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10/11/2021 | FRANCE | N°20-15017

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 novembre 2021, 20-15017


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 696 F-D

Pourvoi n° M 20-15.017

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ M. [M] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ M. [V] [L],

domicilié [Adresse 5],

3°/ M. [A] [O], domicilié [Adresse 4],

4°/ Mme [W] [B], épouse [X], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 20-15.0...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 696 F-D

Pourvoi n° M 20-15.017

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ M. [M] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ M. [V] [L], domicilié [Adresse 5],

3°/ M. [A] [O], domicilié [Adresse 4],

4°/ Mme [W] [B], épouse [X], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 20-15.017 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [D] [N], épouse [E], domiciliée [Adresse 7],

2°/ à M. [I] [U], domicilié [Adresse 3], venant aux droits de son père décédé [C] [U],

3°/ à M. [F] [U], domicilié [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MM. [G], [L], [O], et de Mme [B], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [N] et de MM. [U], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2020), Mme [N] et MM. [I] et [F] [U] (les consorts [U]) sont propriétaires indivis de biens immobiliers situés sur la commune de Rosières et ont souhaité les vendre comme terrains à construire.

2. Soutenant que M. [L], maire de la commune, M. [G], adjoint en charge de l'urbanisme, Mme [X], secrétaire de mairie en charge de l'urbanisme et M. [O], élu en charge des travaux et des routes, avaient volontairement et systématiquement dissuadé des acquéreurs potentiels de ces terrains de poursuivre leur projet et, ainsi commis, des fautes personnelles détachables de leurs fonctions, les consorts [U] les ont assignés devant la juridiction judiciaire en réparation de leur préjudice. Les défendeurs ont soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à neuvième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen pris en ses première à cinquième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen pris en ses sixième à neuvième branches, qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses dixième à treizième branches

Enoncé du moyen

4. M. [L], M. [G], M. [O], Mme [X] font grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, alors :

« 10°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché aux consorts [L], [G], [O] et [X] d'avoir évoqué, devant Mme [Z], les problèmes rencontrés par les consorts [U]-[E] avec de précédents acquéreurs de « lots » et d'avoir, pour cette raison, recommandé aux consorts [Z]-[P] de reporter leur achat sur un autre bien ; qu'en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que les consorts [L], [G], [O] et [X] soient attraits devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

11°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché à Mme [X] d'avoir souligné que « tous les habitants » étaient « en procès » avec M. [F] [U], que « les eaux pluviales et les eaux d'égout » se mélangeaient, que, de ce fait, les consorts [Z]-[P] ne seront « jamais branchés réglementairement » et devront payer « tous les mois des pénalités au Seba » et que « la desserte en eau potable » n'était « pas réglementaire » ; qu'en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que Mme [X] soit attraite devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient à l'évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

12°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. [L] d'avoir indiqué, lors de la réunion du 12 juillet 2017, qu'« il n'y avait que des problèmes » avec les terrains vendus par les consorts [U]-[E], ce qui expliquait que « ces terrains étaient en vente depuis 10 ans » et d'avoir dit qu'« il y avait d'autres terrains à vendre sur [Localité 9] aussi bien placés, viabilisés et moins chers » ; qu'en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que M. [L] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient à l'évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

13°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. [O] d'avoir dénigré, avec M. [G], les terrains des consorts [U]-[E] et M. [F] [U] au cours de la visite réalisée le 5 août 2017 et d'avoir communiqué les coordonnées des propriétaires des terrains visités ; qu'en jugeant que de tels agissements constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que M. [O] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ces agissements ne revêtaient à l'évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir rappelé que la faute personnelle détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité de l'agent public ou de l'élu devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle qui est commise avec une intention malveillante ou celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent ou l'élu dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci et avoir examiné les propos et le comportement attribués à chacun des membres de l'équipe municipale, la cour d'appel a constaté que ceux-ci ne s'étaient pas bornés à délivrer des informations objectives sur l'état des terrains litigieux, mais avaient dénigré ces terrains et la personne de M. [F] [U], qu'ils avaient incité fortement les acquéreurs potentiels à s'orienter vers d'autres terrains et que MM. [O] et [G] n'avaient pas hésité à se comporter comme des agents immobiliers en leur faisant visiter d'autres terrains qui n'étaient pas des terrains communaux.

6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit, que les faits invoqués étaient constitutifs d'une faute d'une particulière gravité révélant un comportement incompatible avec les fonctions d'élus et d'agents publics, de sorte que les juridictions judiciaires étaient compétentes pour connaître du litige.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. [L], [G], [O], et Mme [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour MM. [G], [O], [L] et Mme [X]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [G], M. [L], M. [O] et Mme [X],

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'agent public ou un élu, auteur d'une faute de service, est personnellement irresponsable, une telle faute engageant exclusivement la responsabilité de la personne publique ; que la responsabilité d'un agent public ou d'un élu ne peut, dès lors, être recherchée devant les juridictions judiciaires, que s'il a commis une faute personnelle détachable du service ; que dans le cas où la faute reprochée à l'agent public a été commise dans l'exercice de ses fonctions, il convient, pour déterminer si elle doit être qualifiée de faute personnelle, de considérer sa gravité et/ou les mobiles ayant animé son auteur, ces deux critères pouvant se combiner ; que la faute personnelle détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité de l'agent public ou de l'élu devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle qui est commise avec une intention malveillante ou celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; que pour statuer sur l'exception d'incompétence soulevée et sans préjuger sur le fond du droit, il convient d'examiner pour chacun des membres de l'équipe municipale si les propos et le comportement qui leur sont attribués constituent une faute personnelle détachable du service ; qu'il résulte de l'attestation circonstanciée de Mme [Z] qui avait contacté la mairie afin d'obtenir des renseignements d'urbanisme sur les terrains des consorts [U]-[E] ; que s'agissant de M. [G] : que selon Mme [Z] et M. [P], reçus en mairie le 12 juillet 2017 M. [G], premier adjoint au maire, leur aurait dit « n'achetez pas là.. c'est plein de problèmes », aurait qualifié M. [U] d' « artiste peu sérieux » ajoutant qu'« il ne fait pas les choses comme il faut » et les exhortant à « acheter ailleurs » ; que le 5 août 2017, M. [G] accompagné de M. [O] a utilisé un véhicule électrique de la mairie afin de faire visiter à Mme [Z] et M. [P] une dizaine de terrains à bâtir ; qu'au cours de cette visite, il aurait « dénigré' » avec M. [O] « les terrains " [U] " et la personne de M. [U] » et vanté les terrains proposés, communiquant les coordonnées des propriétaires de ces terrains ; que agissant de Mme [X] : secrétaire de mairie : dont il est établi qu'elle possède une propriété mitoyenne avec les terrains litigieux et que la canalisation des eaux usées en provenance du tènement des consorts [U]-[E] se greffe sur celui des époux [X], qu'elle était présente lors du rendez-vous à la mairie en date du 12 juillet 2005, sollicité par Mme [Z] ; qu'elle aurait indiqué avec les autres membres de l'équipe municipale présents dans le bureau, à savoir M. [L] ( le maire ) et M. [G] ( l'adjoint à l'urbanisme ) que « tous les habitants sont en procès avec lui... que les eaux pluviales et les eaux d'égout se mélangent, ce qui n'est pas normal. De ce fait vous ne serez jamais branchés réglementairement et paierez tous les mois des pénalités au Seba ? la desserte en eau potable n'est pas réglementaire » ; que s'agissant de M. [L] ( maire de la commune) présent lors du rendez-vous à la mairie sollicité par Mme [Z] et qui s'est déroulé le 12 juillet 2005 - aurait demandé à ses visiteurs « d'être discret, de ne rien dire des propos à M. [U] » ajoutant que sur ces terrains « il n'y avait que des problèmes » ce qui expliquait que « ces terrains étaient en vente depuis 10 ans » ; - aurait dit qu'il y avait d'autres terrains à vendre sur [Localité 9] aussi bien placés, viabilisés et moins chers ; que s'agissant de M. [O] ( conseiller élu en charge des travaux de réseaux ) : que lors de la visite du 5 août 2005, M. [O] qui avait pris place dans la voiture municipale conduite par M. [G], aurait dénigré avec ce dernier les terrains « [U] » et la personne de M. [U] et vanté les terrains proposés au cours de la visite, communiquant les coordonnées des propriétaires de ces terrains ; que les consorts [G], [L], [O] et [X] appartiennent à l'équipe municipale en charge de l'urbanisme ; qu'il n'est pas contesté que les faits qui leur sont reprochés ont été commis dans le cadre de leurs activités d'agent ou d'élus dans l'exercice de leurs fonctions dès lors que c'est à la demande de Mme [Z] qu'ils l'ont reçue dans les locaux de la mairie et ensuite lui ont fait visiter des terrains autres que ceux des consorts [U]-[E] ; qu'il importe de relever que la relation par Mme [Z] des propos tenus par chacun des membres de l'équipe municipale n'est pas formellement contestée ; qu'il apparaît que ces membres de l'équipe municipale ne se sont pas bornés à délivrer des informations objectives sur l'état des terrains des consorts [U]-[E] par rapport à la réglementation de l'urbanisme comme les y autorisait leur fonction, mais ont dénigré les terrains ainsi que la personne de M. [U] tant au cours de la réunion du 12 juillet 2005 à laquelle ont participé les consorts [G], [L], et [X] qu'au cours de la visite d'autres terrains en date du 5 août 2005, à laquelle ont participé M. [G] et [O] ; que de plus, tant par leur présence pendant tout le temps des réunions que par leur absence d'intervention dans les débats pour manifester leur divergence, ils ont implicitement approuvé et cautionné les propos tenus par les autres membres de l'équipe municipale ; qu'en outre, ils ont incité fortement les acquéreurs potentiels des terrains des consorts [U]-[E] à s'orienter vers d'autres terrains, n'hésitant pas en ce qui concerne M. [O] et M. [G] à se comporter comme de véritables agents immobiliers en faisant visiter avec un véhicule de la mairie ( outil du service ) d'autres terrains qui n'étaient pas des terrains communaux ; qu'un tel comportement exercé dans le cadre de leurs fonctions d'élus ou d'agent caractérise à l'évidence une faute d'une suffisante gravité pour justifier qu'ils soient attraits devant les juridictions judiciaires ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance déférée qui a retenu la compétence des juridictions judiciaires et rejeté l'exception d'incompétence soulevée ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE les consorts [U] ont fait assigner MM. [G], [L], [O] et Mme [X], en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de vendre des parcelles de terrain à construire leur appartenant, en raison du dénigrement systématique et injustifié pratiqué par ces derniers auprès de potentiels acquéreurs, à qui ils conseillent en outre d'acquérir d'autres terrains qu'ils leur font visiter sur le territoire de la commune ; que les défendeurs au principal ont saisi le juge de la mise en état pour lui demander de déclarer le tribunal incompétent, estimant que s'agissant d'une faute non détachable du service, c'est la juridiction administrative qui a vocation à être saisie de ce litige, ce que contestant les demandeurs au principal ; sur ce, que suivant l'article 771 du code de procédure civile : « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour : 1. Statuer sur les exceptions de procédure (?) » ; que par ailleurs, il est de principe constant que la faute détachable est celle qui, soit est inspirée par l'animosité ou l'intention de nuire, ou encore par un intérêt personnel, soit qui est d'une particulière gravité, telle qu'un agent même médiocre l'aurait évitée, ce qui est notamment le cas de manquements délibérés ; qu'en l'espèce, les demandeurs au principal visent expressément, dans leur assignation des informations mensongères délivrées en connaissance de cause aux personnes intéressées par l'acquisition de parcelles leur appartenant, ainsi que d'informations à caractère privé présentées arbitrairement comme, le tout accompagné d'un dénigrement systématique et gratuit ; que par ailleurs, ils indiquent que ce comportement est motivé par un ressentiment personnel à l'encontre de l'un des demandeurs au principal qui s'était, dans le passé, opposé publiquement et avec force à un projet municipal ; que les consorts [U] produisent plusieurs attestations d'acquéreurs potentiels qui corroborent de façon circonstanciée les manquements dénoncés, ainsi que des courriers relatifs au conflit ayant opposé l'un d'entre eux au maire de la commune relatif à un projet d'aménagement de l'espace public ; que c'est le juge du fond qui aura vocation à statuer définitivement sur la réalité des faits dénoncés, mais au regard des éléments précités, il n'est pas contestable que les faits dont est saisi le tribunal relèvent bien de la faute détachable du service ; qu'en conséquence, il convient de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par les défendeurs au principal ;

1) ALORS QUE les juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour statuer sur la réparation des conséquences dommageables de la faute commise par un agent public, hormis l'hypothèse où cette faute présente un caractère personnel et est détachable du service ; que la faute, quelle que soit sa gravité, commise par un agent public, dans l'exercice de ses fonctions et avec les moyens du service, n'est pas détachable de ses fonctions ; qu'en l'espèce, les consorts [G], [L], [O] et [X] faisaient valoir que la faute qui leur était imputée par les consorts [U]-[E] n'était pas détachable du service dès lors qu'elle avait été commise dans le cadre de leurs fonctions et avec les moyens du service ( locaux et véhicule municipaux ) ; qu'en jugeant que le comportement consorts [G], [L], [O] et [X] caractérisait une faute justifiant qu'ils soient attraits devant les juridictions judiciaires, quand il ressortait de ses propres constatations que les faits reprochés avaient été commis « dans le cadre de leurs activités d'agent ou d'élus dans l'exercice de leurs fonctions », que Mme [Z] avait été reçue dans les locaux de la mairie le 12 juillet 2017 et que la visite des terrains disponibles à la vente avait été réalisée à bord d'un véhicule de la mairie, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé la loi des 16 et 24 août 1790 ;

2) ALORS QUE le droit de chacun à un procès équitable implique le droit de voir sa cause jugée par un tribunal impartial chargé d'examiner l'ensemble des éléments versés aux débats de part et d'autre par les parties ; qu'une motivation par laquelle le juge, pour se prononcer sur la contestation dont il est saisi, fait systématiquement prévaloir les pièces versées par une partie, sans faire aucune référence à celles de l'autre partie, fait peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en l'espèce, les consorts [U]-[E] se prévalaient d'une attestation établie par Mme [Z], acquéreur potentiel, le 20 septembre 2017, pour démontrer l'existence d'un dénigrement de leurs terrains et de la personne de [F] [U] ; que de leur côté, M. [L], M. [G], M. [O] et Mme [X] produisaient de multiples pièces démontrant que les propos tenus, lors de la réunion du 12 juillet 2017 et de la visite du 5 août 2017, étaient objectivement justifiés et ne présentaient pas, pour cette raison, de caractère fautif ; que pour juger qu'ils avaient commis une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel s'est bornée à reprendre l'argumentation développée par les consorts [U]-[E] sur la base d'une attestation établie par Mme [Z], sans prendre en considération, fût-ce sommairement, les éléments de preuve contraires produits par les consorts [L], [G], [O] et [X], attestant du bien-fondé et de la légitimité des propos tenus ; qu'il en résulte que la cour d'appel, qui n'a pas sérieusement examiné les éléments de la cause, faisant ainsi peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction saisie, a violé l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au soutien de leurs prétentions, M. [L] et Mme [X] produisaient deux mises en demeure du SEBA ( pièces n° 37 et 38 ), démontrant que les propos tenus en présence de Mme [Z], acquéreur potentiel, concernant le non-respect des règles d'assainissement en raison d'un mélange des eaux pluviales avec les eaux usées, étaient objectivement justifiés ; qu'en jugeant que les membres de l'équipe municipale ne s'étaient pas bornés à délivrer des informations objectives sur l'état des terrains des consorts [U]-[E] par rapport à la réglementation de l'urbanisme comme les y autorisaient leurs fonctions, sans examiner ni même viser ces deux mises en demeure établissant le non-respect des règles d'assainissement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. [L] et Mme [X] produisait au soutien de leurs prétentions un procès-verbal de constat d'huissier du 1er juin 2018, démontrant que les propos tenus en présence de Mme [Z], acquéreur potentiel, concernant le non-respect des règles d'assainissement étaient objectivement justifiés ; qu'en jugeant que les membres de l'équipe municipale ne s'étaient pas bornés à délivrer des informations objectives sur l'état des terrains des consorts [U]-[E] par rapport à la réglementation de l'urbanisme comme les y autorisaient leurs fonctions, sans examiner ni même viser ce procès-verbal de constat d'huissier qui démontrait pourtant l'absence de raccordement individuel des terrains vendus au réseau public d'assainissement, en contradiction avec la réglementation applicable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. [L] et Mme [X] produisait au soutien de leurs prétentions une attestation de M. et Mme [S], démontrant que les propos tenus en présence de Mme [Z], acquéreur potentiel, concernant l'existence de contentieux, était objectivement justifiés ; qu'en jugeant que les membres de l'équipe municipale ne s'étaient pas bornés à délivrer des informations objectives sur l'état des terrains des consorts [U]-[E] par rapport à la réglementation de l'urbanisme comme les y autorisaient leurs fonctions, sans examiner ni même viser cette attestation qui démontrait l'existence d'un contentieux en cours entre M. et Mme [S] et les consorts [U]-[E], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE le seul fait pour un agent de public ou un élu de tenir des propos critiques à l'encontre d'un administré n'est pas en soi constitutif d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité personnelle ; qu'il n'en va autrement que lorsque ces critiques excèdent ce qui est normalement admissible au titre de la liberté d'expression ; qu'en l'espèce, il était reproché aux consorts [L], [G], [O] et [X] d'avoir évoqué, devant Mme [Z], les problèmes rencontrés par les consorts [U]-[E] avec de précédents acquéreurs de « lots » et d'avoir, pour cette raison, recommandé aux consorts [Z]-[P] de reporter leur achat sur un autre bien ; qu'en jugeant que de tels propos caractérisaient une faute personnelle et justifiaient que les consorts [L], [G], [O] et [X] soient attraits devant les juridictions judiciaires, quand ils correspondaient à des critiques n'excédant pas ce qui est admissible au regard de la liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

7) ALORS QUE le seul fait pour un agent de public ou un élu de tenir des propos critiques à l'encontre d'un administré n'est pas en soi constitutif d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité personnelle ; qu'il n'en va autrement que lorsque ces critiques excèdent ce qui est normalement admissible au titre de la liberté d'expression ; qu'en l'espèce, il était reproché à Mme [X], secrétaire de mairie en charge des questions d'urbanisme, d'avoir souligné, lors de la réunion du 12 juillet 2017, que « tous les habitants » étaient « en procès » avec Monsieur [F] [U], que « les eaux pluviales et les eaux d'égout » se mélangeaient, que, de ce fait, les consorts [Z]-[P] ne seront « jamais branchés réglementairement » et devront payer « tous les mois des pénalités au Seba » et que « la desserte en eau potable » n'était « pas réglementaire » ; qu'en jugeant que de tels propos caractérisaient une faute personnelle et justifiaient que Mme [X] soit attraite devant les juridictions judiciaires, quand ils correspondaient à des critiques n'excédant pas ce qui est admissible au regard de la liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

8) ALORS QUE le seul fait pour un agent de public ou un élu de tenir des propos critiques à l'encontre d'un administré n'est pas en soi constitutif d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité personnelle ; qu'il n'en va autrement que lorsque ces critiques excèdent ce qui est normalement admissible au titre de la liberté d'expression ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. [G], premier adjoint au maire chargé de l'urbanisme, d'avoir indiqué, lors de la réunion du 12 juillet 2017, que le tènement des consorts [U]-[E] était « plein de problèmes », d'avoir qualifié Monsieur [F] [U] d'« artiste peu sérieux », ajoutant qu'« il ne fait pas les choses comme il faut » et d'avoir en conséquence conseillé les consorts [Z]-[P] d'« acheter ailleurs », mais aussi d'avoir continué à dénigrer « les terrains [U] et la personne de M. [U] » au cours de la visite de terrains réalisée le 5 août 2017 avec un véhicule de la mairie ; qu'en jugeant que de tels propos caractérisaient une faute personnelle et justifiaient que M. [G] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ils correspondaient à des critiques n'excédant pas ce qui est admissible au regard de la liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

9) ALORS QUE le seul fait pour un agent de public ou un élu de tenir des propos critiques à l'encontre d'un administré n'est pas en soi constitutif d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité personnelle ; qu'il n'en va autrement que lorsque ces critiques excèdent ce qui est normalement admissible au titre de la liberté d'expression ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. [L], maire de la commune, d'avoir indiqué, lors de la réunion du 12 juillet 2017, qu' « il n'y avait que des problèmes » avec les terrains vendus par les consorts [U]-[E], ce qui expliquait que « ces terrains étaient en vente depuis 10 ans » et d'avoir dit qu'« il y avait d'autres terrains à vendre sur [Localité 9] aussi bien placés, viabilisés et moins chers » ; qu'en jugeant que de tels propos caractérisaient une faute personnelle et justifiaient que M. [G] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ils correspondaient à des critiques n'excédant pas ce qui est admissible au regard de la liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles 1240 et1241 du code civil, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

10) ALORS, en toute hypothèse, QUE la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché aux consorts [L], [G], [O] et [X] d'avoir évoqué, devant Mme [Z], les problèmes rencontrés par les consorts [U]-[E] avec de précédents acquéreurs de « lots » et d'avoir, pour cette raison, recommandé aux consorts [Z]-[P] de reporter leur achat sur un autre bien ; qu'en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que les consorts [L], [G], [O] et [X] soient attraits devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

11) ALORS QUE la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché à Mme [X] d'avoir souligné que « tous les habitants » étaient « en procès » avec M. [F] [U], que « les eaux pluviales et les eaux d'égout » se mélangeaient, que, de ce fait, les consorts [Z]-[P] ne seront « jamais branchés réglementairement » et devront payer « tous les mois des pénalités au Seba » et que « la desserte en eau potable » n'était « pas réglementaire » ; qu'en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que Mme [X] soit attraite devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient à l'évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

12) ALORS QUE la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. [L] d'avoir indiqué, lors de la réunion du 12 juillet 2017, qu'« il n'y avait que des problèmes » avec les terrains vendus par les consorts [U]-[E], ce qui expliquait que « ces terrains étaient en vente depuis 10 ans » et d'avoir dit qu'« il y avait d'autres terrains à vendre sur [Localité 9] aussi bien placés, viabilisés et moins chers » ; qu'en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que M. [L] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient à l'évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

13) ALORS QUE la faute détachable du service, seule susceptible d'engager la responsabilité d'un agent public devant les juridictions de l'ordre judiciaire, est celle d'une gravité telle que, lorsqu'elle est commise par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. [O] d'avoir dénigré, avec M. [G], les terrains des consorts [U]-[E] et M. [F] [U] au cours de la visite réalisée le 5 août 2017 et d'avoir communiqué les coordonnées des propriétaires des terrains visités ; qu'en jugeant que de tels agissements constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que M. [O] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ces agissements ne revêtaient à l'évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-15017
Date de la décision : 10/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 06 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 nov. 2021, pourvoi n°20-15017


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15017
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