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24/11/2021 | FRANCE | N°20-11848

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 novembre 2021, 20-11848


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 816 F-D

Pourvoi n° S 20-11.848

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 NOVEMBRE 2021

M. [U]

[I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-11.848 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e cham...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 816 F-D

Pourvoi n° S 20-11.848

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 NOVEMBRE 2021

M. [U] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-11.848 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Val de France, société coopérative agricole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [I], de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Val de France, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 octobre 2019), par différents actes, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Val de France (la banque), a consenti à la société [I], entre le 9 août 2001 et le 26 mai 2010, des prêts et concours garantis chacun par un cautionnement solidaire de son gérant, M. [I]. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [I], qui lui a opposé la disproportion de ses engagements.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. [I] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque diverses sommes, alors :

« 1°/ que pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent tenir compte des perspectives de succès de l'opération ; que ne peut être pris en compte à ce titre la valeur des parts de la société cautionnée ; qu'en décidant le contraire pour prendre en considération la valeur des parts de la société dont M. [I] se portait caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

2°/ que pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent prendre en considération le compte-courant d'associé de la caution à l'encontre de la société cautionnée, dont la défaillance est de nature à provoquer tout à la fois la mise en oeuvre du cautionnement et la perte de cette créance ; qu'en décidant le contraire pour prendre en considération le compte-courant d'associé de l'exposant dans les livres de la société dont il se portait caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

3. Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement.

4. L'arrêt constate que, lors de l'engagement conclu le 3 juillet 2004, le patrimoine de M. [I] comportait un immeuble d'habitation acheté en 1988 150 000 euros, des bâtiments d'exploitation reçus en donation d'une valeur de 150 000 euros et 571 parts sociales de la société pour une valeur vénale de 94 186,45 euros, que lors de l'engagement souscrit par M. [I] le 3 novembre 2005, ce dernier disposait d'un patrimoine d'une valeur totale d'au moins 394 186,45 euros, auquel se sont ajoutés ses revenus déclarés en 2004 et la valeur de son compte courant d'associé dans la société débitrice principale à hauteur de 51 626 euros. Il relève encore que, lors de l'engagement du 30 novembre 2006, M. [I] détenait, au vu de la fiche de renseignements établie le même jour, un patrimoine évalué à 468 843,09 euros, comportant notamment le solde créditeur de son compte courant d'associé à hauteur de 117 331 euros. Il relève enfin, pour l'engagement du 26 mai 2010, que le patrimoine de la caution s'était accru et que son compte courant d'associé s'élevait à 94 324 euros. Ayant ainsi tenu compte à bon droit de la valeur des parts sociales détenues par la caution et de sa créance inscrite en compte courant, la cour d'appel a souverainement retenu que les engagements de M. [I] n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [I] et le condamne à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Val de France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [I].

Il est fait reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur [U] [I] à payer à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Val de France diverses sommes avec intérêts en sa qualité de caution au titre des différents prêts et convention de crédit accordés à l'Earl [I] ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur le caractère disproportionné des engagements de caution, il invoque le bénéfice de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, qui n'est applicable qu'aux contrats souscrits après le 1er août 2003 (Ch. Mixte, 22 sept. 2006). S'agissant de contrats destinés à financer une activité professionnelle ne pouvant de ce fait être soumis aux dispositions anciennes de l'article L.313-10 du code de la consommation qui préexistaient, c'est à bon droit que le Crédit Agricole soulève l'inapplication de ces dispositions aux engagements de caution garantissant les prêts des 9 août 2001 et 23 mai 2002. Selon le décompte de la créance non contesté par ailleurs, il reste dû: - au titre du prêt n°85838568801 du 9 août 2001 de 71.651,04€. une somme de 29.514,06€, avec intérêts au taux de 1,5% +5% à compter de l'assignation du 17 septembre 2014, - au titre du crédit global de trésorerie de 80 000 € accordé le 23 mai 2002, une somme de 89.25 5,41 €, avec intérêts au taux de 6,60% à compter de l'assignation du 17 septembre 2014. Les engagements de caution ultérieurs sont quant à eux bien soumis à l'article L.341-4 précité dans sa version applicable, qui dispose qu' un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifes-tement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle est appelée lui permette de faire face à son obligation.- le 3 juillet 2004, M. [I] s'est porté caution solidaire du remboursement d'un prêt agricole du même jour (n°77885531154) de 48.181 €, dans la limite de 62.635,30 € couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 12 ans. A cette époque, l'engagement total de caution de M. [I] s'élevait à la somme de 237.336,53 €, et il avait 2 prêts en cours pour 51 972€. Son patrimoine comprenait la maison achetée en 1988 150 000 €, les bâtiments d'exploitation reçus en donation d'une valeur de 150 000 €, 571 parts de l'Earl pour une valeur totale de 94 186,45 €. Dans le cas d'une caution mariée sous le régime de la communauté, la disproportion manifeste de l'engagement de caution s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans dis-tinction et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement du conjoint donné con-formément à l'article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier. C'est donc la valeur de l'immeuble commun qui doit être prise en considération (Ch. Com. 26 juin 2019). Au vu de son patrimoine d'une valeur totale d'au moins 394.186,45 € l'engagement de caution n'était pas disproportionné. Au titre de ce prêt, M. [I] en sa qualité de caution reste devoir la somme de 22.824,73 € avec intérêts au taux de 4,75%+5% à compter de l'assignation du 17 septembre 2014. - le 3 novembre 2005, il s'est porté caution solidaire du remboursement d'un prêt agricole du même jour (n'77890488125) de 30 000€, dans la limite de 39.000 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois. A cette époque, son patrimoine était identique, auquel il convient d'ajouter 29 837 € de revenus déclarés en 2004, et la valeur de son compte courant d'associé dans l'Earl de 51 626 €. Les engagements cautionnés étaient de 250.682 € , et son endettement personnel de 47 791 €, de sorte que ce nouvel engagement de caution n'était pas disproportionné. Au titre de ce prêt, M. [I] en sa qualité de caution reste devoir la somme de 6.098,76 € avec intérêts au taux de 3,15%+5% à compter de l'assignation du 17 sep-tembre 2014. - le 30 novembre 2006, il s'est porté caution solidaire du remboursement d'un prêt du même jour (n°77898582228) de 32.071 € dans la limite de 41.693,30 euros couvrant le paiement du principal des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois. A cette époque les encours professionnels étaient de 222.213 €, ses prêts personnels de 43.412,49 €, à quoi s'est ajoutée une ouverture de crédit de 80 000€. Soit un endettement total de 345.625,49 €. Son patrimoine mobilier et immobilier, au vu de la fiche de renseignement fournie le 30 novembre 2006, peut s'éva-luer à 468.843,09 €, ses revenus de l'année 2005 se sont élevés à 95.592 €, et son compte courant d'associé à 117.331 € de sorte que ce nouvel engagement de caution n'était pas disproportionné. Au titre de ce prêt, M. [I] en sa qualité de caution reste devoir la somme de 17.737,26 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 17 sep-tembre 2014. -le 26 mai 2010, il s'est porté caution solidaire du remboursement d'un prêt agricole du même jour (n°83334517317) de 8.400€, dans la limite de 10.920 euros cou-vrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois. Le même jour, il s'est porté caution solidaire du remboursement d'une convention de crédit global de trésorerie de 49 000 €, dans la limite de 63.700 € pour une durée de 36 mois. Le total de son engagement a donc été porté à la somme de 245.118,95 €, et son endettement personnel atteignait la somme de 103.016,34€, Son pa-trimoine au vu de la fiche de renseignements du 26 mai 2010, s'était agrémenté d'un appartement acquis l'année précédente pour une valeur de 84 000 €, et son compte cou-rant d'associé s'élevait à 94.324 E. Ces nouveaux engagements de caution n'étaient pas disproportionnés. Au titre du prêt n° 83334517317, M. [I] en sa qualité de caution reste devoir la somme de 8.718,47 € avec intérêts au taux de 4,21%+5% à compter de l'assignation du 17 septembre 2014, Enfin, au titre de la convention de crédit global de trésorerie, il reste devoir la somme de 63.700 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 17 septembre 2014. Le jugement sera par conséquent infirmé en toutes ses dispositions, et M. [I] condamné au paiement de ces sommes. L'intimé sera condamné aux entiers dépens, et l'équité commande d'allouer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Val de France la somme de 3000 € sur le fondement des dis-positions de l'article 700 du code de procédure civile. »

ALORS QUE 1°) pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent tenir compte des perspectives de succès de l'opération ; que ne peut être pris en compte à ce titre la valeur des parts de l'Eurl cautionnée ; qu'en décidant le contraire pour prendre en considération la valeur des parts de l'Earl dont Monsieur [I] se portait caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordon-nance du 14 mars 2016 ;

ALORS QUE 2°) pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent prendre en considération le compte-courant d'associé de la caution à l'encontre de la société cautionnée, dont la défaillance est de nature à provoquer tout à la fois la mise en oeuvre du cautionnement et la perte de cette créance ; qu'en décidant le contraire pour prendre en considération le compte-courant d'associé de l'exposant dans les livres de l'Earl dont il se portait caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-11848
Date de la décision : 24/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 nov. 2021, pourvoi n°20-11848


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11848
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