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24/11/2021 | FRANCE | N°19-21712

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 19-21712


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1317 F-D

Pourvoi n° T 19-21.712

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

La société Prospection et d'invention

s techniques, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-21.712 contre l'arrêt rend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1317 F-D

Pourvoi n° T 19-21.712

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

La société Prospection et d'inventions techniques, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-21.712 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [F] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [T] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Prospection et d'inventions techniques, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 juillet 2019), M. [T], engagé le 2 février 1981 par la société de Prospection et d'inventions techniques (la société SPIT), a été licencié pour motif économique le 18 juillet 2013 alors qu'il exerçait les fonctions de contrôleur de gestion.

2. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements, alors :

« 1°/ qu'en cas de contestation de l'ordre des licenciements, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est fondé pour arrêter son choix ; qu'en conséquence, si l'employeur ne peut ajouter d'autres critères à ceux prévus par la loi ou par un accord collectif, il peut, pour justifier la notation du critère des qualités professionnelles du salarié, se prévaloir de tout élément objectif susceptible d'éclairer le juge sur les qualités professionnelles du salarié ; que lorsqu'un accord collectif définit une grille d'évaluation des qualités professionnelles en fonction du type d'emploi occupé, l'employeur peut, sans ajouter d'autres critères à ceux prévus par l'accord, se prévaloir des entretiens d'évaluation et du taux d'atteinte des objectifs fixés pour justifier la notation des qualités professionnelles définies par cet accord ; qu'en l'espèce, l'accord collectif d'entreprise du 20 juin 2013 définit une grille d'évaluation des différents critères d'ordre des licenciements et distingue, s'agissant des qualités professionnelles, différents types de compétences propres à chacune des catégories professionnelles concernées ; que, pour démontrer le respect de cet accord, l'employeur produisait le tableau de notation des qualités professionnelles des quatre salariés appartenant à la catégorie des contrôleurs de gestion, dont il ressortait qu'elle avait appliqué la grille d'évaluation fixée par cet accord, et se prévalait des entretiens annuels d'évaluation des quatre contrôleurs de gestion et du taux d'atteinte de leurs objectifs individuels pour expliquer la note qu'elle leur avait attribuée au titre des qualités professionnelles ; qu'en considérant que l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements, dès lors que la liste des qualités professionnelles définies par l'accord d'entreprise ne comporte aucune condition relative à l'atteinte d'objectifs et que cette condition a été prise en compte pour l'évaluation des qualités professionnelles, la cour d'appel a opéré une confusion entre l'appréciation des qualités professionnelles et la justification de cette appréciation et violé l'article L. 1233-5 du code du travail, ensemble l'accord collectif du 20 juin 2013 ;

2°/ que, en toute hypothèse, en cas de contestation de l'ordre des licenciements, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est fondé pour arrêter son choix ; que si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 20 juin 2013 distingue, pour la notation des qualités professionnelles des salariés relevant de la catégorie des contrôleurs de gestion, quatre types de compétences ou qualités, notées chacune entre 0 et 2 ou 3 points ; que, pour justifier la note attribuée aux contrôleurs de gestion au titre de chacune de ces qualités professionnelles, l'employeur se prévalait de leurs entretiens annuels d'évaluation et du taux d'atteinte de leurs objectifs individuels ; qu'en s'abstenant de rechercher si, au regard des mentions de ces entretiens annuels et de l'atteinte des objectifs individuels du salarié, l'appréciation portée sur les différentes qualités professionnelles du salarié et des autres contrôleurs de gestion, telles que définies par l'accord du 20 juin 2013, n'était pas exclusive de toute erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail et de l'accord collectif du 20 juin 2013. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que l'employeur avait pris en compte, pour l'appréciation des qualités professionnelles, le taux d'atteinte des objectifs, alors que l'accord d'entreprise du 20 juin 2013 définissant les critères applicables dans l'entreprise à l'ordre des licenciements n'avait pas retenu cet élément pour apprécier les compétences des contrôleurs de gestion et de responsable qualité, la cour d'appel, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les critères d'ordre n'avaient pas été respectés.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne la société Prospection et d'inventions techniques aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Prospection et d'inventions techniques et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Prospection et d'inventions techniques

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société SPIT à payer à M. [T] la somme de 100.00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements ;

AUX MOTIFS QUE « Selon les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail applicable en l'espèce, dès lors que l'employeur procède à un licenciement pour motifs économiques, individuel ou collectif, il doit fixer des critères lui permettant d'établir l'ordre des licenciements afin de déterminer le ou les salariés à licencier. Ces critères prennent notamment en compte : 1º Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2º L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3º La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4º Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Les critères d'ordre sont appliqués dans le cadre de l'entreprise à l'ensemble des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés sauf si tous les emplois d'une même catégorie professionnelle sont supprimés. La notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s'applique l'ordre des licenciements ne se réduit pas à un emploi déterminé mais doit viser l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. M. [T] soutient que son licenciement a manifestement été prononcé en violation des règles relatives aux critères d'ordre compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de son âge et de ses difficultés de réinsertion, la SAS SPIT ayant appliqué le critère d'atteinte d'objectifs professionnels non explicité dans l'accord d'entreprise et ne faisant pas partie du critère des qualités professionnelles. La SAS SPIT fait valoir que si les critères légaux ont été pris en compte, le critère des qualités professionnelles a désigné M. [T] comme l'un des deux salariés devant être licencié car obtenant le moins de points, ses entretiens annuels d'évaluation justifiant qu'il faisait bien partie des deux collaborateurs les moins bien notés ainsi qu'en terme d'atteinte d'objectifs les deux années ayant précédé le licenciement. Il ressort de l'accord d'entreprise relatif aux critères d'ordre des licenciements présenté aux organisations représentatives du personnel en juin2013, la prise en compte des qualités professionnelles comme critère d'ordre en plus des critères par les dispositions susvisées. Toutefois il appert que dans la liste des qualités professionnelles analysées pour les emplois de contrôleur de gestion et de responsable qualité, aucune condition relative à l'atteinte d'objectifs n'est précisée alors qu'elle a effectivement été prise en compte pour l'évaluation des qualités professionnelles de M. [T]. Il y a lieu par conséquent de constater que les critères d'ordre n'ont manifestement pas été respectés par l'employeur. Il est de principe que l'employeur qui, dans le cadre d'un licenciement économique, ne respecte pas l'ordre des licenciements s'expose au paiement de dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi par le salarié, lequel peut aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi. Compte tenu de l'âge, de l'ancienneté, de la rémunération et du contexte professionnel et personnel de M. [T], de condamner La SAS SPIT à verser à M. [T] la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts à ce titre par voie de réformation » ;

1. ALORS QU' en cas de contestation de l'ordre des licenciements, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est fondé pour arrêter son choix ; qu'en conséquence, si l'employeur ne peut ajouter d'autres critères à ceux prévus par la loi ou par un accord collectif, il peut, pour justifier la notation du critère des qualités professionnelles du salarié, se prévaloir de tout élément objectif susceptible d'éclairer le juge sur les qualités professionnelles du salarié ; que lorsqu'un accord collectif définit une grille d'évaluation des qualités professionnelles en fonction du type d'emploi occupé, l'employeur peut, sans ajouter d'autres critères à ceux prévus par l'accord, se prévaloir des entretiens d'évaluation et du taux d'atteinte des objectifs fixés pour justifier la notation des qualités professionnelles définies par cet accord ; qu'en l'espèce, l'accord collectif d'entreprise du 20 juin 2013 définit une grille d'évaluation des différents critères d'ordre des licenciements et distingue, s'agissant des qualités professionnelles, différents types de compétences propres à chacune des catégories professionnelles concernées ; que, pour démontrer le respect de cet accord, la société SPIT produisait le tableau de notation des qualités professionnelles des quatre salariés appartenant à la catégorie des contrôleurs de gestion, dont il ressortait qu'elle avait appliqué la grille d'évaluation fixée par cet accord, et se prévalait des entretiens annuels d'évaluation des quatre contrôleurs de gestion et du taux d'atteinte de leurs objectifs individuels pour expliquer la note qu'elle leur avait attribuée au titre des qualités professionnelles ; qu'en considérant que la société SPIT n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements, dès lors que la liste des qualités professionnelles définies par l'accord d'entreprise ne comporte aucune condition relative à l'atteinte d'objectifs et que cette condition a été prise en compte pour l'évaluation des qualités professionnelles, la cour d'appel a opéré une confusion entre l'appréciation des qualités professionnelles et la justification de cette appréciation et violé l'article L. 1233-5 du code du travail, ensemble l'accord collectif du 20 juin 2013 ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en cas de contestation de l'ordre des licenciements, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est fondé pour arrêter son choix ; que si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 20 juin 2013 distingue, pour la notation des qualités professionnelles des salariés relevant de la catégorie des contrôleurs de gestion, quatre types de compétences ou qualités, notées chacune entre 0 et 2 ou 3 points ; que, pour justifier la note attribuée aux contrôleurs de gestion au titre de chacune de ces qualités professionnelles, la société SPIT se prévalait de leurs entretiens annuels d'évaluation et du taux d'atteinte de leurs objectifs individuels ; qu'en s'abstenant de rechercher si, au regard des mentions de ces entretiens annuels et de l'atteinte des objectifs individuels du salarié, l'appréciation portée sur les différentes qualités professionnelles de M. [T] et des autres contrôleurs de gestion, telles que définies par l'accord du 20 juin 2013, n'était pas exclusive de toute erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail et de l'accord collectif du 20 juin 2013.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 02 juillet 2019


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 24 nov. 2021, pourvoi n°19-21712

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Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 24/11/2021
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-21712
Numéro NOR : JURITEXT000044384730 ?
Numéro d'affaire : 19-21712
Numéro de décision : 52101317
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2021-11-24;19.21712 ?
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