avait pas fait état des moyens utilisés, tels que les mots-clefs employés, permettant de circonscrire les fouilles et de ne procéder qu'à des saisies en rapport avec l'objet de l'enquête et donc d'en assurer le contrôle tant par eux-mêmes que par le juge des libertés et de la détention ; que pour dire régulière la saisie de documents informatiques litigieuse, le délégué du premier président de la cour d'appel s'est borné à relever que, selon le procès-verbal des opérations de saisies, celles-ci n'apparaissent pas globales mais différenciées ; qu'en se contentant ainsi de la simple mention formelle de l'existence d'une sélection des supports, sans aucunement rechercher concrètement si elle avait été opérée au moyen d'un critère précis et objectivement vérifiable, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du code des douanes, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

6°/ que l'officier de police judiciaire désigné pour veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense doit provoquer toute mesure préalable nécessaire à cette fin ; que les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] indiquaient que l'officier de police judiciaire s'était opposé à la demande de M. [F] tendant à ce que le juge des libertés et de la détention soit saisi du fait de la saisie globale, massive et indifférenciée des données informatiques et que cette opposition avait empêché le contrôle de ce dernier et privé l'occupant de la garantie de ses droits de la défense ; qu'en énonçant, pour considérer comme régulière la visite et les saisies s'étant déroulées dans de telles circonstances, qu'il appartenait à M. [F] de soulever toute contestation utile sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie, quand il incombe au contraire à l'administration saisissante d'établir que la saisie était dûment justifiée et proportionnée, le délégué du premier président a violé les articles 64 du code des douanes, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, il ne résulte pas de l'article 336 du code des douanes que les déclarations de la personne ayant assisté aux opérations de visite et saisie font, par incorporation, foi jusqu'à inscription de faux, du seul fait qu'elles ont été annexées au procès-verbal par les agents des douanes. Le grief de la première branche, qui postule le contraire, manque en droit.

11. En deuxième lieu, l'article 336,1, du code des douanes, qui prévoit que les procès-verbaux rédigés par deux agents des douanes font foi jusqu'à inscription de faux des constatations matérielles qu'ils relatent, n'est pas incompatible avec l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'a pas pour objet de limiter les modes de preuve prévus par la loi interne mais de garantir le droit du justiciable à un procès équitable.

12. En troisième lieu, ayant relevé qu'il résultait du procès-verbal de douane que M. [F], qui était informé que toute difficulté serait portée à la connaissance du juge des libertés et de la détention et qui avait, en sa qualité, nécessairement connaissance des documents susceptibles d'être appréhendés, n'avait soulevé, au cours des opérations, aucune contestation sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie, que l'officier de police judiciaire n'avait opposé aucun refus d'accès aux données saisies et que la visite des locaux et les extractions informatiques s'étaient terminées sans incident, le premier président en a déduit à bon droit qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'était démontrée.

13. En dernier lieu, l'ordonnance retient que, selon le procès-verbal, les saisies pratiquées n'apparaissent pas globales mais différenciées et qu'elles ne sont pas, en elles-mêmes, disproportionnées. Elle relève ensuite que la copie des fichiers informatiques saisis a été réalisée en double exemplaire, dont l'un a été placé sous scellé, de sorte que les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] pouvaient en connaître le contenu. Elle relève enfin que ces derniers n'établissent pas que lesdits fichiers concerneraient des données confidentielles ou seraient sans rapport avec les soupçons d'actes prohibés, ni ne démontrent une atteinte disproportionnée à leurs droits au regard du but légitime poursuivi de recherche des infractions. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, le premier président, qui n'avait pas à effectuer les recherches, inopérantes, invoquées par les quatrième et cinquième branches, a pu retenir que les saisies étaient régulières.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] et les condamne à payer à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [F], les sociétés [F] Pax et Opalis.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 6] du 8 juillet 2019 et de l'avoir confirmée,

AUX MOTIFS QUE

I- Sur la demande d'annulation de l'ordonnance :

- Sur la nullité de la requête pour absence de date :

1. Selon l'article 58 du code de procédure civile dans sa version applicable aux faits de la cause, « La requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

Elle contient à peine de nullité :

1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;

Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;

2° L'indication des (Décr. n° 2006-936 du 27 juill. 2006, art. 127, en vigueur le 1er janv. 2007) «nom, prénoms [ancienne rédaction : noms]» et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

3° L'objet de la demande. (Décr. no 2015-282 du 11 mars 2015, art. 19, en vigueur le 1er avr. 2015) «Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. «Elle est datée et signée.»

Si l'article 58 dernier alinéa précise que la requête ou la déclaration "est datée et signé", il ne prescrit pas cette formalité à peine de nullité. La nullité de la requête pour absence de date apposée par la Dnred n'est dès lors pas encourue de ce chef.

2. En application de l'article 114 du code de procédure civile, "Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public".

Le juge étant saisi par la remise de la requête au greffe de la juridiction, la Dnred doit justifier disposer des habilitations nécessaires à la date de l'enregistrement au greffe de la requête soit à la date du 1er juillet 2019. En l'espèce, la requête visant en pièce jointe n° 10 l'habilitation des agents des douanes et les appelants n'établissant aucun grief, le moyen de nullité est écarté.

3. Selon l'article 117 du code susdit, "Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice."

La mention à l'ordonnance que les habilitations ont été vérifiées par le juge induisant que la Dnred était en possession des habilitations nécessaires à la date du 1er juillet 2019, le moyen de nullité de la requête est écarté.

- Sur la présomption de fraude :

La visite domiciliaire en matière douanière est régie par l'article 64 du code des douanes dans sa version applicable aux faits de la cause, qui dispose que :

"1- Pour la recherche et la constatation des délits douaniers visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le Ministre chargé des douanes, peuvent procéder à des visites en tout lieu, même privés où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. A... sont accompagnés d'un officier de police judiciaire (...).

2 a) Hormis le cas de flagrant délit, chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

L'ordonnance comporte :

-l'adresse des lieux à visiter ;

-le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ;

-la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l'auteur présumé des infractions mentionnées au 1, de faire appel à un conseil de son choix.

L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie.

Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Il se prononce par une mention expresse sur la saisie de biens et avoirs pouvant provenir directement ou indirectement des délits dont la preuve est recherchée (...).

Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. (?) ».

Il résulte de l'article 64 que le juge des libertés et de la détention n'est pas le juge du fond du droit et n'a pas à rechercher si les infractions sont caractérisées, mais seulement s'il existe des présomptions d'agissements frauduleux justifiant d'autoriser les opérations de visite et de saisie.

Le juge apprécie souverainement si les éléments apportés par l'administration des douanes sont suffisants pour soupçonner la société d'avoir agi frauduleusement.

En l'espèce, le juge a relevé, en examinant in concreto la requête de l'administration et les documents ou annexes joints et effectivement transmis, une fois rappelées les dispositions textuelles relatives à l'exportation des biens à double usage, et les personnes concernées, que les pièces transmises par la Dnred permettent de présumer que la société [F] Pax qui exporte des verres blindés au plomb avec leurs cadres à destination de l'Argentine et de l'Inde via l'Argentine (pièce-jointe n° 3 - document côté DMI, pièce n° 4 -documents côtés A1 et A7, pièce n° 6 - documents côtés DT5), s'est vue refuser une demande de licence d'exportation par le Sbdu le 03/03/2007 pour l'exportation de « Hublots blindés en verre au plomb/Radiation shielded Window '' classés en catégorie 1A227 de l'annexe I du règlement 428/2009 modifié à destination de la société Invap en Argentine, avec pour utilisateur final [G] [W] [S], en Inde (pièce-jointe n° 5 - document côté EG5), a exporté en 2016, 2018 et 2019 des ouvrages en plomb à destination des sociétés Invap en Argentine et [G] [W] [S] en Inde, la société argentine Invap réalisant des opérations de production de hublots en verre au plomb avant de les réexporter vers un pays-tiers, a réalisé néanmoins, deux exportations (cf pièce-jointe n° 4 - documents côtés Al et A7) vers la société Invap en Argentine, pour le compte de la société [G] [W] [S] en Inde ;
que par décision du 02/08/2018, le Sbdu, en qualité d'autorité de classement, a soumis à autorisation préalable l'exportation de biens à destination de [G] [W] [S] et de l'utilisateur final Board of Radiation et Isotope Technology (BRIT) vers l'Inde (pièce-jointe n° 5 - documents côtés EG38 et EG39 et pièce-jointe n° 11) ; que les exportations de la société C... Pax effectuées vers l'Argentine, dont certaines ont été réalisées pour le compte du destinataire indien [G] [W] [S] depuis le 29/09/2016 pourraient donc tomber sous le régime d'autorisation d'exportation au titre du règlement (CE) 428/2019 modifié ; que ces verres au plomb pourraient être utilisés dans le programme nucléaire indien.

Il en a déduit que l'ensemble de ces éléments conduit à soupçonner la société [F] Pax de masquer la destination finale des marchandises lors de leur exportation en utilisant une société intermédiaire (Invap en Argentine) et ainsi de contourner le régime de contrôle de biens soumis à autorisation d'exportation, et de possiblement exporter vers l'Inde sans autorisation des matériels visés par le régime de contrôle des biens à double-usage, et a ainsi ordonné toute visite nécessaire à la recherche des infractions visées au 1 de l'article 64 du code des douanes et la saisie des marchandises en situation irrégulière et la saisie des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits visés.

Le juge des libertés et de la détention n'avait pas à rechercher au-delà de l'apparence de la présomption de fraude résultant des éléments produits si les infractions étaient caractérisées, la visite domiciliaire ayant pour finalité la recherche des éléments établissant la commission de l'infraction.

Il s'évince des éléments ci-dessus que c'est à bon droit que le juge des libertés et de la détention, en retenant que les éléments de droit et de fait qui lui étaient présentés caractérisaient une présomption de fraude, a fait droit à la requête.

- Sur l'opportunité de la visite domiciliaire :

Les faits relatés et les pièces produites au soutien de la requête constituant des présomptions de la commission du délit dont la preuve est recherchée, sont suffisants à établir que sont remplies les conditions d'autorisation d'une visite domiciliaire. Ainsi le moyen soutenu par les appelants tenant à une présentation erronée des documents d'exportation portant sur des ouvrages en plomb dont la Dnred déduit automatiquement qu'il s'agit de biens interdits et relevant en tout état de cause de la clause "attrape-tout" du règlement européen à laquelle la société ne se serait pas conformée en opérant les trois exportations litigieuses, n'est pas utilement soutenu dès lors que le juge n'a pas à rechercher si l'infraction a été réellement commise mais si les éléments d'informations produits sont de nature à autoriser la visite pour la recherche et la constatation des délits douaniers, critère que remplissent les éléments soumis au juge des libertés et de la détention.

Aucun texte ne subordonnant la saisine de l'autorité judiciaire par l'administration des douanes, pour l'application des dispositions de l'article 64, au recours préalable à d'autres procédures, telles l'exercice du droit de communication de pièces techniques auprès de la société visitée, étant rappelé qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de déterminer quels seraient les moyens de preuve les plus appropriés pour que l'administration puisse démontrer l'existence de la fraude présumée et que le recours à la visite domiciliaire, soumis au contrôle du juge qui autorise ou refuse sa mise en oeuvre n'apparaît pas subsidiaire, il s'ensuit le rejet du moyen de l'inutilité de la mesure ordonnée.

S'agissant de l'absence de proportionnalité au but recherché, il appartient aux appelants d'en faire la preuve. Or, la présomption de fraude étant caractérisée par la Dnred, l'instauration d'une mesure de visite domiciliaire prévue par l'article 64 du code des douanes ne conduit pas à porter une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par une convention internationale ou par une norme nationale au regard du but légitime poursuivi par cette règle.

Le moyen est écarté.

- Sur le contrôle effectif du juge concernant les habilitations des agents des douanes :

Selon l'article 64 alinéa 1er du code des douanes, "«1. Pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus (L. no 2013-1117 du 6 déc. 2013, art. 49-I) « ou d'être accessibles ou disponibles». A... sont accompagnés d'un officier de police judiciaire." (...)

Cet article mentionne en son alinéa 4 : "l'ordonnance comporte :

-l'adresse des lieux à visiter ;

-le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ; (...)"
Il ressort de l'article 64 ci-dessus, que le code des douanes n'impose pas que les décisions d'habilitation des agents de l'administration des douanes soient annexées à la requête, de sorte qu'il suffit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate, par une mention qui vaut jusqu'à inscription de faux, que les habilitations lui ont été présentées.

En l'espèce, il résulte de l'ordonnance entreprise que celle-ci comporte la mention que les "agents de la Dnred qui suivent ...tous en poste à la Dnred.., tous dûment habilités', de sorte que, les mentions apposées de la vérification de l'habilitation valant jusqu'à inscription de faux, le moyen n'est pas fondé.

Le caractère pré-imprimé de l'ordonnance n'empêchant pas le juge de se livrer à un contrôle effectif du contenu de la requête dont il s'approprie les motifs, le moyen de nullité est écarté.

- Sur la violation du principe du contradictoire :

Conformément à l'article 64 précité « Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter.(...) ».

La Dnred a communiqué ses pièces par courrier du 19 juillet 2019, de façon incomplète ce qu'elle reconnaît, la pièce n° 10 concernant les habilitations faisant défaut.

Les appelants ayant pris connaissance de l'ensemble du dossier de procédure par consultation au greffe de la cour d'appel le 13 novembre 2019 avant l'audience fixée au 19 février 2020 et ensuite amplement conclu le 29 janvier 2020 au vu de l'intégralité des pièces litigieuses, puis développé leurs conclusions oralement à l'audience sans soutenir un défaut actuel de communication des pièces au cours de la période de mise en état de l'affaire, le défaut de transmission d'une pièce unique constitue une erreur matérielle de sorte que les appelants ne sont pas valablement fondés à soutenir la violation du principe du contradictoire leur faisant grief.

Le moyen de nullité est rejeté,

1° ALORS QUE l'omission par le service de renseignement et des enquêtes de Douanes de l'indication de la date dans une requête aux fins d'être autorisé à procéder à la visite domiciliaire du siège social d'une société prive de la possibilité de vérifier de sa régularité au moment précis de sa rédaction et constitue une irrégularité qui cause nécessairement grief ; qu'en retenant, pour écarter la nullité de la requête de la DNRED qui était dénuée de toute date, que si l'article 58 dernier alinéa du code de procédure civile précise que la requête ou la déclaration « est datée et signée », il ne prescrit pas cette formalité à peine de nullité, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article 58 du code de procédure civile,

2° ALORS QUE l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire doit faire par elle-même la preuve de sa régularité et le juge des libertés et de la détention ne peut désigner un agent autorisé à exécuter les opérations de visite et de saisie sans vérifier son habilitation ; qu'en l'espèce, les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] faisaient valoir d'une part, que la DNRED reconnaissait s'être trompée dans la production des habilitations puisque l'ordonnance visait 15 agents, qu'elle comportait 2 habilitations d'agents des douanes de plus que dans la requête présentée et que cette différence traduisait l'absence de contrôle effectif des habilitations des agents désignés et d'autre part, que l'ordonnance contenait les grades des agents de la DNRED, cependant que les habilitations jointes ne mentionnaient pas ces informations ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen péremptoire, qu'il suffisait que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate que les habilitations lui avaient été présentées, le délégué du premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du code des douanes,

3° ALORS QUE l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire doit faire par elle-même la preuve de sa régularité et le juge des libertés et de la détention ne peut désigner un agent autorisé à exécuter les opérations de visite et de saisie sans vérifier son habilitation ; qu'en l'espèce, les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] faisaient valoir que le juge des libertés et de la détention n'avait pas pu authentifier l'habilitation de l'agent matricule 56317 en l'absence d'élément d'identification dans la requête ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen péremptoire de nullité, qu'il suffisait que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate que les habilitations lui avaient présentées, le délégué du premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du code des douanes,

4° ALORS QUE le premier président saisi d'un appel contre une ordonnance ayant autorisé des visites et saisies doit, en vertu de l'effet dévolutif, rechercher et caractériser lui-même les éléments laissant présumer l'existence d'une fraude de nature à justifier la requête de l'administration ; qu'en abandonnant au juge des libertés et de la détention l'examen des éléments d'information soumis par l'administration des douanes et l'appréciation de l'existence de présomptions d'agissements contraires à la législation douanière, le délégué du premier président de la cour d'appel a méconnu son office, en violation des articles 542 et 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 64 du code des douanes et l'article 6 § 1 de la convention européenne des Droits de l'Homme,

5° ALORS QUE les visites et saisies domiciliaires constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, garanti par l'article 8 § 1 de la convention européenne des Droits de l'Homme et doivent par conséquent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché ; que la proportionnalité de la mesure doit être vérifiée tant par le juge des libertés et de la détention que par le premier président de la cour d'appel saisi d'un recours contre l'ordonnance d'autorisation ; que le juge doit ainsi, vérifier si l'atteinte aux libertés était nécessaire ou si d'autres mesures permettant d'atteindre le même but et moins attentatoires aux libertés ne peuvent pas être utilisées par l'administration ; qu'en estimant que le droit de communication de l'administration ne la privait pas de son droit d'effectuer une mesure domiciliaire sans rechercher si la mise en oeuvre de ce droit ne constituait pas une mesure moins attentatoire aux libertés de la société mais suffisante pour permettre à l'administration d'atteindre le but recherché, le délégué du premier président de la cour d'appel a privé son ordonnance de base légale au regard des exigences de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les recours formés à l'encontre des opérations de visite domiciliaire et de saisies qui se sont déroulées le 10 juillet 2019 dans les locaux du sis [Adresse 4],

AUX MOTIFS QUE

II. Sur la demande de nullité des opérations de visites, de saisies et d'inventaire du 10 juillet 2019 :

Selon l'article 336 du code des douanes "1. Les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre administration font foi jusqu'à inscription de faux des constatations matérielles qu'ils relatent.

2. Ils ne font foi que jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent."

En l'espèce, le procès-verbal du 19 juillet 2019 relatant les opérations de visite et de saisie ayant été dressé par deux agents des douanes, les constatations matérielles qu'il contient font foi jusqu'à inscription de faux.

En conséquence la mention que les opérations se sont déroulées pour chaque visite et chaque saisie en présence constante et effective de M. [C] [F] fait foi jusqu'à inscription de faux, de sorte que le moyen d'un défaut de présence constante et effective de l'occupant des lieux lors du déroulement des opérations est inopérant.

Concernant l'annexe, celle-ci ne contient aucune déclaration de M. [F] recueillie par les agents des douanes selon les modalités prévues à l'article 336 dudit code, mais de simples commentaires de sa main selon lesquels « l'ensemble des copies/saisies informatiques n'a pas été intégralement réalisé en présence permanente de M. [C] [F], contrairement aux indications mentionnées sur le PV ». Ces mentions manuscrites apposées par un tiers à l'administration des douanes sont insusceptibles de faire perdre au procès-verbal sa force probante jusqu'à inscription de faux. Le moyen est écarté.

Sur le respect des droits fondamentaux de l'occupant :

Selon l'article 64-2 b) du code susdit «(...) L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ; l'article 58 de ce code est applicable.(...). »

Il appartenait à M. [F] à qui avait été notifié verbalement l'ordonnance de visite domiciliaire et de saisies avant le commencement des opérations, l'ordonnance comportant notamment en son dispositif que toute difficulté sera portée à la connaissance du juge des libertés et de la détention, et qui avait nécessairement connaissance en sa qualité, des documents susceptibles d'être appréhendés, de soulever toute contestation utile sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie. Or le procès-verbal de constat des opérations de visite et de saisie ne rapporte aucune déclaration à cette fin formulée par M. [F] au cours des opérations, seules figurant en annexe des observations écrites de sa part.

Il n'est pas démontré une quelconque violation des droits fondamentaux de la défense, de sorte que ce moyen est écarté

Sur la saisie informatique effectuée :

La critique du système d'empreinte numérique utilisé par les services de la Dnred dont il est soutenu qu'il ne serait pas de nature à garantir la fiabilité de la saisie numérique, la traçabilité, et l'unicité des fichiers et répertoires saisis, n'étant aucunement démontrée alors que les appelants avaient la possibilité de réaliser un comparatif entre les données saisies et la copie placée sous scellé, le moyen est rejeté.

L'allégation d'une saisie globale massive et indifférenciée des données informatiques et en particulier du téléphone portable de M. [F] est contestée par la Dnred qui soutient que seuls deux disques durs et des clés Usb ont été copiés intégralement.

En l'espèce, le procès-verbal de constat des opérations de visite et de saisie ne rapporte aucune déclaration de M. [F] relative à une saisie informatique massive, indifférenciée formulée au cours des opérations. Il n'est pas non plus mentionné un refus opposé par l'officier de police judiciaire de laisser accéder aux données saisies. L'intimée relève à juste titre que le procès-verbal indique que la visite des locaux s'est terminée "sans incident" et que les extractions informatiques se sont terminées "sans incident", et que le procès-verbal a été signé et paraphé par l'occupant. L'absence de déclaration de M. [F] portée à l'acte ainsi que l'absence de mention de difficultés, conduisent à retenir la parfaite validité du contenu de l'acte et à rejeter les prétentions à une saisie massive et indifférenciée opérée au cours des opérations.

Le caractère disproportionné de la saisie informatique ne résultant pas de la saisie elle-même et les appelants n'établissant pas par des éléments propres à démontrer qu'il a été porté une atteinte disproportionnée à leurs droits, que les fichiers saisis concernent des données confidentielles ou sans rapport avec les soupçons d'actes prohibés qui pouvaient résulter des déclarations mentionnées au procès-verbal des opérations, alors que, la copie des fichiers ayant été réalisée en double exemplaire avec un exemplaire placé sous scellé, les appelants pouvaient ainsi en connaître le contenu et établir dans le cadre du recours que certaines pièces saisies ne pouvaient l'être, il n'est pas démontré que les saisies opérées portent une atteinte disproportionnée au droit de l'occupant au regard du but légitime poursuivi de recherche des infractions.

Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

Sur la demande subsidiaire de nullité des saisies des documents sans lien avec la fraude présumée relatifs aux documents papiers suivants selon l'inventaire :

L'article 64 ne soumettant l'inventaire à aucune forme particulière, et les appelants ne faisant pas la preuve de l'irrégularité de la saisie des documents, de ce que les documents saisis et énumérés sont sans lien avec la fraude présumée, étant rappelé selon le procès-verbal des opérations que les saisies n'apparaissent pas globales mais différenciées, le grief résultant de l'insuffisance de précision alléguée des libellés, pouvant conduire à écarter les documents sans pour autant atteindre la validité des saisies pratiquées, n'est pas établi, ce dont il suit que le moyen de nullité est rejeté.

Sur la demande subsidiaire de nullité des saisies des documents issus de la saisie informatique :

En l'absence de forme particulière de l'inventaire, l'établissement de celui-ci sous un format exclusivement informatique n'encourt pas en lui-même la nullité. La copie des fichiers ayant été réalisée en double exemplaire avec un exemplaire placé sous scellé, les appelants pouvaient ainsi en connaître le contenu et établir dans le cadre du recours une éventuelle modification des données saisies. Ainsi les appelants ne font pas la preuve de l'absence d'authenticité des données et fichiers en sorte que le moyen est rejeté,

L'ordonnance dont appel du 8 juillet 2019 est confirmée,

Les recours formés à l'encontre des opérations de visite et de saisies sont rejetées,

1° ALORS QU'en matière de visite domiciliaire la mention du procès-verbal de constat selon laquelle se trouvent annexées les déclarations de la personne présente lors des opérations de saisi fait foi jusqu'à inscription de faux au même titre que les autres constatations matérielles du procès-verbal relatant les opérations de saisie ; que, par incorporation, les déclarations de la personne ayant assisté aux opérations de saisie qui figurent dans ces annexes constituent des constatations matérielles valant également jusqu'à inscription de faux puisque leur existence résulte de la constatation matérielle du procès-verbal ; qu'en déniant toute valeur probante aux déclarations de M. [F] mentionnées dans l'annexe C selon lesquelles l'ensemble des saisies n'avait pas été intégralement réalisé en sa présence contrairement aux indications mentionnées dans le procès-verbal aux motifs que l'annexe ne contenait aucune déclaration de M. [F] recueillie par les agents des douanes selon les modalités de l'article 336 du code des douanes, lorsque la mention par les officiers de police judiciaire dans le procès-verbal de constat du 10 juillet 2019 de l'annexion par leur soin des déclarations de M. [F] dont ils avaient ainsi nécessairement pris connaissance en ce qu'elles contestaient le fait que M. [F] eut été présent lors de l'intégralité des copies et saisies informatiques avait la nature d'une constatation matérielle au même titre que les autres constatations relevées dans le procès-verbal dont le juge devait examiner le contenu, le délégué du premier président a violé l'article 336 du code des douanes, ensemble l'article 6 de la convention européenne des Droits de l'Homme,

2° ALORS QUE le droit à un recours effectif implique que toute personne faisant l'objet d'une procédure de saisie soit en mesure de discuter l'énoncé des faits et des moyens qui lui sont opposés et des éléments probatoires éventuellement constatés dans le cadre de l'enquête ; qu'en déniant à M. [F] la possibilité de contester la mention du procès-verbal figurant à la fin du contrôle selon laquelle les opérations de saisie et les opérations informatiques avaient été faites en sa présence constante et effective pour la simple raison que celle-ci ferait foi jusqu'à inscription de faux, quand figurant dans la partie fin du contrôle cette mention formelle et stéréotypée devait être confrontée avec les déclarations précises et circonstanciées de M. [F] contenues dans les annexes mentionnées par le procès-verbal de constat, le délégué du premier président qui ne s'est pas assuré si cette mention du procès-verbal n'était pas préimprimée et insusceptible de se voir attribuer cette force probante jusqu'à inscription de faux et qui n'a donc pas recherché concrètement si, comme M. [F] le soutenait, l'ensemble des copies et saisies informatiques avait été intégralement réalisé alors qu'il n'avait pas été présent de manière permanente, a violé les articles 336 du code des douanes et 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme,

3° ALORS QUE selon l'article 64 2° b) du code des douanes, l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, et l'article 58 de ce code est applicable ; que les visites et saisies doivent donc être effectuées en présence d'un officier de police judiciaire qui est notamment chargé d'assurer le respect des droits de la défense ; que sur le déroulement des opérations de saisie, dans le cadre de l'annexe C à laquelle renvoyait le procès-verbal de constat, M. [F] avait soulevé un certain nombre d'irrégularités quant au fait que ses droits de la défense n'avaient pas été respectés dès lors qu'une saisie globale, massive et indifférenciée avait été opérée et qu'il avait été demandé à l'officier de police judiciaire de contacter le juge des libertés et de la détention afin qu'il soit procédé à la mise sous scellés, demande qu'il avait rejetée ce qui avait n'avait pas mis le juge des libertés et de la détention en mesure d'exercer son contrôle et notamment de pouvoir se déplacer et ou de suspendre ou arrêter les opérations de visite et de saisie ou encore de solliciter une mesure de mise sous scellés des matériels informatiques et de téléphone ; qu'en écartant purement et simplement cette demande et en refusant de l'examiner aux motifs qu'il appartenait à M. [F] de soulever toute contestation utile sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie et que le procès-verbal de constat des opérations de visite et de saisie ne rapportait aucune déclaration à cette fin formulée par M. [F] au cours des opérations, seules figurant en annexe des observations écrites de sa part, quand la contestation était précisément soulevée au moyen de l'annexe C à laquelle renvoyait le procès-verbal de constat de sorte qu'elle devait être analysée, le délégué du premier président a violé les articles 64 2 b) du code des douanes, ensemble l'article 6 de la convention européenne des Droits de l'Homme.

4° ALORS QUE le droit au recours effectif implique que le juge vérifie concrètement les moyens qui lui sont soumis ; que le droit au respect de la vie privée s'oppose à ce que l'administration procède à une saisie globale et indifférenciée de tous documents informatiques ou papiers sans qu'il soit procédé à un tri préalable sur le fondement de critères précis, objectivement contrôlables ; qu'est nulle la saisie de documents qui n'ont pas fait l'objet d'un tri opéré en fonction d'un critère précis, objectivement vérifiable ; qu'en l'espèce, les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] exposaient que la DNRED n'avait pas fait état des moyens utilisés, tels que les mots-clefs employés, permettant de circonscrire les fouilles et de ne procéder qu'à des saisies en rapport avec l'objet de l'enquête et donc d'en assurer le contrôle tant par eux-mêmes que par le juge des libertés et de la détention ; que pour dire régulière la saisie de documents informatiques litigieuse, le délégué du premier président de la cour d'appel s'est borné à relever que le procès-verbal de constat ne rapporte aucune déclaration de M. [F] relative à une saisie informatique massive, indifférenciée formulée au cours des opérations, sans rechercher concrètement si elle avait été opérée au moyen d'un critère précis et objectivement vérifiable ; qu'en statuant ainsi, le délégué du premier président a privé sa décision de légale au regard de l'article 64 du code des douanes, ensemble les articles 6 et 8 de la convention européenne des Droits de l'Homme,

5° ALORS QUE le droit au recours effectif implique que le juge vérifie concrètement les moyens qui lui sont soumis ; que le droit au respect de la vie privée s'oppose à ce que l'administration procède à une saisie globale et indifférenciée de tous documents informatiques ou papiers sans qu'il soit procédé à un tri préalable sur le fondement de critères précis, objectivement contrôlables ; qu'est nulle la saisie de documents qui n'ont pas fait l'objet d'un tri opéré en fonction d'un critère précis, objectivement vérifiable ; que les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] soulignaient que la DNRED n'avait pas fait état des moyens utilisés, tels que les mots-clefs employés, permettant de circonscrire les fouilles et de ne procéder qu'à des saisies en rapport avec l'objet de l'enquête et donc d'en assurer le contrôle tant par eux-mêmes que par le juge des libertés et de la détention ; que pour dire régulière la saisie de documents informatiques litigieuse, le délégué du premier président de la cour d'appel s'est borné à relever que, selon le procès-verbal des opérations de saisies, celles-ci n'apparaissent pas globales mais différenciées ; qu'en se contentant ainsi de la simple mention formelle de l'existence d'une sélection des supports, sans aucunement rechercher concrètement si elle avait été opérée au moyen d'un critère précis et objectivement vérifiable, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 64 du code des douanes, ensemble les articles 6 et 8 de la convention européenne des Droits de l'Homme,

6° ALORS QUE l'officier de police judiciaire désigné pour veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense doit provoquer toute mesure préalable nécessaire à cette fin ; que les sociétés [F] Pax et Opalis et M. [F] indiquaient que l'officier de police judiciaire s'était opposé à la demande de M. [F] tendant à ce que le juge des libertés et de la détention soit saisi du fait de la saisie globale, massive et indifférenciée des données informatiques et que cette opposition avait empêché le contrôle de ce dernier et privé l'occupant de la garantie de ses droits de la défense ; qu'en énonçant, pour considérer comme régulière la visite et les saisies s'étant déroulées dans de telles circonstances, qu'il appartenait à M. [F] de soulever toute contestation utile sur les données qui lui paraissaient devoir être exclues de la saisie, quand il incombe au contraire à l'administration saisissante d'établir que la saisie était dûment justifiée et proportionnée, le délégué du premier président a violé les articles 64 du code des douanes, 6 et 8 de la convention européenne des Droits de l'Homme.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-16322
Date de la décision : 24/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 nov. 2021, pourvoi n°20-16322


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.16322
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