LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 novembre 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1200 F-D
Pourvoi n° U 20-16.059
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [V] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16/11/20.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021
La société SSP Méditerranée, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° U 20-16.059 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [V] [P], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SSP Méditerranée, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, M. Desplan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 05 février 2020), M. [P] a été engagé par la société SSP Méditerranée (la société) en qualité d'agent de prévention et de sécurité, aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée successifs à compter du 1er juillet 2009 jusqu'au 30 juin 2012.
2.Les parties ont conclu une transaction le 5 juillet 2012.
3.Contestant la validité de la transaction, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 28 mars 2013.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le protocole transactionnel nul de plein droit et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée, alors :
« 1° / que les juges du fond ne peuvent pas méconnaître l'objet du litige, tel qu'il s'évince des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, le salarié ne demandait la nullité de la transaction qu'en raison d'un vice du consentement et d'une absence d'objet eu égard au faible montant des sommes allouées par rapport à l'ensemble des heures de travail effectuées, et ne se prévalait nullement, au soutien de sa demande de nullité, d'une contestation née ou à naître, à l'époque de la conclusion l'acte, tirée d'une succession ininterrompue de CDD et d'un engagement pris par l'employeur le 2 février 2012 d'embaucher M. [P] par CDI à l'issue de son CDD ; qu'en se fondant pourtant sur de tels éléments pour conclure au caractère dérisoire de la contrepartie consentie par l'employeur, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ en toute hypothèse que l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des deux parties au moment de la signature de la transaction ; qu'en l'espèce, lors de la signature de l'acte le salarié n'avait aucunement argué d'une contestation relative à la requalification de la relation contractuelle, en conséquence d'une succession ininterrompue de CDD et d'un engagement pris par l'employeur le 2 février 2012 d'embaucher M. [P] par CDI à l'issue de son CDD, mais avait seulement prétendu ne pas avoir été rémunéré intégralement pour l'ensemble des heures de travail effectuées lors de ses différents contrats de travail ; que dès lors, en appréciant l'existence de concessions réciproques en considération d'éléments qui ne correspondaient nullement aux prétentions des parties lors de la signature de l'acte, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;
3°/ que pour déterminer si les concessions réciproques sont réelles, le juge ne peut, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve ; qu'en l'espèce, pour affirmer que les concessions de l'employeur n'auraient pas été suffisantes, la cour d'appel a relevé que l'employeur avait conclu plusieurs contrats de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité de façon ininterrompue et qu'il avait mis fin à la relation de travail le 30 juin 2012 après s'être engagée le 2 février 2012 à embaucher le salarié dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en tranchant ainsi le litige relatif à la rupture de la relation de travail que la transaction avait pour objet de clore, en se livrant à un examen des éléments de fait et de preuve, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;
4°/que l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des deux parties au moment de la signature de la transaction ; qu'en l'espèce, pour stigmatiser le caractère dérisoire de la somme payée par l'employeur au titre de la transaction, la cour d'appel, par motifs éventuellement adoptés, s'est bornée à relever que le salarié prétendait que l'employeur lui devait a minima la somme de 4 341,54 euros nets sur l'ensemble des mois sur lesquels il avait effectué des heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans prendre en compte les prétentions de l'employeur, qui soutenait ne devoir aucune somme, étant en outre rappelé que les sommes finalement allouées au salarié au titre des heures travaillées ont été inférieures au montant de 500 euros prévu par la transaction, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
5.Le salarié ayant sollicité la confirmation du jugement qui avait prononcé l'annulation de la transaction au motif que l'indemnité stipulée était d'un montant dérisoire, c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel, après avoir écarté l'existence d'un vice du consentement, a annulé la transaction en raison du caractère dérisoire de la concession de l'employeur.
6.Ayant par ailleurs relevé, par motifs propres et adoptés, qu'après avoir employé le salarié selon plusieurs contrats à durée déterminée successifs ininterrompus pour accroissement temporaire d'activité, l'employeur s'était engagé unilatéralement le 2 février 2012 à l'embaucher par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012, qu'à l'issue du nouveau contrat à durée déterminée conclu à cette date, les parties avaient conclu une transaction aux termes de laquelle le salarié s'estimait rempli de ses droits relatifs à l'exécution et la rupture de tous les contrats de travail à durée déterminée dont il reconnaissait le bien-fondé et la régularité, et renonçait notamment à contester la qualification de ces contrats, moyennant le versement de la somme de 500 euros, la cour d'appel a pu décider que la somme stipulée en contrepartie de cette renonciation était manifestement dérisoire.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SSP Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SSP Méditerranée et la condamne à payer à la SCP Rousseau et Tapie la somme de 3 000 euros à charge pour elle de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société SSP Méditerranée
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 septembre 2015 en ce qu'il avait dit et jugé que le protocole transactionnel était nul de plein droit, d'AVOIR en conséquence requalifié les CDD en CDI depuis le 1er juillet 2009, dit que la promesse d'embauche valait embauche et que le licenciement était irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société SSP Méditerranée à verser au salarié les sommes de 65 euros à titre de rappel de salaire portant sur le bénéfice des repos compensateurs pour travail de nuit, sur les indemnités de travail les jours fériés, sur la majoration pour travail le dimanche, 6,50 euros au titre des congés payés afférents, 405 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 40,50euros au titre des congés payés afférents, 1 471 euros à titre d'indemnité de requalification, 3 061 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 306,10 euros au titre des congés payés afférents, 9 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR ordonné à la société SSP Méditerranée de remettre à M. [P] les documents sociaux de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés conformément à l'arrêt, d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié du jour de la rupture de la relation de travail au jour de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités et d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens ainsi qu'à verser au salarié la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la demande aux fins de nullité du protocole transactionnel Si au soutien du vice de consentement qu'il allègue le salarié invoque à la fois la disparité des concessions réciproques et les pressions qu'aurait exercées sur lui l'employeur, la seule attestation de Monsieur [O] selon laquelle il aurait accompagné Monsieur [P] à un rendez-vous à l'occasion duquel le gérant l'aurait invité à sortir des locaux en l'insultant ne suffit pas à rapporter la preuve de la réalité des pressions alléguées par monsieur [P]. En revanche, il est constant qu'après avoir employé le salarié selon plusieurs contrats à durée déterminée successifs ininterrompus pour accroissement temporaire d'activité l'employeur s'engageait unilatéralement le 2 février 2012 à embaucher Monsieur [P] par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012. Le 5 juillet 2012 Monsieur [V] [P] signait un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel moyennant le versement d'une indemnité transactionnelle globale forfaitaire et définitive de 500 € il donnait quittance à l'EURL SSP Méditerranée de la perception de toutes les rémunérations et accessoires de salaire, indemnités de congés payés, primes et indemnités de toute nature dont indemnités de frais kilométriques à lui revenir dans le cadre de l'exécution et de la cessation des contrats de travail. Aux termes du même protocole les parties renonçaient réciproquement à toute procédure judiciaire qui pourrait naître des contrats de travail les ayant liés et à contester leur qualification, les conditions de leur exécution comme de leur rupture. Chacune des parties s'interdisant de remettre en cause le protocole en justice et d'engager toute action judiciaire. Dès le 6 juillet 2012 Monsieur [V] [P] adressait un courrier à l'employeur afin de contester la transaction intervenue. Tenant à la fois le terme mis à la relation de travail à compter du 30 juin 2012 en suite de la succession ininterrompue de contrats à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité rappelée ci-avant, et l'engagement pris par l'employeur le 2 février 2012 d'embaucher monsieur [P] par contrat à durée indéterminée à l'issue de son CDD, il existait manifestement une contestation née ou à naître et le paiement par l'employeur d'une somme de 500 € ayant dans ces conditions pour objet de clore toute contestation afférente à la relation de travail et à sa rupture était dérisoire. Aussi convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nul le protocole transactionnel du 5 juillet 2012 »,
ET AUX MOTIFS partiellement ADOPTES QUE « Sur la validité du protocole d'accord transactionnel Attendu l'article L. 1231-4 du Code du Travail dans son alinéa 19 qui dispose que " le juge \doit rechercher en quoi il y a eu, de la part des parties, concessions réciproques.... "
Attendu l'article 2044 du Code Civil qui dispose que : "La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat est rédigé par écrit....Cependant U n'y a pas transaction lorsqu'une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu'elle est pratiquement inexistante..."
Qu'en l'espèce, au jour de la signature du protocole d'accord relatif au paiement des heures supplémentaires, L'EURL SSP MEDITERRANEE ne proposait qu'une somme dérisoire de 500 €. Qu'en effet, par courrier du 16 juillet 2012, Monsieur [P] relevait que son employeur, depuis juillet 2009, lui devait au minima 4.341,54 € nets sur l'ensemble des mois sur lesquels il avait effectué des heures supplémentaires et proposait une transaction en présence d'une personne neutre. Que la transaction signée le 5 juillet 2012 a en outre été dénoncée le jour même par le salarié qui évoque une pression de la part de trois personnes présentes dans les locaux et ayant une attitude agressive à son égard. Que la jurisprudence évoque qu'est nulle la transaction dont l'indemnité transactionnelle est d'un montant dérisoire (Cass.Soc. du 18 mai 1999 N° 223). En conséquence le Conseil dit et juge que cette transaction est nulle de plein droit »,
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas méconnaître l'objet du litige, tel qu'il s'évince des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, le salarié ne demandait la nullité de la transaction qu'en raison d'un vice du consentement et d'une absence d'objet eu égard au faible montant des sommes allouées par rapport à l'ensemble des heures de travail effectuées, et ne se prévalait nullement, au soutien de sa demande de nullité, d'une contestation née ou à naître, à l'époque de la conclusion l'acte, tirée d'une succession ininterrompue de CDD et d'un engagement pris par l'employeur le 2 février 2012 d'embaucher M. [P] par CDI à l'issue de son CDD ; qu'en se fondant pourtant sur de tels éléments pour conclure au caractère dérisoire de la contrepartie consentie par l'employeur, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
2°) ALORS en toute hypothèse QUE l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des deux parties au moment de la signature de la transaction ; qu'en l'espèce, lors de la signature de l'acte le salarié n'avait aucunement argué d'une contestation relative à la requalification de la relation contractuelle, en conséquence d'une succession ininterrompue de CDD et d'un engagement pris par l'employeur le 2 février 2012 d'embaucher M. [P] par CDI à l'issue de son CDD, mais avait seulement prétendu ne pas avoir été rémunéré intégralement pour l'ensemble des heures de travail effectuées lors de ses différents contrats de travail ; que dès lors, en appréciant l'existence de concessions réciproques en considération d'éléments qui ne correspondaient nullement aux prétentions des parties lors de la signature de l'acte, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause.
3°) ALORS, en tout état de cause QUE pour déterminer si les concessions réciproques sont réelles, le juge ne peut, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve ; qu'en l'espèce, pour affirmer que les concessions de l'employeur n'auraient pas été suffisantes, la cour d'appel a relevé que l'employeur avait conclu plusieurs contrats de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité de façon ininterrompue et qu'il avait mis fin à la relation de travail le 30 juin 2012 après s'être engagée le 2 février 2012 à embaucher le salarié dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en tranchant ainsi le litige relatif à la rupture de la relation de travail que la transaction avait pour objet de clore, en se livrant à un examen des éléments de fait et de preuve, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause.
4°) ALORS QUE l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des deux parties au moment de la signature de la transaction ; qu'en l'espèce, pour stigmatiser le caractère dérisoire de la somme payée par l'employeur au titre de la transaction, la cour d'appel, par motifs éventuellement adoptés, s'est bornée à relever que le salarié prétendait que l'employeur lui devait a minima la somme de 4 341,54 € nets sur l'ensemble des mois sur lesquels il avait effectué des heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans prendre en compte les prétentions de l'employeur, qui soutenait ne devoir aucune somme, étant en outre rappelé que les sommes finalement allouées au salarié au titre des heures travaillées ont été inférieures au montant de 500 € prévu par la transaction, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause.