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17/11/2021 | FRANCE | N°18-21775;18-21776;18-21777;18-21778;18-21780;18-21781;18-21782;18-21783;18-21784;18-21785;18-21786;18-21788

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 novembre 2021, 18-21775 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 novembre 2021

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1278 FS-D

Pourvois n°
R 18-21.775
à U 18-21.778
W 18-21.780
à C 18-21.786
et E 18-21.788

JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2

021

La société Alstom Power Systems, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Alstom Power Boilers, a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 novembre 2021

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1278 FS-D

Pourvois n°
R 18-21.775
à U 18-21.778
W 18-21.780
à C 18-21.786
et E 18-21.788

JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2021

La société Alstom Power Systems, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Alstom Power Boilers, a formé les pourvois n° R 18-21.775, S 18-21.776, T 18-21.777, U 18-21.778, W 18-21.780, X 18-21.781, Y 18-21.782, Z 18-21.783, A 18-21.784, B 18-21.785, C 18-21.786 et E 18-21.788 contre douze arrêts rendus le 29 juin 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [W] [U], domicilié [Adresse 10],

2°/ à M. [T] [O], domicilié [Adresse 14],

3°/ à M. [I] [J], domicilié [Adresse 8],

4°/ à M. [OP] [V], domicilié [Adresse 3],

5°/ à M. [E] [F], domicilié [Adresse 7],

6°/ à M. [C] [A], domicilié [Adresse 15],

7°/ à M. [Y] [R], domicilié [Adresse 1],

8°/ à M. [H] [B], domicilié [Adresse 9],

9°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 6],

10°/ à M. [G] [S], domicilié [Adresse 2],

11°/ à M. [M] [RE] [D], domicilié [Adresse 4],

12°/ à M. [G] [P] [GV], domicilié [Adresse 13],

13°/ à M. [X] [NB], domicilié [Adresse 12], pris en qualité de mandataire liquidateur de la S.I.E Société industrielle énergie, société par anonyme,

14°/ à l'AGS CGEA [Localité 16], dont le siège est [Adresse 11],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Alstom Power Systems, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U] et des onze autres salariés, de l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 18-21.775 à U 18-21.778, W 18-21.780 à C 18-21.786 et E 18-21788 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Alstom Power Systems du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre M. [NB], en qualité de mandataire liquidateur de la Société industrielle énergie (la société SI Energie) et l'AGS CGEA de [Localité 16].

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Douai, 29 uin 2018 ), la société Alstom Power Boilers, devenue Alstom Power Systems, a exploité jusqu'en mars 2001 un établissement de fabrication de chaudières industrielles implanté à [Localité 17].

4. Le 13 mars 2001, le fonds de commerce a été cédé à la société SI Energie. Par arrêté du 1er août 2001, l'établissement de [Localité 17] a été classé dans la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1956 à 1997, étendue à 2001 par arrêté du 7 avril 2006.

5. La société SI Energie a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 avril 2003.

6. M. [U] et onze autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société Alstom Power Systems au paiement de diverses sommes au titre de leur préjudice d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser à chacun des salariés une somme en réparation d'un préjudice d' anxiété et de le débouter de sa demande tendant à être mis hors de cause, alors :

« 1°/ que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la relation de travail qui liait les salariés à la société Alstom Power Boilers, aux droits de laquelle vient la société Alstom Power Systems, avait cessé avant l'année 2001, soit avant la cession de l'établissement de [Localité 17] le ''13 mars 2001'', elle même antérieure à l' ''arrêté en date du 1er août 2001'' ayant classé l'établissement dans la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA ; qu'il en résultait que le préjudice d'anxiété allégué n'était pas né lorsque les salariés ont quitté la société, en sorte qu'aucune demande ne pouvait être dirigée contre leur ancien employeur à ce titre ; qu'en retenant pourtant que la société Alstom Power Systems devait répondre de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; qu'en retenant que ''la responsabilité de la société appelante ne saurait être écartée'' dès lors que ''l'exposition à l'amiante, est survenue durant la relation de travail'', la cour d'appel a derechef violé l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8 . La cour d'appel, relevant que les contrats de travail des salariés avaient été rompus avant la cession le 13 mars 2001 par la société Alstom Power Boilers à la société SI Energie de l'établissement de [Localité 17] et que l'acte de cession ne comportait aucune disposition sur la prise en charge par le cessionnaire du préjudice consécutif à l'exposition à l'amiante des anciens salariés de l'établissement, a exactement retenu que la société Alstom Power Systems, venant aux droits de la société Alstom Power Boilers, devait répondre du préjudice d'anxiété subi par les salariés.

9. Constatant ensuite que les salariés avaient travaillé au sein d'un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par l'arrêté ministériel du 1er août 2001 modifié le 7 avril 2006 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et qu'ils se trouvaient, par le fait de leur employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel caractérisant ainsi un préjudice d'anxiété a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Alstom Power Systems aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom Power Systems et la condamne à payer aux douze salariés la somme globale de 3 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Alstom Power Systems, demanderesse aux pourvois n° R 18-21.775 à U 18-21.778, W 18-21.780 à C 18-21.786 et E 18-21788

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné la société Alstom Power Systems à verser aux salariés 8.000 euros en réparation du préjudice d'anxiété, et de l'avoir déboutée de sa demande tendant à être mise hors de cause ;

AUX MOTIFS QUE « le site de [Localité 17] correspond depuis 1956 au principal établissement de la société Stein Industrie ayant pour activité la fabrication de générateurs à vapeurs, d'équipements nucléaires, de chauffe de broyage, d'équipements pour l'industrie chimique et pétrochimique, le traitement de résidus urbains et industriels et les tuyauteries ; que selon les écritures de l'appelante, elle a été acquise par la société Alstom Atlantique devenue en 1989 GEC Alstom aux droits de laquelle est venue la société Alstom Power Boilers ; que cette dernière société a été absorbée par l'appelante le 31 mars 2009 ;

Que par arrêté en date du 1er août 2001 publié au journal officiel le 4 septembre 2001 modifiant la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, a été classé en annexe II l'établissement de la société Stein Industrie puis de la société GEC Alstom sis à [Localité 17] pour la période de 1956 à 1997 ; que le préjudice d'anxiété allégué par l'intimé est donc né à cette dernière date ;

Que cependant par acte en date du 13 mars 2001 le fonds de commerce comprenant les unités de fabrication composant l'établissement de [Localité 17] a été cédé par la société APB à la société SI Energie ; que l'intimé n'est pas devenu salarié de la société SI Energie par transfert de son contrat de travail, que la relation de travail qui le liait à la société Stein Industrie devenue Groupe Alstom Atlantique a cessé dès le [dates antérieures au 1er janvier 2001] ; qu'il ne peut être imposé à la société SI Energie de supporter les conséquences de la violation des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, en l'absence de rapports contractuels entre ce dernier et cette société, et alors que l'exposition du salarié à l'amiante ne peut être imputée qu'à la seule société appelante ; que si le préjudice d'anxiété s'analyse en une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie, affectant la santé mentale qui est une composante de la santé, la responsabilité de la société appelante ne saurait être écartée au seul motif que ledit préjudice n'est caractérisé qu'à la date à laquelle le salarié en a connaissance, soit en l'espèce postérieurement à la rupture du contrat de travail, alors qu'un des éléments de ce préjudice, qui en constitue la cause prépondérante, sans lequel, sans lequel il n'existerait pas, à savoir l'exposition à l'amiante, est survenue durant la relation de travail avec l'appelante et est imputable à la seule impéritie de cette dernière ;

Que par ailleurs l'acte de cession de fonds de commerce conclu le 13 mars 2001 entre la société Alstom Power Boilers et la société Industrielle Energie ne comporte aucune disposition sur la prise en charge du préjudice consécutif à l'exposition des anciens salariés à l'amiante ; qu'en particulier l'article VII relatif aux charges et conditions ne prévoit à la charge de l'acquéreur que la prise du fonds de commerce et des éléments qui le composent dans l'état où le tout se trouve au jour d'entrée en jouissance, soit le 19 mars 2001, l'obligation d'acquitter les impôts, contributions et autres charges auxquelles le fonds vendu pourra être assujetti, de payer par moitié les frais droits et taxes, de payer les coûts de significations à faire en vertu de l'article 1690 du code civil, de faire son affaire personnelle des commandes et des contrats passés par le vendeur, de souscrire toutes les polices d'assurance nécessaires, de continuer les différents abonnements souscrits et de satisfaire dès l'entrée en jouissance à toutes les charges de ville et de police ; que le protocole d'accord conclu le 15 mars 2001 entre la société Alstom Power Boilers et [Z] [N], dirigeant de la société SI Energie ne comporte non plus aucune disposition sur ce point et ne prévoit que l'attribution de la somme de 150 000 francs par la société Alstom Power Boilers à chaque salarié transféré au sein de la société Industrielle Energie ;

Que la société Alstom Power Systems, ayant absorbé la société Alstom Power Boilers qui venait aux droits de la société GEC Alstom, elle-même substituée dans les droits de la société Stein, doit donc répondre du préjudice subi par l'intimé ;
(...) » ;

1°/ ALORS QUE le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la relation de travail qui liait les salariés à la société Alstom Power Boilers, aux droits de laquelle vient la société Alstom Power Systems, avait cessé avant l'année 2001, soit avant la cession de l'établissement de [Localité 17] le « 13 mars 2001 », elle-même antérieure à l'« arrêté en date du 1er août 2001 » ayant classé l'établissement dans la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA ; qu'il en résultait que le préjudice d'anxiété allégué n'était pas né lorsque les salariés ont quitté la société, en sorte qu'aucune demande ne pouvait être dirigée contre leur ancien employeur à ce titre ; qu'en retenant pourtant que la société Alstom Power Systems devait répondre de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ ALORS QUE le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; qu'en retenant que « la responsabilité de la société appelante ne saurait être écartée » dès lors que « l'exposition à l'amiante, est survenue durant la relation de travail », la cour d'appel a derechef violé l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21775;18-21776;18-21777;18-21778;18-21780;18-21781;18-21782;18-21783;18-21784;18-21785;18-21786;18-21788
Date de la décision : 17/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 nov. 2021, pourvoi n°18-21775;18-21776;18-21777;18-21778;18-21780;18-21781;18-21782;18-21783;18-21784;18-21785;18-21786;18-21788


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.21775
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